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14/03/2024 | FRANCE | N°21/04124

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 14 mars 2024, 21/04124


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 14 MARS 2024



N° :



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04124 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB2Q





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/1380





APPELANTE :



Madame [H] [K]

née le 29

Août 1956 à [Localité 7] (SUISSE)

de nationalité Suisse

Domiciliée [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentée par Madame [L] [G], délégué syndical







INTIME :



Monsieur [V] [O]

né le 04 Janvier 1966 à [Localité 4]

de...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 MARS 2024

N° :

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04124 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB2Q

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/1380

APPELANTE :

Madame [H] [K]

née le 29 Août 1956 à [Localité 7] (SUISSE)

de nationalité Suisse

Domiciliée [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Madame [L] [G], délégué syndical

INTIME :

Monsieur [V] [O]

né le 04 Janvier 1966 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Céline ROUSSEAU, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011468 du 08/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 11 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [O] a été engagé, en qualité d'ouvrier qualifié, par contrat de travail à durée déterminée saisonnier à temps partiel à compter du 15 juillet 2014, puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 juin 2015, par Mme [H] [K], exploitante agricole.

Lors d'un entretien en date du 29 août 2019, Mme [K] a remis au salarié une convention de résiliation d'un commun accord de son contrat de travail au 30 septembre 2019 et un document intitulé 'préavis de licenciement' par lequel l'employeur communique au salarié la rupture du contrat de travail avec un préavis de deux mois au 31 octobre 2019.

Convoqué le 27 septembre 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 octobre suivant, M. [O] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 17 octobre 2019 ainsi libellé :

« [...] Les motifs de licenciement sont les suivants :

Depuis l'embauche de M. [I] [M] le 27 mai 2019, les relations que vous entretenez avec l'entreprise et les salariés se sont peu à peu dégradées. Avant la date du 26 août 2019, je n'avais pas souhaité vous sanctionner pour certains manquements pensant que vous aviez besoin de temps pour vous adapter à l'arrivée d'un nouveau salarié.

Cependant, le lundi 26 août 2019 et le mercredi 28 août 2019 vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail et vous n'avez pas justifié de vos absences. D'autant plus que le 28 août 2019, jour où vous auriez dû vous présenter sur votre lieu de travail, vous vous êtes rendu à la cave coopérative de [Localité 5] afin de programmer les vendanges de votre frère. Vous m'avez alors contacté à 10H00 du matin en m'ordonnant de vendanger le chardonnay dès le lendemain d'après les informations que vous aviez eu auprès de la cave ce matin même et ce sans justifier votre absence.

Inquiète je me suis rendue directement auprès de la cave coopérative de [Localité 5] et j'ai alors appris que vous aviez sans aucune autorisation ou mandant émanant de ma part, informé et déclaré auprès de la cave coopérative de [Localité 5] et notamment en la présence de M. [D], la personne en charge de l'accueil de cette cave coopérative, de mes soit disant éventuelles intentions auprès de cette cave tout en mentionnant le fait que j'avais effectué, et ce sans m'en avoir averti et sans preuve de votre part, une mauvaise déclaration de cépages. De tels propos pouvant nuire à l'image de mon entreprise ne peuvent être admis. D'autant plus que vous avez une obligation de loyauté envers votre employeur et le fait de prononcer sans fondement des faits pouvant nuire à mon entreprise, et ce sans même m'avoir évoqué ce fait-là auparavant, est constitutif d'une faute. D'autant plus que vous n'aviez aucun mandat ou autorisation pour parler de mes éventuelles intentions, étant précisé que je ne vous avez jamais fait part de mes réelles intentions.

Je vous ai alors contacté l'après-midi même de ce mercredi 28 août 2019 afin de vous inviter le lendemain à 16H00 soit le jeudi 29 août 2019, à discuter de ces propos que vous avez tenu. Vous avez tenu à venir à cet horaire afin d'éviter de croiser mon autre salarié, M. [A] [J], qui n'est autre que votre supérieur hiérarchique. Je n'ai pas compris cette demande mais j'ai accepté.

Cependant, j'ai compris cette demande que fin septembre début octobre 2019, lorsque M. [A] [J] m'a fait part de vos refus constants de participer aux discussions pour la préparation du travail. M. [A] [J] m'a fait part qu'il avait le sentiment que vous preniez plaisir à l'empêcher d'exécuter correctement les missions et tâches dont il avait la charge et pour lesquelles vous étiez placé sous sa direction.

