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14/03/2024 | FRANCE | N°21/04185

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 14 mars 2024, 21/04185


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 14 MARS 2024



N° :



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04185 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB6G





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F17/00606





APPELANTE :



S.A. OREST GROUP

Domici

liée [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Christophe KALCZYNSKI de l'AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [T] [W]

né le 13 Mars 1960 à [Localité 4]

de nationalité Française

...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 MARS 2024

N° :

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04185 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB6G

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F17/00606

APPELANTE :

S.A. OREST GROUP

Domiciliée [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christophe KALCZYNSKI de l'AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [T] [W]

né le 13 Mars 1960 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 08 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [T] [W] a été engagé, en qualité d'opérateur régleur, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 28 juin 1978, par la SA Orest Group, qui développe une activité de manufacture de bijoux et relève de la convention collective nationale de la joaillerie, orfèvrerie.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [W] percevait une rémunération mensuelle brute de base de 2 386 euros par mois, non comprise la prime de 13ème mois payée en décembre.

Par courrier du 27 mai 2016, l'employeur a soumis au salarié une proposition de modification de son contrat de travail consistant en une mutation sur le site d'Ernstein situé dans le département du [Localité 3] et ce dans le cadre d'un 'redéploiement partiel des activités du site de [Localité 6] vers [Localité 5] eu égard à la situation économique actuelle du dit site de [Localité 6]'.

Le salarié ayant refusé cette proposition, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 juillet 2016 au cours duquel il lui a été proposé d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle. Le salarié n'y ayant pas adhéré, la société Orest Group l'a licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 30 août 2016, pour motif économique.

Contestant le licenciement et sollicitant l'indemnisation du préjudice subi pour avoir été exposé à l'amiante, M. [W] a saisi le 7 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Montpellier, lequel par jugement de départage du 1er juin 2021, a statué comme suit :

Constate l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par la SA Orest Group,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société,

Dit que la société a commis des manquements à ses obligations contractuelles à l'égard de son salarié, exposé à l'amiante et subissant un préjudice d'anxiété,

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour exposition à l'amiante et manquements de l'employeur,

- 100 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne l'exécution provisoire,

Rappelle que de droit, l'intérêt à taux légal s'appliquera à la date de la décision concernant les créances indemnitaires,

Déboute les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire,

Ordonne par application de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la société des indemnités de chômage versées au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, du jour du licenciement au jour du jugement prononcé, dans les limites de 6 mois fixées par le législateur,

Condamne la société aux dépens.

Le 29 juin 2021, la SA Orest Group a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 8 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 janvier 2024.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 5 décembre 2023, la société SA Orest Group demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions, et de le condamner à verser à la société la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 6 décembre 2023, M. [W] demande à la cour de confirmer en tous ses éléments le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts, et, statuant à nouveau, de :

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 105 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exposition à l'amiante et manquements de l'employeur,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes ou fin de non recevoir formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que de celles figurant dans le dispositif des conclusions. En application de ce principe, il ne sera pas statué sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, développée dans le corps des conclusions de la société appelante dont la cour n'est pas saisie.

Sur le préjudice d'anxiété :

Se prévalant de plusieurs arrêts rendus le 23 octobre 2021 par la Cour de cassation, la société appelante considère que la seule exposition au risque n'est pas suffisante et qu'il appartient au salarié de démontrer qu'elle a manqué à son obligation de sécurité et que son état de santé laisse pressentir la déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante avec le risque d'une pathologie grave, conditions que M. [W] ne justifie pas.

En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à une substance toxique ou nocive, telle l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi.

S'agissant de l'obligation de sécurité, ne méconnaît pas cette obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu de ces textes, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

En l'espèce, la société qui ne conteste pas que le salarié a été exposé jusqu'en 1997 à l'amiante, affirme, sans produire le moindre élément en ce sens, qu'il résulte du rapport d'empoussièrement à l'amiante du 13 novembre 1997 que l'amiante présente dans l'air à ce moment là s'explique par les techniques utilisées antérieurement par l'entreprise et que la technique utilisée au moment des prélèvements effectués dans le cadre du rapport permet de ne plus utiliser de l'amiante.

