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27/03/2024 | FRANCE | N°21/03920

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 mars 2024, 21/03920


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 27 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03920 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBNY





Décision déférée à la Cour : Jugement du 0

7 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/01144







APPELANTE :



S.A.R.L. ORYX MANAGEMENT

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNO...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03920 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBNY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/01144

APPELANTE :

S.A.R.L. ORYX MANAGEMENT

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, substitué par Me JULIE Lola, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [S] [L]

né le 29 Juillet 1988 à [Localité 5] (66)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté par Me Pierre-Yves RACAUD de la SELARL PORCARA, RACAUD, avocat au barreau D'ALES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

La société Oryx Management exerce une activité d'intermédiation et de conseil dans le domaine de la sécurité.

M. [S] [L] a été engagé par la Sarl Oryx Management selon contrat à durée indéterminée verbal du 1er juillet 2016 régi par la convention collective nationale IDCC n°1486, des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Sur saisine de M. [L], par ordonnance de référé du 31 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Montpellier a condamné la société Onyx Management à payer à M. [S] [L] par provision les sommes de :

- 2539,13 euros bruts au titre du salaire du mois de décembre 2018

- 814,64 euros bruts à titre de prime de vacances

- 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel.

- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 24 juin 2019, M. [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par requête du 10 octobre 2019, M. [L] a saisi le conseil de Prud'hommes de Montpellier de diverses demandes indemnitaires au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 7 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que la prise d'acte de rupture de M. [L] s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la Sarl Oryx Amenagement à verser a Monsieur [L] les indemnités suivantes :

- indemnité de préavis 10200.60 euros

- indemnité de licenciement 3400.15 euros

- indemnité de congés payés 4080.24 euros

- indemnité prévue à l'article L1235-3 du Code du Travail 13600.80 euros

- paiement des heures supplémentaires réalisées 6181.47 euros

- paiement des astreintes réalisées entre le 1/7/2016 et le 19/9/2018 : 40960 euros

- indemnité pour travail dissimulé 18797.67 euros

- remboursement du matériel acquis pour l'exécution de travail 2853.48 euros

- dommages et intérêts pour mise à disposition des moyens personnels au bénéfice de son employeur 3000 euros

- salaires nets des mois de mai et juin 5078.26 euros

- dommages et intérêts pour non-respect de la prise de congés payés et du dispositif de réduction de temps de travail 2000 euros

- dommages intérêts pour harcèlement moral 10000 euros

- dommages et intérêts pour non remise des documents de fin de contrat : 2000 euros

- jugé que Monsieur [L] doit bénéficier du statut cadre et ordonné à la Sarl Oryx Management de régulariser la situation de Monsieur [L] auprès des organismes de retraite

- ordonné la remise de documents sociaux sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30eme jour suivant la notification de la décision

- condamné la Sarl Oryx Management à verser à Monsieur [L] la somme de 960 euros par application de l'article| 700 du CPC

- condamné la Sarl Oryx Management aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 16 juin 2021, la société Oryx Amenagement a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 14 décembre 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, elle demande à la cour de :

- déclarer nul le jugement dont appel

- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel

- juger que les manquements reprochés à l'employeur sont soit inexistants soit insuffisants pour justifier de la prise d'acte de la rupture

- requalifier la prise d'acte de la rupture du salarié en démission

- débouter en conséquence le salarié de l'intégralité de ses demandes, et dire n'y avoir lieu à indemnisation quelconque au titre du licenciement

Au subsidiaire :

- réformer le jugement dont appel quant aux quantum

- fixer à la somme de 3277,90€ le montant de l'indemnité de licenciement

- fixer à la somme de 9100,20€ le montant de l'indemnité de préavis

- débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tenant son comportement déloyal ou à tout le moins dire qu'elle ne pourra excéder la somme de 910,20€.

En tout état de cause :

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des heures supplémentaires

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre du travail dissimulé ou subsidiairement ramener cette condamnation à un mois de salaire

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des rappels de salaire

- dire n'y avoir lieu à condamnation à titre de remboursement de matériel ni à titre de dommages et intérêts et subsidiairement ramener ces condamnations à de plus justes proportions

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre du non respect des congés payés et du repos compensateur

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre du harcèlement moral

- condamner le salarié au paiement de la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Dans ses dernières conclusions en date du 22 octobre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [S] [L] demande à la cour de :

- déclarer la Sarl Oryx Management irrecevable et mal fondée en son appel ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement.

