ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 21 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/05894 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OJ2Z
Jonction avec le N° RG 23/03461
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 11 JUILLET 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/00704
APPELANTES :
S.A.S SERENIS anciennement dénommée SUD DE FRANCE PATRIMOINE immatriculée au RCS de Montpellier sous le n°435 084 215 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 24]
[Adresse 13]
[Localité 8]
Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Intimée dans 23/03461
Madame [R] [U]
née le 20 Août 1980 à [Localité 25]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Camille AUGIER de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
intimée dans 19/05894
INTIMES :
Madame [R] [U]
née le 20 Août 1980 à [Localité 25]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Camille AUGIER de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Appelante dans 2023/03461
Monsieur [Z] [M] [X] [J]
né le 22 Juin 1977 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 8]
Représenté par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Claire LEFEBVRE de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
intimé dans 23/03461
Monsieur [Y] [L]
né le 21 Novembre 1951 à[Localité 8])
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représenté par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimé dans 23/03461
Monsieur [W] [L]
né le 26 Avril 1954 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 9]
Représenté par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimé dans 23/03461
Madame [A] [H] épouse [P]
née le 30 Décembre 1973 à [Localité 19] (ANDORRE)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représentée par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimée dans 23/03461
Monsieur [C] [F]
né le 20 Février 1949 à [Localité 27] (SUISSE)
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Localité 6]
Représenté par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimé dans 23/03461
Monsieur [V] [F]
né le 28 Juin 1983 à [Localité 21] (SUISSE)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3] - SUISSE
Représenté par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimé dans 23/03461
Monsieur [S] [F]
né le 15 Décembre 1980 à [Localité 18] (SUISSE)
de nationalité Française
Fief du Chapitre
[Localité 3] - SUISSE
Représenté par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimé dans 23/03461
S.A.S SERENIS anciennement dénommée SUD DE FRANCE PATRIMOINE immatriculée au RCS de Montpellier sous le n°435 084 215 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 24]
[Adresse 13]
[Localité 8]
Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
intimée dans 23/03461
Me Jean-Philippe ANDRIEU, notaire au sein de la S.C.P. JEAN-PHILIPPE ANDRIEU
[Adresse 12]
[Localité 8]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
intimé dans 23/03461
Ordonnance de clôture du 20 Décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Fabrice DURAND, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixé au 14 mars 2024 et prorogé au 21 mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier
* * * *
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte notarié en date du 26 décembre 2013 passé en l'étude de Me [O], M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F] ont vendu à terme à Mme [R] [U] une maison de campagne à usage d'habitation en très mauvais état avec terrain attenant figurant au cadastre section [Cadastre 16] et située [Adresse 17] à [Localité 22], moyennant un prix de vente de 80 000 euros payable en l'office notarial au plus tard le 26 décembre 2014.
Ce prix n'a pas été réglé par Mme [U].
Selon un compromis de vente également signé devant Me [O] en date du 5 décembre 2014, Mme [U] a vendu ce bien à la société Sud de France Patrimoine, devenue la SAS Serenis, moyennant un prix de vente de 130 000 euros avec réception d'un acompte immédiat de 5 000 euros.
Cet acte a fait l'objet d'un refus d'enregistrement au SIE de [Localité 8] sud-est le 29 décembre 2014.
Par acte sous seing privé en date du 19 décembre 2014, Mme [U] s'est engagée à vendre ce même bien à M. [Z] [J] moyennant un prix de vente de 146 000 euros et a réceptionné un acompte de 8 000 euros.
Cette vente n'a pas été réitérée devant notaire, et un procès-verbal de difficultés était publié auprès du service de la publicité foncière de [Localité 8] le 19 juin 2015.
Par exploit du 25 janvier 2016, la société Sud de France Patrimoine a fait assigner Mme [U] en exécution forcée de la vente devant le tribunal de grande instance de Montpellier.
