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14/03/2024 | FRANCE | N°21/04169

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 14 mars 2024, 21/04169


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 14 MARS 2024



N° :



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04169 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB5I





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F19/00542





APPELANTE :



GEM SUD ENVIRONNEMENT, pris en la pe

rsonne de son représentant légal

Domiciliée [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Eric ROCHEBLAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [U] [Y]

né le 25 février 1982 à [Localité 4] (...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 MARS 2024

N° :

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04169 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB5I

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F19/00542

APPELANTE :

GEM SUD ENVIRONNEMENT, pris en la personne de son représentant légal

Domiciliée [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric ROCHEBLAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [U] [Y]

né le 25 février 1982 à [Localité 4] (62)

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 11 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] [Y] a été engagé, en qualité de conducteur de travaux, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 7 novembre 2016, par le groupement d'employeurs Gem Sud Environnement, spécialisée dans la mise à disposition de ressources humaines à disposition des entreprises, dans le domaine des travaux agricoles et ruraux.

Il a été engagé à raison de 39 heures hebdomadaires, soit 169 heures par mois, en contrepartie d'une rémunération brute mensuelle de 2 700 euros, outre une indemnité de repas journalière de 8,90 euros.

À compter du 2 octobre 2018, il a été placé continûment en arrêt de travail.

Le 16 novembre 2018, il a sollicité le paiement de 1 389,50 heures supplémentaires sur l'ensemble de la période contractuelle, en joignant à sa demande un décompte de ces heures.

L'employeur ayant contesté cette demande, il a saisi, le 4 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins de solliciter un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires pour les années 2016, 2017 et 2018.

Par jugement du 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Condamne la société GE Gem Sud Environnement à payer à M. [Y] les sommes suivantes, à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre intérêts de droit à compter de la demande prud'homale :

- 2 160, 75 euros brut outre 216,97 euros de congés payés afférents, pour l'année 2016,

- 14 187,54 euros brut outre 1 418,75 euros de congés payés afférents, pour l'année 2017,

- 11 027, 90 euros brut outre 1 102, 79 euros brut pour l'année 2018,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société à verser au salarié la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 29 juin 2021, la société Gem Sud Environnement a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 11 décembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 janvier 2024.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 20 septembre 2021, le groupement d'employeur Gem Sud Environnement demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 16 décembre 2021, M. [Y] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de débouter le groupement de l'ensemble de ses demandes et le condamner le groupement d'employeurs à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur le rappel d'heures supplémentaires :

Au soutien de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires sur la période du 7 novembre 2016 au 1er octobre 2018, pour un total de 1 389, 50 heures, le salarié expose avoir été contraint d'accomplir de nombreuses heures supplémentaires, au delà de la durée hebdomadaire contractuellement prévue de 39 heures par semaine. Il indique qu'il travaillait du lundi au vendredi, de 7 heures à 12 heures, bénéficiait d'une pause méridienne d'une heure entre 12 heures et 13 heures, puis terminait systématiquement après 18 heures.

L'employeur objecte qu'aucune heure supplémentaire n'a été effectuée en sus de celles contractuellement prévues, qu'il n'en avait pas connaissance et qu'elles n'ont pas été réalisées à sa demande, ni avec son accord implicite. Il ajoute que la charge de travail du salarié était adaptée pour qu'il ne dépasse pas la durée légale hebdomadaire tout en précisant n'avoir pu contrôler l'activité et les horaires du salarié qui ne remettait pas ses rapports journaliers.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, L. 3171-3 et L. 3171-4 du même code, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, rappel fait que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [Y] verse aux débats les éléments suivants :

- un courriel qui lui a été adressé par Mme [H], responsable administrative, le 24 octobre 2016, suite à son entretien d'embauche, lui exposant les horaires qu'il serait amené à effectuer : 7H-12H et 13H-18H, soit une durée hebdomadaire de travail de 50 heures (10 heures par jour sur 5 jours travaillés),

- des tableaux mensuels présentant les horaires qu'il affirme avoir effectués sur toute la période d'activité desquels il ressort qu'il commençait tous les jours à 7 heures et terminait entre 18h30 et 19 heures et bénéficiait d'une pause déjeuner d'une heure entre 12h et 13h. Selon ces décomptes, il effectuait entre 10,5 et 11,5 heures journalières, et sa durée hebdomadaire dépassait systématiquement les 39 heures contractualisées, variant entre 42,5 heures et 56,5 heures hebdomadaires.