- confirmer le jugement entrepris en l'intégralité de ses chefs de jugement attaqués.

Y ajoutant :

- assortir la condamnation de la Sarl Oryx Management à régulariser la situation de M. [L] auprès des organismes de retraite d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

- condamner Oryx Management à payer à M. [L] la somme de 5000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 03 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du jugement :

La société Oryx Management invoque la nullité du jugement en raison d'une violation du principe du contradictoire, faisant valoir que l'audience devant le conseil de prud'hommes s'est tenue en l'absence de l'employeur pris en la personne de M. [D] [R], âgé de 68 ans, alors qu'il avait sollicité le renvoi de l'affaire en raison de son exposition au virus Covid 19, dans le contexte d'une situation sanitaire critique et d'une perturbation du trafic ferroviaire.

Il apparaît cependant que l'affaire initialement appelée à l'audience du 06 mars 2020 a fait l'objet de plusieurs renvois successifs à la demande de l'employeur qui, le 12 novembre 2020 a sollicité par courrier un nouveau renvoi alors que l'affaire devait être évoquée le 13 novembre, au motif qu'il était 'cas contact' et que la circulation des trains était perturbée, sans cependant justifier de la réalité de son état de santé, ni d'une impossibilité de réserver en temps utile un moyen de transport lui permettant de comparaître à l'audience.

Dès lors, il ne peut être reproché à la juridiction prud'homale d'avoir statué en violation du principe du contradictoire ; la demande tendant à déclarer le jugement nul sera rejetée.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur les heures supplémentaires :

Il résulte des disposions de l'article L.3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l'espèce, M. [L] présente un décompte détaillé des heures de travail effectuées pour le compte de la société Oryx Management, ainsi que des courriers et mails adressés à l'employeur pour lui demander le paiement d'heures supplémentaires, faisant ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis.

La société objecte que M. [L] a été embauché en 35 heures qu'il ne pouvait exécuter d'heures supplémentaires sans l'accord préalable de sa hiérarchie et qu'en sa qualité de cadre il était libre de s'organiser comme il le souhaitait.

L'employeur précise que pendant sa période de travail au profit de l'entreprise Oryx Management, M. [L] exerçait en outre, une activité de prestation de service informatique et communication en qualité d'auto-entrepreneur et qu'il dirigeait la société Minifilia, dont il était l'unique associé, laquelle a facturé des prestations de services à la société Oryx Management.

M. [L] soutient que son activité d'auto-entrepreneur était en sommeil lorsqu'il a travaillé pour la société Oryx Management et verse aux débats un relevé URSSAF attestant d'un chiffre d'affaire nul au titre de l'année 2017. Il ne justifie pas cependant de l'absence de toute activité au titre de son entreprise personnelle pendant l'intégralité de la période de travail soit entre 2016 et 2019.

Par ailleurs, l'employeur justifie que M. [L], alors qu'il travaillait pour la société, lui a facturé de nombreuses prestations réalisées par la société Minifilia dont il était le dirigeant et unique associé pour un montant total de 79 872 euros.

Ainsi, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, s'il apparaît que l'employeur n'est pas en mesure de justifier des heures effectivement réalisées par le salarié, il ressort cependant des éléments produit par M. [L], mis en corrélation avec les activités annexes qu'il effectuait dans le cadre de deux autres entreprises dont il était le dirigeant, conduisent à limiter à la somme de 3181 euros le montant dû au salarié à titre d'heures supplémentaires, augmenté des congés payés afférents pour un montant de 318,10 euros.

Sur les astreintes :

L'article L3121-9 du code du travail dispose que 'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie , soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des période d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.'

En l'espèce, M. [S] [L] allègue avoir assuré des astreintes sans aucune contrepartie financière pendant 512 jours successifs entre le 1er mars 2017 et le 26 juillet 2018 et sollicite à ce titre la somme de 40960 euros.

Il fait valoir qu'aucune astreinte n'était organisée par l'employeur, mais que les technologies développées par la société Oryx Management, et notamment les serveurs installés le 1er mars 2017, nécessitaient une maintenance particulière qu'il était le seul à pouvoir assurer et qu'il a effectivement pris en charge.