M. [J] est intervenu volontairement à la procédure par acte du 9 février 2017, sollicitant le rejet des demandes de la société Sud de France Patrimoine et que le compromis signé le 19 décembre 2014 soit reconnu comme valant vente à son bénéfice.
Les consorts [L], faisant état d'un défaut de paiement du prix de vente, sollicitaient l'application de la clause résolutoire et donc la résolution de la vente intervenue entre eux et Mme [U].
Par un jugement contradictoire prononcé le 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- Déclaré la SAS Serenis, anciennement Sud de France Patrimoine, recevable en son action ;
- Déclaré M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F] recevables en leur demande de résolution de la vente immobilière ;
- Déclaré M. [Z] [J] recevable en son intervention volontaire ;
- Constaté la résolution de la vente du 26 décembre 2013 entre M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F], vendeurs, et Mme [R] [U], acquéreur, en raison du non paiement du prix et de l'application de plein droit de la clause résolutoire contenue dans l'acte ;
- Dit que les consorts [L] sont restés propriétaires du bien sis à[Localité 22]z, [Adresse 17], consistant en une maison de campagne à usage d'habitation en très mauvais état avec terrain attenant figurant au cadastre de ladite commune section [Cadastre 16] ;
- Débouté la SAS Serenis de sa demande de réalisation de la vente avec Mme [U] ;
- Débouté M. [J] de sa demande de réalisation de la vente avec Mme [U] ;
- Débouté Mme [U] de ses demandes à l'encontre de Me [O] ;
- Débouté la SAS Serenis de sa demande de condamnation à dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [U] ;
- Débouté M. [J] de sa demande de condamnation à dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [U] ;
- Débouté Me [O] de sa demande de condamnation à dommages et intérêts pour procédure abusive formée à l'encontre de Mme [U] ;
- Condamné Mme [U] à payer à la SAS Serenis la somme de 5 000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie ;
- Condamné Mme [U] à payer à M. [J] la somme de 8 000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2015 ;
- Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
- Condamné Mme [U] à payer à M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F] ensemble la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [U] à payer à la SAS Serenis la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [U] à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [U] à payer à Me [O] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné Mme [U] aux entiers dépens.
Par déclaration remise au greffe le 22 août 2019, la SAS Serenis a interjeté appel à l'encontre de ce jugement, l'acte d'appel précisant les chefs de jugement critiqués (RG 19/05894).
Par déclaration remise au greffe le 6 août 2019, Mme [U] a également relevé appel de ce jugement (RG 19/05622).
L'affaire, qui avait été radiée pour défaut d'exécution de la décision de première instance en date du 6 mai 2021, a fait l'objet d'une réinscription par le conseiller chargé de la mise en état selon ordonnance du 29 juin 2023 (RG 23/03461).
Par ses conclusions enregistrées au greffe le19 décembre 2023, la SAS Serenis sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue entre les consorts [L] et Mme [U] le 26 décembre 2013, et en ce qu'il l'a déboutée de sa propre demande de réalisation de la vente conclue avec Mme [U] selon compromis du 5 décembre 2014.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de juger que cette promesse de vente vaut vente moyennant le prix de 130 000 euros, que la décision à intervenir vaudra acte de vente, qu'elle tiendra lieu d'acte authentique et sera publiée comme telle à la conservation des hypothèques.
A titre subsidiaire, elle demande de condamner Mme [U] à lui verser les sommes de :
- 5 000 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie,
- 13 000 euros au titre de la clause pénale,
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle demande en outre de débouter l'ensemble des parties des demandes formées à son encontre, et de condamner Mme [U] aux dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 18 décembre 2023, Mme [U] sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue entre les consorts [L] et Mme [U] le 26 décembre 2013, et demande à la cour, statuant à nouveau :
- De confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties adverses de leur demande de réalisation de la vente,
- De débouter les parties adverses de l'ensemble de leurs demandes,
- De déclarer irrecevable l'action de la société Sud de France Patrimoine,
- De condamner solidairement M. [J] et Me [O] à la garantir pour toute condamnation,
- De condamner solidairement M. [J] et Me [O] à lui verser la somme de 460 000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu vendre le bien à un meilleur prix,
- De les condamner solidairement à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- De condamner M. [J] à lui verser la somme de 14 600 euros au titre de la clause pénale.
