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27/03/2024 | FRANCE | N°20/05261

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 mars 2024, 20/05261


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 27 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05261 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYOL





Décision déférée à la Cour : Jugement du 0

4 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00600









APPELANTE :



Madame [B] [E] épouse [L]

née le 06 Août 1971 à [Localité 6] (57)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Jean Sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER






...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05261 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYOL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00600

APPELANTE :

Madame [B] [E] épouse [L]

née le 06 Août 1971 à [Localité 6] (57)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean Sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A. NATURE ET DECOUVERTES

Prise en la personne de ses représentants légaux sis

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Christine PFAUDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de révocation de la clôture du 13 Juin 2023 et nouvelle clôture le 24 janvier 2024.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [B] [E] épouse [L] a été engagée à compter du 1er septembre 2010 par la société Nature et Découvertes en qualité de guide-conseil, statut employé, niveau III au sein de l'établissement de [Localité 5].

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 janvier 2018 la société Nature et Découvertes convoquait la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 18 janvier 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 février 2018 l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 12 juin 2018 aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer une indemnité pour rupture abusive de la relation de

travail ainsi que des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et des dommages intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement.

Par jugement du 4 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Montpellier a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Le 24 novembre 2020, la salariée a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 9 juin 2023, Madame [B] [E] épouse [L] conclut à l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes et à la condamnation de la société Nature et Découvertes à lui payer les sommes suivantes :

-5000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-20 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et brutal,

-2000 euros nets sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 juin 2023, la société Nature et Découvertes conclut avant toute défense au fond à la révocation de l'ordonnance de clôture consécutivement aux dernières écritures de son adversaire et à la production par celle-ci d'une attestation de madame [S] [J], à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes et à la condamnation de la salariée à lui payer une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Par ordonnance du 24 janvier 2024, le magistrat chargé de la mise en état ordonnait avant l'ouverture des débats la révocation de l'ordonnance de clôture et prononçait une nouvelle clôture au 24 janvier 2024.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

SUR QUOI :

$gt; Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de sa demande Madame [B] [E] épouse [L] fait valoir que l'employeur la soumettait à une pression psychologique forte, que la directrice de magasin avait eu des mots inacceptables envers elle, qu'elle la traitait injustement et que la mauvaise ambiance générée par les conditions de travail avait déclenché chez elle un syndrome dépressif réactionnel, qu'en outre elle devait assurer régulièrement les fermetures du magasin en dépit des préconisations du médecin du travail.

A l'appui de ses dires la salariée justifie d'une attestation de Monsieur [Z] [I] selon lequel les salariés travaillaient dans des conditions stressantes, outre d'une attestation de Madame [O] [W], anciennement directrice-adjointe du magasin, laquelle fait état d'une pression sur les résultats et d'une incitation que faisait peser la directrice de magasin sur les autres salariés visant à isoler Madame [L]. Elle produit encore une attestation de Monsieur [T], anciennement stagiaire au sein de l'établissement Nature et Découvertes de [Localité 5], lequel évoque des conditions de travail néfastes ainsi que des mots inacceptables employés par la directrice de magasin et indique avoir vu madame [L] pleurer à plusieurs reprises dans l'arrière-boutique tandis que Monsieur [P], ancien collègue de la salariée, déclare que celle-ci avait été « victime d'injustice et de discrimination» du fait de l'attitude de la directrice de magasin à son égard. Elle produit en outre aux débats une attestation de Monsieur [P] engagé par contrat à durée déterminée dans l'entreprise qui reproche à la directrice du magasin un caractère excessivement directif et ajoute que des inégalités de traitement existaient entre les salariés affectés à l'avant du magasin et ceux de la zone arrière, qu'ainsi madame [L] alors qu'elle avait été opérée du poignet devait porter les colis les plus lourds et qu'il avait été amené à l'aider dans ce cadre.

Elle verse encore aux débats les éléments suivants :

-la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 8 % par la caisse primaire maladie le 5 janvier 2015 en raison d'une raideur du poignet droit associée à un déficit de l'hyperextension du pouce droit.

-un courrier d'alerte du docteur [M], médecin du travail en date du 18 mai 2017, adressé à la direction des ressources humaines de la société Nature et Découvertes aux termes duquel il indique avoir reçu ce jour Madame [L] en pleurs, celle-ci relatant des relations difficiles dans son travail et un manque de reconnaissance, attribuant son état à ses conditions de travail, et aux termes duquel il précise que « son état de santé ne justifie pas de faire toutes les fermetures ».