Il produit divers mails adressés à son employeur par lesquels il lui indique assumer des astreintes dont il sollicite le paiement, outre un décompte précis des interventions effectuées dans ce cadre jusqu'au 26 juillet 2018, date à laquelle il indique avoir vendu son matériel informatique personnel avec lequel il intervenait dans le cadre des astreintes.

L'employeur objecte qu'il n'a jamais demandé à son salarié d'effectuer des astreintes, que M. [L] a été le seul à avoir pris l'initiative de donner son numéro personnel aux techniciens des services dans lesquels étaient installés les logiciels, sans en informer la société, et que les salariés qui ont pris sa suite sur le projet n'ont jamais eu à faire d'astreintes.

Il ressort de l'analyse des courriels échangés que le salarié avait mis en place de sa propre initiative un système d'astreintes dont il avait informé son employeur, et qu'il a cessé, de son propre chef, d'exercer cette mission suite à la vente de son ordinateur le 27 août 2018.

La seule connaissance par l'employeur d'une situation de fait créée par son salarié ne saurait transformer cette situation en astreinte, sachant qu'en l'espèce, aucun autre salarié n'a été désigné pour assumer une telle mission lorsque M. [L] a cessé de l'exercer, de sorte que les périodes litigieuses ne constituaient pas des périodes d'astreinte.

En conséquence, la décision sera infirmée en ce qu'elle a accordé à M. [L] un rappel de salaire au titre du paiement des astreintes.

Sur le travail dissimulé :

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l'administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de délivrance d'un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l'embauche. De même est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L' article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l'octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

En l'espèce, s'il est établi que M. [L] a effectué des heures supplémentaires et qu'il en a sollicité le paiement à diverses reprises, il apparaît cependant qu'au regard des activités annexes que ce dernier exerçait, notamment en qualité de prestataire de service pour la société, l'employeur a pu critiquer de bonne foi l'imputation de ces heures de travail sur son emploi salarié , de sorte la preuve de l'intention de l'employeur de dissimuler une partie de l'activité du salarié sans la rémunérer n'est pas rapportée et que le travail dissimulé n'est en conséquence pas caractérisé.

La décision sera infirmée en ce qu'elle a condamné l'employeur au paiement de la somme de 18797.67 euros à ce titre.

Sur la mise à disposition de moyens personnels au bénéfice de l'employeur :

En application de l'article L1222-10 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci.

M. [L] fait valoir qu'il a été contraint d'utiliser son matériel personnel dans l'exécution de son travail. Il précise s'être équipé d'un Macbook et d'un Iphone à ses frais exclusifs et sans participation de l'employeur aux abonnements internet ou téléphoniques, ainsi qu'aux frais engagés au titre du matériel et mobilier de bureau.

Il sollicite la condamnation de l'employeur lui verser la somme de 2853,48 euros correspondant au matériel qu'il a acquis pour les besoins de l'entreprise ainsi que la somme de 3000 euros correspondant aux frais d'électricité payés pour stocker les serveurs chez lui, ainsi qu' à la la mise à disposition d'une partie de son logement personnel à des fins professionnelles.

L'employeur objecte avoir mis à la disposition de M. [L] des locaux dûment équipés de matériel informatique, mais qu'il a choisi de travailler depuis son domicile pour des raisons de convenance personnelle. Il rappelle en outre que le salarié utilisait également son matériel informatique personnel dans le cadre de ses activités annexes à celles exercées pour le compte de la société.

Concernant les locaux, il est établi au vu des justificatifs produits que la société avait mis à la disposition de M. [L] un bureau adapté à son poste de travail.

En revanche, l'échange de mails entre le salarié et sa hiérarchie en date du 22 juin 2018 laisse apparaître que M. [L] était contraint d'utiliser son matériel informatique personnel dans l'intérêt de la société et qu'il déplorait que son ordinateur personnel soit saturé par les programmes liés à son activité professionnelle, ne lui en permettant plus un usage à des fins privées, pour lui même ainsi que pour sa famille.

Par sa réponse succincte ainsi libellée : 'préfères tu qu'on dépose le bilan'' l'employeur lui a laissé entendre qu'il n'était pas en mesure de financer un matériel informatique adapté, sachant que la société n'a finalement mis à la disposition de son salarié un équipement neuf qu'au mois de février 2019.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si M. [L] a été contraint d'utiliser son matériel informatique personnel au bénéfice de l'employeur pendant la majeure partie de sa période de travail, il n'était cependant pas obligé de travailler à son domicile. Par ailleurs, il a été précédemment établi qu'il exerçait également pour son propre compte, des activités annexes à celles exercées pour son employeur dans le domaine de l'informatique, pour lesquelles il pouvait également utiliser son ordinateur personnel.

