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02/04/2024 | FRANCE | N°23/03851

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 02 avril 2024, 23/03851


ARRÊT n°















































Grosse + copie

délivrées le

à



































5e chambre civile



ARRÊT DU 02 avril 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/03851 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P47T



Décision

déférée à la Cour : Jugement du 27 JUIN 2023

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BEZIERS

N° RG23/00008





APPELANT :



Monsieur [Z] [C]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Non comparant

Représenté par Me Christine AUCHE-HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



S.A.S....

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

5e chambre civile

ARRÊT DU 02 avril 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/03851 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P47T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUIN 2023

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BEZIERS

N° RG23/00008

APPELANT :

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Non comparant

Représenté par Me Christine AUCHE-HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. [Adresse 7]

[Adresse 7] [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée sur l'audience par sa gérante, Madame [Y] [B]-[M] et assistée par Me Hélène BRAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la Cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. [N] GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRÊT :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Mme Sylvie SABATON, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat du 16 août 2014, Mme [Y] [B] a donné à bail rural à M. [Z] [C] pour une durée de neuf ans diverses parcelles de terre situées sur la commune de [Localité 9] [Adresse 7] pour une superficie de 9 hectares 41.

Le bail a été modifié par les parties qui l'ont converti en un contrat de métayage conclu le 3 janvier 2019 entre la SAS [Adresse 7], présidée par Mme [Y] [B], et M. [C] sur les parcelles BE [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 1] [Adresse 8] » à [Localité 9] pour une superficie de 4ha 28 a 51 ca plantées majoritairement en AOP Picpoul de Pinet.

Par requête du 25 octobre 2021, la SAS [Adresse 7] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu le 3 janvier 2019 aux torts du preneur à qui il était reproché un mauvais entretien des parcelles de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et de le voir condamner au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts.

Par jugement avant dire-droit du 17 juin 2022, cette juridiction a ordonné une expertise confiée à [N] [P] qui a déposé son rapport le 1er mars 2023.

Le jugement rendu le 27 juin 2023 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers a :

Prononcé aux torts exclusifs de M. [Z] [C] la résiliation du bail à ferme consenti par acte sous seing privé du 3 janvier 2019 par la SAS [Adresse 7] sur les parcelles BE [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 1] [Adresse 8] » à [Localité 9] pour une superficie de 4ha 28 a 51 ca ;

Autorisé M. [Z] [C] à réaliser la vendange 2023 ;

Ordonné en conséquence au preneur de laisser les biens loués libres de toute occupation à compter du 30 septembre 2023 ;

Dit qu'à défaut il pourra être procédé à son expulsion et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

Condamné M. [Z] [C] à payer à la SAS [Adresse 7] les sommes suivantes :

24.300 euros HT soit 29.160 euros TTC au titre de la perte en capital ;

6.524 euros au titre du manque de production pour les 4 années à venir des parcelles en terrasse et de la parcelle BE [Cadastre 5] ;

18.096 euros au titre des loyers du métayage non payés pour les années 2019, 2021, 2022 et 2023 ;

742 euros au titre de la participation à l'impôt foncier pour les 4 années écoulées ;

2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Débouté M. [Z] [C] de sa demande de requalification du contrat conclu le 3 janvier 2019 en bail à ferme ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Le tribunal a prononcé la résiliation du bail aux torts du preneur en se référant expressément au rapport d'expertise judiciaire. Il a ainsi retenu un défaut d'entretien manifeste des parcelles qui présentent des signes de dégradations évidents, notamment liés à un arrosage insuffisant et un défaut de travail de la terre, qui sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds excluant à cet égard l'existence de raisons sérieuses et légitimes invoquées par M. [C].

Le tribunal a en effet considéré que la maladie dont se prévaut le preneur ne le place pas dans l'impossibilité d'assurer une bonne exploitation des terres. Il souligne que l'exploitation de parcelles placées dans la même catégorie (Picpoul bio) par M. [C], autres que celles données à bail par la SAS [Adresse 7], ont présenté un rendement bien supérieur mettant ainsi en évidence la pleine capacité de ce dernier à assurer la bonne exploitation du fonds.

La juridiction a par ailleurs fait droit à la demande de délai présentée par M. [C] pour libérer les lieux, sur le constat que celui-ci a poursuivi l'exploitation des parcelles et pris en charge les frais en découlant pour une récolte durant les vendanges 2023.