-le planning de ses horaires de travail des mois de juin 2017, de juillet 2017, d'août 2017, de septembre 2017, d'octobre 2017, de novembre 2017, de février 2018 desquels il ressort une proportion importante de fins de périodes de service en soirée souvent après 19 heures ou 19h30 et fréquemment, sauf au cours du mois de juillet, à 20 heures ou 20 heures15.

-un certificat médical du docteur [X], médecin généraliste, lequel indique suivre Madame [L] depuis le début de l'année 2017 pour un syndrome anxio-dépressif ayant nécessité plusieurs arrêts de travail jusqu'au mois de mars 2018.

-un certificat médical du Docteur [N], spécialisé en oto-neurologie établi le 27 mars 2018 aux termes duquel il indique que Madame [L] était suivie « pour un problème de troubles de l'équilibre récurrent, très stress et fatigue dépendant » et ajoute « Elle traverse actuellement une période difficile qui favorise sa pathologie ».

-Les certificats médicaux et justificatifs d'arrêt de travail de la caisse primaire d'assurance-maladie pour les périodes du 15 janvier 2017 au 18 février 2017, du 16 juin 2017 au 21 juin 2017, du 14 septembre 2017 au 30 septembre 2017, du 21 décembre 2017 au 18 janvier 2018, du 5 mars 2018 au 10 mars 2018.

Elle justifie ensuite du courrier d'alerte signé de trois autres salariés qu'elle adressait à la direction du magasin le 5 décembre 2017 dénonçant un climat de stress constant, un fonctionnement qualifié d'archaïque, un problème d'inégalité de traitement et une politique de division.

$gt;

Les attestations produites par la salariée qui traduisent l'expression d'un ressenti ne permettent cependant pas pour l'essentiel de mettre en évidence des faits datables ou identifiables. Si Monsieur [P] indique que madame [L], alors qu'elle avait été opérée devait porter les colis les plus lourds, qu'il avait été amené à l'aider dans ses tâches pour cette raison, et si celle-ci met en avant le fait que les salariés situés à l'avant du magasin étaient bien plus sollicités que ceux situés à l'arrière, notamment au niveau du renfort de caisse, l'employeur justifie qu'à l'issue de l'entretien professionnel du 26 octobre 2017 la salariée bénéficiait d'un changement d'affectation, puis à nouveau en décembre 2017.

En revanche, alors que le médecin du travail avait adressé à l'employeur le 18 mai 2017 un courrier d'alerte sur la situation de souffrance aiguë au travail de madame [L], celui-ci s'est abstenu d'en rechercher les causes avant que quatre salariés de l'entreprise ne le saisissent par un courrier du 5 décembre 2017 comme la salariée en rapporte la preuve.

Ensuite, si l'employeur fait valoir, que postérieurement au 18 mai 2017, la salariée n'assurait pas « toutes les fermetures », il ne justifie cependant par aucun élément de l'allégation selon laquelle le service était équitablement réparti entre tous les salariés au regard du planning produit aux débats par madame [L] démontrant la fréquence de sa présence à des horaires tardifs.

Le manquement à l'exécution loyale du contrat de travail, résultant à la fois, du retard de plusieurs mois mis par l'employeur à prendre toute mesure propre à prévenir les risques de dégradation de l'état de santé de la salariée alors qu'il avait été alerté par le médecin du travail de la souffrance au travail de madame [L], ainsi que de l'absence de toute justification d'un traitement équitable de la salariée dans l'organisation du service relativement aux services de fermeture, est par conséquent établi.

En considération de ce qui précède, la cour dispose d'éléments suffisants pour faire droit à la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail formée par la salariée à concurrence d'une somme de 3000 euros.

Pour autant, en dépit des nombreux arrêts travail de la salariée, le contrat de travail de madame [L] s'est poursuivi sans que celle-ci ne prenne l'initiative d'une rupture. Par conséquent, il convient d'examiner le caractère réel et sérieux des motifs invoqués à l'appui du licenciement.

$gt; Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste il profite au salarié.

$gt;

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur fait grief à la salariée d'avoir tenu des propos violents, dénigrants et répétés à l'encontre de ses collègues et de sa hiérarchie. Il lui reproche en particulier les faits suivants :

« Courant novembre et début décembre 2017, plusieurs salariés se sont plaints de votre comportement et de vos propos agressifs récurrents, ainsi que des tensions de plus en plus pesantes ressenties dans le magasin de [Localité 5] Odysseum depuis le dernier trimestre 2017.

Compte tenu des différents griefs exprimés - notamment après un incident vous impliquant survenu le 9 novembre 2017 - qui ont été rapportés à la Direction des ressources humaines, une enquête a été confiée au Directeur Régional, Monsieur [A] [U] qui a entendules salariés du magasin le 14 décembre 2017.

Parallèlement, une enquête a été confiée au CHSCT.