Elle demande en outre de condamner solidairement les consorts [L], Me [O], M. [J] et la SAS Serenis aux entiers dépens de l'instance, et à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 29 septembre 2023, M. [J] demande à la cour de :
- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a estimé que les consorts [L] étaient bien fondés à solliciter la résolution de la vente du 26 décembre 2013 ;
- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de sa propre demande de réalisation de la vente ;
- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande d'application de la clause pénale de condamnation de Madame [U] au paiement de la somme de 14 600 euros ;
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Madame [U] au paiement de la somme de 8 000 euros en restitution du dépôt de garantie ;
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- Juger que le compromis de vente régularisé le 19 décembre 2014 entre Madame [U] et Monsieur [J] est parfait et vaut vente de l'immeuble sis sur la commune de [Localité 22] cadastré Section [Cadastre 16] pour la somme de 146 000 euros ;
- Constater le règlement par Monsieur [J] du paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dépôt de garantie, somme devant venir en déduction du prix rester à régler par Monsieur [J] ;
- Juger que l'arrêt à intervenir vaut vente et tient lieu d'acte authentique de vente ;
- Ordonner la publication de l'arrêt auprès du service de la publicité foncière de [Localité 8] II.
A titre subsidiaire, il demande à la cour de :
- Condamner Madame [U] au paiement de la somme de 14 600 euros en application de la clause pénale ;
Condamner Madame [U] au paiement de la somme de 8 000 euros en remboursement du dépôt de garantie et ce avec intérêt au taux légal à compter du 10 juin 2015 ;
- Condamner Madame [U] au paiement de la somme de 5 000 euros en indemnisation de ce préjudice financier et moral.
Il demande en outre de condamner Mme [U] aux entiers dépens de l'instance, et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 08 septembre 2023, M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F] demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résolution de la vente intervenue le 26 décembre 2013 entre les consorts [L] et Mme [U], et en ce qu'il a débouté M. [J] et la SAS Serenis de leur demande tendant à voir réaliser la vente à leur profit.
Subsidiairement, si la cour devait dire et juger que la clause résolutoire n'a pas joué et que par conséquent la vente est parfaite au profit de Mme [U], ils demandent à la cour de condamner solidairement Mme [U] et tout nouveau propriétaire éventuel dudit bien à leur payer la somme de 80 000 euros au titre du prix de la vente et 66 000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu vendre à un meilleur prix.
Ils demandent en outre de condamner Mme [U] aux entiers dépens de l'instance, et à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 5 septembre 2023, Me [O] sollicite la confirmation du jugement, en ce qu'il a débouté Mme [U] des demandes qu'elle formulait à l'encontre du notaire.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de faire droit à sa demande de condamnation de Mme [U] à l'indemniser au titre de la procédure abusivement intentée à son encontre et de la condamner à ce titre à lui verser la somme de 2 000 euros.
Il demande en outre de condamner Mme [U] aux entiers dépens de l'instance, et à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 20 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS :
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et compte tenu de l'étroite connexité des moyens et prétentions, il convient de joindre les dossiers N° 19-05894 et N° 23-03461 sous le numéro unique le plus ancien.
1) Sur la résolution de la vente intervenue le 26 décembre 2013 entre les consorts [L] et Mme [U] pour non paiement du prix.
Madame [U] sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente [L]-[U] et en premier lieu, les vendeurs n'auraient pas respecté les dispositions propres à la mise en 'uvre de la clause résolutoire, en l'espèce, une nécessaire mise en demeure (a), enfin les consorts [L] auraient tacitement renoncé à la clause résolutoire (b).
a) Afin d'apprécier le plus précisément l'intention des parties, il convient d'examiner la chronologie des relations contractuelles qui a déterminé l'économie générale du contrat.