Le tribunal a par contre rejeté la demande en requalification du bail à métayage en bail à ferme considérant que la volonté des parties était clairement exprimée dans le contrat signé le 3 janvier 2019 puis l'écrit de M. [C] du 9 mars 2020. Il a également relevé que le contrat prévoyait une répartition des dépenses et de charges ainsi qu'un partage des produits des récoltes respectant la règle du tiercement énoncée à l'article L 417-3 du code rural.

En considération de la résiliation du contrat aux torts de M. [C] et du rejet de la requalification du bail, le tribunal a arrêté plusieurs indemnités réclamées par la SA [Adresse 7] telles qu'elles résultent du rapport d'expertise, pour prendre en compte la perte en capital sur les plantations, les loyers du métayage non payés, la perte de revenus après replantation et complantation, ainsi que les impôts fonciers.

M. [Z] [C] a relevé appel du jugement en toutes ses dispositions par déclaration au greffe du 24 juillet 2023.

Les dernières écritures pour l'appelant ont été déposées le 22 janvier 2024.

Les dernières écritures pour l'intimé, ont été déposées le 8 novembre 2023.

Le dispositif des écritures de M. [C] énonce :

Réformant la décision querellée :

- Requalifier le bail conclu le 3 janvier 2019 en bail à ferme ;

- Fixer le prix du bail en application de l'article L411-11 du code rural à la somme annuelle de 3.262 euros ;

- Limiter le montant de l'arriéré locatif dû par M. [C] à la somme de 9.562 euros outre 742 euros au titre des taxes foncières ;

- Limiter le montant des condamnations prononcées au titre de la perte en capital sur les plantations à la somme de 24.300 euros ;

- Débouter la SAS [Adresse 7] de demande afférente aux quantités de bouteilles non livrées ;

- Débouter la SAS [Adresse 7] de sa demande en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi au titre du manque de production pour les quatre années à venir et limiter le montant des condamnations à la somme de 2.772 euros ;

- Condamner la SAS [Adresse 7] au paiement de la somme de 19.689,18 euros en remboursement d'un trop-perçu au titre de l'exécution forcée de la décision rendue en première instance, avec intérêt au taux légal à compter du 22 septembre 2023 ;

- Débouter la SAS [Adresse 7] de toute demande plus ample ou contraire ;

- La condamner à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

S'agissant de la demande en requalification, M. [C] fait valoir que le tribunal a commis une erreur d'analyse en faisant abstraction d'une jurisprudence constante de la cour de cassation applicable au cas d'espèce, qui exige deux critères cumulatifs pour retenir la qualification de bail en métayage à savoir le partage dans les mêmes proportions des produits et des charges, peu importe la qualification donnée par les parties.

Il soutient que sur ce point, la juridiction a commis une erreur d'appréciation dès lors que les dépenses ne sont pas partagées dans les mêmes proportions que les produits. Il ajoute que le bail litigieux ne prévoit aucune clause spécifique énonçant le partage des dépenses dans les mêmes proportions que les produits se limitant en effet à préciser des charges qui ne sont que la stricte application d'obligations énoncées dans le code rural sans plus de spécificités telles que l'obligation du bailleur à assurer la qualité et la permanence des plantations, les grosses réparations.

M. [C] indique enfin que les frais de replantation revendiqués pour un montant de 50.798 euros ne sont pas des dépenses d'exploitation si bien que le bailleur ne peut s'en prévaloir pour justifier d'une participation dans des proportions largement supérieures à celle du partage des fruits.

Ainsi, faute pour le contrat de prévoir dans les mêmes proportions un partage des dépenses et des produits, la requalification s'impose à la cour.

Sur les demandes indemnitaires, et plus particulièrement la perte en capital, M [C] soutient que le tribunal ne pouvait le condamner à verser une somme augmentée de la TVA car cela revient à indemniser la SAS [Adresse 7] au-delà de son préjudice puisqu'en qualité de société commerciale, elle est habilitée à la récupérer. Il est seulement redevable de la somme de 24.300 euros.

Sur la perte de revenu locatif, il ne conteste pas la décision en ce qu'elle a mis à sa charge deux années de loyer mais relève que les parcelles devant être arrachées et replantées ne concernent que 1,65 ha pour une valeur locative de 840 euros/ha.