Le vendredi 30 août 2019 vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail et vous n'avez pas justifié, une fois de plus, votre absence pour ce jour-là.

Le lundi 2 septembre 2019, vous vous êtes présenté sur l'entreprise afin de l'amener avec le tracteur de l'entreprise une machine de traitement sur l'exploitation d'un de vos amis qui nous l'avez prêté lorsque la notre était en panne. Vers 9h00 du matin, vous êtes revenu dans les locaux de l'entreprise, vous avez ramassé vos affaires personnelles de votre plein gré et ce sans que je vous formule une quelconque demande en ce sens. Puis vous êtes resté près d'une heure près des voitures et de la cave sans rien faire alors que vous auriez dû travailler ce jour-là. Finalement, vous êtes soudainement parti sans justifier de votre départ.

Le lendemain vous nous avez adressé un arrêt de travail courant du 2 septembre 2019 au 24 septembre 2019. Pendant votre absence, nous nous sommes rendus compte que vous aviez récupéré et ce sans notre autorisation, le livre avec toutes les inscriptions des traitements des oliviers et de la vigne ainsi que le cahier de bulletins de livraison et des factures des produits de l'entreprise.

Le 25 septembre 2019, vous vous êtes présenté dans les locaux de l'entreprise afin de reprendre votre travail. Cependant au regard des faits évoqués plus haut je vous ai alors remis une lettre de convocation pour un entretien afin de vous proposer une rupture conventionnelle de votre contrat de travail. En effet, ayant beaucoup d'estime envers mes salariés et ce malgré vos manquements, je souhaitais envisager une rupture conventionnelle mais c'était sans penser les faits nouveaux que vous alliez commettre ce jour-là.

Ainsi après vous avoir présenté la lettre de convocation à un entretien pour la rupture conventionnelle, vous m'avez alors insulté en présence de mon mari, je cite :

« ça ne va pas se passer comme ca, vous êtes des salauds ».

Vous m'avez demandé de récupérer des affaires personnelles dans la cave de l'entreprise, tout en restant très énervé et insultant à mon égard, malgré tout j'ai fait droit à votre demande en vous précisant que je souhaitais vous accompagner car en date du 2 septembre 2019 vous aviez déjà récupéré vos effets personnels sans aucune explication de votre part et ce sans qu'il vous soit demandé quelque chose sur ce point.

Vous êtes alors monté dans votre véhicule afin de bloquer le mien. Vous êtes resté dans votre véhicule pendant près de 10 minutes en téléphonant et ce en bloquant tout ce temps, mon véhicule m'empêchant ainsi de me déplacer. Puis vous êtes partis sans justifier votre départ.

De plus, je vous avais demandé la veille de votre reprise, soit le 24 septembre 2019, de nous rapporter le livre des traitements et le cahier de la facturation mentionnés ci-dessus. Vous m'avez rapporté seulement le cahier de la facturation sans justifier de la raison pour laquelle vous l'aviez emporté chez vous alors qu'il s'agissait de document de l'entreprise et qu'il n'avait pas à se trouver chez vous.

Le lendemain, j'ai donc consulté le cahier de la facturation et je me suis rendue compte que vous aviez apporté du vin auprès d'Intermarché au mois de mai et que vous aviez établi une facture au mois de juin sans m'en informer au préalable alors que vous aviez l'obligation de me tenir informer pour de telles actions. D'autant plus que la facture établie ne comporte pas le numéro SIRET de men entreprise et que vous avez signé en lieu et place de votre employeur, autrement dit moi-même, sans avoir une telle autorisation ou mandat pour le faire.

Enfin, vous ne m'avez pas à ce jour ramener le livre des traitements qui est un document essentiel pour ie bon fonctionnement de mon entreprise. En effet, les traitements étant essentiels au bon fonctionnement du végétal (oliviers et vignes) j'ai besoin de connaître le type de produit utilise à tel et tel moment de l'année afin d'anticiper au mieux la récolte de mon entreprise. D'autant plus que je vous rappelle vous n'avez pas reçu une autorisation pour prendre ce document de l'entreprise avec vous tout comme le cahier des facturations et que je ne sais toujours pas à ce jour quel produit vous avez utilisé en dernier pour traiter les oliviers m'empêchant ainsi de pouvoir continuer sereinement la culture de mes oliviers.