Initialement, les parties ont régularisé un compromis de vente sous seing privé en date des 9, 14, 17 et 20 août 2012, rédigé par Maître [N] [G], notaire à [Localité 20].
Il est constant que ce compromis contient l'accord des parties sur la chose et le prix et sur les éléments essentiels de l'acte authentique à réitérer et en application des dispositions de l'article 1589 du code civil, il vaut vente, et contient l'ensemble des clauses qui devront être reprise dans l'acte authentique.
Ce compromis de vente, contient au paragraphe 'Prix-Paiement-Paiement à terme, Conditions de paiement du prix' une clause résolutoire ainsi libellée : 'à défaut de paiement du prix à son échéance exacte, la vente sera résolue de plein droit, purement et simplement, sans qu'il soit besoin ni d'une mise en demeure préalable, ni de remplir de formalité judiciaire, nonobstant une offre postérieure de paiement.'
Il est donc établi que les parties, ont entendu convenir entre elles, dès le stade de l'avant-contrat, d'une clause résolutoire applicable de plein droit purement et simplement sans formalité 'en cas de non paiement du montant total du prix dans un délai de douze mois (12 mois) à compter de la réitération des présentes par acte authentique'
Cet acte sous signature privée mais conçu par un officier public ministériel constitue un constat le plus exact des relations contractuelles entre les parties à propos de cette vente.
Par la suite, par acte authentique de vente reçu par Maître [B] [O], notaire à [Localité 8] le 26 décembre 2013 les consorts [L] et Madame [U] ont prévu au paragraphe Prix : 'Le paiement de ce prix (80.000 €) aura lieu de la manière indiquée ci-après : l'acquéreur s'oblige à payer le prix ci-dessus aux vendeurs dans un délai de 12 mois à compter des présentes, par un versement unique de 80.000 €, payable en l'office notarial du notaire participant. Le versement aura lieu au plus tard le 26 décembre 2014.'
Cet acte authentique prévoyait en sa page 14, la clause de résolution automatique sans mise en demeure en cas de non paiement du prix alors même qu'il avait fait bénéficier à l'acquéreur non professionnel de l'immobilier de sa faculté de rétractation avec notification par LRAR conformément aux dispositions de l'article L 271-1 du CCH (page 11).
Il apparaît pas au regard de ces éléments, que les parties n'ont pas souhaité modifier leurs conventions entre l'avant-contrat de vente et la réitération par acte authentique.
Si l'acte notarié du 26 décembre 2013 laisse apparaître dans sa partie normalisée, c'est-à-dire standardisée, une clause prévoyant une mise en demeure à défaut d'exécution 'd'une seule des prestations en nature ci-dessus', celle-ci doit être considérée comme secondaire au regard de la clarté de précision de la clause de résolution automatique sans mise en demeure choisie par les parties depuis le début de la rédaction de leurs relations contractuelles.
b) Par deux fois (courriel du 8/09/2015 puis du 20/10/2015) les consorts [L] ont réitéré auprès de Me [O] vouloir se 'réserver la possibilité de se prévaloir de la clause résolutoire de plein droit. Cette position a ainsi été aussi exprimée auprès du notaire de la Société Sud de France Patrimoine, Maître [K].
Dès lors, il ne peut pas être considéré que la procuration donnée par les consorts [L] pour quittancer le prix de vente, c'est-à-dire de constater un paiement, soit constitutive d'une renonciation à la clause résolutoire.
Enfin la question de la validité du compromis de vente entre Mme [U] et M. [J] est sans incidence sur le droit des consorts [U] de tirer les conséquences de la clause de résolution.
Il s'avère que Mme [U] n'a jamais payé à ses vendeurs, les consorts [L], la somme de 80 000 euros correspondant au prix de vente dudit bien, dès lors les vendeurs sont parfaitement en droit de se prévaloir de la résolution de l'acte de vente reçu par Maître [O] le 26 décembre 2013, et la remise des parties en l'état antérieur.