Elle affirme également avoir adressé à M. [W], comme à l'ensemble de ses collègues, le 27 mars 1998 un courrier 'leur demandant de contacter un médecin'. Elle vise dans ses conclusions sa pièce référencée 'Annexe 14", laquelle est sans rapport avec une quelconque information communiquée au salarié sur cette question - la pièce visée au bordereau consiste en la lettre adressée par elle à M. [W] le '7 juillet 2016 lui proposant la mobilité internationale'.

Il ressort néanmoins des conclusions et pièces communiquées par le salarié que ce dernier se fait suivre très régulièrement et jusqu'à deux fois par an pour vérifier l'apparition de plaques pleurales.

Faute de justifier des mesures prises afin de préserver M. [W] du risque auquel il a été exposé entre 1978 et, à tout le moins, 1997, et depuis de mesures d'accompagnement qu'il aurait pu prendre depuis la fin de cette exposition, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est caractérisée.

M. [W] qui justifie faire l'objet d'examens médicaux réguliers en raison de son exposition à l'amiante, caractérise l'inquiétude permanente dans laquelle il se trouve face aux risques de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et le préjudice d'anxiété qu'il subit personnellement, lequel ne résulte pas en l'espèce du simple constat de son exposition, anxiété aggravée par la découverte d'un cancer du pancréas en 2019, quand bien même aucun lien n'est établi entre l'exposition à l'amiante et le développement de cette maladie.

Le préjudice ainsi subi a été justement apprécié par les premiers juges. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété.

Sur la cause économique du licenciement :

La société soutient que dans 'le but de sauvegarder sa compétitivité', elle a été contrainte de procéder à la fermeture du site de production de [Localité 6] et que dans un premier temps elle a mené en 2016 une opération de redéploiement d'une partie de l'activité de ce site vers celui d' [Localité 5] en raison d'une baisse de commandes. Elle ajoute notamment que les commandes réalisables sur [Localité 6] ne représentaient qu'une 'faible partie charge de travail' ce qui la contraignait 'à devoir rémunérer des salariés qui n'avaient rien à faire'.

M. [W] objecte que l'employeur se borne à alléguer des difficultés économiques ou une prétendue menace sur sa compétitivité sans en justifier et fait valoir qu'en réalité l'activité de l'entreprise était en progression.

Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, 'constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'

Lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation peut constituer un motif économique de licenciement si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe à laquelle elle appartient.

La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.

En l'espèce, l'employeur a proposé au salarié, par lettre du 27 mai 2016, une modification de son contrat de travail pour motif économique, consistant à transférer son poste de travail du site de [Localité 6] à celui d'[Localité 5] dans le département du [Localité 3].

Le salarié ayant refusé cette proposition, l'employeur l'a convoqué, par lettre du 26 juillet 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement, tout en l'informant que le poste proposé dans le cadre de la proposition de mutation était disponible dans le cadre d'un reclassement.

L'employeur a notifié au salarié son licenciement pour motif économique, par lettre du 30 août 2016, ainsi libellée :

'Nous faisons suite à l'entretien du mardi 26 juillet 2016, entretien où vous vous êtes présenté seul. Lors de cet entretien, nous vous avons présenté le dispositif du CSP en vous précisant notamment par écrit que vous disposiez d'un délai de réflexion de 21 jours pour adhérer à la mesure en question , et donc ce délai expirant le 16 août 2016, cette date incluse.

A ce jour, nous n'avons pas réceptionné de réponse positive quant à votre adhésion à ce dispositif de CSP et nous ne pouvons qu'en déduire, au regard de l'expiration des délais impartis, que vous refusez de souscrire au dispositif de CSP.

Comme nous vous l'indiquions au cours cet entretien, et en l'absence d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui vous a alors été proposée, nous sommes contraint de vous notifier votre licenciement économique, qui est justifié par les faits suivants :

1. Exposé de la situation

L'année 2016 marque une baisse significative du volume de production du site de [Localité 6] (-40%).

o Les produits à destination du client Cartier sont vieillissants, avec une baisse constante des volumes depuis plusieurs années,

o Les nouveautés proposées par Cartier sont des produits plus complexes (Small Carat, Amulettes, juste un clou) et produits sur le site d'[Localité 5], le site de [Localité 6] ne disposant pas de la technologie,

o Les produits à destination du client Piaget, gamme Possession marquent un net recul par rapport à 2015 (année de lancement) et le prochain lancement significatif interviendra en 2021,

o Le complément de volumes de sertissage assuré par les trèfles Van Cleef & Arpels à des conditions de délais, de coûts et de sûreté non compétitives ne pourra être maintenus dans le temps après le lancement de 'perlée 7" (baisse des volumes).

