La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2024 | FRANCE | N°21/03924

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 mars 2024, 21/03924


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 27 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03924 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBOA





Décision déférée à la Cour : Jugement du 2

0 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F 20/00089







APPELANTE :



SAS LAFARGE GRANULATS (anciennement dénommée S.A.S. LAFARGE HOLCIM GRANULATS)

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTA...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03924 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBOA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F 20/00089

APPELANTE :

SAS LAFARGE GRANULATS (anciennement dénommée S.A.S. LAFARGE HOLCIM GRANULATS)

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, substituée par Me Maxime CORNARDEAU, avocats au barreau de PARIS

INTIMEES :

Madame [X] [K]

née le 21 Juin 1988 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Sophie PANAIAS, substituée par Me Axelle TESTINI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Syndicat CGT LAFARGE HOLCIM GRANULATS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Sophie PANAIAS, subsituée par Me Axelle TESTINI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance de clôture du 09 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [X] [K] a été engagée par la société Lafarge Holcim Granulats devenue la société Lafarge Granulats par contrat de travail à durée déterminée à temps complet conclu le 28 septembre 2018, à effet du 1er octobre 2018, au motif du remplacement partiel de Madame [T] [D], jusqu'à son retour, aux fins d'occuper un poste d'agent de bascule, statut ouvrier, niveau III, échelon1 selon les dispositions de la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem) correspondant à sa catégorie de personnel moyennant un salaire mensuel brut de 1700 euros.

Par lettre remise en main propre le 30 novembre 2020 l'employeur notifiait à la salariée le terme de son contrat à durée déterminée.

Par requête du 23 septembre 2020, la salariée a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Sète aux fins de requalification du contrat à durée déterminé en un contrat à durée indéterminée, de suspension du terme du contrat de travail à durée déterminée et de poursuite de la relation contractuelle jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'instance au fond engagée sur le fondement de l'article L 1245-2 du code du travail.

À l'occasion de l'instance de référé, le syndicat CGT Lafarge Holcim Granulats demandait au conseil de prud'hommes la requalification du contrat de travail à durée déterminée de la salariée en un contrat à durée indéterminée.

Par ordonnance du 19 novembre 2020, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Sète renvoyait la salariée à mieux se pourvoir relativement à sa demande de requalification en un contrat à durée indéterminée, ordonnait la poursuite de la relation contractuelle jusqu'au retour effectif et définitif de la salariée remplacée validé par la médecine du travail et il faisait interdiction à la société de procéder à la rupture de la relation contractuelle jusqu'au retour effectif de la salariée remplacée.

Dans le cadre de l'instance au fond initiée devant le conseil de prud'hommes le 8 octobre 2020, la salariée sollicitait en définitive, à titre principal, outre la requalification de la relation travail en un contrat à durée indéterminée, que soit ordonnée sa réintégration au poste sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, et subsidiairement différentes indemnités pour rupture abusive de la relation travail ainsi que des dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Le syndicat CGT Lafarge Holcim Granulats devenu le syndicat CGT Lafarge Granulats revendiquait quant à lui la condamnation de la société Lafarge Holcim Granulats à lui payer une somme de 6000 euros à titre de dommages intérêts pour atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession.

Par jugement du 20 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Sète a :

Requalifié le contrat de travail à durée déterminée en date du 28 septembre 2018 en un contrat de travail à durée indéterminée ;

Dit que cette décision de requalification est exécutoire de droit à titre provisoire ;

Condamné la société Lafarge granulats à payer à Madame [K] la somme de 1 840 euros nets à titre d'indemnité de requalification ;

Ordonné la réintégration de Madame [K] à son poste de travail ;

Dit que la réintégration de Madame [X] [K] à son poste de travail est assortie d'une astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification du jugement ;

Condamné la société Lafarge Granulats à payer les sommes suivantes au syndicat CGT Lafarge Granulats :

- 1500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouté la société Lafarge Granulats de l'ensemble de ses demandes ;

Ordonné l'exécution provisoire de la décision en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

Dit que les sommes allouées à titre indemnitaire, produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et ce avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

Condamné la société Lafarge Granulats aux dépens.

La société Lafarge Granulats a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 17 juin 2021.

