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27/03/2024 | FRANCE | N°21/03928

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 mars 2024, 21/03928


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 27 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03928 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBOJ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 2

0 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F 19/00034









APPELANTE :



SAS LA CURE GOURMANDE DEVELOPPEMENT

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités au dit siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Pascale DELL'OVA de la SCP ELE...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03928 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBOJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F 19/00034

APPELANTE :

SAS LA CURE GOURMANDE DEVELOPPEMENT

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités au dit siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale DELL'OVA de la SCP ELEOM MONTPELLIER, substituée par Me Geoffrey DEL CUERPO, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [T] [R]

née le 06 Juin 1961 à [Localité 2] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, substituée par Me Céline ROUSSEAU, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Engagée à compter du 28 février 2005 par la société Biscuits Catagnia en qualité de secrétaire assistante de gestion, promue en 2008 en qualité d'assistante de direction - statut cadre - puis affectée au service livraison en charge de l'approvisionnement et des stocks nécessaires à la production, Mme [R] a vu son contrat de travail être transféré au profit de la société La Cure Gourmande Développement suite à la fusion des deux sociétés en 2011.

Par jugement en date du 3 janvier 2017, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société La Cure Gourmande Développement. Suivant jugement du 1er août 2018, la juridiction consulaire a adopté un plan de redressement sur dix ans au profit de la société.

Arguant un brusque recul de l'activité au premier semestre 2018, la société La Cure Gourmande Développement a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique visant la suppression de 9 postes.

Les membres du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail et du Comité d'entreprise ont été convoqué le 23 août 2018 à une réunion extraordinaire en vue d'une consultation sur le projet de licenciement collectif pour motif économique.

Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 septembre 2018, à l'occasion duquel l'employeur a remis à la salariée un dossier pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, proposition que la salariée a déclinée, Mme [R] a été licenciée par lettre du 10 octobre 2018 pour motif économique.

La salariée sollicitera de l'employeur des précisions sur les motifs économiques ayant présidé au licenciement économique ainsi que les critères d'ordre.

Contestant son licenciement, Mme [R] a saisi, par requête en date du 7 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Sète afin d'obtenir paiement de la somme de 45 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et, subsidiairement, pour non respect des critères d'ordre des licenciements.

Par jugement du 20 mai 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement était motivé par un motif économique, que son poste a été supprimé dans le cadre du projet de réorganisation et que son activité a été transférée entièrement vers Mme [C], que la société avait respecté son obligation de recherche de reclassement, que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [R] de sa demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande indemnitaire au titre de la requalification du licenciement,

Constate que ma société La Cure Gourmande Développement n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciement,

Condamne la société La Cure Gourmande Développement à verser à Mme [R] les sommes de 20 000 euros nets de dommages-intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société La Cure Gourmande Développement de toutes ses demandes,

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne la société La Cure Gourmande Développement aux dépens.

Suivant déclaration en date du 18 juin 2021, la société a régulièrement interjeté appel de cette décision.

' suivant ses conclusions en date du 22 décembre 2023, la société La Cure Gourmande Développement demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a constaté qu'elle n'avait pas respecté les critères d'ordre des licenciements, l'a condamnée à verser à Mme [R] les sommes de 20 000 euros de dommages-intérêts de ce chef, outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et l'a déboutée de toutes ses demandes, et statuant à nouveau de :

Juger non applicables les règles relatives aux critères d'ordre du licenciement, Mme [T] [R] étant la seule dans la catégorie visée par ladite procédure,

La débouter en conséquence au titre du préjudice prétendument subi d'un non-respect des critères d'ordre du licenciement,

Condamner Mme [R] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 8 novembre 2021, Mme [R] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement était motivé par un motif économique, que son poste avait été supprimé dans le cadre du projet de réorganisation, que la société avait respecté son obligation de recherche de reclassement, que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande indemnitaire au titre de la requalification du licenciement, accueillir en conséquence son appel incident et, statuant à nouveau, de :

A titre principal, requalifier le licenciement en licenciement injustifié et condamner la société La Cure Gourmande Développement au paiement de la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, dire que la société La Cure Gourmande Développement n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements et la condamner au paiement de la somme de 45 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de ces critères,

En tout état de cause, condamner la société La Cure Gourmande Développement au paiement de la somme de 6 354 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 3 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 24 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIFS :

La salariée concède expressément dans ses conclusions les difficultés économiques du groupe ayant justifié l'ouverture de la procédure de redressement, mais s'étonne de la précipitation dont aurait fait preuve l'employeur en engageant la procédure de licenciement collectif quelques jours seulement après l'adoption par le tribunal de commerce du plan de redressement, sans avoir de recul sur le point de savoir si la diminution du chiffre d'affaires durant l'été serait de nature à impacter la compétitivité de l'entreprise de manière durable. Elle critique le jugement entrepris en ce qu'il a validé le licenciement pour motif économique en retenant notamment la suppression de son poste par le transfert de son activité au profit de Mme [C], son assistante, et le respect de son obligation de reclassement. La salariée conclut donc à l'infirmation du jugement sur la cause du licenciement et, subsidiairement à la confirmation de jugement en ce qu'il a retenu que l'employeur n'avait pas respecté l'ordre des licenciements.

L'employeur répond en premier lieu que le motif économique est justifié par des difficultés économiques caractérisées par la baisse de l'activité, et la réorganisation de l'entreprise afin de garantir la pérennité du plan de redressement, en deuxième lieu justifier de la suppression du poste occupé par la salariée dans le cadre de cette réorganisation, dont les fonctions ont été confiées à Mme [C], qui se partageait jusqu'alors entre le service commercial et le service approvisionnement, et d'avoir recherché sérieusement des postes disponibles afin de reclasser la salariée au sein des entreprises du groupe. Enfin, elle soutient qu'elle n'avait pas à justifier de l'ordre des licenciements Mme [R] étant la seule salariée relevant de sa catégorie professionnelle.

Sur le licenciement économique

Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Il appartient à l'employeur de démontrer la réalité des difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité et la nécessité de procéder à une réorganisation de l'entreprise au moment où il licencie dans le périmètre pertinent (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-26.054, publié au bulletin). Le motif économique s'apprécie à la date du licenciement, mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation (Soc., 11 décembre 2019, n°18-17.874).

Les juges du fond doivent s'attacher à caractériser les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe ainsi que la nécessité de prendre des mesures d'anticipation afin de préserver l'emploi (Soc. 14 décembre 2011, n°10-11.042 et Soc. 19 janvier 2022, pourvoi n°20-19.216).

S'agissant des difficultés économiques ou menace sur la compétitivité d'une entreprise faisant partie d'un groupe, il appartient à l'employeur de justifier de la consistance de ce groupe et de celle du secteur d'activité concerné (Soc.12 juin 2019, n°17-28137) et de démontrer la réalité et le sérieux du motif économique dans le périmètre pertinent (Soc.31 mars 2021, 19-26054, publié au bulletin).

En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 octobre 2018 fait état du fait que le groupe, dont la société La Cure Gourmande développement est la société de tête, connaît des difficultés économiques depuis plusieurs années en raison d'une chute de son activité depuis 2016 et le fait qu'en dépit des mesures de redressement d'ores et déjà mises en oeuvre depuis l'ouverture de la procédure collective, des efforts consentis et de l'obtention du plan de continuation, la baisse brutale de l'activité des clients France et des franchisés en Espagne et en Autriche et la fermeture des magasins franchisés en Arabie Saoudite, a conduit à un recul de l'activité en juillet et août 2018, période estivale qui constitue une période charnière. Elle ajoute que la diminution de l'activité impacte fortement la trésorerie dans un contexte déjà fortement dégradé. Après avoir rappelé la baisse d'activité depuis 2016 (5,4 millions d'euros au 30 juin, 5,2 millions d'euros au 30 juin 2017 et 4,1 millions d'euros au 30 juin 2018) et la baisse du chiffre d'affaires au cours des 3 derniers trimestres (T4.2017 vs T4.2016 : baisse de 21% ; T1.2018 vs T1.2017 : baisse de 12% et T2.2018 vs T2.2017 : baisse de 30%), l'employeur décrit les résultats comptables 2016 et 2017 défavorables ( résultat courant avant impôt et résultat d'exploitation négatifs) et la baisse de la trésorerie du groupe inférieure en 2018 par rapport aux montants budgétisés de nature à compromettre la pérennité du plan, la société précisant que 'si aucune mesure n'est prise rapidement (elle) ne disposera donc pas d'une trésorerie suffisante pour financer sa trésorerie entre janvier et juin 2019 (période de faible activité saisonnière) et pourrait ne pas pouvoir faire face à ses premières échéances du Plan de remboursement ce qui aboutirait à une mise en liquidation'. La société ajoute que 'la réorganisation consiste à cesser certaines activités de production qui se révèlent trop coûteuses, l'activité de certains magasins et ateliers de production et la suppression de postes de travail, la masse salariale étant devenue trop importante à assumer dans ce contexte économique', cette situation la conduisant à supprimer le poste de 'responsable administratif' que Mme [R] occupait dans la société. La lettre de licenciement rappelle enfin que la salariée a refusé les différentes propositions de reclassement formulées.