2. Les chiffres

o Le volume 2016 est constitué au 18/01 par le portefeuille de commandes complété par les prévisions de notre budget issu des prévisions clients,

o Cette analyse prend en compte les volumes Piaget et Cartier,

o Les volumes de 2013 à 2015 sont les volumes reçus en commande,

o Le volume 2016 est constitué au 18/01 par le portefeuille de commandes complété par les prévisions de notre budget issu des prévisions clients,

o Nos prévisions 2017 sont au mieux au niveau de 2016, aucun développement en cours n'est susceptible d'être produit à [Localité 6] et le time to Market client est de 12 à 18 mois.

3. Evolution des quantités Piaget +Cartier

Suit un tableau dont une colonne 'quantités gammes [Localité 6]' et un graphique,

4. Charge en heures de travail

Suit un tableau et des graphiques présentant la charge en heures

o Nous complétons depuis 2015 la sous charge de [Localité 6] par du transfert en sous-traitance pour [Localité 5], notamment sur VCA trèfles équivalent en nombre de sertisseur à 2 ou 2,5 sertisseurs actuellement du fait de la commande de lancement bague perlée 7.

o Ce transfert de sertissage induit :

- de la charge supplémentaire sur les services supports, service pierres et services logistiques,

- des coûts de transport supplémentaires,

- un prix de revient non compétitif,

- des problèmes de délai et de non-respect du PDP.

o Essais de transfert charge Chaumet non concluants en terme de temps de sertissage20mn par pierre $gt; le coût en sous-traitance est seulement de 4€/la pierre.

o Nous avons essayé de transférer sans succès les productions Torsades du client Chaumet

- Le niveau de qualité produit est très insuffisant (savoir-faire haute joaillerie très insuffisant),

- Le prix de revient est complètement décalé : 20mn par pierre soit 18€ $gt; pour un prix vendu de 6€/la pierre.

o Nous avons essayé de transférer sans succès du sertissage sur base fonte à cire perdue (Rose Piaget) (savoir-faire joaillerie insuffisant).

o Les investissements capitalistiques sur le site de [Localité 6] (Nouvelle Fraiseuse à 600K€) ne sont pas envisageables en regard du temps d'ouverture de l'établissement qui est seulement de 8h comparé à 24h à [Localité 5].

5. Conséquences de la sous-activité

o Le service sertissage est en sureffectif de 4 personnes.

o Le service usinage est en sureffectif de 2 personnes.

o Le poste de responsable de site en charge du développement n'a plus de sens.

o L'ensemble de ces emplois peut être transféré sur le site d'[Localité 5].

Nous vous avons ainsi proposé par courrier, une mobilité géographique entraînant modification de votre contrat de travail quant au lieu d'exécution de votre activité, permettant ainsi de faire face aux difficultés actuelles relatées ci-dessus et, de par cette réorganisation, également de sauvegarder notre compétitivité sur le marché qui est le nôtre.

Pour des raisons qui vous sont personnelles, vous nous avez fait valoir, par courrier daté du 21 juin 2016, votre refus d'une mobilité vers le site d'[Localité 5]. Le 12 juillet, vous avez fait valoir un refus concernant le principe d'une mobilité à l'international

Compte tenu de ce qui précède, et de par l'emploi et le poste que vous occupez au sein de l'entreprise sur le site de [Localité 6], nous sommes amenés à vous notifier le présent licenciement pour motif économique eu égard à la suppression de votre emploi sur le site de [Localité 6]. La durée de votre préavis est de 3 mois et débutera à la date de première présentation de cette lettre. Nous entendons par ailleurs vous dispenser d'effectuer ce préavis jusqu'à la rupture de votre contrat de travail. Vous percevrez pendant cette période une indemnité compensatrice correspondante à chaque échéance habituelle de paie. (...)'.

A juste titre, le salarié rappelle que la cause économique s'apprécie au niveau de l'entreprise, de sorte qu'elle ne saurait s'apprécier au niveau de l'un de ses sites ou établissements.