Par conséquent, vos absences répétées non justifiées, votre manque de loyauté envers mon entreprise, le refus de suivre les directives de votre supérieur hiérarchique, les propos insultants et les actions que vous avez tenu à mon égard sans mon autorisation ainsi que le fait de détenir des documents de l'entreprise chez vous sans aucune autorisation constitue un motif d'insubordination justifiant un licenciement pour faute grave. Par conséquent, je vous confirme que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration puisque les faits que j'ai constaté constituent une faute grave justifiant ainsi votre licenciement sans indemnités ni préavis. [...] ».

Le 4 novembre 2019, le salarié a contesté les griefs formulés par l'employeur.

Le 6 décembre 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de solliciter l'annulation de son licenciement et des indemnités de fin de contrat.

Par jugement du 3 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a statué comme suit :

Rejette la nullité du licenciement de M. [O],

Dit et juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'entreprise [H] [K] à payer à M. [O] les sommes suivantes :

- 2 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 404 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 140,40 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 614,25 euros d'indemnité légale de licenciement,

Déboute M. [O] du surplus de ses demandes,

Rappelle que de droit, l'intérêt à taux légal s'appliquera à la date de la saisine concernant les condamnations salariales, à la date de la décision concernant les créances indemnitaires, Condamne Mme [K] à payer à M. [O] la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Met les entiers dépens de l'instance à la charge de l'Entreprise [H] [K].

Le 18 juin 2021, Mme [K] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 19 novembre 2021, Mme [H] [K], demande à la Cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes suivantes :

- 2 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 404 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 140,40 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 614, 25 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement sur les points suivants :

Rejeter la nullité du licenciement,

Débouter M. [O] du surplus de ses demandes dont la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Rejeter l'intégralité des demandes de M. [O].

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 21 octobre 2021, M. [O] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement,

Le confirmer à titre subsidiaire en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Le confirmer sur le principe, mais l'infirmer sur le quantum des indemnités allouées,

Statuant à nouveau,

Condamner Mme [K] à lui verser les sommes suivantes, nettes de CSG-CRDS pour les sommes indemnitaires :

- 1 989 euros d'indemnité de licenciement équivalent à 5 ans d'ancienneté dans la structure,

- 468 euros pour licenciement irrégulier,

- 1 404 euros d'indemnité de préavis (3 mois de salaire en raison de son statut de travailleur handicapé) outre la somme de 140,4 euros de congés payés y afférents,

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 11 décembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail au 29 août 2019 :

Il est constant que le 29 août 2019, Mme [K] a convoqué verbalement le salarié à un entretien informel au cours duquel elle lui a remis deux documents datés du jour mais non signés :

- le premier établi sous en-tête de l'employeur se présente sous la forme d'une correspondance adressée à M. [O] dont l'adresse est précisée, avec en objet la mention 'préavis de licenciement' et se trouve ainsi libellée :

« M. [O], avec la présente je vous communique la rupture de notre contrat de travail, conclu le 19 janvier 2015 avec un préavis de deux mois pour le 31 octobre 2019. Avec mes meilleurs salutations [H] [K]. »

figure en pied de document la mention :

'reçu recommandé (sic) à la main.

Clermont L'Hérault, le 29 août 2019.

[V] [O]'

- le second document, intitulé 'convention de résiliation judiciaire du contrat de travail', se présente sous la forme d'un acte contractuel entre les soussignés M. [O] et l'employeur Mme [K] , et il est ainsi libellé :

« entre les soussignés M. [O] , né le ... et l'employeur ...n° de siret

il a été convenu ce qui suit :

Le contrat de travail à temps partiel conclu le 19 janvier 2015 viens résilié avec accord réciproque per il 30 septembre 2019;

M. [O] reçoit le salaire complet du mois de septembre 2019 comme un salaire mensuel comme indemnité de licenciement. Les calculs comme tous les documents de fin de contrat seront établis par le service paye de la FDSEA à charge de Mme [K] et consigné à M. [O] au plus tard le 30 septembre 2019.

