ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 28 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/03649 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P4TE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 JUIN 2023
JUGE DE L'EXECUTION DE MONTPELLIER N° RG 22/15247
APPELANTE :
S.A.S. EOS FRANCE anciennement EOS CREDIREC et venant aux droits de la société DIAC, société par actions simplifiée au capital de 18 300 000 € inscrite au RCS de Paris sous le n° B 488 825 217 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis
[Adresse 2]
Représentée par Me GARRIGUE substituant Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [X] [I]
né le 10 Janvier 1958 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me COSSERON substituant Me Nicolas GANGLOFF, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 12 Février 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Madame Fanny COTTE, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
EXPOSE DU LITIGE :
Le 13 juillet 2022, la SAS Eos France (ex EOS Credirec), venant aux droits de la SA Diac a fait pratiquer, sur les comptes ouverts au nom de M. [X] [I] une saisie-attribution entre les mains de la CRCAM du Languedoc pour obtenir paiement de la somme globale de 11 279, 35 euros en principal, intérêts et frais et ce, en exécution d'une ordonnance d'injonction de payer en date du 27 janvier 2005 rendue par le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge à la requête de la SA Diac et revêtue de la formule exécutoire le 24 mars 2005.
Cette saisie-attribution a été dénoncée le 20 juillet 2022 à M. [X] [I].
Par acte d'huissier du 8 août 2022, M. [X] [I] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir ordonner la mainlevée de cette saisie-attribution en raison de la prescription de l'exécution du titre.
Par jugement du 19 juin 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montpellier a :
- déclaré nul et de nul effet l'acte de signification du commandement aux fins de saisie-vente du 15 juin 2018,
- en conséquence, constaté la prescription de l'exécution du titre exécutoire,
- en conséquence, annulé la saisie-attribution pratiquée le 13 juillet 2022 par la société Eos France à l'encontre de M. [X] [I] entre les mains de la CRCAM du Languedoc,
- ordonné sa mainlevée,
- condamné la société Eos France à payer à M. [I] la somme de 2 000,00 € à titre de dommages-intéréts pour abus de saisie,
- condamné la société Eos France à payer à M. [X] [I] la somme de 2 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Eos France aux entiers dépens.
Ce jugement a été notifié à la SAS Eos France par le greffe du juge de l'exécution par lettre recommandée avec demande d'avis de réception revenu signé le 30 juin 2023.
La SAS Eos France a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour par la voie électronique le 13 juillet 2023.
Par conclusions signifiées par la voie électronique le 3 octobre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SAS Eos France demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
'' déclaré nul et de nul effet l'acte de signification du commandement aux fins de saisie-vente du 15 juin 2018,
'' constaté la prescription de l'exécution du titre exécutoire,
'' annulé la saisie-attribution pratiquée le 13 juillet 2022 par la société Eos France à l'encontre de M. [X] [I] entre les mains de la CRCAM du Languedoc,
'' ordonné sa mainlevée,
'' condamné la société Eos France à payer à M. [X] [I] la somme de 2000,00 € a titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
'' condamné la société Eos France à payer à M. [X] [I] la somme de 2000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
'' condamné la société Eos France aux entiers dépens,
- Statuant à nouveau,
'' débouter M. [X] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et pretentions,
'' condamner M. [X] [I] à payer à la société Eos France la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procedure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 3 octobre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [X] [I] demande à la Cour :
- confirmer le jugement rendu le 19 juin 2023 par le juge de l'exécution de Montpellier
- débouter la société Eos France de l'intégralité de ses demandes plus amples ou contraires.
- condamner la société EOS France au paiement de la somme de 2200 € supplémentaires au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIVATION
Aux termes de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Par ailleurs, en application de l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut pour en obtenir le paiement saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant que une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
En l'espèce, le titre fondant la saisie-attribution du 13 juillet 2022 a été obtenue par la SA Diac à l'encontre de M. [X] [I]. Il n'est pas contesté, cependant, par l'intimé et il est justifié par les pièces produites que la SA Eos France vient au droit de la SA Diac en vertu d'une cession de créances intervenue le 7 mars 2014.
M. [I] soulève la prescription de l'exécution du titre exécutoire en application de l'article L 114-4 du code des procédures civiles d'exécution aux motifs que l'exécution de la décision rendue le 7 janvier 2005 ne pouvant être poursuivie au delà du 19 juin 2018, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu. A cet égard, il fait valoir que le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 15 juin 2018 selon procès-verbal de recherches infructueuses est nul alors qu'il a toujours résidé à l'adresse indiquée sur cet acte, ainsi qu'il en justife et qu'il produit des pièces contredisant les diligences effectuées par l'huissier de justice et qui sont donc insuffisantes. Il sollicite la communication de l'original de l'acte produit seulement en copie et conteste son authenticité, s'agissant certainement d'un faux. Il ajoute avoir bien subi un préjudice résultant de cette irréguralité alors que la société Eos France ne justifie pas d'un courrier recommandé qui lui aurait été envoyé par l'huissier et que si ce dernier avait fait diligences, il aurait pu prendre contact avec ce dernier afin d'arrêter le cours des intérêts et éviter une procédure de saisie sur son compte.