Dès lors, il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à lui rembourser un ordinateur acquis en 2014, soit avant le début de son contrat de travail, ni l'achat d'un téléphone portable acquis en 2017 dont rien n'indique qu'il était utilisé exclusivement dans le cadre du travail.

La décision sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a condamné l'employeur à lui rembourser la somme de 2853,48 euros au titre du matériel acquis pour l'exécution de son travail.

En revanche, il est établi que M. [L] a utilisé son matériel informatique personnel dans l'intérêt de l'entreprise, au moins jusqu'en février 2019, entraînant ainsi un surcoût des charges d'énergie ainsi qu' une restriction de l'utilisation ce matériel à des fins personnelles ou familiales.

Il convient en conséquence de condamner l'employeur à lui verser la somme de 2000 euros à ce titre, le jugement sera ainsi infirmé en son quantum.

Sur les rappels de salaire :

M. [L] sollicite un rappel de salaire au titre des mois de mai et juin 2019, mentionnant qu'au jour de la demande, les salaires n'étaient pas réglés.

L'employeur ne justifie pas avoir réglé les sommes sollicitées au regard de l'unique tableau édité informatiquement qu'il produit aux débats sans en préciser l'origine ni la destination, et auquel n'est joint aucun document comptable ou relevé bancaire probant.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 5078,26 euros à ce titre.

Sur le non respect des congés payés et des repos compensateurs :

En cas de litige portant sur le respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d'un salarié, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Il lui appartient de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

M. [L] reproche à son employeur de ne pas l'avoir informé sur ses droits à congés payés et repos compensateur. La société objecte que malgré ses demandes, M. [L] ne lui a pas transmis de demande à ce titre

Les échanges de mails produits aux débats laissent cependant apparaître qu'une première fois le 27 mars 2017, la société a demandé à M. [L] de lui transmettre ses dates de congés, que ce dernier s'est exécuté quelques minutes plus tard en sollicitant par ailleurs que lui soit adressé le solde des jours de congés et RTT qu'il lui restait à prendre. Aucune réponse n'a été apportée à sa demande par l'employeur.

La société a adressé un nouveau mail à M. [L] le 24 avril 2018 rédigé en des termes identiques à celui du 27 mars 2017, auquel M. [L] a répondu une nouvelle fois quelques minutes plus tard, en joignant à nouveau le récapitulatif de ses dates de congés tout en réitérant sa demande afin de connaître le nombre de congés et de RTT restant à prendre, sans que l'employeur ne lui réponde.

Par ailleurs, le conseil de M. [L] a adressé le 4 décembre 2018 un courrier à la société lui faisant part de diverses difficultés et dans lequel il sollicitait notamment la communication de son solde de jours de RTT du salarié, sans qu'il ne soit justifié d'une réponse de l'employeur.

Enfin, M. [L] a adressé en mai 2019 une demande de congés payés au titre du mois de juin 2019 à laquelle l'employeur n'a pas répondu.

Il est ainsi établi que l'employeur ne démontre pas avoir respecté son obligation tendant à prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, lui causant ainsi un préjudice que le conseil de prud'homme a justement évalué à la somme de 2000 euros, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur les cotisations au titre du statut de cadre :

Il n'est pas contesté que M. [L] a été engagé le 1er juillet 2016 en qualité de cadre mais qu'il n'a été affilié à la caisse de retraite des cadre que le 1er octobre 2017, après avoir interpellé son employeur à diverses reprises sur ce point.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a ordonné à la société Oryx Management de régulariser la situation de M. [L] auprès des organismes de retraites pour la période du 1er juillet 2017 au 1er octobre 2017, sans qu'il ne soit cependant nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur le harcèlement moral :

L'article L 1152-1 du code du travail dispose que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 du code du travail précise qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [L] fonde sa demande au titre du harcèlement moral sur les mêmes éléments précédemment développés relatifs à l'absence de rémunération d'heures supplémentaires, à la mise à disposition de moyens personnels au bénéfice de l'employeur, à l'impossibilité de prendre des jours de RTT dont le décompte ne lui était pas communiqué et précise qu'il s'est littéralement épuisé au travail en cherchant à satisfaire les demandes croissante de son employeur au détriment de sa vie personnelle.

