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27/03/2024 | FRANCE | N°21/04075

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 mars 2024, 21/04075


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 27 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04075 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBXQ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUIN 2

021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 21/00020







APPELANT :



Monsieur [H] [J]

né le 31 Août 1984 à [Localité 5] (93)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE,

substitué par Me Christ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04075 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBXQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 21/00020

APPELANT :

Monsieur [H] [J]

né le 31 Août 1984 à [Localité 5] (93)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE,

substitué par Me Christelle DUVAL, avocats au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.R.L. EUROFILIALES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Sophie MEISSONNIER-CAYEZ de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [H] [J] a été engagé par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 2 avril 2007 par la SARL Eurofiliales, en qualité de mécanicien, niveau III, échelon 1, statut employé selon les dispositions de la convention collective nationale du commerce de gros moyennant une rémunération mensuelle brute de 1547 euros pour 169 heures de travail par mois.

À compter du 1er septembre 2010, et selon avenant au contrat de travail du 27 septembre 2011, le salarié occupait les fonctions de mécanicien, niveau V, échelon 2, statut technicien.

Suivant courrier du 25 juin 2012, le salarié a présenté sa démission.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 6 juillet 2012 l'employeur notifiait au salarié qu'il entendait appliquer la clause de non-concurrence.

À compter du 3 septembre 2012, Monsieur [H] [J] a été engagé par la société Seram en qualité de superviseur-(4X4), statut agent de maîtrise pour une durée de vingt-quatre mois éventuellement renouvelable aux fins d'expertise, d'analyse, d'examen approfondi et de travaux réalisés sur seize grues candidates à la révision quinquennale sur le site de Gabon [Localité 6] dans le cadre d'un contrat conclu entre la société Total Gabon et la société Seram.

Par courrier du 12 novembre 2012, la SARL Eurofiliales a informé la SARL Seram de l'existence de la clause de non-concurrence.

S'estimant lésé dans ses droits, Monsieur [H] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan par requête déposée le 13 décembre 2012.

Antérieurement à l'introduction de l'instance prud'homale, et à la suite de la plainte de quatorze salariés à compter de janvier 2012 une enquête pénale était engagée sur le fondement d'un harcèlement moral mettant en cause Monsieur [Y] [F], gérant de la société Eurofiliales, et aboutissant à la mise en mouvement de l'action publique par citation du 20 octobre 2015.

Par arrêt du 7 décembre 2020, la première chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier confirmait la déclaration de culpabilité de Monsieur [Y] [F] du chef de harcèlement moral, prononcée par le Tribunal correctionnel de Perpignan le 16 mars 2016, et condamnait Monsieur [Y] [F] à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d'amende pour avoir harcelé notamment Monsieur [H] [J] entre le 28 septembre 2009 et le 8 août 2012.

Le 22 mars 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi formé par Monsieur [Y] [F] contre l'arrêt rendu par la première chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier le 7 décembre 2020.

Par jugement du 2 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Perpignan en sa formation de départage a débouté la SARL Eurofiliales de la demande de sursis à statuer qu'elle avait formée en raison du pourvoi pendant devant la chambre criminelle de la cour cassation, il a requalifié la démission, le 25 juin 2012, de Monsieur [H] [J] en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Il a débouté Monsieur [H] [J] de sa demande d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral du fait d'un harcèlement moral et il a condamné la SARL Eurofiliales à lui payer les sommes suivantes :

-3985,05 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

-26 243,01 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a par ailleurs condamné Monsieur [H] [J] à payer à la SARL Eurofiliales les sommes suivantes :

-7000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour non-respect de la clause de non-concurrence,

-15 396 euros à titre de remboursement de l'indemnité de non-concurrence indûment perçue,

-2000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation délibérée de la clause de non-concurrence.

