ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre de la famille
ARRET DU 22 MARS 2024
SUR REQUETE EN INTERPRETATION
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/05146 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P7VD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 MAI 2022
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 20/05754
DEMANDERESSE :
Madame [M] [D]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
DEFENDERESSE :
Madame [J] [D]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe AYRAL de la SCP AYRAL-CUSSAC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 JANVIER 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre
Mme Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère
Mme Morgane LE DONCHE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Alexandra LLINARES
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées de cette mise à disposition au 01/03/2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 22/03/2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Mme Alexandra LLINARES, Greffière.
*
* *
Par arrêt du 13 mai 2022, notre cour a confirmé le jugement rendu le 27 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan qui avait notamment
- débouté Mme [J] [D] de sa demande en annulation du testament authentique du 24 septembre 2013,
- dit qu'en l'état des deux testaments authentiques des 23 novembre 2011 et 24 septembre 2013 et de leur contenu, les dispositions de l'article 1036 du code civil ont vocation à s'appliquer.
Par requête remise au greffe le 19 octobre 2023 et notifiée le 20 octobre 2023, Mme [M] [D] a saisi notre cour aux fins d'interprétation de son arrêt sur le fondement des articles 461 et 481 du code de procédure civile.
En substance, au soutien de sa demande, elle fait valoir que le notaire en charge des opérations lui oppose l'impossibilité de "déterminer si l'un ou l'autre des testaments s'applique, ou les deux ensemble dans le cadre du règlement de la succession".
En réplique par conclusions du 28 décembre 2023, Mme [J] [D] demande à la cour de rejeter la requête en interprétation et de condamner la demanderesse aux dépens ainsi qu'à la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En substance, elle fait valoir qu'il n'existe aucune difficulté d'interprétation puisque la cour d'appel n'avait fait que confirmer le jugement qui avait fait application de l'article 1036 du code civil.
DÉCISION DE LA COUR
L'article 1306 du code civil dispose que "les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires".
En application de l'article 481 du code de procédure civile, le juge peut interpréter ou rectifier sa décision.
De jurisprudence constante, le juge saisi ne peut modifier les droits et obligations des parties et se livrer à une nouvelle appréciation des éléments de la cause.
Enfin, en application des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
En l'espèce, notre cour a confirmé le jugement qui avait débouté Mme [J] [D] de sa demande en annulation du testament authentique du 24 septembre 2013 et dit qu'en l'état des deux testaments authentiques des 23 novembre 2011 et 24 septembre 2013 et de leur contenu, les dispositions de l'article 1036 du code civil ont vocation à s'appliquer.
Mme [J] [D] avait notamment demandé à la cour d'annuler le second testament du 23 novembre 2011.
Mme [M] [D] avait pour sa part demandé confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Le testament authentique du 23 novembre 2011 instituait Mme [J] [D] légataire universelle de la succession de M. [P] [D] et celui du 24 septembre 2013 instituait Mme [M] [D] en cette même qualité.
Dans ces conditions, l'arrêt de notre cour en date du 13 mai 2022 qui a confirmé le jugement de première instance et, comme le premier juge, a fait explicitement référence à l'article 1036 du code civil, ne présente pas de difficulté sérieuse d'interprétation.
En effet, si l'article 1003 du code civil admet la possible désignation de plusieurs légataires universels par le de cujus, cette désignation n'est possible que dans deux hypothèses. D'une part, il est loisible au testateur de désigner plusieurs légataires universels au sein du même testament. D'autre part, le testateur peut désigner de nouveaux légataires universels par testaments postérieurs, à condition qu'il résulte sans équivoque de l'acte que son auteur a eu l'intention de maintenir dans leurs droits les légataires universels précédemment désignés.
Or, le testament du 24 septembre 2023 désigne Mme [M] [D] en qualité de légataire universel, sans pour autant mentionner explicitement le maintien de Mme [J] [D] dans ses droits tels que déterminés par le legs du 23 novembre 2011. Dès lors, le dernier testament en date du 24 septembre 2013 est le seul susceptible de recevoir exécution concernant la vocation universelle de la succession.
Il en résulte que l'arrêt doit être interprété en ce sens que seul le testament du 24 septembre 2013 peut recevoir application s'agissant de la vocation universelle, Mme [M] [D] étant par là même légataire universelle de la succession.
Il sera en outre rappelé aux parties qu'il leur reviendra de saisir le juge commis pour toute difficulté naissant dans le cadre des opérations liquidatives.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La requête en interprétation ayant été rendue nécessaire par les réserves soulevées par le seul notaire, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties,
DIT que l'arrêt du 13 mai 2022, inscrit au enrôlé au répertoire général de la cour sous le numéro 20/05754, doit être interprété en ce sens que, s'agissant de la vocation universelle, seul le testament du 24 septembre 2013 peut recevoir application, de sorte que Mme [M] [D] est instituée en qualité de légataire universelle de la succession de M. [P] [D] à l'exclusion de Mme [J] [D],
REJETTE la demande de Mme [J] [D] tendant à la condamnation de Mme [M] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT