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14/03/2024 | FRANCE | N°21/04119

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 14 mars 2024, 21/04119


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 14 MARS 2024



N° :



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04119 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB2F





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/00692





APPELANTE :



S.A.S. VETIR, prise en la personn

e de son représentant légal Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Michel GOURON, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [W] [M]

né le 08 Juin 1970 à [Localité 5]

de nationalité Français...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 MARS 2024

N° :

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04119 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB2F

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/00692

APPELANTE :

S.A.S. VETIR, prise en la personne de son représentant légal Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel GOURON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [W] [M]

né le 08 Juin 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Céline ROUSSEAU de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 11 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [M] a été engagé en qualité d'installateur itinérant, par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, à compter du 1er mars 1996, par la société Vetir, qui développe une activité de commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé relevant de la convention collective du commerce succursaliste de la chaussure.

Après avoir dirigé le magasin Gemo de Millau, le salarié a été muté, par avenant du 12 mars 2001, en qualité de directeur du magasin Gemo, situé au Crès.

Convoqué 1er février 2019 à un entretien préalable fixé au 15 février 2019, il a été licencié pour faute grave par courrier du 1er mars 2019.

Contestant son licenciement il a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 7 juin 2019.

Par jugement du 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a statué comme suit :

Dit le licenciement de M. [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Vetir à lui verser les sommes suivantes :

- 63 709 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 921,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à trois mois de salaire, outre la somme de 1 092,15 euros de congés payés y afférents,

- 26 090, 3 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement correspondant à 24 ans d'ancienneté,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute la société Vêtir de l'ensemble de ses demandes,

Ordonne à la société Vêtir de rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage dans la limite de trois mois de salaire en application de l'article L.1235-4 du Code du travail,

Laisse les dépens à la charge des parties.

Le 25 juin 2021, la SAS Vetir a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 14 février 2022, la société Vetir demande à la cour de :

A titre principal, infirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter le salarié de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse ou la Cour considérerait le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, le montant de l'indemnité de licenciement limiter à la somme de 24 876, 89 euros,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour estimerait devoir confirmer la décision contestée quant à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, limiter le montant des dommages et intérêts alloués à la somme de 61 888,84 euros.Condamner M. [M] à verser à la société la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 16 novembre 2021, M. [M] demande à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et laissé les dépens à la charge des parties,

Statuant à nouveau,

Condamner la société Vetir au paiement de la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens, pour la procédure devant le conseil de prud'hommes,

Confirmer le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamner la société Vetir au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d'appel.

Par ordonnance rendue le 11 décembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce trois séries de griefs, à savoir :

'- des problématiques managériales et la non application de la politique des ressources humaines,

- des manipulations frauduleuses en caisse, une utilisation abusive par le salarié de son statut hiérarchique à des fins de profit personnel, et des manquements graves dans les pratiques de gestion et d'encaissement,

- des déclarations frauduleuse du temps de travail de Madame [N] [F], adjointe de magasin'.

La société Vetir critique la motivation du jugement et soutient rapporter la preuve de la faute grave reprochée en produisant notamment aux débats des témoignages de collaboratrices ayant travaillé sous la subordination de M. [M].

Le salarié oppose avoir fait l'objet d'un licenciement économique déguisé, explique certaines carences managériales par la réduction des moyens logistiques et humains alloués au magasin et conteste les opérations frauduleuses qui lui sont reprochées.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Sur la gestion des ressources humaines :

La société reproche à M. [M] plusieurs à ses obligations managériales en matière d'organisation du temps de travail et des entretiens d'évaluation annuels.

Sur le non-respect des dispositions relatives au temps de travail,

La société fait grief au salarié de :

- ne pas avoir mis à jour le planning affiché au sein de l'entreprise,

- ne pas avoir appliqué à Mme [K], salariée à temps partiel, la règle conventionnelle selon laquelle un salarié à temps partiel ne doit pas être soumis à une coupure supérieure à deux heures entre deux séquences de travail,

- avoir unilatéralement fixé les dates de congés payés des salariés, sans avoir préalablement recueilli leurs souhaits,

- avoir imposé le travail dominical, sans mettre en place une procédure de volontariat, et ne pas avoir respecté les dispositions de l'arrêté municipal du 30 janvier 2018 selon lesquelles les salariés privés du repos dominical doivent bénéficier d'un repos compensateur accordé dans une période qui ne peut excéder la quinzaine qui précède ou qui suit le dimanche travaillé.