M. [O] est dispensé de se présenter au travail à partir de la signature de la présente convention.

Fait en deux exemplaires originaux dont un pour chacune des parties. Clermont l' Hérault, le 29 août 2019. »

Le salarié soutient que la remise de ces documents manifestent la volonté claire de l'employeur de rompre le contrat de travail et constituent une rupture du contrat de travail non motivée s'analysant en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur s'en défend et objecte avoir simplement voulu lui proposer une rupture conventionnelle du contrat de travail et lui avoir remis les documents litigieux, à savoir 'une convention de rupture amiable et une lettre maladroitement intitulé « préavis de licenciement »', et ce 'pour exemple en attendant de prendre contact avec le service juridique', dont elle souligne qu'ils ne sont pas signés par elle.

La remise par l'employeur au salarié de deux documents, lesquels ne sont pas concordants l'un l'autre, ni sur la date de rupture ni sur les modalités de celle-ci, dont aucun n'est signé par l'employeur, ne caractérise pas la décision irrévocable de rompre le contrat de travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de ce chef et de sa demande de nullité du licenciement fondée pour le salarié sur la violation de la garantie de fond que constitue l'entretien préalable et le manquement des dispositions de la convention 158 de l'Organisation Internationale du travail et le principe fondamental de respect des droits de la défense.

Sur la cause du licenciement :

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

En l'espèce, rappel fait que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, en l'absence de moyen nouveau et de nouvelle pièce probante produite en appel, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant,

d'une part, que l'employeur n'établissait pas les absences injustifiées reprochées par la production de relevé téléphoniques,

ni le comportement déloyal que le salarié aurait adopté le 28 août à son égard en lui prêtant, sans mandat de sa part, auprès de responsables de la cave coopérative des intentions ou fausse déclaration de cépages, agissements qui ne sont pas démontrés par les pièces versées aux débats par l'employeur (mail du 12 août adressé à la Douane, extrait de casier viticole, calendrier des apports exécution déloyale du contrat de travail récolte) et pas davantage par l'attestation de M. [Y], communiquée par le salarié, laquelle ne saurait établir a contrario les dits agissements,

ni le comportement injurieux que le salarié aurait adopté à son égard, ce qu'il conteste, propos qui ne sauraient être suffisamment établis par la seule attestation de l'époux de l'employeur, tenant le lien familial unissant le témoin à la partie intimée,

ni le fait d'avoir récupéré et conservé par devers lui le cahier des traitements, ce dont se défend le salarié,

ni d'avoir facturé une vente de vin à Intermarché, sans son accord, le directeur du magasin attestant que si le salarié à qui il passait les commandes les livrait avec son véhicule personnel, les bons de livraison et factures étaient signés par M. [O] 'comme convenu entre son service comptable et Mme [K]',

et, d'autre part, que le fait d'avoir conservé, par inadvertance ainsi que l'intimé le plaide, le cahier de facturation dans son véhicule qu'il utilisait pour faire des livraisons, explications non sérieusement contredites par l'employeur,

et, enfin, que le doute bénéficie en la matière au salarié,

ont dit que faute pour l'employeur de rapporter la preuve de manquement (s) imputable (s) au salarié constitutif (s) d'une faute grave, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sera simplement ajouté que s'agissant du comportement professionnel décrit tardivement par M. [J] à l'employeur, à sa voir les 'refus constants de participer aux discussions pour la préparation du travail' et le fait que le supérieur avait le 'sentiment qu'(il prenait) plaisir à l'empêcher d'exécuter correctement les missions et tâches dont il avait la charge et pour lesquelles (il était) placé sous sa direction', grief pour le moins imprécis et portant pour partie sur une appréciation subjective de son supérieur, ne saurait être considéré établi par l'attestation de M. [J] (pièce n°14) qui décrit le comportement du salarié ne respectant pas ses horaires de travail, son absence de rigueur, qui éprouvait du mal à travailler en équipe, 'très têtu et irascible', et se refusant de plus en plus à ses choix sur l'organisation du travail.

Si l'employeur commente longuement l'argumentation développée par le salarié sur les compétences de ses collègues, la taille de l'entreprise ou encore l'organisation du travail, l'absence de pertinence de celle-ci ne saurait exonérer l'employeur de son obligation de rapporter la preuve des fautes reprochées à l'intéressé. A défaut, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au vu de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération, de l'effectif de l'entreprise, inférieur à onze salariés, et des éléments de la cause, les premiers juges ont également fait une juste appréciation des conséquences financières en allouant au salarié les sommes de 2 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 404 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 140,40 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis et de 614,25 euros d'indemnité légale de licenciement

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

Condamne Mme [K] à verser à M. [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi que les dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04124
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.04124 ?
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