S'agissant des loyers impayés, il demande que le calcul se fasse sur la base du prix du bail qu'il appartient à la cour de fixer consécutivement à la requalification du bail. Il reprend pour ce faire le calcul du fermage effectué par l'expert sauf à retrancher le fermage 2018-2019 en présence de l'avenant signé le 3 janvier 2019 indiquant que les comptes entre les parties sont soldés pour la période antérieure.

Il ajoute que la requalification du bail invite au rejet de la demande afférente aux quantités de bouteilles prétendument livrées.

Il réclame enfin la condamnation de l'intimée à lui rembourser les sommes indument versées en exécution de la décision déférée.

Le dispositif des écritures de la SAS [Adresse 7] énonce :

Au visa des articles L 411-1 et L 323-14 du code rural et de la pêche maritime,

-Confirmer le jugement du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Béziers du 27 juin 2023 dans toutes ses dispositions,

-Débouter Monsieur [Z] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-Condamner Monsieur [Z] [C] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

S'agissant de la requalification du bail, outre la volonté expresse des parties de conclure un bail de métayage après avoir été liées par un bail à ferme, l'intimée soutient que les conditions posées par l'article L417-1 du code rural et de la pêche maritime sont réunies puisque la part de fruits de l'exploitation revenant à la SAS [Adresse 7] s'élève au quart des récoltes.

Elle ajoute que le preneur a conservé la direction de l'exploitation, a supporté les frais de main d'oeuvre alors que les investissements ont été payés par le bailleur, ce qui est conforme au code rural.

En réponse au moyen exposé par l'appelant, la SAS fait valoir que l'élément, selon lequel la répartition des charges et le partage des produits interviennent dans les mêmes proportions, n'est qu'un moyen de preuve de l'existence d'un bail à métayage en l'absence de contrat écrit. Selon l'intimée, les jurisprudences évoquées par M. [C] ne sont pas applicables au cas d'espèce, et elle ajoute que la loi n'impose nullement une telle obligation.

Elle fait valoir encore que le preneur n'a jamais demandé au bailleur une participation aux charges d'exploitation bien que dans les faits, celle-ci ait été largement supérieure au partage des fruits puisque la SAS [Adresse 7] a financé l'intégralité des coûts de plantation des vignes ainsi que l'amenée d'arrivée d'eau, sans qu'elle n'ait jamais reçu le quart des récoltes.

Elle ajoute pour finir que les frais d'exploitation ne sont pas justifiés par l'appelant au moyen de documents comptables si bien que la preuve en matière de partage des produits et des frais d'exploitation n'est nullement rapportée.

Sur les demandes indemnitaires, la SAS [Adresse 7] se réfère au rapport d'expertise judiciaire.

Elle soutient que la rentabilité du fonds est amoindrie du fait d'un défaut d'entretien fautif du fermier, et que la perte de capital n'est pas contestable. Elle ajoute que les vignes ne satisfont plus aux règles du cahier des charges de l'AOP Picpoul de Pinet et enfin que le preneur n'a payé qu'une seule fois le loyer prévu au bail. Elle revendique ainsi l'existence de trois postes de préjudices liés à la remise en état des vignes, à la perte de production de vins d'AOP Picpoul de Pinet, et une perte liée à l'absence de partage des récoltes.

Sur ce, l'intimée indique que la perte en capital est une indemnisation qui n'est pas assujettie à la TVA de telle sorte que le montant doit être fixé à la somme de 29.160 euros et non 24.300 euros comme soutenu par M. [C].

Sur la perte de revenus, la SAS [Adresse 7] conteste la position de l'appelant en raison du rejet de la demande en requalification exposant de manière subsidiaire, qu'à supposer la requalification du bail accueillie, elle s'y oppose car M. [C] se réfère à une valeur de fermage en 2018-2019 et non sur la période 2022-2023.

Sur la dette de loyers, la SAS [Adresse 7] la conteste pour les mêmes raisons tout en indiquant que le loyer est dû pour l'année culturale 2018-2019. Elle ajoute que par la signature d'un nouveau bail en 2019, elle n'a pas entendu renoncer au paiement des loyers dus.

DECISION

A titre liminaire, il sera indiqué que la cour n'est pas saisie de la résiliation aux torts du preneur du bail litigieux en sorte que les moyens repris par l'intimée dans ses conclusions sur l'existence d'un défaut d'entretien et d'une mauvaise exploitation des parcelles de nature à compromettre l'exploitation du fonds ne seront pas examinés.