Il sera donc constaté la résolution de la vente du 26 décembre 2013 entre les consorts [L] et Madame [U], et dit que les consorts [L] sont restés propriétaires du bien sis à[Localité 22]), [Adresse 17].
Le jugement de première instance sera donc confirmé non seulement au regard de la recevabilité de l'indivision [L] dans sa demande de résolution de la vente immobilière du 26 décembre 2013 avec Madame [U], acquéreur, en raison du non-paiement du prix que dans son application de plein droit de la clause résolutoire contenue dans l'acte authentique de vente conformément aux dispositions de l'article 1654 du code civil qui dispose « si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente'.
2) Les conséquences de la résolution de la vente [L]-[U]
La résolution entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat de vente, Mme [U] est censée n'avoir jamais été propriétaire du bien, de telle sorte que les droits qu'elle a accordés à des tiers sur l'immeuble or il se trouve que celle-ci a voulu ensuite vendre ce bien à deux reprises pour des prix très nettement supérieurs.
Ces actes de disposition consentis par l'acquéreur à des tiers avant la résolution deviennent caducs. La résolution entraîne la disparition de tous les droits réels accordés par l'acheteur à d'autres personnes, notamment les aliénations.
Il sera souligné que les compromis de vente entre Mme [U] et M [J] et la société Serenis étaient conclus sous la condition suspensive « que la vente du 26 décembre 2013 sus énoncée, par laquelle Madame [U] est devenue propriétaire du bien objet des présentes, ne soit pas résolue ».
Ainsi suite à la résolution du contrat de vente liant les consorts [L] à Mme [U], Monsieur [J] et la Société Serenis se trouvent évincés du bien.
a) vente [U]/ [J]
Compte tenu de l'absence d'objet, c'est-à-dire que le bien vendu était indisponible, l'acte du 19 décembre 2014 devient nul et ne saurait recevoir application, M. [J] étant parfaitement informé du caractère précaire de la situation de la venderesse, il sera débouté de sa demande au titre de la clause pénale, Mme [U] étant condamnée a restituer la somme de 8 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'immobilisation de cette somme, soit le 10 juin 2015.
M. [J] formule une demande de 5000 euros au titre de l' indemnisation de son préjudice financier et moral. Il est constant que somme de 146000 euros a été immobilisée penadnt de nombreux mois du fait de l'attitude déloyale de Mme [U] ouvrant droit à une indemnisation de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.
B) vente [U]/ Serenis
Madame [U] soulève l'irrecevabilité des conclusions de la société Serenis estimant que la société Sud de France Patrimoine fait conclure que la société Sud de France Patrimoine se prévaut d'un acte conclu le 5 décembre 2014 et l'a faite assigner le 25 novembre 2015, cela alors que sa dénomination sociale aurait été « Serenis ».
Le changement de dénomination sociale par la société Sud de France Patrimoine en Serenis a été régulièrement à compter du 20 janvier 2016, tout en conservant le même RCS et Mme [U] n'invoque aucun grief à l'appui de son argumentation, ce moyen sera donc rejeté.
La société sollicite la somme de 5 000 euros au titre de la restitution de la somme versée le 5 décembre 2014 et 13 000 euros en application de la clause pénale prévue au contrat ainsi que 15 000 euros au titre de dommages intérêts ;
Compte tenu de l'absence d'objet, c'est-à-dire que le bien vendu était indisponible, l'acte du 5 décembre 2014 devient nul et ne saurait recevoir application, la société Serenis étant parfaitement informée du caractère précaire de la situation de la venderesse sera
déboutée de sa demande au titre de la clause pénale et de dommages et intérêts, Mme [U] étant condamnée a restituer la somme de 5000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'immobilisation de cette somme.
3) Sur la responsabilité de Me [O], notaire.
