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21/03/2024 | FRANCE | N°20/03351

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 21 mars 2024, 20/03351


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 21 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03351 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OU5I







Décision déférée à la Cour :
r>Jugement du 04 JUIN 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 9]

N° RG 19/00350





APPELANT :



Monsieur [S] [D]

né le 06 Janvier 1971 à [Localité 11] (MAROC)

de nationalité Marocaine

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Lisa VERNHES, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnell...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 21 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03351 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OU5I

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 JUIN 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 9]

N° RG 19/00350

APPELANT :

Monsieur [S] [D]

né le 06 Janvier 1971 à [Localité 11] (MAROC)

de nationalité Marocaine

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Lisa VERNHES, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/009513 du 23/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 12])

INTIMES :

Madame [X] [P]

née le 03 Juin 1933 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Victor LIMA de la SELARL FERMOND - LIMA, avocat au barreau de CARCASSONNE substitué par MeGilles BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [Y] [M]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 5]

assignation remise à personne le 02/11/2020

Monsieur [N] [M]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 5]

assignation remise à personne le 13/11/2020

Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

- réputé-contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

1. Mme [X] [P] est propriétaire d'un immeuble cadastré section A n°[Cadastre 2] situé [Adresse 6] (Aude).

2. M. [Y] [M] et M. [N] [M] ont été propriétaires de l'immeuble mitoyen cadastré section AB n°[Cadastre 4] entre le 13 novembre 2009 et le 23 octobre 2017.

3. En mars 2016, Mme [P] a constaté une déformation de la toiture de son immeuble et de l'immeuble de MM. [M].

4. Par ordonnance du 30 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné une expertise confiée à M. [K] [F] aux fins d'apprécier la situation de péril grave et imminent de l'immeuble cadastré AB n°[Cadastre 4] et de déterminer les mesures utiles à exécuter.

5. L'expert judiciaire a rendu son rapport le 1er juin 2016 aux termes duquel il a confirmé l'existence d'un péril imminent et préconisé la démolition des parties de toiture instables et la réalisation d'un étaiement et d'un toiture provisoire.

6. L'EURL MP Charpentes a réalisé le 23 juin 2016 une couverture provisoire du bâtiment de MM. [M] dont le coût de 4 608,80 euros TTC a été payé par la commune de [Localité 10] qui l'a ensuite récupéré sur le prix de la vente de l'immeuble du 23 octobre 2017.

7. Par acte notarié du 23 octobre 2017, MM. [M] ont vendu leur immeuble à M. [S] [D] au prix de 8 000 euros.

8. Par actes d'huissier signifiés les 18 février et 7 mars 2019, Mme [P] a fait assigner MM. [M] et M. [D] devant le tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins de les voir condamner à engager les travaux nécessaires et à l'indemniser des préjudices subis.

9. Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :

- dit que M. [D] d'une part, et MM. [M] d'autre part, étaient responsables in solidum en qualité de propriétaires successifs des dommages causés par leur immeuble en ruine (parcelle AB [Cadastre 4]) à Mme [P] ;

- condamné M. [D] à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert judiciaire à ses frais, à savoir :

- reprise de la liaison des deux couvertures en vue d'en assurer notamment l'étanchéité, avec réfection de la rive côté [P] et reprise partielle du faîtage et de la toiture dans la zone de jonction ;

- dépose de la couverture provisoire du fonds de M. [D] ;

- réalisation d'une couverture pérenne sur le fonds de M. [D] ;

- établissement d'un diagnostic de stabilité du mur mitoyen par un bureau d'études spécialisé avec réalisation des renforcements prescrits ;

Et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;

- condamné in solidum M. [D], d'une part, et MM. [M], d'autre part, au paiement de la somme de 20 021,95 euros au titre des travaux de reprise des dommages subis par l'immeuble de Mme [P] ;

- débouté Mme [P] de sa demande formée au titre du préjudice de jouissance ;