1/ Sur la demande en requalification :

Selon l'article L417-1 du code rural et de la pêche maritime, le bail à métayage est le contrat par lequel un bien rural est donné à bail à un preneur qui s'engage à le cultiver sous la condition d'en partager les produits avec le bailleur.

Une jurisprudence constante considère cette définition incomplète indiquant que la qualification d'un bail à métayage suppose la réunion de deux autres conditions, autres que celles énoncées à l'article susvisé, à savoir d'une part la gestion de l'exploitation directe et effective par le seul preneur et d'autre part un partage des produits avec participation aux charges (civ 3ème. 16 décembre 1992 n°91-10.921).

Cette position ne peut donc être sérieusement critiquée par la SAS [Adresse 7] qui ne peut revendiquer l'application stricte du texte susvisé et soutenir que les règles exposées par l'appelant sont uniquement applicables en l'absence d'écrit.

Il appartient ainsi au juge du fond de déterminer la nature des contrats et au besoin de leur restituer leur véritable caractère.

Les parties sont en conflit sur la prise en charge des dépenses et leur partage.

S'agissant du partage des produits, la règle est celle du tiercement avec 1/3 destiné au bailleur et les 2/3 au preneur. Quant au partage des dépenses, en application des règles du statut du fermage, le bailleur doit prendre en charge un certain nombre de dépenses à savoir l'assurance incendie des bâtiments loués, les grosses réparations et l'impôt foncier.

La cour de cassation a dit que les dépenses devaient être partagées dans la même proportion que les produits selon la règle du tiercement (3ème civ. 17 juillet 1969). Dans un arrêt du 25 novembre 2008, la troisième chambre a réaffirmé que la participation du bailleur aux frais d'exploitation doit se faire dans les mêmes proportions que les produits en retenant « qu'à défaut de partage en proportion égale aux produits perçus par le bailleur, ici du quart, des charges d'exploitation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur un élément de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu en déduire, sans dénaturation et sans ajouter une condition à la loi, qu'il devait recevoir la qualification de bail à fermage ».

Dans un arrêt du 9 septembre 2014, la cour de cassation a approuvé la cour d'appel d'Orléans qui a jugé qu'il appartenait au bailleur de démontrer que la règle relative à la prise en charge des dépenses était respectée bien que la demande en requalification du bail à métayage en bail à ferme émanât du preneur dans la mesure où il résultait clairement du bail litigieux que la répartition des charges entre les parties ne s'appliquait pas dans la même proportion que le partage de la récolte. Il appartenait donc au bailleur de rapporter la preuve contraire.

Au cas d'espèce, les parties ont signé un bail à métayage le 3 janvier 2019 portant sur les parcelles BE n°[Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 1] pour une contenance de 4 ha 28 a 51 ca. dans lequel elles ont défini les charges de chacune comme suit:

le preneur devra payer chaque trimestre au bailleur le métayage en nature correspondant à ¿ de la production des parcelles vinifiée, embouteillée et livrée à l'adresse du bailleur ;

le bailleur devra assumer le coût de toute replantation devenue nécessaire en raison du vieillissement de toute plantation située sur les terres louées et prendre à sa charge les grosses réparations, les primes d'assurance contre l'incendie des bâtiments destinés à l'exploitation et à l'habitation.

Plus spécifiquement, au titre de la répartition des charges, les parties ont convenu que « les impôts fonciers sont à la charge exclusive du bailleur et que le preneur remboursera au bailleur les impôts et taxes afférents aux biens loués dans les proportions suivantes : 50% de l'imposition pour frais de chambre d'agriculture, 20% de la taxe foncière des propriétés bâties et non bâties ainsi que 8% du montant de l'impôt foncier remboursé au propriétaire et participation aux frais de rôles ».

Il est encore dit que « l'assurance contre l'incendie des lieux affermés est à la charge du bailleur mais le preneur devra assurer contre l'incendie à une compagnie solvable, son mobilier, le matériel de culture, les récoltes ainsi que les risques locatifs. Les primes d'assurance grêle sont supportés par les deux parties dans la même proportion que le partage des produits ».

S'agissant du partage des fruits de l'exploitation, il est dit que « le bailleur aura droit au quart des récoltes (en nature vinifié et embouteillées par le fermier, livré au bailleur), le quart du bailleur étant pris sur l'AOC Picpoul tandis que le preneur aura droit aux trois quarts des récoltes ».