- la copie de ses agendas pour les années 2016, 2017, 2018 sur lesquels sont portées, de manière manuscrite, ses heures de fin de service, variant entre 18h30 et 19 heures,

- ses bulletins de salaire, desquels il ressort qu'il était systématiquement rémunéré sur la base contractuelle, à savoir 151,67 heures mensuelles outre 17,33 heures majorées à 25%,

- un document décrivant une journée type duquel il ressort qu'il prenait son poste dès 7 heures pour ouvrir les bureaux administratifs et accueillir le personnel et qu'il était chargé le soir d'assurer la fermeture des sites après avoir vérifié le retour du personnel au dépôt, préparé les plannings des opérateurs vers 17h50, lesquels étaient souvent modifiés jusqu'à 19 heures,

- sa fiche de poste au terme de laquelle il était chargé de la gestion et l'encadrement des chantiers, de l'encadrement des opérateurs de chantiers et chauffeurs comprenant le contrôle de leurs fiches journalières, ainsi que de la gestion des sites [X] et du parc automobile,

- ses rapports journaliers au titre de l'année 2018,

- une attestation de M. [O], chauffeur poids-lourd, qui témoigne que M. [Y] était très régulièrement présent dès 7 heures du matin et souvent au delà de 18 heures. Il indique que M. [Y] lui donnait ses feuilles de route pour la journée de travail et les lui remettait ensuite le soir.

Après avoir rappelé les règles de répartition de la charge de la preuve des heures supplémentaires et analysé les pièces produites par le salarié, le premier juge a, à juste raison, retenu que le salarié présentait des éléments de preuve suffisamment précis pour permettre à l'employeur, chargé du contrôle des heures de travail des salariés, de répondre sur sa demande au titre des heures supplémentaires.

L'employeur verse aux débats les éléments suivants :

- un décompte des heures de travail effectuées par le salarié sur l'ensemble de la période d'activité dont il ressort que le salarié effectuait 39 heures hebdomadaire, soit169 heures mensuelles, dont 17,33 heures supplémentaires structurelles, selon une semaine type toujours identique : du lundi au jeudi de 7h30 à 17h30 et le vendredi de 8 heures à 17 heures, soit 8 heures journalières du lundi au jeudi, et 7 heures le vendredi. Les horaires des pauses (estimées à 2 heures) ne sont pas renseignés,

- Des attestations de plusieurs salariés, dont certains membres de la direction, indiquant qu'ils n'ont pas eu connaissance de la réalisation d'heures supplémentaires par le salarié et que la direction n'a jamais donné son accord, même implicite, à leur réalisation,

- Mme [H], responsable administrative et financière, déclare que M. [Y] n'a jamais remis de relevés d'heures auprès des services concernés,

- Mme [C], directrice technique confirme l'absence de remise de relevés d'heures et déclare : 'nous ne savions jamais où il était dans la journée et ce qu'il faisait car il ne rendait jamais compte de ses activités',

- Mme [S], responsable d'exploitation, précise que : 'comme pour tout le personnel d'encadrement de la société dont M. [Y] faisait partie, la direction a toujours laissé libre chef de réaliser le travail qui nous est confié, que le GEM ne nous a jamais fliqué sur la réalisation ou non des horaires de travail. J'atteste que le GEM nous a toujours fait confiance',