Madame [K] a été réintégrée à son poste par la société Lafarge Granulats dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée le 25 juin 2021.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 29 décembre 2023, la société Lafarge Granulats conclut à l'infirmation du jugement entrepris, à l'irrecevabilité des demandes de Madame [K] relatives au paiement d'un rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021, d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents et d'un treizième mois, à l'irrecevabilité des demandes du syndicat CGT Lafarge Granulats en raison de la prescription, au débouté de Madame [K] de ses demandes, et elle soutient en tout état de cause que la société Lafarge Granulats était bien fondée à mettre fin aux fonctions de Madame [K] sans mettre en 'uvre une procédure de licenciement. Elle revendique enfin la condamnation de Madame [K] et du syndicat CGT Lafarge Granulats à lui payer chacun une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures notifiées par RPVA le 7 décembre 2023, Madame [X] [K] et le syndicat CGT Lafarge Holcim Granulats concluent à la confirmation du jugement relativement aux condamnations prononcées à l'encontre de la société Lafarge Granulats sauf quant au montant des dommages intérêts alloués tant au syndicat CGT Lafarge Granulats qu'à Madame [K] au titre d'une exécution fautive du contrat de travail. La salariée sollicite en définitive à titre principal que soit ordonnée sa réintégration à son poste de travail sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard ainsi que la condamnation de la société Lafarge Granulats à lui payer les sommes suivantes :

'14 687,26 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021, outre 1468,72 euros bruts au titre des congés payés afférents,

'2098,18 euros bruts à titre de rappel de salaire du treizième mois.

À titre subsidiaire, Madame [K] sollicite la condamnation de la société Lafarge Granulats à lui payer les sommes suivantes :

'1840 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

'15 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3680 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 368 euros au titre des congés payés afférents,

'1073,33 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1531,71 euros à titre d'indemnité de fin de contrat,

'4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [K] revendique enfin la condamnation de l'employeur à lui remettre un bulletin de paie rectificatif de novembre 2020 et une attestation à destination de pôle emploi sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Elle réclame en tout état de cause la condamnation de la société Lafarge Granulats à lui payer les sommes suivantes :

'1840 euros nets à titre d'indemnité de requalification,

'7000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

'4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat CGT revendique pour sa part la condamnation de la société Lafarge Granulats à lui payer avec intérêts légaux et anatocisme les sommes suivantes :

'6000 euros à titre de dommages intérêts pour atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

'2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2024.

SUR QUOI :

$gt;Sur l'irrecevabilité de la demande de rappel de salaire du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021, de la demande d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et de la demande de rappel de salaire portant sur le versement d'un treizième mois au cours de la période du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021,

En application de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables dans les limites des chefs du jugement critiqué, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, l'appel a été interjeté par la société Lafarge Granulats le 17 juin 2021, laquelle notifiait ses premières écritures à ses adversaires par RPVA le 16 septembre 2021.

Le 6 décembre 2021, Madame [K] remettait ses conclusions au greffe en application de l'article 908 du code de procédure civile. Toutefois, elle ne formait à l'occasion de la notification de ces écritures aucune prétention de demande de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021. Elle ne présentait non plus aucune demande d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et aucune demande de rappel de salaire au titre du treizième mois.

Or, tandis qu'à la date habituelle de paiement du salaire dans l'entreprise, la salariée avait connaissance de ses droits, soit au plus tard en juillet 2021, elle ne formait sa demande de rappel de salaire du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021, sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et sa demande de rappel de salaire portant sur le versement d'un treizième mois au cours de la même période qu'à l'occasion de ses secondes conclusions du 7 décembre 2023.

C'est pourquoi alors que ces prétentions n'étaient pas destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, il convient en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, de les déclarer irrecevables.

$gt; Sur la requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

Aux termes des conditions générales du contrat il est stipulé :

« Madame [X] [K] est embauchée par la société Lafarge Holcim Granulats en contrat à durée déterminée dans le cadre du remplacement partiel de Madame [T] [D] absente pour cause de maladie.

Le présent contrat prend effet le 1er octobre 2018 et est conclu jusqu'au retour de Madame [T] [D]. Par conséquent, il prendra automatiquement fin à son retour.

Néanmoins, la société Lafarge Holcim Granulats se réserve le droit de reporter le terme du présent contrat au plus tard jusqu'au surlendemain du retour de la salariée remplacée afin d'assurer un relais sur le poste avec Madame [T] [D]. Dans ce cas, elle en informera Madame [K] avant l'échéance du terme par lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception... »

En l'espèce, Madame [K] sollicite en premier lieu la requalification du contrat à durée déterminée au motif que celui-ci ne fait pas mention d'une durée minimale.

En effet il est acquis que les contrats conclus sans terme précis pour pourvoir au remplacement de salariés absents doivent comporter une durée minimale et qu'à défaut ils sont réputés conclus à durée indéterminée.