Les parties ont enfin rajouté un paragraphe intitulé « répartition des dépenses » dans lequel elles prévoient que « le preneur conservera à sa charge les frais de main d''uvre, sauf ce qui sera dit ci-après, et les frais d'entretien des biens loués tels que les réparations locatives, le remplacement des fils, piquets manquants, plants de vignes isolés. Il devra également, à ses frais, souscrire une assurance incendie concernant ses meubles et objets personnels et le risque locatif et de voisinage. Il assumera seul toutes les cotisations et impositions afférentes au personnel qu'il emploiera.

Le bailleur conservera à sa charge les grosses réparations, les replantations ainsi qu'il a été dit, les primes d'assurance incendies des bâtiments pour le risque « propriétaire » et les impôts fonciers ».

En l'occurrence, les parties ont prévu un partage des produits correspondant au quart des récoltes au profit du bailleur respectant ainsi la règle du tiercement.

Le bail prévoit également un partage des dépenses et des charges mais sans énoncer la proportion sauf en ce qui concerne le coût de l'assurance grêle supportés par les deux parties dans la même proportion que le partage des produits.

Ceci étant, la lecture du contrat de fermage ne révèle pas avec l'évidence requise pour justifier un renversement de la charge de la preuve, que la répartition des charges entre les parties ne s'applique pas dans la même proportion que le partage de la récolte de telle sorte qu'il appartient au preneur, qui réclame la requalification du bail, de rapporter la preuve contraire.

S'agissant des charges d'exploitation, le bail litigieux prévoit que le bailleur supporte les impôts fonciers avec une participation du preneur s'agissant des impôts et taxes afférents aux biens loués selon des proportions variables en fonction de la dépense (50%, 20%, 8%). La SAS [Adresse 7] supporte également l'assurance contre l'incendie des lieux affermés sauf les primes d'assurance grêle supportées par les deux parties dans la même proportion que le partage des produits. La SAS [Adresse 7] assume enfin les charges incombant à tout bailleur par la prise en charge des grosses réparations, le coût des replantations ce dont il justifie par le paiement d'une somme de 50.798 euros correspondant aux frais de replantation.

M. [C] ne caractérise pas l'insuffisance du partage des charges d'exploitation au regard des recettes et le non-respect de la règle de proportion.

Il s'ensuit qu'il sera débouté de la demande en requalification du bail faute de preuve.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en requalification.

2/ Sur les sommes réclamées par la SAS [Adresse 7] :

Selon le rapport d'expertise, le défaut d'entretien des parcelles plantées en vigne a entraîné divers préjudices subis par la SAS [Adresse 7] qui est en droit d'en réclamer l'indemnisation et qui résultent d'un manque à gagner sur les loyers non payés par le preneur suite aux pertes de récolte, ainsi que d'une perte en capital équivalente aux frais de remise en état et replantation des vignes (parcelles BE [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 1]).

Sur l'arriéré de loyers :

Le premier juge a condamné M. [C] au paiement d'une somme de 18.096 euros au titre des loyers du métayage non payés pour les années 2019, 2021 et 2022 se référant expressément à l'appréciation donnée par l'expert judiciaire qui propose de raisonner sur une production en vrac avec un paiement en hectolitres conformément à l'usage, mais également en considération de ce que le loyer dû pour l'année 2020 a été soldé par la livraison de 1.200 bouteilles.

L'expert propose ainsi de retenir des recettes annuelles de 27.540 euros pour 3,80 ha dont un quart revient au bailleur soit un loyer de 6.894 euros avec réduction d'un quart correspondant aux dépenses soit un loyer de 6.032 euros annuel.

La demande en requalification étant rejetée, l'appelant n'excipe d'aucune critique justifiant de nature à remettre en cause l'analyse proposée par l'expert et retenu par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Il conteste néanmoins être redevable d'une somme au titre du fermage 2018-2019 du fait de la signature du contrat de fermage du 3 janvier 2019 aux termes duquel les parties ont convenu que les comptes étaient soldés entre elles pour la période antérieure.

Ce moyen n'est cependant pas opérant puisque le loyer retenu court pour l'année 2019 et ne saurait être concerné par un acte couvrant la période antérieure.