- Monsieur [X], gérant de la société, déclare 'M. [Y] ne pouvait débuter sa journée le matin au plus tôt à 7h30. C'est moi-même qui faisait l'ouverture de l'atelier et des bureaux à 7h. J'étais donc présent au démarrage et à la mise en place des équipes à 7h30. J'effectuais en fin de journée la même opération de fermeture du site et j'atteste que M. [Y] n'était pas présent à ce moment-là. J'atteste aussi que pour la pause des repas du midi, M. [Y] était absent pendant 2 h et plus. Souvent vers 15h, j'étais obligé de le rappeler pour savoir où il était et ce qu'il faisait',

- Madame [C] déclare : 'Quand il m'arrivait de rester tard dans les bureaux pour un terminer un travail, je ne voyais pas M. [Y] dans l'entreprise',

-Trois chauffeurs déclarent qu'ils arrivaient au dépôt à partir de 7h15 et terminaient entre 17 heures et 18 heures,

- des feuilles de tournées de chauffeurs et fiches de présence d'opérateurs indiquant leurs horaires de prise et de fin de poste, dont ceux M. [O], chauffeur, qui a rédigé l'attestation susvisée en faveur de M. [Y].

Au regard du courriel adressé par Mme [H], responsable administrative et financière, au salarié, suite à son entretien d'embauche, faisant état d'une durée hebdomadaire de travail excédant les 39 heures ainsi que de l'importance de ses responsabilités et missions, ainsi qu'il ressort de la fiche de poste, l'argumentation selon laquelle le salarié ne justifierait pas que les heures alléguées lui auraient été commandées sera rejetée.

Par ailleurs, le décompte d'heures produit par l'employeur, non signé par le salarié, ne suffit pas à justifier du respect de ses obligations dès lors qu'il ressort de ses propres conclusions et pièces, et en particulier de trois attestations régulières de membres de la direction, que le salarié ne remettait aucun relevé de ses horaires. Il n'est au surplus aucunement établi que le salarié était tenu de remettre de telles fiches horaires.

L'employeur, qui ne produit aucun élément de contrôle des heures de travail du salarié, échoue donc à justifier de la réalité des heures effectivement réalisées.

En revanche, il critique utilement les horaires de fin de service dont se prévaut le salarié, qui indique qu'il terminait ses journées systématiquement après 18 heures, entre 18h30 et 19 heures. Ses allégations sur ce point sont contredites par le témoignage de M. [X] déclarant que le salarié n'était jamais présent à la fermeture du site, corroboré par celui de Mme [C] et par les témoignages des chauffeurs qui déclarent qu'ils terminaient au plus tard à 18h00. Ces éléments permettent de retenir le caractère non conforme des heures de fin de service déclarées.

Au vu de l'ensemble des éléments produits par l'une et l'autre partie, il apparaît que M. [Y] a bien exécuté des heures supplémentaires, mais dans une proportion moindre que celle indiquée.

La créance en résultant sera fixée comme suit :- 750 euros brut outre 75 euros de congés payés afférents, pour l'année 2016,

- 4 830 euros brut outre 483 euros de congés payés afférents, pour l'année 2017,

- 3 750 euros brut outre 375 euros brut pour l'année 2018.

Le jugement sera donc réformé sur le montant de la créance salariale.

Cette somme, de nature contractuelle, portera intérêt à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes, conformément à l'article 1231-6 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement uniquement sur le quantum des rappels de salaire alloués au titre des heures supplémentaires,

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne le groupement d'employeurs Gem Sud Environnement à verser à M. [U] [Y] les sommes suivantes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires :

- 750 euros brut outre 75 euros de congés payés afférents, pour l'année 2016,

- 4 830 euros brut outre 483 euros de congés payés afférents, pour l'année 2017,

- 3 750 euros brut outre 375 euros brut pour l'année 2018.

Condamne le groupement d'employeurs Gem Sud Environnement à verser à M. [U] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER , LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04169
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.04169 ?
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