L'employeur objecte que nonobstant l'absence de mention expresse d'une durée minimale prévue au contrat, la salariée avait connaissance que son contrat de travail devait durer au moins deux mois puisque le certificat de prolongation d'arrêt de travail de Madame [D] établi le 2 juin 2018 courait jusqu'au 30 novembre 2018.

Or d'une part, l'employeur, au soutien de sa prétention verse aux débats un avis d'arrêt de travail vierge de toute mention et ne justifie, d'autre part, par aucun élément qu'une information ait pu être donnée à la salariée relativement à la durée de l'arrêt de travail de madame [D].

C'est pourquoi, alors même que l'arrêt de travail pour maladie de la salariée remplacée ne donne lieu à aucune durée définie offrant la possibilité au salarié remplaçant de connaître avec précision la durée du remplacement, le moyen opposé par l'employeur est inopérant.

Ensuite, si le contrat de travail stipule que Madame [K] est engagée en contrat à durée déterminée en qualité d'agent de bascule, statut ouvrier, niveau III, échelon1 selon les dispositions de la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux de construction « dans le cadre du remplacement partiel de Madame [T] [D] absente pour cause de maladie », aucune mention du contrat ne fait état de la qualification de la salariée remplacée. Or, la mention de la qualification du salarié remplacé concourt à la connaissance par le remplaçant du motif de recours au contrat à durée déterminée discuté par la salariée qui invoque également à cet égard les dispositions de l'article L1242-12 du code du travail, sans que l'employeur qui, aux termes du contrat, se prévaut d'un remplacement partiel ne justifie d'aucun élément relatif aux remplacements en cascade par glissement de poste.

Le contrat à durée déterminée conclu dans ces conditions est par conséquent irrégulier et il ouvre droit au bénéfice pour la salariée engagée d'une indemnité de requalification.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera par conséquent confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité de requalification formée par la salariée pour un montant non spécialement discuté de 1840 euros correspondant à un mois de salaire.

$gt;Sur la demande de réintégration sous astreinte

L'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ouvrant droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture, sans que le salarié puisse exiger, en l'absence de dispositions le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, sa réintégration dans l'entreprise.

En l'absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite, il appartient donc au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée résulte de la volonté de l'employeur de porter atteinte au droit du salarié d'obtenir en justice la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

En l'espèce, à la date à laquelle l'employeur avait mis fin au contrat à durée déterminée ne comportant pas de terme précis, soit au retour dans l'entreprise de la salariée dont l'absence constituait le motif d'engagement prévu au contrat, et plus de deux ans après le début de la relation de travail, la reprise de Madame [D] même à temps partiel, selon les préconisations émises par le médecin du travail caractérisait son retour effectif et définitif dans l'entreprise en dépit des visites de prévention ultérieures prévues par le praticien dans le cadre de sa mission sans que Madame [K] ne puisse se prévaloir utilement des incertitudes pesant sur une éventuelle future inaptitude de cette salariée dont elle ne justifie pas.

Madame [K] échoue par conséquent à rapporter la preuve que l'employeur avait sciemment violé les dispositions ordonnées par la formation de référé en vue de porter atteinte à son droit d'obtenir en justice la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Aussi, le jugement sera-t-il infirmé en ce qu'il a ordonné la réintégration sous astreinte de madame [K].

$gt;Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La notification à la salariée de la rupture de son contrat de travail par la société Lafarge Holcim Granulats le 30 novembre 2020 sans motif autre que le terme du contrat à durée déterminée requalifié était à la fois irrégulière et sans cause réelle et sérieuse.

Elle ouvre droit par conséquent au profit de Madame [K] au bénéfice des indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée était âgée de trente-deux ans et elle avait une ancienneté de deux ans et deux mois dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Madame [K] bénéficiait d'un salaire mensuel brut de 1840 euros. Entre le 30 novembre 2020, date de la notification de la rupture du contrat de travail, et le 25 juin 2021, date de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée entre les parties, la salariée ne justifie pas avoir recherché un emploi et elle ne caractérise pas l'existence de difficultés particulières de retour à l'emploi. Il convient donc, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, de faire droit à la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par Madame [K] à concurrence d'un montant de 5520 euros bruts sans qu'il y ait lieu à réparation distincte au titre de l'irrégularité de la procédure dès lors que l'indemnité ainsi allouée répond à l'exigence de réparation adéquate et appropriée du préjudice résultant de la perte injustifiée de l'emploi sans que la salariée ne justifie d'éléments susceptibles de remettre en cause l'application du texte susvisé.