Pour finir, l'appelant ne contestant pas être redevable de la somme de 742 euros au titre des taxes foncières, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la perte en capital :

Cette indemnité couvre la perte en capital qui équivaut aux frais de remise en état ou de replantation des vignes qui ont été financées initialement par le bailleur, l'expert ayant en effet retenu la nécessité de replanter totalement les 65 ares de terrasses ainsi que la totalité de la parcelle BE [Cadastre 5] en présence d'un taux de manquants supérieur à 20% sur la quasi-totalité des surfaces et d'au moins 15% sur les 28 ares de la parcelle BE [Cadastre 5], mais également relevant la complantation de la parcelle BE [Cadastre 4] avec un taux de manquants de 14%.

Selon l'expertise, la replantation concerne donc 1 ha 64 76 (terrasses et BE [Cadastre 5]) soit un coût de 21.203,90 euros HT (arrachage, enlèvement paillage, nouvelle préparation de terrain ; remplacement des pieds ; frais de main d''uvre plantation ; coût du palissage et fournitures ; main d''uvre palissage) ; les frais de complantation de la parcelle BE [Cadastre 4] sont arrêtés à la somme de 3.145 euros HT comprenant la fourniture des plants, les frais de main d''uvre et la perte de revenus pour 3 ans.

L'expert propose ainsi une indemnité d'un montant de 24.300 euros HT retenue par la juridiction paritaire qui a en effet fixé le préjudice à la somme de 29.160 euros TTC.

M. [C] critique la fixation de l'indemnité en tenant compte de la valeur TTC alors que la SAS [Adresse 7], soumise au régime de la TVA et comme telle habilitée à récupérer les sommes qu'elle décaisse à ce titre, sera indemnisée au-delà de son préjudice.

Il n'est pas contestable que la SAS [Adresse 7] est comme toute société en mesure de bénéficier du mécanisme de récupération de la TVA ce qui conduit la cour, saisie de la fixation d'un préjudice matériel d'une personne soumise à TVA, de fixer la condamnation au montant hors taxe afin d'éviter que l'intimée soit indemnisée au-delà de son préjudice (c.cass 1 chbre civ. 4 juin 1966, n°94-12.049).

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la perte de revenus :

En premier instance, le bailleur se prévalait d'une perte de revenus sur la parcelle BE [Cadastre 4] concernée par la complantation ainsi que les terrasses et la parcelle BE [Cadastre 5] devant être plantées en totalité, qui n'entreront pas en production avant un délai déterminé. En appel, il réclame la confirmation du jugement déféré.

En l'état, l'expert judiciaire n'a pas retenu de perte de revenus pour les parcelles BE [Cadastre 5] ainsi que les terrasses considérant que l'absence de recettes pendant les trois premières années se trouve compensée plus tard dans le temps puisque la plantation produit pendant la même durée soit 5, 30, 35 ans ou plus.

S'agissant de la parcelle BE [Cadastre 4], la perte de revenus correspond à la perte de fermage pendant trois années.

Le tribunal paritaire a arrêté le montant de ce préjudice à la somme de 6.524 euros soit un fermage d'un montant de 3.262 euros pendant deux années comme le sollicitait M. [C] dans ses écritures.

En appel, M. [C] ne conteste pas la durée d'indemnisation, soit les deux années de loyer, mais revendique une valeur locative de 840 euros /ha pour une superficie de 1,65 ha considérant que la perte de revenu locatif n'est pas totale.

S'il est en effet justifié d'un loyer de 840 euros par ha, la parcelle BE [Cadastre 4] représente une superficie de 2,19 ha.

Il en résulte une perte de revenus de 3.679,20 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

3/ Sur les demandes accessoires :

Le jugement entrepris sera également confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

L'équité commande de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner M. [C] à payer à la société intimée une somme de 2.500 euros.

M. [C], qui succombe partiellement, sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant par arrêt rendu contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 27 juin 2023 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers, sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] [C] à payer à la SAS [Adresse 7] les sommes de :

24.300 euros HT soit 29.160 euros TTC au titre de la perte en capital,

6.524 euros au titre du manque de production pour les 4 années à venir des parcelles en terrasse et de la parcelle BE [Cadastre 5] ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [Z] [C] à payer à la SAS [Adresse 7] les sommes de :

24.300 euros au titre de la perte en capital,

3.679,20 euros au titre de la perte de revenus,

Condamne M. [Z] [C] à payer à la SAS [Adresse 7] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [C] aux entiers dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/03851
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;23.03851 ?
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