- condamné in solidum M. [D], d'une part, et MM. [M] d'autre part, in solidum au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné in solidum M. [D], d'une part et MM. [M], d'autre part, à supporter les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

10. Par déclaration au greffe du 6 août 2020, M. [D] a relevé appel de ce jugement.

11. Vu les dernières conclusions de M. [D] remises au greffe le 11 juin 2021 aux termes desquelles il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant rejeté une partie des demandes de Mme [P] ;

- de débouter Mme [P] de toutes ses demandes ;

- de condamner Mme [P] à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner Mme [P] à supporter les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

A titre subsidiaire,

- de condamner MM. [M] à le relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre lui de 20 021,95 euros TTC pour les travaux de reprise sur l'immeuble [P] et de 35 178,52 euros TTC pour les travaux de reprise de l'immeuble qu'ils lui ont vendu ;

- de condamner MM. [M] à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner MM. [M] à supporter les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

12. Vu les dernières conclusions de Mme [P] remises au greffe le 21 novembre 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- de condamner solidairement M. [D] et MM. [M] à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;

13. M. [Y] [M] et M. [N] [M] n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été régulièrement notifiée par actes d'huissier respectivement le 2 novembre 2020 et le 13 novembre 2020.

14. Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

15. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 décembre 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

16. A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler» ou « dire et juger» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

Sur le régime juridique applicable aux ouvrages objets du présent litige,

17. Il ressort des pièces versées aux débats et des constatations de l'expert judiciaire que les deux bâtiments appartenant à M. [D] et à Mme [P] résultent de la division ancienne d'un même bâtiment.

18. Ces deux bâtiments édifiés sur les parcelles AB n°[Cadastre 4] (M. [D]) et AB n°[Cadastre 2] (Mme [P]) sont séparés par un mur de refend présumé mitoyen par application de l'article 653 du code civil, cette présomption légale n'étant contestée par aucune des parties comparantes au procès.

19. L'expert judiciaire M. [F] a constaté que :

« Les bâtiments sont élevés sur trois étages, les toitures se poursuivent au même niveau que celle du bâtiment cadastré AB n°[Cadastre 4], objet des présentes. Ce qui signifie une imbrication ou continuité constatée des éléments de toiture entre le bâtiment sinistré et les bâtiments mitoyens ».

20. Il est donc établi que ces deux bâtiments issus à l'origine d'un unique bâtiment sont couverts par une toiture unique dont les principaux éléments de structure sont communs aux deux bâtiments issus de cette division.

21. La division foncière du bâtiment d'origine a été opérée sans que sa toiture ne soit modifiée pour constituer deux ensembles matériellement indépendants. Les éléments de la toiture du bâtiment d'origine sont indivisibles et ne peuvent pas être rattachés distinctement à l'un et à l'autre des deux immeubles issus de cette division.

22. Ce mur et cette toiture mitoyens sont donc soumis aux dispositions des articles 653 à 662 du code civil.

23. Concernant l'ensemble de la toiture, dont les éléments essentiels de la structure sont communs aux deux fonds cadastrés AB n°[Cadastre 4] (M. [D]) et AB n°[Cadastre 2] (Mme [P]), il appartient aux propriétaires de ces deux fonds de transformer cette toiture unique en deux toitures indépendantes l'une de l'autre et s'appuyant sur le mur mitoyen.

24. A défaut de procéder à cette division physique de la toiture commune d'origine, les deux propriétaires devront placer cet ouvrage sous un régime juridique adapté tel que régime de la copropriété des immeubles bâtis de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, division en volume de l'immeuble ou encore convention volontaire d'indivision.

25. La présente action en responsabilité engagée par Mme [P] contre MM. [M] et contre M. [D] doit être appréciée en tenant compte de ce statut juridique de la toiture litigieuse.

Sur les demandes formées par Mme [P],

26. Le jugement déféré a retenu le fondement de l'article 1244 du code civil qui était le seul moyen soutenu en première instance par Mme [P] pour fonder ses demandes indemnitaires.

