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04/04/2024 | FRANCE | N°20/01521

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 04 avril 2024, 20/01521


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 04 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01521 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORU4

Auquel est joint le N° RG 21/06459 



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 MARS 2020
r>CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F18/00796





APPELANTE :



Madame [N] [B]

née le 02 Décembre 1962 à [Localité 3]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 04 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01521 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORU4

Auquel est joint le N° RG 21/06459 

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 MARS 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F18/00796

APPELANTE :

Madame [N] [B]

née le 02 Décembre 1962 à [Localité 3]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Domiciliée [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Jean-Jacques MARCE de la SCP MARCE ANDRIEU CARAMEL, avocat au barreau de NIMES, substitué par Me Yasmin TAYOUNAT , avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseillère

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [B] a été engagée en qualité d'employée commerciale con'rmée, niveau 2, échelon A, selon contrat à durée indéterminée en date du 16 juin 2008 à temps partiel à raison de 30 heures hebdomadaires. A compter du ler février 2016, elle va passer à un horaire hebdomadaire de 36 heures, en qualité de responsable, niveau 3, échelon B. Sa rémunération mensuelle 'xe s'élevait à la somme de 1 675,85 €.

Le 1er juillet 2016, Mme [B] est désignée en qualité de représentante syndicale CGT au Comité d'entreprise de l'établissement.

Suite à un arrêt de travail du mois de décembre 2016, elle bénéficiait à compter de 15 février 2017 d'une reprise à temps partiel dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, de 18 heures par semaine, le médecin du travail faisant état d'une contre-indication aux manutentions lourdes et aux efforts effectués bras en l'air au-dessus du plan des épaules.''.

A compter du 21 décembre 2017, Mme [B] est reconnue en qualité de travailleur handicapé.

Le 9 février 2018 le médecin du travail dans le cadre de la visite de reprise rend l'avis suivant: « inapte à la reprise de son poste. Pourrait être reclassée en dehors de l'étab1issement à un poste à temps partiel (24 heures hebdomadaires maximum) de type administratif ou tout poste respectant les contre-indications suivantes : port de charge limité à 5 kgs maximum, contre-indication aux mouvements répétitifs des membres supérieurs et aux postures « bras en l'air'' au-dessus du plan des épaules ''.

Le 28 mars 2018, les délégués du personnel donnaient un avis positif concernant le licenciement pour inaptitude de Mme [B].

Le 29 mars 2018, la société Distribution Casino France informait Mme [B] de l'impossibilité de procéder à son reclassement, et par courrier du 30 mars 2018, la convoquait à un entretien préalable prévu le 11 avril 2018. Le 14 avril 2018 le licenciement de Mme [B] lui était notifié.

Le 30 juillet 2018, Mme [B] a saisi le Conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de voir son licenciement déclaré nul ou à tout le moins le moins sans cause réelle et sérieuse, et la société Géant casino condamnée au paiement des sommes suivantes :

- 30 000 € au titre de la requali'cation du licenciement ;

- 5 027,55 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 502,75 € au

titre des congés payés y afférent ;

- 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 4 mars 2020 le conseil de prud'hommes a :

Dit que la SAS Distribution Casino France n'est pas responsable de l'inaptitude de Mme [B] ;

Dit que la SAS Distribution Casino France a respecté ses obligations au niveau des recherches de reclassement ;

Dit que le licenciement de Mme [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes ;

Débouté la SAS Distribution Casino France de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

**

Mme [B] a interjeté appel de ce jugement le 16 mars 2020. Ce dossier a été enrôlé sous le numéro RG 20/1521. Mme [B] a interjeté un second appel le 5 novembre 2021. Ce dossier a été enrôlé sous le numéro RG 21/6459.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 11 juillet 2023 Mme [B] demande à la cour :

De réformer le jugement ;

De constater que son inaptitude est due au comportement de son employeur ;

De constater que la société Distribution Casino France n'a mis en 'uvre aucune mesure pour la reclasser en tant que travailleur handicapée ;

De requalifier son licenciement en licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

De condamner la société Distribution Casino France au paiement des sommes suivantes :

- 30 000 € au titre de la requali'cation du licenciement ;

- 5 027,55 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 502,75 € au

titre des congés payés y afférent ;

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

**

La société Distribution Casino France dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 25 avril 2022 demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle n'est pas responsable de l'inaptitude de Mme [B] et qu'elle a respecté ses obligations au niveau de la recherche de reclassement, dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Mme [B] de toutes ses demandes. Elle sollicite la condamnation de Mme [B] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

**

Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée dans les deux dossiers par ordonnances du 27 décembre 2023 fixant la date d'audience au 12 février 2024.

MOTIFS :

Il y a lieu de joindre dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice le dossier RG 21/21/06459 au dossier RG 20/01521.

Sur le comportement de l'employeur :

Mme [B] dans la partie III des motifs de ses conclusions demande à la cour de requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude est due à l'acharnement déployé par son employeur à compter de sa désignation en qualité de représentante du personnel. Elle soutient que M. [Z] l'a harcelée notamment en l'évaluant le jour de sa reprise à mi-temps thérapeutique le 15 février 2017 et en l'agressant verbalement le 25 octobre 2017 et que l'employeur n'a pas donné de crédit à ses alertes (courriers du 19 février puis du 7 mars 2018) relativement au comportement agressif et inapproprié de son supérieur hiérarchique. Elle fait référence à des faits de harcèlement moral qui se seraient déroulés à compter de sa désignation en qualité de déléguée syndicale.