Compte tenu des propos rapportés au Directeur Régional concernant vos agissements et leur impact sur l'état de plusieurs salariés nous vous avons adressé le 5 janvier 2018 une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 18 janvier.

Le CHSCT a mené son enquête le 1er février 2018.

Ses conclusions confirment le mal-être ressenti par une majorité des salariés du magasin en raison de vos propos et comportements négatifs à leur égard.

Il apparait en effet qu'au dernier trimestre 2017 notamment, vous avez provoqué plusieurs altercations avec vos collègues et tenus des propos méprisants, agressifs et vulgaires à de nombreuses reprises.

Au-delà des piques et remontrances que vous vous permettez d'adresser de manière récurrentes à vos collègues et aux encadrants, nous avons notamment pris connaissance des faits et propos suivants qui illustrent ce comportement inacceptable :

- Le 2 septembre 2017 vous avez invectivé [S] [J] pendant plus de 30 minutes, sans qu'elle sache ce qui motivait cette violence verbale et avez notamment hurlé : « tu me fais de l'ombre. [C] en a chié avec moi, maintenant c'est ma salope, ma pétasse » et ce devant témoins,

- Le 21 octobre 2017, alors que [V] [R] venait vous voir en caisse au sujet de vos plans d'implantation de [F] vous lui avez lancé sur un ton agressif : « dégage»,

- Le 9 novembre 2017 vous avez provoqué une violente altercation en réserve avec [V] [R], Guide Conseil. Alors qu'elle vous suppliait d'arrêter vos propos agressifs, vous l'avez poursuivie en réserve et avez continué vos invectives avec une telle véhémence que vos cris s'entendaient jusque sur la surface de vente par les clients présents. Certains de vos collègues inquiets ont tenté d'intervenir pour vous calmer. [Y] [K], Directrice du magasin a dû intervenir et vous a demandé de la suivre au bureau. Vous avez alors menacé [V] en lui criant :

« tu m'as trahie, tu m'as planté un couteau dans le dos, tu vas le regretter». [D] [G] a dû augmenter le volume des diffuseurs de musique pour éviter aux clients d'entendre vos hurlements,

- Plus tard, le même jour, vous vous en êtes à nouveau pris à [V] sur la surface de vente. [CN] [H], Responsable Service Clients, est venu vous demander de regagner vos zones, et vous l'avez accusé de favoritisme en criant : « tu défendras toujours ta chouchou »,

- Le 17 novembre 2017, vous vous êtes plainte auprès de [Y] [K] que votre zone avait été modifiée pendant votre absence. Alors que celle-ci vous en expliquait les motifs et vous demandait d'être constructive vous avez crié, sur la surface de vente, devant vos collègues et devant des clients: « tu es à la cellule d'écoute, on se demande bien pourquoi ».

Plusieurs salariés se plaignent de ce que vous les dénigrez, tant sur le terrain professionnel notamment en critiquant leurs ventes, que sur le terrain personnel.

A [D] [G], Guide Conseil, fin novembre 2017 vous avez dit : « tu n'es rien pour moi » sur un ton méchant et agressif et avez critiqué sa prise de congés de 4 jours en novembre en ironisant sur le fait qu'au moins, il avait pu en profiter pour se : « recueillir sur la tombe de sa mère ». Il s'agissait du premier anniversaire du décès de sa mère.

Des salariés se plaignent également de ce que vous critiquez l'entreprise.

Vous avez notamment dit à deux de vos collègues fin décembre 2017 « vous vous êtes bien fait avoir pour la prime, pour moi la carotte elle se met devant, pas dans le cul ».

Par ailleurs, vous refusez de dire bonjour à une partie de l'équipe, et notamment à la Directrice du magasin dont vous remettrez sans cesse les compétences en cause devant les autres membres de l'équipe.

Plus généralement une partie de l'équipe se plaint de vos changements d'humeurs permanents et manifestent de l'appréhension à travailler en votre présence en raison de votre agressivité et de vos mots blessants.

Enfin, vous exprimez votre démotivation et « dégoût de la vente et des clients » de manière récurrente auprès de votre hiérarchie et de vos collègues.

En dépit des diverses remarques et mises en garde, vous n'avez pas modifié votre attitude, au contraire.

Ces comportements et propos agressifs, insultants et blessants sont parfaitement inacceptables et nuisent profondément aux relations de travail et à l'ambiance du magasin.