Or, en l'espèce, il s'infère de la lettre de rupture que l'employeur se positionne exclusivement au regard de difficultés que rencontrerait l'établissement de [Localité 6], en terme de sous-activité, d'une inadaptation de son outil de production à la réalisation de pierres de qualité ou valorisées, de divers échecs de transfert d'activité au profit de cet établissement, et du fait qu'il n'est pas envisageable d'investir dans du nouveau matériel à hauteur de 600 000 euros compte tenu de la faible productivité de l'établissement qui ne fonctionne pas en continue, contrairement à celui d' [Localité 5], ce qui entraîne à la situation de sous-emploi de [Localité 6].

Force est de relever qu'aucune cause économique n'est invoquée au niveau de l'entreprise.

Les pièces que la société appelante verse aux débats consistent pratiquement exclusivement en des compte-rendus des réunions du comité d'entreprise du premier semestre 2016, au cours desquelles a été évoquée la situation qualifiée de 'critique' du site de [Localité 6], sans présentation d'un quelconque élément sur la situation économique de la société dans son ensemble ni faire état d'une quelconque menace pesant sur sa compétitivité.

Par une lettre du 21 mars 2016, l'employeur a informé le salarié de son projet de redéployer des emplois sur le site d' [Localité 5], décision motivée par la 'baisse de charge importante qui impacte le site de [Localité 6]' conduisant à 'un sur-effectif de 7 postes de travail'.

La note économique communiquée référencée n°7, consiste en une étude portant 'sur la situation du site de [Localité 6]' dont les graphiques illustrant la sous-charge de travail en heures des salariés affectés sur ce site, sont ceux reproduits dans la lettre de licenciement.

Aucun élément probant n'est ainsi communiqué par l'employeur de nature à caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise justifiant sa réorganisation.

Il est remarquable de relever qu'à l'inverse, le salarié produit le compte-rendu d'une réunion du Comité d'entreprise qui s'est tenue le 31 mai 2016, soit concomitamment à la proposition de modification du contrat faite au salarié, au cours de laquelle l'employeur a présenté à la représentation des salariés l'évolution de l'activité au 30 avril 2016 : Le chiffre d'affaires est en progression par rapport à l'année 2015 (+ 7.7%) et le budget 2016 (+4%).

M. [M], directeur général intervient au cours de cette réunion et commente la situation cumulée au 30 avril 2016, en évoquant notamment une maîtrise des coûts variable de production et de structure industrielle, un résultat d'exploitation de 1 260 000 euros en progression là encore par rapport à 2015 et au budget 2016, le conduisant à faire le commentaire suivant :

'l'activité de mai devrait être correcte, ainsi que juin car le carnet de commandes est bon, ce 1er semestre semble donc correct'.

Par suite, faute pour l'employeur de justifier d'une cause économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail affectant l'entreprise, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement injustifié :

Au jour de la rupture, M. [W] âgé de 56 ans bénéficiait d'une ancienneté de 38 ans et 3 mois au sein de la société Orest Group qui employait plus de dix salariés. Il avait perçu au cours des six derniers mois travaillés, plancher de l'indemnisation légale à laquelle il pouvait prétendre en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la somme de 14 985 euros bruts.

M. [W] justifie avoir été indemnisé par pôle emploi au titre de l'allocation de retour à l'emploi à hauteur de 1 401,30 euros pour 30 jours d'indemnisation avant d'être admis à faire valoir sa retraite à compter du 1er avril 2020 dans le cadre de laquelle il perçoit une pension mensuelle de 1223 euros et d'une retraite complémentaire servie par l' Agirc-Arrco dont la cour ignore e montant que le salarié n'a pas estimé utile de l'en informer, l'annexe de la notification n'étant pas versée aux débats.

Au regard de son ancienneté dans l'entreprise, et de son âge, et en l'absence d'autres éléments produits par M. [W] à l'appui de sa demande indemnitaire, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera plus justement évalué à la somme de 70 000 euros.

Compte tenu de l'ancienneté et de l'effectif de la société, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement mais seulement sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau sur le chef ainsi infirmé,

Condamne la société Orest Group à verser à M. [W] la somme de 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus,

y ajoutant,

Condamne la société Orest Group à verser à M. [W] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04185
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.04185 ?
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