Le salarié reconnaît que le planning affiché au sein du magasin était obsolète mais indique qu'il transmettait des plannings individuels en cas de modifications horaires.

En l'espèce, les salariées n'étaient pas soumises à un horaire collectif identique. M. [M] était donc tenu de leur communiquer leurs plannings individuels dans un délai de prévenance raisonnable de minimum 7 jours. Or, le salarié, ne justifie pas de la date de communication de ces plannings, et n'apporte aucun élément permettant de contredire les témoignages concordants de Mmes [I] et [J] déclarant que les plannings étaient régulièrement transmis, le samedi pour le lundi suivant. Le non-respect par le salarié des délais de communication des plannings est donc démontré, et ce, alors que le salarié avait été rappelé à l'ordre sur ce point précis par la directrice des ressources humaines, par courrier du 20 mai 2014.

S'agissant du non-respect des dispositions applicables en matière de travail à temps partiel, il est établi et non contesté que les journées de travail Mme [K] étaient séparées par une coupure de 3h30, supérieure à la coupure maximale autorisée par les dispositions conventionnelles applicables. L'argumentation de M. [M] selon laquelle il n'avait pas connaissance de cette disposition applicable aux salariés à temps partiel est inopérante compte tenu de sa qualité de manager, chargé de l'élaboration des plannings. Par ailleurs, l'employeur justifie de la publication d'une note interne diffusée par la directrice des ressources humaines rappelant les règles applicables en matière de contrats à temps partiel à compter du 1er juillet 2014, dont le salarié ne conteste pas avoir eu communication.

S'agissant des congés payés imposés, les attestations concordantes versées aux débats et les déclarations de M. [M], permettent d'établir qu'il a unilatéralement fixé les dates de congés payés des salariés, sans respect des critères d'ordre des départs en congés fixés par le code du travail, et alors qu'il avait été rappelé à l'ordre par la direction des ressources humaines le 22 février 2018 sur la nécessité de recueillir les souhaits des salariés préalablement à la fixation de leurs dates de congés payés.

Enfin, s'agissant du travail dominical, le salarié n'apporte aucun élément permettant de contredire les témoignages de huit salariées déclarant que le travail dominical leur était imposé et que les jours de repos compensateurs leur était accordé dans un délai bien supérieur à celui de quinze jours fixé par l'arrêté municipal du 30 janvier 2018.

Sur le défaut d'organisation des entretiens d'évaluation,

La société reproche à M. [M] de ne pas avoir réalisé les entretiens d'évaluation de ses salariés de 2016 à 2018.

Le salarié a affirmé lors de son entretien préalable que les collaboratrices avaient refusé de se soumettre à ces entretiens en arguant de leur inutilité. Il soutient une version différente des faits au sein de ses conclusions en indiquant que les entretiens ont eu lieu, mais que les collaboratrices ont refusé de signer les comptes-rendus. Il ajoute que l'organisation de ces entretiens annuels de développement n'était pas obligatoire et qu'il y a lieu de les distinguer des entretiens professionnels régis par l'article L.6315-1 du Code du travail, lesquels présentent un caractère obligatoire.

Si le salarié soutient à juste titre que les entretiens annuels de développement, qui comportent une dimension d'évaluation, doivent être différenciés des entretiens professionnels légalement obligatoires et régis par l'article L.6315-1 du code du travail, il ressort expressément de sa fiche de poste qu'il était tenu de les organiser.

Or, M. [M] ne rapporte aucunement la preuve de la tenue de ces entretiens dès lors qu'aucun compte-rendu n'est signé par les collaboratrices concernées, et qu'ils ne comportent aucune mention relative à leurs éventuels refus de signature. La carence du salarié dans l'organisation des entretiens d'évaluation des collaborateurs placés sous sa direction est ainsi établie.

Les carences managériales du salarié en matière d'organisation du temps de travail et des entretiens annuels d'évaluation sont ainsi établies.