La rupture injustifiée de l'emploi ouvre également droit pour la salariée au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis de 3680 euros, correspondant à deux mois de salaire, outre 368 euros au titre des congés payés afférents. La rupture du contrat de travail requalifié ouvre droit par ailleurs pour la salariée à une indemnité de licenciement pour un montant non utilement discuté de 1073,33 euros.

Madame [K] ne saurait en revanche prétendre au bénéfice d'une indemnité de précarité due au terme du contrat durée déterminée, et ce d'autant plus que l'employeur justifie de son paiement au 5 janvier 2021 pour un montant de 1531,71 euros.

$gt;Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

La seule imprécision du motif de recours au contrat durée déterminée en l'absence de mention de la qualification de la salariée remplacée ou en l'absence de mention d'une durée minimale prévue au contrat ne suffit pas à caractériser une exécution fautive du contrat de travail.

Alors ensuite qu'en l'absence de dispositions le prévoyant, et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, la réintégration dans l'entreprise de la salariée n'était pas de droit et tandis que madame [K] échoue à rapporter la preuve que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé au contrat à durée déterminée résultait de la volonté de l'employeur de porter atteinte à son droit d'obtenir en justice la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, madame [K] ne caractérise pas davantage une exécution fautive du contrat de travail ouvrant droit à un préjudice distinct de celui précédemment réparé au titre de la perte injustifiée de l'emploi.

Aussi convient-il de débouter Madame [X] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur.

$gt;Sur la recevabilité des demandes formées par le syndicat CGT Lafarge Granulats

Les syndicats sont titulaires d'un droit d'agir en justice afin de défendre l'intérêt collectif d'une profession. L'article L2132-3 du code du travail précise en effet que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice; ils peuvent ainsi, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 

En l'espèce, le syndicat CGT Lafarge Granulats était intervenant volontaire accessoire à l'action en requalification du contrat à durée déterminée introduite devant la formation de référé du conseil de prud'hommes le 23 septembre 2020.

S'il n'a formé une demande de dommages-intérêts pour atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession résultant d'un usage abusif du recours au contrat à durée déterminée qu'à l'occasion de l'instance au fond, engagée devant le conseil de prud'hommes le 8 octobre 2020, sa demande a trait au même fait générateur, si bien que l'interruption de la prescription résultant de l'action engagée devant la formation de référé lui bénéficiait également.

Ensuite, tandis que l'action en requalification du contrat à durée déterminée était également fondée sur le motif de recours au contrat à durée déterminée, le point de départ de la prescription courait à compter de la rupture du contrat, si bien qu'au regard des deux motifs précédemment énoncés la demande de dommages-intérêts formée par le syndicat était recevable.

Enfin, l'intérêt à agir d'un syndicat n'est pas subordonné à la démonstration préalable par celui-ci du bien-fondé de son action et il peut agir devant les juges d'appel pour leur soumettre un litige déjà porté par un salarié devant les juges du fond, dès lors que le non-respect de certaines dispositions légales par l'employeur cause un préjudice à la profession dont il défend les intérêts, il ne s'agit alors pas d'un nouveau litige et l'intervention du syndicat en appel est recevable.

C'est pourquoi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action du syndicat CGT Lafarge Granulats.

Alors par ailleurs que la violation des dispositions relatives au contrat à durée déterminée, en diminuant la possibilité d'embauche de travailleurs permanents, est de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la demande de dommages-intérêts formée par le syndicat CGT Lafarge Granulats est fondée, et il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il y a fait droit à concurrence d'un montant de 1500 euros.

$gt;Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

En raison de la rupture du contrat de travail au 30 novembre 2020 imputable à l'employeur, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société Lafarge Granulats supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée et au syndicat CGT Lafarge Granulats qui ont dû exposer des frais pour faire valoir leurs droits une somme de 2000 euros à chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Déclare irrecevables les demandes de rappel de salaire du 1er décembre 2020 au 28 juin 2021 et d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ainsi que la demande de rappel de salaire portant sur le versement d'un treizième mois formées par Madame [X] [K] ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Sète le 20 mai 2021 sauf en ce qu'il a ordonné la réintégration de Madame [X] [K] sous astreinte à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement ;

Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Déboute Madame [X] [K] de sa demande de réintégration sous astreinte ;

Y ajoutant,

Condamne la société Lafarge Granulats à payer à Madame [X] [K] les sommes suivantes :

-5520 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

-3680 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 368 euros au titre des congés payés afférents,

-1073,33 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Déboute Madame [X] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur ;

Dit que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ;

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage payées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Condamne la société Lafarge Granulats à payer à Madame [X] [K] une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Lafarge Granulats à payer au syndicat CGT Lafarge Granulats une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Lafarge Granulats aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03924
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.03924 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award