27. Au regard de la date antérieure au 1er octobre 2016 de survenue des désordres dont Mme [P] demande réparation, il convient d'apprécier ses demandes sur le fondement de l'article 1386 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°016-131 du 10 février 2016 qui dispose :

« Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction. »

28. En l'espèce, la cour relève que les deux bâtiments construits sur les parcelles AB n°[Cadastre 4] et [Cadastre 2] sont en état de ruine et ne sont pas habités au moins depuis l'année 1960.

29. Il ressort du rapport d'expertise que les désordres d'infiltration constatés dans le bâtiment de Mme [P] résultent partiellement de l'effondrement d'une poutre commune à la toiture des deux bâtiments édifiés sur les parcelles AB n°[Cadastre 4] et [Cadastre 2].

30. Les investigations des experts intervenus et les photographies versées aux débats font état d'un abandon ancien de ces deux bâtiments qui ne sont plus utilisés ni entretenus par leurs propriétaires successifs depuis de nombreuses années.

31. Cet effondrement d'une poutre commune de la toiture a porté atteinte à l'intégrité du mur mitoyen qui était lui-même particulièrement fragilisé en raison d'une absence totale d'entretien par ses copropriétaires depuis des dizaines d'années.

32. Au vu de l'état de vétusté avancé et ancien des deux immeubles concernés, il n'est pas établi par Mme [P] que la réparation du sinistre affectant la toiture commune est la conséquence directe d'un défaut d'entretien imputable à MM. [M] ou à M. [D] ni même que son sinistre soit causé par l'immeuble qu'ils ont successivement eu sous leur garde en qualité de propriétaire exclusif.

33. Mme [P] est coresponsable, avec MM. [M] jusqu'au 23 octobre 2017, puis avec M. [D] à compter de cette date, d'un défaut général de surveillance et d'entretien des ouvrages communs qui a provoqué le sinistre affectant à la fois son propre immeuble et les ouvrages communs.

34. En effet, aucun de ces copropriétaires de la poutre commune supportant la toiture mitoyenne et du mur de refend mitoyen n'a surveillé l'état de ces ouvrages ni engagé une quelconque démarche personnelle ou collective destinée à prévenir les désordres et à réparer ces ouvrages communs.

35.Mme [P], coresponsable du sinistre avec les propriétaires voisins, n'est donc pas fondée à demander réparation de ces désordres à ces derniers sur le fondement de l'article 1386 du code civil.

36. Contrairement à la position soutenue par l'appelant dans ses écritures, Mme [P] est autorisée à soulever en cause d'appel le moyen nouveau tiré de l'article 1242 du code civil au soutien des prétentions qu'elle a déjà présentées en première instance.

37. Au regard de la date des faits, le texte applicable en l'espèce est l'article 1384 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, article repris à l'identique par le nouvel article 1242 du code civil.

38. En l'espèce, Mme [P] n'est toutefois pas fondée à engager la responsabilité de plein de droit de MM. [M] ou de M. [D] en leur qualité de gardien de l'immeuble dans la mesure où elle est elle-même co-gardienne des parties communes de cet immeuble qui ont causé le sinistre.

39. Surabondamment, la cour relève que Mme [P] a elle-même contribué à la survenue du sinistre puisqu'elle n'a pas davantage que MM. [M] ou M. [D] pris l'initiative de surveiller l'état des ouvrages mitoyens (mur et toiture) ni de les réparer en cas de nécessité, ces frais devant alors être partagés entre les copropriétaires conformément à l'article 655 du code civil.

40. Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions et Mme [P] déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires,

41. Le jugement déféré doit aussi être infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

42. Mme [P] succombe intégralement et doit donc supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

43. Au regard des circonstance particulières du litige, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [X] [P] de toutes ses demandes ;

Condamne Mme [X] [P] à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés par l'Etat comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03351
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;20.03351 ?
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