L'existence d'heures supplémentaires non rémunérées, de l'utilisation de matériel personnel sans contrepartie financière et de difficultés liées à l'absence de décompte de jours de RTT est établie. Par ailleurs, M. [L] justifie avoir adressé à son employeur de nombreux courriels relatifs aux difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, tant sur le plan administratif que matériel, sans que la société ne lui adresse de réponse précise.

Pris dans leur ensemble, ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral sans que l'employeur n'apporte d'élément de nature à démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, de sorte que le harcèlement est établi.

M. [L], qui ne produit cependant aucun élément médical de nature à justifier d'une altération de sa santé liée à la dégradation de ses conditions de travail, a déjà été indemnisé au titre de chacun des chefs évoqués pour caractériser le harcèlement moral, c'est pourquoi, s'il convient de l'indemniser en raison du préjudice distinct consécutif au harcèlement moral subi, il convient cependant de limier les dommages et intérêts auxquels sera condamné l'employeur à la somme de 2000 euros, la décision sera infirmée en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail :

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Elle entraîne la rupture immédiate du contrat de travail

Si les manquements reprochés à l'employeur sont caractérisés, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou le cas échéant, ouvre droit à une indemnité pour licenciement nul. Si les griefs invoqués par le salarié ne sont pas justifiés, sa prise d'acte produit les effets d'une démission.

En l'espèce, M. [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier adressé à l'employeur le 24 juin 2019 rédigé en ces termes :

'Par la présente, je me vois contraint de vous notifier ma prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail pour laquelle vous êtes le seul responsable.

Depuis mon embauche, vous présentez beaucoup de difficultés pour respecter les plus élémentaires de vos obligations notamment le paiement du salaire ou encore la rédaction d'un contrat de travail écrit que je ne cesse de vous réclamer par courriel en vain.

Par ailleurs, aucun de mes astreintes ou de mes heures supplémentaires ne me sont réglées. Parallèlement, vous ne me donnez pas la possibilité de poser mes congés payés ou encore, vous ne tenez pas à jour un décompte des RTT.

La situation est devenue intenable, lorsqu'en raison de vos manquements, j'ai été contrant de vendre mon matériel informatique afin de subvenir aux besoins quotidiens de ma famille.

J'ai donc été contraint de saisir le conseil de prud'hommes de Montpellier statuant en référé afin d'obtenir le paiement de mes salaires en retard ainsi que ma prime de vacances.

Lors de l'audience, vous avez voulu montrer un visage rassurant, en indiquant que tout allait 'rentrer dans l'ordre', me demandant même quels étaient mes souhaits pour continuer dans l'entreprise.

Force est de constater qu'aujourd'hui encore , mes salaires ne sont pas payés ou alors avec plus d'un mois de retard.

Mes astreintes et heures supplémentaires ne mes sont toujours pas réglées.

Le problème de calcul de la part de mutuelle m'incombant est toujours d'actualité.

Mon statut de cadre n'a toujours pas été régularisé depuis l'embauche. En effet, j'ai été embauché en tant que cadre et aucune déclaration en ce sens d'a été faite auprès de la caisse de retraite des cadres.

Pire, vous n'avez même pas respecté les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 31 janvier 2019.

Ma situation professionnelle a dorénavant des conséquences négatives sur ma vie personnelle et particulièrement sur ma famille et je vous notifie donc par la présente la prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail.....'

Il est ainsi reproché à l'employeur de ne pas avoir rédigé de contrat de travail écrit, des retards répétés dans le paiement des salaires, le non paiement d'astreintes et d'heures supplémentaires, outre l'impossibilité de poser des RTT.

M. [L] établit par ailleurs, au vu des nombreux mails produits, avoir sollicité plusieurs fois la régularisation d'un contrat de travail écrit afin de mieux appréhender dans quel cadre s'exerçaient ses missions à l'égard de son employeur, sans avoir obtenu de réponse de la société qui allègue, mais sans en justifier, des carences du salariés dans la transmission de documents administratifs qui l'auraient empêché de régulariser un contrat écrit.

Concernant le retard dans le paiement des salaires, suite à l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes , M. [L] établit, au regard de ses relevés bancaires que l'employeur a continué à payer les salaires avec retard ainsi les mois d'octobre et novembre 2018 ont été payés le 10 janvier 2019 ; une partie du salaire de décembre 2018 a été payé le 25 janvier 2019 ; le solde du mois de décembre 2018 a été payé le 28 février 2019, le mois de janvier 2019 a été payé le 22 mars 2019 ; les mois de février et mars 2019 ont été payés le 29 avril 2019 et le mois d'avril 2019 a été réglé le 14 juin 2019.

Par ailleurs, les griefs liés au non paiement d'heures supplémentaires et aux difficultés liées à l'absence de décompte des RTT ont été préalablement établis et M. [L] justifie en outre que son employeur a résilié la mutuelle de l'entreprise le 05 mai 2019, sans que la société ne justifie en avoir préalablement informé son salarié.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les divers manquements établis à l'égard de l'employeur sont caractérisés et qu'au regard de leur gravité ils ont empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur les conséquence de la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité de licenciement :

En l'espèce, il convient d'appliquer l'indemnité conventionnelle de licenciement qui est plus favorable que l'indemnité légale, et qui inclut les primes dans sa base de calcul, de sorte que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a fixé cette indemnité à la somme de 3400, 15 euros, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En sa qualité de cadre, M. [L] a droit à une indemnité compensatrice égale à trois mois de salaire, la décision sera confirmée en ce qu'elle a fixée cette indemnité à la somme de

10 200,60 euros bruts.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il a droit, il reçoit pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé qu'il convient de fixer en l'espèce à la somme de 4080,24 euros, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur les dommages et intérêts :

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et que la réintégration du salarié n'est pas possible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur comprise entre un minimum et un maximum qui varie en fonction du montant du salaire, de l'ancienneté du salarié et de l'effectif de l'entreprise.

En l'espèce, M. [L] disposait d'une ancienneté de trois ans ; au regard du préjudice subi consécutif à la rupture du contrat de travail, il convient en conséquence de lui accorder la somme de 13 600, 80 euros correspondant à 4 mois de salaire. La décision sera confirmée sur ce point.

Sur la non délivrance des documents de fin de contrat :

En l'espèce, il est constant que M. [L] n'a pas obtenu la remise de ses documents de fin de contrat. S'il convient de confirmer la décision en ce qu'elle a condamné l'employeur à remettre les documents de fin de contrat, il n'est cependant pas nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte, la décision sera réformée sur ce point.

Par ailleurs, M. [L] ne justifiant pas d'un préjudice consécutif à l'absence de remise de ces documents, la décision sera infirmée en ce qu'elle lui a accordé des dommages et intérêts de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il convient de condamner la société Oryx Management à verser à M. [L] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette la demande tendant à constater la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 07 mai 2021,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 07 mai 2021 en ce qu'il a condamné la société Oryx Management à verser à M. [L] :

- 6181, 47 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 40 960 euros à titre d'astreintes,

-18797.67 euros au titre du travail dissimulé,

- 2853,48 euros au titre du remboursement du matériel acquis pour l'exécution du travail,

- 3000 euros de dommages intérêts pour mise à disposition de moyens personnels au bénéfice de l'employeur,

- 2000 euros de dommages et intérêts pour non remise des documents de fin de contrat,

- 10 000 euros au titre du harcèlement moral,

et assorti la condamnation à la remise des documents sociaux d'une astreinte.

Statuant à nouveau :

Condamne la société Oryx management à verser à M. [S] [L] :

- 3181 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 318,10 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2000 euros au titre du harcèlement moral,

- 2000 euros de dommages intérêts pour mise à disposition de moyens personnels au bénéfice de l'employeur,

- Rejette la demande formée au titre des astreintes,

- Rejette la demande formée au titre du travail dissimulé ,

- Rejette la demande au titre du matériel acquis pour l'exécution du travail,

- Rejette la demande au titre des dommages et intérêts pour non remise des documents de fin de contrat ,

- Dit n'y avoir lieu à assortir la remise des documents sociaux d'une astreinte.

Confirme le jugement en ses autres dispositions critiquées.

Y ajoutant :

- Condamne la société Oryx Management à verser à M. [S] [L] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Oryx Management aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03920
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.03920 ?
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