Il a enfin ordonné l'exécution provisoire du jugement et le remboursement par l'employeur à pôle-emploi des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Monsieur [X] [J] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 24 juin 2021.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 23 septembre 2021, Monsieur [X] [J] conclut à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages intérêts pour préjudice subi en raison d'un harcèlement moral et il sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 17 495,34 euros à ce titre. Il conclut également à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valide la clause de non-concurrence, en ce qu'il l'a condamné à verser différentes sommes à l'employeur de ce fait et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour application abusive de la clause de non-concurrence dont il demande la fixation à un montant de 10 000 euros. Il conclut en revanche à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes relativement à l'imputabilité de la rupture du contrat de travail et il revendique sa réformation quant au montant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il demande qu'il soit fixé à la somme de 34 990,68 euros. Il réclame enfin à ce que les intérêts dus pour une année entière produisent eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du Code civil et demande la condamnation l'employeur à lui payer une somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 décembre 2021, la SARL Eurofiliales conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes relativement à la clause de non-concurrence sauf quant au montant des dommages-intérêts pour violation délibérée de la clause de non-concurrence dont elle demande la fixation à la somme de 15 000 euros. Elle sollicite pour le surplus l'infirmation du jugement entrepris, à titre principal le débouté du salarié de ses demandes et subsidiairement la réduction à de plus justes proportions du montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le cas échéant, de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral. Elle réclame enfin la condamnation de Monsieur [H] [J] à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 3 janvier 2024.

SUR QUOI :

$gt;Sur la rupture du contrat de travail

Par arrêt du 7 décembre 2020, la première chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier confirmait la déclaration de culpabilité de Monsieur [Y] [F] du chef de harcèlement moral, prononcée par le Tribunal correctionnel de Perpignan le 16 mars 2016, et condamnait Monsieur [Y] [F] à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d'amende pour avoir harcelé notamment Monsieur [H] [J] entre le 28 septembre 2009 et le 8 août 2012.

Aux termes de cet arrêt Monsieur [Y] [F] était également condamné à payer à monsieur [J] une somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'un harcèlement moral.

Le 22 mars 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi formé par Monsieur [Y] [F] contre l'arrêt rendu par la première chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier le 7 décembre 2020 et la décision pénale est devenue définitive à ce jour.

En dépit de l'absence de formulation d'une quelconque réserve dans la lettre de démission, celle-ci étant intervenue alors que le salarié était victime d'un harcèlement moral, la démission du salarié était équivoque.

Elle s'analyse par conséquent en une prise d'acte du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement dont le salarié revendique le caractère abusif.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande formée par monsieur [J] au titre d'une rupture abusive du contrat de travail.

A la date de la rupture du contrat de travail le salarié avait une ancienneté de six ans et dix mois dans l'entreprise. Il bénéficiait d'un salaire mensuel brut de 2915,89 euros. La prise en compte à la fois du caractère abusif de la rupture intervenue le 25 juin 2012 en raison d'un harcèlement moral et du fait que l'intéressé a aussitôt retrouvé un emploi conduit à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué au salarié une somme de 26 243,01 euros réparant l'intégralité du préjudice subi en raison de la perte injustifiée de l'emploi.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité de licenciement formée par le salarié pour un montant non utilement discuté de 3985,05 euros.

Si le salarié fait état du préjudice moral subi en raison d'insultes particulièrement grossières devant les autres salariés et de comportements humiliants, il n'a pas demandé la réserve de ses droits au profit de la juridiction civile, et il ne caractérise pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par le juge pénal qui, sur l'action civile lui a alloué, en tenant compte de l'ensemble des éléments de la cause, une somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ce même préjudice. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Alors qu'il résulte du dossier que le salarié a exécuté le préavis de deux mois pour lequel il a été rémunéré il ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis en dépit de l'imputabilité de la rupture à la société Eurofiliales. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [J] de sa demande à ce titre.

$gt; Sur la clause de non-concurrence

Conformément au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L1221-1 du Code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

$gt;

La clause de non-concurrence mentionnée à l'article 11 du contrat de travail est ainsi libellée :

« Compte tenu de ses fonctions de : MECANICIEN, et des informations de nature technique, commerciale et économique auxquelles il a accès, Monsieur [J] [H] s'engage après la rupture de son contrat de travail ou de son départ de l'entreprise, à ne pas exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de la société EUROFILIALES ou à entrer directement ou indirectement au service des entreprises suivantes, de leurs sous-traitants, de leurs filiales, de leurs bureaux d'études externes, et de toutes entreprises auxquelles elles pourraient être liées contractuellement :

- Client de EUROFILIALES agissant dans le domaine de l'exploitation, de la production, du raffinage pétrolier, sur les territoires définis suivants : Congo, Gabon, Cameroun, Algérie, Maroc, Nigéria, Angola, Qatar

- Pétrole, exploration, production, raffinage

Ou de toute entreprise ayant repris ou poursuivi sous quelque forme que ce soit leurs activités.

Cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée de UNE ANNEE (1 an) et est limitée à la zone géographique ainsi définie :

- Client du Pétrole, exploration, production, raffinage en : Afrique francophone (Congo, Gabon, Cameroun, Algérie et Maroc), Nigéria, Angola, Qatar

- Raffinage et production du groupe TOTAL en France et dans ses filiales à l'étranger.