L'article L 1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L 1152-1, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient donc au juge pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d'apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [B] produit aux débats son entretien d'évaluation du 15 février 2017, elle justifie donc bien que le jour de son retour en mi-temps thérapeutique elle a fait l'objet d'une évaluation. Par contre Mme [B] ne produit aucune pièce justifiant de ce qu'elle a été agressée verbalement par son supérieur hiérarchique M. [Z] le 25 octobre 2017. Elle ne justifie donc pas d'une absence de réaction de son employeur face à un comportement inadapté. Un seul fait matériel est donc justifié par la salariée.

Mme [B] produit aux débats la notification de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2022, l'attribution d'une pension d'invalidité à compter du 1er décembre 2017 et un certificat médical du docteur [Y] psychiatre qui déclare le 31 janvier 2018 avoir vu Mme [B] pour un épisode dépressif.

Ces éléments pris dans leur ensemble ne permettent pas de présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible d'altérer la santé physique ou mentale de Mme [B].

Mme [B] ne produit aucune pièce médicale justifiant que son inaptitude reconnue le 9 février 2018 par le médecin du travail est en lien avec le comportement de son employeur, elle sera déboutée de sa demande aux fins de voir son licenciement pour inaptitude déclaré nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse de ce chef, le jugement sera confirmé.

Sur l'obligation de reclassement :

L'article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que :

« Le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situés sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. ».

Mme [B] soutient que la société Distribution Casino France n'a pas respecté cette obligation, qu'il n'est pas justifié de l'absence de tâches administratives au niveau de l'établissement et de ce que tous les établissements ont été consultés, que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article L.5213-1 du code du travail et n'a pas considéré sa situation particulière, ni la protection supplémentaire dont elle pouvait bénéficier en sa qualité de travailleur handicapée.

La société Distribution Casino France répond que dès qu'elle a reçu l'avis d'inaptitude, elle a mis en place une recherche de reclassement eu égard aux préconisations du médecin du travail savoir prohibition de tout poste entraînant le port de charges ou des mouvements des membres supérieurs répétitifs, qu'elle a offert à sa salariée de suivre un module destiné à favoriser son reclassement sur un poste administratif, ce que Mme [B] a refusé, qu'elle a adressé à toutes les personnes en charge du recrutement des établissements du groupe casino une demande de reclassement, mais que toutes les réponses ont été négatives, que le fait qu'il existe des salariés administratifs sur le site de Celleneuve ne démontre pas l'existence d'un poste disponible.

La société Distribution Casino France produit aux débats le courrier qu'elle a adressé à Mme [B] le 16 février 2018 dans lequel elle propose un rendez-vous le 23 février 2018 et la possibilité de suivre un module en « e learning », le courrier du 27 février dans lequel elle prend note du souhait de la salariée de ne pas se déplacer et donc l'annulation du rendez-vous mais maintient la proposition de ré-entrainement au travail, le courrier en réponse du 7 mars 2018 de Mme [B] qui demande des explications plus précises sur le kit de « e learning », son courrier en réponse du 15 mars 2018, ce qui démontre qu'elle a bien informé la salariée sur la possibilité de formation. Elle produit les courriels des responsables ressources humaines des différents établissements du groupe casino qui font état de l'absence de poste disponible.

Dès lors que l'avis du médecin du travail préconisait un reclassement hors de l'établissement, les démarches de la société Distribution Casino France correspondent à une recherche sérieuse et loyale de reclassement, eu égard aux restrictions médicales, le jugement sera confirmé en ce chef.

Mme [B] soutient in fine de ses conclusions, sous le paragraphe relatif à l'obligation de reclassement que son licenciement serait nul pour non respect des dispositions de l'article L.5213-6 du code du travail.

Le jugement après avoir rappelé les dispositions de l'article précité a dit que Mme [B] a été reconnue en tant que travailleur handicapé le 21 décembre 2017, qu'elle était absente de l'entreprise depuis le 25 octobre 2017 et n'a jamais repris son emploi, qu'elle ne peut prétendre avoir subi une discrimination à ce titre étant absente sur cette période, que l'obligation de conserver le travailleur handicapé dans son emploi est tributaire de la possibilité pour ce dernier de pouvoir exécuter une prestation de travail, que l'inaptitude prononcée n'a pas permis de reclasser la salariée et que le statut de travailleur handicapé ne prive pas la société Distribution Casino France du pouvoir licencier sa salariée suite à l'impossibilité de la reclasser, qu'il n'est démontré aucun lien de cause à effet entre le statut de travailleur handicapé et le motif du licenciement, a considéré que le licenciement n'est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse.

Il n'est soutenu en cause d'appel aucun moyen ou argument de nature à remettre en cause cette motivation, par conséquent le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de voir son licenciement déclaré nul ou à tout de le moins sans cause réelle et sérieuse et de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre.

Sur l'indemnité de préavis :

L'article L.1226-4 précise qu'en cas de licenciement suite à une inaptitude, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Par dérogation à l'article L.1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande.

Sur les autres demandes :

Mme [B] qui succombe en son appel sera tenue aux dépens, sans qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Ordonne la jonction du dossier RG 21/06459 au dossier RG 20/01521 ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 4 mars 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil ;

Condamne Mme [B] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01521
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;20.01521 ?
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