Sur les manquements à la probité :

L'employeur reproche au salarié plusieurs manipulations frauduleuses en caisse:

- avoir procédé, directement, ou indirectement par l'intermédiaire de collaborateurs, à des retours fictifs d'articles contre remboursement en espèces, pour son propre profit, notamment les 5 et 23 décembre 2018,

- avoir détourné des bons d'achats de 150 euros de leurs finalités, pour les faire convertir en espèces,

- ne pas avoir veillé à la bonne gestion comptable du magasin.

Sur les retours d'articles fictifs,

En l'état des attestations concordantes et circonstanciées de cinq collaboratrices, lesquelles ne sont pas sérieusement critiquées par M. [M] et sont corroborées par les tickets de caisse correspondants à chaque achat, l'employeur rapporte la preuve de ce que M. [M] a procédé ou fait procéder à plusieurs reprises à des retours fictifs d'articles aux fins d'obtenir des remboursements en espèces. C'est ainsi notamment que Mme [I] certifie que le 5/12/2018 alors qu'elle était présente à la caisse, M. [M] lui a demandé à 16h17 de passer 2 références en retour pour un montant de 99,98 euros en espèces. Pour cette opération (il) m'a donné un papier noté de sa main 'à passer en retour' les références suivantes (...) Pour un remboursement en espèces. J'ai été surprise que l'on me demande de faire cette manipulation inhabituelle sur la base d'un document rédigé de la main du directeur du magasin [...].

Le salarié soutient que ces retours d'articles associés à des remboursements en espèces étaient effectués au profit de clients du magasin désirant retourner des articles achetés sans avoir conservé leurs tickets de caisse.

Cette allégation est contredite par les témoignages de Mesdames [J] et [Z] qui déclarent que les espèces étaient remises en main propre à M. [M], lequel a été vu les mettre dans sa poche. Par ailleurs, l'état de l'inventaire des stocks produit aux débats indique que les articles concernés étaient manquants. Ces articles n'ont donc pas été retournés comme tente de le soutenir le salarié.

Sur les remboursements en espèces d'articles acquis à l'aide de bon d'achats,

Le salarié ne conteste pas avoir acheté des articles à l'aide de bons d'achats pour ensuite les retourner et se rembourser en espèces. Il conteste en revanche la qualification de fraude. Il soutient s'être comporté comme un client insatisfait du produit acheté et souhaitant en obtenir le remboursement, indique que le montant des remboursements ne dépassait pas la valeur des bons et ajoute qu'il n'avait pas connaissance de la disposition du règlement intérieur prohibant l'auto-encaissement.

En sa qualité de responsable de la gestion comptable du magasin et des opérations réalisées en caisse le salarié ne pouvait valablement ignorer la règle expressément inscrite à l'article 10 du règlement intérieur prohibant la pratique des auto-encaissement.

En outre, le document détaillant la procédure d'utilisation de ces bons d'achat, dont le salarié ne conteste pas avoir eu connaissance, précisait expressément qu'aucun rendue de monnaie ne pouvait avoir lieu.

L'employeur démontre ainsi que le salarié a sciemment détourné la finalité des bons d'achats offerts par l'entreprise, aux fins de se procurer de l'argent en espèces, alors qu'en sa qualité de directeur du magasin et responsable de la gestion comptable, il se devait de faire preuve d'une exemplarité en matière de probité. Ce grief est ainsi établi.

Sur les carences relatives à la gestion comptable,

L'employeur reproche au salarié de ne pas avoir veillé à la bonne gestion comptable du magasin. Il reproche au salarié de ne pas avoir assurer le suivi de l'inventaire dès lors, que lors d'un contrôle d'inventaire en date du 1er février 2019, un écart de 3 086, 45 euros a été constaté entre le solde physique en coffre-fort et en caisse et le solde théorique déclaré en comptabilité.

Le salarié ne conteste pas l'existence de cet écart mais objecte qu'aucune faute ne peut lui être imputée à ce titre. Il fait valoir qu'il n'était pas le seul salarié à détenir les codes du coffre-fort et attribue ce différentiel à un dysfonctionnement du logiciel comptable 'Cyclande'. Il indique avoir signalé le dysfonctionnement de ce logiciel à deux reprises au service trésorerie. Il ajoute que l'existence de ce différentiel ne peut en tout état de cause caractériser une faute de sa part, mais uniquement caractériser une insuffisance professionnelle.