Elle s'appliquera quels que soient la nature et le motif de la rupture du contrat, sauf pendant la période d'essai.

Pendant toute la durée de l'interdiction, il sera versé chaque mois à Monsieur [J] [H] une somme égale à 40% de sa rémunération moyenne des 12 derniers mois de présence dans l'entreprise.

En cas de violation de la clause, Monsieur [J] [H] sera automatiquement redevable d'une somme fixée forfaitairement et dès à présent à 7 000 euros.

La société EUROFILIALES sera pour sa part, libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière.

Le paiement de cette somme n'est pas exclusif du droit que la société EUROFILIALES se réserve de poursuivre Monsieur [J] [H] en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner, sous astreinte, la cessation de l'activité concurrentielle.

La société EUROFILIALES se réserve toutefois la faculté de libérer Monsieur [J] [H] de l'interdiction de concurrence. Dans ce cas, la société EUROFILIALES s'engage à prévenir Monsieur [J] [H] par écrit dans les 15 jours qui suivent la notification de la rupture de son contrat de travail. »

$gt;

En l'espèce, la clause est circonscrite dans le temps puisque limité à une durée d'un an et dans l'espace puisque limitée à cinq pays d'Afrique francophone, au Nigéria, à l'Angola et au Qatar ainsi qu'aux filiales en France et à l'étranger du seul groupe Total.

Initialement mécanicien, niveau III, échelon 1 le salarié avait acquis la qualification de technicien dans l'entreprise et il définissait son profil sur le réseau professionnel Viadeo produit aux débats par l'employeur de la manière suivante : « j'ai près de sept ans d'expérience offshore principalement en Angola en tant que mécanicien senior sur le FPSO Girassol et dans d'autres pays d'Afrique. J'ai acquis mes connaissances théoriques en mécanique au cours de mes études puis mes connaissances pratiques en grande partie grâce à Eurofiliales qui m'a formé à la mécanique de précision et m'a appris à travailler dans les règles de l'art et selon les exigences du secteur de la pétrochimie ».

La clause n'interdit donc pas l'activité du salarié dans sa spécialité de mécanique de précision et notamment dans le secteur de la pétrochimie au profit d'une compagnie pétrolière autre que Total, principal client de la SARL Eurofiliales, et en un lieu distinct des huit pays concernés où la société Eurofiliales exerçait son activité spécifique.

La contrepartie pécuniaire versée chaque mois pendant toute la durée de l'interdiction, correspondant à une somme égale à 40% de la rémunération moyenne des 12 derniers mois de présence dans

l'entreprise du salarié était par conséquent proportionnée à l'atteinte limitée à la liberté du travail que comportait cette clause.

Or l'employeur justifie, comme le concède au demeurant le salarié au travers du descriptif de ses profils professionnels, que monsieur [H] [J] avait acquis au sein de l'entreprise un savoir-faire, à la fois en qualité de technicien pompes centrifuge et de superviseur mais également dans le domaine de la mécanique de précision off-shore.

L'employeur justifie encore, à la fois par les échanges de courriels qu'il verse aux débats et par le profil Linkedin.com d'un ancien technicien sur pompes centrifugeuses d'Eurofiliales, immédiatement embauché après sa démission par la société Seram pour réaliser des visites quinquennales de grues à [Localité 6], de la perméabilité des technologies off-shore et on-shore compte tenu de la polyvalence des matériels utilisés dont notamment les grues, si bien que la prohibition d'exercice d'une activité au profit d'un prestataire du groupe Total ou d'un client du pétrole dans l'un des pays concernés était nécessaire, non seulement pour prévenir un risque de détournement de clientèle au regard des informations auxquelles la qualification du salarié lui donnait accès mais également de divulgation d'un savoir-faire spécifique. Partant, la clause telle qu'elle avait été déterminée, qui tenait compte des spécificités de l'emploi, était également indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société Eurofiliales.

Aussi le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il a déclaré valide la clause de non-concurrence insérée au contrat dès lors qu'elle remplissait l'ensemble des conditions cumulatives nécessaires à sa validité.