Si le principe 'Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude' demeure étranger aux principes de responsabilité délictuelle, il n'en demeure pas moins qu'il doit être constaté que Mme [U] n'a pas réglé dans le délai imparti le prix de son acquisition immobilière à ses vendeurs et que son attitude est directement à l'origine de son propre préjudice, ayant continué dans son erreur ou sa malice, comme le souligne le premier juge, à consentir par acte sous seing privé des engagements de vente du mêmebien immobilier à deux acquéreurs différents.
Par ailleurs il ressort de la chronologie des faits :
- qu'au moment de Ia signature du compromis de vente entre Mme [U] et M. [J], le 19 décembre 2014, Maître [O] ignore le document signé avec la société Sud de France Patrimoine.
- le 10 juin 2015, Mme [U] refusait de signer un protocole d'accord avec M. [J], M. [I] (Serenis) en l'étude de Me [O] et Me [O] dressait un procès-verbal de difficultés dans lequel Mme [U] exposait 'que sa bonne foi a été surprise par Monsieur [I] avec la signature d'une simple page'.
Enfin l'existence de la clause de résolution automatique en cas de non paiement du prix figurant dans la vente [L] a été réitérée dans les actes [J] et Serenis. Dès lors Mme [U] ne pouvait ignorer ce risque puisque cette situation lui est directement imputable par non paiement du prix.
En l'absence de faute de Me [O], Mme [U] sera déboutée a son égard.
4) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Me Andrieu
L'article 1240 du code civil dispose : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer', l'attitude de Mme [U] qui par dissimulation puis par avidité souhaitait revendre un bien immobilier dont elle n'était pas propriétaire et a ensuite mis en cause le notaire qui avait été victime de ses agissements et a causé un préjudice constitué par une procédure inutile et longue portant atteinte à sa réputation, justifie sa condamnation à payer à Me [O] la somme de 2 000 euros.
5) Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [U], succombante, sera condamnée, en cause d'appel, à payer la somme de 5 000 euros, ensemble aux consorts [L], et à chacun, M. [J], la société Serenis, Me Andrieu la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [U] sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
Ordonne la jonction des dossiers N° 19-05894 et N° 23-03461 sous le N° 19-05894.
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 19 juin 2019 en ce qu'il a :
- constaté la résolution de la vente du 26 décembre 2013 entre M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F], vendeurs, et Mme [R] [U], acquéreur, en raison du non paiement du prix et de l'application de plein droit de la clause résolutoire contenue dans l'acte ;
- dit que les consorts [L] sont restés propriétaires du bien sis à [Localité 22], [Adresse 17], consistant en une maison de campagne à usage d'habitation en très mauvais état avec jardin attenant figurant au cadastre de ladite commune section [Cadastre 16] ;
- déclaré la SAS Serenis, anciennement Sud de France Patrimoine, recevable en son action ;
- débouté la SAS Serenis et M. [J] de leur demande de réalisation de la vente avec Mme [U] ;
- débouté Mme [U] de ses demandes à l'encontre de Me [O] ;
- débouté la SAS Serenis de sa demande de condamnation à dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [U] ;
- condamné Mme [U] à payer à la SAS Serenis la somme de 5 000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie ;
- condamné Mme [U] à payer à M. [J] la somme de 8 000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2015 ;
- confirmé les mentions utiles au titre de la publication conformément au décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
Y ajoutant,
- condamne Mme [U] à payer la somme de 3 000 euros à M. [J] à titre de dommages et intérêts ;
- Condamne Mme [U] a payer la somme de 2 000 euros à Me [O] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamne Mme [U] à payer, en cause d'appel, à M. [Y] [L], M. [W] [L], Mme [A] [H] épouse [P], M. [C] [F], M. [V] [F] et M. [S] [F] ensemble la somme de 5 000 euros, la somme de 3 000 euros à la SAS Serenis la somme de 3 000 euros à M. [J] la somme de 3000 euros à Me [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Mme [U] aux entiers dépens.
le greffier le président