À elle seule, et compte tenu de l'effectif de l'entreprise, inférieur à 300 salariés, la baisse significative du chiffre d'affaires trois trimestres consécutifs, précédant l'engagement de la procédure de licenciement, laquelle est établie au vu des pièces produites par l'employeur, justifie la cause économique invoquée par l'employeur.

Les dispositions de l'article L. 626-1 du code de commerce excipées par la salariée, lesquelles énoncent que le tribunal de commerce arrête un plan de redressement 'lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardé' et l'adoption récente du plan de continuation le 1er août 2018 ne privent pas le licenciement d'une cause économique sérieuse.

Dans le contexte de réorganisation de l'entreprise confrontée à une baisse d'activité, la société justifie l'incidence de ses difficultés sur la suppression du poste de responsable du service approvisionnement, lequel est en charge de planifier les approvisionnements de matières premières et emballages, passer les commandes aux fournisseurs, assurer le suivi des règlements, des réceptions et surveiller les niveaux de stock en lien avec le planning production. La société expose en effet, sans être utilement critiqué sur ce point par l'intimée, avoir mis en place à compter de 2017 une réduction de la taille de ses gammes d'articles et une rationalisation de ses stocks, ce qui a conduit à une réduction du nombre des références, avoir déployé parallèlement des outils informatiques pour assurer une gestion optimisée des achats et des stocks, réduisant de façon significative le temps pour déterminer les volumes, l'activité du service étant enfin impacté par la baisse de volume observée.

Mme [R] n'est pas fondée à soutenir que l'employeur ne rapporterait pas la preuve de la suppression du poste au motif que les tâches qu'elle exerçait jusqu'alors ont été confiées à son assistante, Mme [C], dont la durée de travail aurait été augmentée afin d'y faire face. La société justifie en effet par la production des contrat et avenant conclus avec cette dernière que la durée de travail de cette salariée n'a pas été augmentée. L'intéressée qui se partageait jusqu'alors entre le service commercial back-office à raison de trois jours et demi par semaine et le service approvisionnement, à raison de 1,5 jour hebdomadaire (pièce n°23), a simplement vu son activité être concentrée sur ce dernier service approvisionnement, de telle sorte que Mme [C] n'a pas remplacé dans ses fonctions la salariée mais a intégré les fonctions de Mme [R] dans son périmètre d'intervention, la reprise des fonctions de la salariée licenciée s'inscrivant précisément dans la réorganisation invoquée par l'employeur comme cause économique du licenciement.

L'employeur établit que la société a procédé à des recherches de reclassement auprès de l'ensemble des sociétés du groupe, tels que défini à l'article L.1233-4 du code du travail, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il est constant que dans le contexte d'un licenciement collectif portant sur la suppression de 9 postes de travail et la réorganisation de l'entreprise, la société a identifié au sein du groupe 10 postes de reclassement, de vendeurs, vendeurs qualifiés, adjoints à des responsables de magasin, animateur des ventes, employé de fabrication et magasinier, situés sur différents sites (région parisienne, [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 3]), qu'elle a proposés à la salariée assorties de périodes de formation dans l'hypothèse où elle accepterait l'une de ces propositions et un 11ème qu'elle ne pouvait proposer à l'intéressée, de 'responsable de contrôle de gestion', poste pour lequel la salariée ne disposait pas de la formation initiale qualifiante requise pour occuper l'emploi.

Au vu des éléments communiqués par l'employeur celui-ci justifie avoir satisfait loyalement à son obligation de rechercher une solution de reclassement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement pour motif économique de Mme [R] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur l'ordre des licenciements :

L'article L.1233-5 du code du travail dispose que lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Et l'article L.1233-7 du même code énonce que lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L.1233-5.

La catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements concerne les salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans qu'il puisse être opéré une distinction, au sein de chaque catégorie, entre les salariés exerçant à temps plein et ceux occupés à temps partiel.