$gt;

L'employeur établit que la clause de non-concurrence a été violée dès lors qu'il justifie, qu'aussitôt après avoir quitté Eurofiliales, Monsieur [J] réalisait une mission au Gabon, territoire prohibé par la clause, au profit d'un client de la SARL Eurofiliales agissant dans le domaine de l'exploitation, de la production, du raffinage pétrolier. Si monsieur [H] [J] se défend d'avoir transgressé les règles imposées par la clause de non-concurrence au motif qu'il était engagé pour travailler sur des grues, le moyen n'est pas opérant au regard de l'analyse des pièces produites par l'intimée à laquelle il a été procédé ci-avant, démontrant la perméabilité entre ces différentes fonctions et le risque de divulgation d'un savoir-faire acquis auprès de la première entreprise, alors que le salarié échoue à démontrer que son nouvel emploi ne fait pas appel à son expérience et ne lui a pas permis de mettre à profit cette expérience avec des clients communs aux deux entreprises.

Si monsieur [J] soutient ensuite avoir été victime d'une discrimination au motif qu'un salarié licencié en février 2012 avait été dispensé de la clause de non-concurrence, et qu'il n'avait pas non plus été fait application de cette clause à un salarié ayant démissionné. Il verse aux débats une lettre de démission datée du 13 octobre 2004, concernant Monsieur [R] [I], et un contrat de travail de ce dernier signé en 2008 stipulant la clause de non-concurrence. Le licenciement de monsieur [N] dont il produit la lettre aux débats, était antérieur à la démission de monsieur [J] et il n'est produit aucun élément laissant supposer qu'à cette date le salarié ait été embauché par une entreprise concurrente et que la société Eurofiliales ait été confrontée à un transfert de personnel spécialisé vers une société directement concurrente comme elle en rapporte la preuve à la date du départ de monsieur [J] de l'entreprise. L'employeur établit par conséquent par des éléments objectifs que l'application de la clause de non concurrence à monsieur [J] qui ne précise pas le motif discriminatoire que l'employeur aurait mis en 'uvre à son préjudice, était dans ce contexte étrangère à toute discrimination ou inégalité de traitement, indépendamment du fait que l'employeur ait auparavant pu dispenser certains salariés de l'application de la clause.

Enfin, monsieur [J] revendique la non-application de la clause de non-concurrence au motif que la rupture du contrat de travail est intervenue dans un contexte de harcèlement moral. La déclaration de culpabilité du gérant de la société couvre la période du 28 septembre 2009 au 8 août 2012. Toutefois, il ressort du dossier que si Monsieur [J], entendu dans le cadre de la plainte déposée par Monsieur [L] [K] en janvier 2012, s'est par la suite constitué partie civile dans le cadre de l'instance pénale, engagée sur citation directe du 20 octobre 2015, l'instance prud'homale initiée par monsieur [J] en décembre 2012 ne concernait à l'origine que l'applicabilité de la clause de non-concurrence à l'emploi qu'il avait occupé aussitôt après sa démission et monsieur [J] ne produit pas d'élément laissant supposer que les circonstances du harcèlement subi avaient eu pour effet de compromettre son avenir professionnel. Partant, l'applicabilité de la clause de non-concurrence ne saurait davantage être écartée sur ce fondement.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de sa demande de dommages-intérêts pour application abusive de la clause de non-concurrence.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [J] à payer à la société Eurofiliales l'indemnité contractuelle en cas de violation de la clause de non-concurrence, forfaitairement fixée à 7000 euros, dont le montant n'est pas utilement discuté par le salarié.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement sera en outre confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par le salarié à l'employeur de la somme de 15 396 euros perçue par Monsieur [J] dans le cadre de l'application de la clause.

La SARL Eurofiliales ne justifie cependant par aucun élément du préjudice excédentaire qu'elle aurait subi du fait de la violation délibérée par le salarié de la clause de non-concurrence. Aussi le jugement sera-t-il infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages-intérêts formée par l'employeur à ce titre.

$gt;Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

En raison de la rupture du contrat de travail imputable au harcèlement moral subi par le salarié du fait de l'employeur, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la SARL Eurofiliales supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles.

En considération de l'équité, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan le 2 juin 2021 sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [H] [J] à payer à la SARL Eurofiliales une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation délibérée de la clause de non-concurrence ;

Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Déboute la SARL Eurofiliales de sa demande de dommages-intérêts pour violation délibérée par Monsieur [H] [J] de la clause de non-concurrence ;

Dit que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Eurofiliales aux dépens dont distraction au profit de l'AIARPI Eleom Avocats représentés par la SCP Donnadieu, Brihi, Redon, Claret, Ariès, André société d'avocat inscrite au barreau des Pyrénées-Orientales et de Paris agissant par Me Mourad Brihi.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04075
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.04075 ?
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