C'est pourquoi nous avons décidé de vous licencier. »

$gt;

Si Madame [L] invoque en premier lieu une fin de non-recevoir tirée de la prescription, les agissements qui lui sont reprochés sont cependant tous de même nature et les derniers faits retenus dans la lettre de licenciement, outre ceux du 9 novembre 2017 sont du 17 novembre 2017. Enfin, il ressort de l'ensemble des pièces produites que c'est seulement à l'issue de la première enquête conduite par le directeur régional le 11 décembre 2017 que l'employeur pouvait avoir une connaissance complète des faits reprochés si bien que tandis que la convocation à l'entretien préalable est intervenue le 5 janvier 2018, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Au soutien de sa prétention, la société Nature et Découvertes justifie d'une première attestation du 10 novembre 2017 par laquelle Madame [S] [J] relate la dispute de la veille entre Madame [L] et Madame [V] [R] ainsi que d'un courrier du 29 décembre 2017 aux termes duquel Madame [S] [J] reprend très exactement les éléments contenus dans la lettre de licenciement sur les propos prêtés à Madame [L] à son sujet le 2 septembre 2017.

En réplique la salariée se prévaut d'une attestation établie le 7 mai 2021 par la même madame [J], laquelle indique que sa première attestation ne convenait pas à l'employeur et que la teneur de son courrier ultérieur produit par la société avait été clairement dirigée par le directeur régional. Aux termes de ce document Madame [J] ajoute n'avoir pris conscience qu'a posteriori, dans le cadre d'une psychothérapie consécutive à un burn-out en 2019, de la situation de souffrance qui régnait au sein du magasin, et avoir alors seulement, réalisé ce qu'avait pu subir Madame [L].

L'employeur se défend de cette accusation et prétend qu'il n'avait été demandé à la salariée que d'être plus factuelle.

En définitive, si, au vu de cette attestation, un doute subsiste sur la teneur des propos adressés à Madame [J] par Madame [L] le 2 septembre 2017, ces éléments ne remettent pas en cause l'existence de la dispute relatée entre madame [L] et Madame [R] le 9 novembre 2017, fait également rapporté par cette dernière dans son courrier du 4 janvier 2018, ces éléments étant en outre corroborés par les attestations de messieurs [CN] [H] et [D] [G] lesquels dénoncent encore par courrier ultérieur les termes proférés à leur égard par madame [L] et repris dans la lettre de licenciement.

L'existence d'agressions verbales et de propos agressifs récurrents dont la lettre de licenciement fait état sont, évoqués, outre par la directrice du magasin mais également par le directeur régional dans son rapport de visite du 11 décembre 2017 sans que les attestations de Monsieur [Z] [I], de Madame [O] [W], de Monsieur [T], ou de Monsieur [P], produites par la salariée et analysées plus haut ne soient de nature à remettre en cause les éléments factuels reprochés à madame [L] par la lettre de licenciement.

Enfin, la société Nature et Découvertes verse aux débats le rapport d'enquête établi par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 1er février 2018, lequel, s'il relève que selon certains salariés la pression était importante lorsque la directrice était présente, souligne que toute l'équipe, en ce compris les cadres, décrit une situation conflictuelle et de tension générée par madame [L] et précise que cette tension s'est accrue après le refus de l'accueillir, émis par l'organisme de santé auprès duquel elle devait effectuer un stage de reconversion professionnelle, alors même que l'employeur avait émis un avis favorable à la réalisation de cette formation. Le rapport fait en outre état de la souffrance des encadrants et conclut que deux salariés dont l'intéressée estiment avoir atteint un point de non-retour.

$gt;

En considération des faits reprochés analysés ci-avant sur la base des pièces produites par l'une et l'autre des parties ainsi que de la situation au sein de l'entreprise objectivée par le rapport d'enquête du CHSCT, et nonobstant les éléments retenus au titre de la déloyauté imputable à l'employeur, lesquels sont insuffisants à établir l'existence d'un lien entre les manquements de la société Nature et Découvertes à ses obligations et les griefs établis retenus par le courrier de rupture, imputables à la salariée à l'égard des autres membres de la collectivité de travail, la sanction de licenciement n'est pas disproportionnée aux fautes commises.

Aussi le jugement du conseil de prud'hommes sera-t-il confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande relative à une rupture abusive de la relation travail.

Madame [L] ne caractérise pas davantage l'existence de circonstances vexatoires entourant le licenciement. C'est pourquoi le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et brutal.

$gt;Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, et tenant la succombance partielle de la société Nature et Découvertes, l'employeur supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles, et il sera également condamné à payer à la salariée, qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 4 novembre 2020 sauf en ce qu'il a débouté Madame [B] [E] épouse [L] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Condamne la société Nature et Découvertes à payer à Madame [B] [E] épouse [L] une somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamne la société Nature et Découvertes à payer à Madame [B] [E] épouse [L] une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Nature et Découvertes aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/05261
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;20.05261 ?
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