Il est de principe que les critères relatifs à l'ordre des licenciements s'apprécient par rapport à l'ensemble du personnel de l'entreprise et non seulement à certains services, même supprimés.

Les critères de l'ordre des licenciements doivent faire l'objet d'une mise en oeuvre distincte par catégorie professionnelle , c'est-à-dire à l'ensemble des salariés qui au sein de l'entreprise exercent des fonctions de même nature supposant une formation commune.

En l'espèce, la société appelante critique le jugement entrepris en ce que les premiers juges, régulièrement saisis de ce moyen, ont recherché, au-delà de la seule argumentation de Mme [R] qui se bornait pour sa part à se comparer à Mme [C], son assistante administrative, si l'employeur justifiait du respect des critères d'ordre en rappelant que la charge de la preuve incombait en la matière au seul employeur. Après avoir relevé dans la note d'information aux représentants du personnel que la société justifiait son niveau d'encadrement par la gestion de tâches administratives pour ses filiales, le conseil de prud'hommes en a déduit que parmi les 29 cadres de l'entreprise certains devaient remplir des fonctions administratives, de même nature donc que celles exercées par Mme [R] et qu'à défaut d'application des critères d'ordre la concernant la société avait manqué à son obligation de ce chef.

Or, il est remarquable de relever que, alors que la salariée reprend, devant la cour, la motivation du conseil de prud'hommes sur ce point et conclut que la société ne justifie toujours pas en cause d'appel du respect de son obligation à ce titre, en soulignant que la société s'abstient de verser aux débats son registre du personnel, la société appelante se borne à conclure que 'C'est de manière parfaitement erronée que le conseil de prud'hommes a retenu que la catégorie professionnelle de Mme [R] comprenait des cadres de l'entreprise, la simple lecture du registre du personnel laisse en effet aisément transparaître que l'intégralité des cadres de l'entreprise n'occupe pas les même fonctions', tout en omettant de verser aux débats le dit registre qui permettrait d'apprécier si l'employeur justifie de son obligation à ce titre.

La société La Cure Gourmande Développement qui s'est manifestement positionnée au regard du seul service au sein duquel Mme [R] exerçait ses fonctions, ne rapporte pas la preuve que Mme [R] était la seule salariée relevant de sa catégorie de 'cadre administrative' exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu un manquement de l'employeur de ce chef, sauf en ce qu'il a considéré que ce manquement emportait le caractère injustifié du licenciement.

Sur l'indemnisation :

Il est de droit que le manquement par l'employeur relativement à l'ordre des licenciements ouvre droit à la salariée à l'indemnisation des préjudices subis pouvant aller jusqu'à l'indemnisation de la perte injustifiée de son emploi.

La situation familiale et les qualités professionnelles de Mme [R] (ancienneté, appréciation professionnelle, polyvalence dont elle a fait preuve au cours de sa carrière au sein de l'entreprise) étant de nature à lui permettre de conserver son emploi si l'employeur avait appliqué les critères d'ordre, le préjudice subi par la salariée conduit à considérer qu'il va en l'espèce jusqu'à la perte injustifiée de son emploi.

Au jour de la rupture, Mme [R] âgée de 58 ans bénéficiait d'une ancienneté de 13 ans et 7 mois au sein de la société La Cure Gourmande Développement qui employait plus de dix salariés. Elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3 356 euros.

Par suite, dans l'hypothèse où le licenciement aurait été privé de cause économique réelle et sérieuse, et conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée aurait pu prétendre à une indemnisation pour un montant maximum de 38 594 euros bruts.

La salariée, qui a refusé d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, n'a pas bénéficié de l'indemnisation majorée au titre de l'allocation contrat de sécurisation professionnelle pendant une année correspondant jusqu'à 80% de la rémunération mensuelle brute, mais de l'allocation de retour à l'emploi et ce jusqu'au 1er septembre 2020, date à partir de laquelle Mme [R] a été recrutée en qualité de fonctionnaire vacataire à durée déterminée, moyennant une rémunération mensuelle correspondant à l'indice brut de la fonction publique 353.

En l'état de ces éléments, c'est par de justes motifs que la cour approuve que les premiers juges ont alloué à la salariée la somme de 20 000 euros nets de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

Condamne la société La Cure Gourmande Développement à verser à Mme [R] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03928
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.03928 ?
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