La société Eos France soutient que l'exécution du titre en cause n'est pas prescrite, le commandement de saisie-vente du 15 juin 2018 ayant interrompu la prescription et que l'huissier de justice a accompli les diligences nécessaires l'ayant conduit à établir un procès-verbal de recherches infructueuses à l'adresse indiquée, constituant le dernier domicile connu de M. [I], cet acte faisant foi jusqu'à inscription de faux conformément à l'article 1371 du code civil, règle que le premier juge a violé en déclarant nulle cette mesure d'exécution. Elle ajoute que M. [I] n'a subi aucun grief dès lors qu'il a dûment réceptionné le courrier recommandé qui lui a été envoyé conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile et qu'il a donc pu prendre connaissance du commandement.
Aux termes de l'article 689 du code de procédure civile, les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire de l'acte s'il s'agit d'une personne physique.
Il ressort, par ailleurs, de l'article 659 du code de procédure civile en vigueur à la date du commandement de saisie-vente du 15 juin 2018 , que ' Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant à peine de nullité l'huissier de justice envoie au destinataire de l'acte, à la dernière adresse connue par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire par lettre de l'accomplissement de cette formalité'.
Les pièces produites par M. [I] tendent à démontrer, comme l'a retenu le premier juge que l'adresse à laquelle l'huissier de justice a signifié l'acte litigieux selon procès-verbal de recherches infructueuses et située [Adresse 4] était bien son domicile effectif à la date de délivrance de l'acte et constituait une résidence parfaitement stable, de sorte que la question de l'insuffisance des diligences effectuées par l'huissier de nature à entraîner la nullité de l'acte se pose sérieusement.
Néanmoins, la nullité d'un tel acte n'est encourue qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substancielle ou d'ordre public, conformément à l'article 114 du code de procédure civile, l'insuffisance des diligences de l'huissier de justice ne constituant pas une des irrégularités de fond prévues à l'article 117 du même code mais un vice de forme.
Or, il ressort de l'acte litigieux versé aux débats que l'huissier de justice a mentionné avoir accompli la formalité d'envoi du courrier recommandé doublé d'une lettre simple au destinataire de l'acte, tel que prévu à l'article 659 précité, l'accusé de réception signé par M. [I] et retourné à l'huissier étant même joint à l'acte. Ces mentions sont donc de nature à établir que M. [I] a eu parfaitement connaissance de l'acte, qui a été adressé à son dernier domicile connu, lequel était comme il le soutient son domicile effectif. Alors qu'il ne fait pas état d'un autre préjudice que celui de ne pas avoir pu contacter l'huissier de justice pour arrêter le cours des intérêts et empêcher la délivrance d'un autre acte d'exécution, la question de la preuve d'un grief causé par cette irrégularité se pose également.
Si, comme le fait valoir à juste titre la société Eos France, les mentions portées par l'huissier de justice font foi jusqu'à inscription de faux en application de l'article 1371 du code civil, c'est seulement l'original de l'acte de signification qui fait foi des mentions qu'il porte. Or, ainsi que le relève l'intimé, l'acte produit, de même que ses annexes n'est qu'une simple copie, au surplus non certifié conforme à l'original.
Il convient donc d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter la société Eos France à produire l'original de la signification du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 15 juin 2018, ainsi que de l'accusé de réception signé par M. [I] du courrier recommandé qui lui a été envoyé par l'huissier de justice en application de l'article 659 du code de procédure civile ou à tous le moins une copie certifiée conforme à l'original et ce, afin de permettre à la Cour de statuer sur le caractère interruptif de prescription ou non de cet acte.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ordonne la réouverture des débats et le rappel de l'affaire à l'audience du 28 novembre 2024 à 9H00,
et ce, afin d'inviter la SAS Eos France à produire l'original de la signification du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 15 juin 2018, ainsi que de l'accusé de réception signé par M. [I] du courrier recommandé qui lui a été envoyé par l'huissier de justice en application de l'article 659 du code de procédure civile ou à tous le moins une copie certifiée conforme à l'original et ce, afin de permettre à la Cour de statuer sur le caractère interruptif de prescription ou non de cet acte,
Fixe une nouvelle clôture à la date du 21 novembre 2024,
Réserve les dépens.
Le greffier La présidente