M. [M] n'apporte aucun élément démontrant qu'il aurait, précédemment au contrôle d'inventaire susvisé, signalé des anomalies au service trésorerie. Il ne justifie par aucun élément avoir assuré un suivi et un contrôle de l'état de l'inventaire alors que cette obligation lui incombait. Ce grief est donc établi.

Les manquements du salarié en matière de probité et ses carences dans la gestion comptable du magasin sont ainsi établies.

Sur les déclarations de temps de travail de Mme [F] :

L'employeur reproche au salarié d'avoir procédé à des déclarations frauduleuses du temps de travail de Mme [F], son adjointe et compagne.

L'existence d'un différentiel entre les heures déclarées par M. [M] sur le logiciel informatique de décompte du temps de travail et le temps de travail réellement accompli par Mme [F] n'est pas contesté. Un écart de 9h45 est notamment établi pour la semaine du 21 au 25 janvier 2019.

M. [M] explique cet écart par le mode d'organisation du temps de travail de Mme [F], qui travaillait dans le cadre d'un forfait en jours, ce qui impliquait une variation de ses horaires et de sa charge de travail.

Cette argumentation est inopérante dès lors que le suivi de ce type d'organisation du temps de travail nécessite également la déclaration des demi-journées ou journées travaillées. Or, les attestations concordantes versées aux débats de plusieurs collaboratrices, telles Mmes [I], Mme [J] (Mme [H], adjointe, ne travaille jamais les mercredis après-midi et pourtant elle est tapée 6 heures sur le GTA !! Travaillant moi-même tous les mercredis de 9h30/11h30 et 13h/19 ou 19h30 [...] elle ne travaille que le matin de 10H à 12H15) , lesquelles ne sont pas contredites, permettent d'établir que certaines demi-journées, comme les mercredis après-midi ont été faussement déclarées comme étant travaillés. Ce grief est établi.

Sur le moyen soulevé par le salarié relatif à l'existence d'un licenciement déguisé,

Le salarié soutient avoir fait l'objet d'un licenciement économique déguisé. Il fait valoir que son licenciement en mars 2019 était justifié par les difficultés économiques rencontrées par la société. Il invoque, à l'appui du bilan comptable 2018 et d'informations obtenues sur le site internet societe.com une baisse de 7,07% du bilan total de la société Vetir entre l'exercice 2017 et 2018 et une perte de chiffre d'affaires du groupe ERAM de 3,11% pour l'année 2019-2020. Il ajoute que ni lui, ni sa compagne n'ont été remplacés suite à leur licenciement.

La société réfute les allégations du salarié et conteste l'existence de difficultés économiques dans la période contemporaine au licenciement du salarié. Elle démontre, à l'appui du bilan comptable que, si le chiffre d'affaire de la société Vetir a connu une légère diminution de 1,82% entre l'exercice 2017 et 2018, son résultat d'exploitation a progressé de 18,74% et son résultat net de 9,41%.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le salarié, la société justifie avoir embauché M. [R], le 17 mai 2019, à effet au 29 juillet 2019, aux fins de remplacer M. [M] au poste de directeur du magasin du Crès. Ce poste n'a donc aucunement fait l'objet d'une suppression pour cause de difficultés économiques.

La société rapporte ainsi la preuve des griefs reprochés au salarié relatifs à des carences managériales, des manquements à la probité et au défaut de suivi de la comptabilité du magasin, lesquels caractérisent une faute d'une gravité telle qu'elle rendait impossible la poursuite de la relation de travail, compte-tenu des fonctions de direction qu'il occupait et de l'exemplarité dont il devait particulièrement faire preuve en matière de probité vis-à-vis de ses collaborateurs.

La décision sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et le salarié sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes du 31 mai 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Juge le licenciement de M. [M] notifié le 1er mars 2019 fondé sur une faute grave,

Déboute M. [W] [M] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [W] [M] à verser à la société Vetir la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par, Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04119
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.04119 ?
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