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12/03/2024 | FRANCE | N°21/01213

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 12 mars 2024, 21/01213


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 12 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01213 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4KS





Décision déférée à la Cour : Jugement du 18

JANVIER 2021

Tribunal Judiciaire de BEZIERS

N° RG 12/02357



APPELANTE :



EURL CAPLAU inscrite au RCS de BEZIERS sous le numéro 387 723 521, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège social

Enseigne AGATHE TYCHE

[Adresse 8]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Arnau...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 12 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01213 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4KS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JANVIER 2021

Tribunal Judiciaire de BEZIERS

N° RG 12/02357

APPELANTE :

EURL CAPLAU inscrite au RCS de BEZIERS sous le numéro 387 723 521, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège social

Enseigne AGATHE TYCHE

[Adresse 8]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Mathilde JOURNU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [F] [S]

né le 27 Août 1957 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Emilie TURCAN (SELARL PHUNG 3P), avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [R] [S]

né le 24 Avril 1961 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Emilie TURCAN (SELARL PHUNG 3P), avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Monsieur [O] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL CAPLAU, désigné à cette fonction suivant jugement du Tribunal de commerce de Béziers en date du 23 juin 2021, demeurant et domicilié en son Etude sise

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Mathilde JOURNU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

Par acte du 3 juin 1987 pour le local principal et du 29 mars 1990 pour le garage, M [Z] [S] et Mme [J] [I] épouse [S] ont donné à bail commercial à M. [B] [Y] [S] agissant au nom et pour le compte de la SARL Agathe Tyche, des biens immobiliers situés au rez de chaussée des bâtiments A et B de la résidence 'Port Richelieu' au [Localité 1] pour y exercer une activité de ' restaurant, salon de thé, débit de boissons'.

Le bien était la propriété de M. [Z] [S] depuis la modification de son régime matrimonial intervenue le 15 juin 1973, homologué par le tribunal de grande instance de Béziers le 23 septembre 1973 portant adoption d'un régime de séparation de biens

Le 15 juin 1992, la SARL Agathe Tyche a cédé son fonds de commerce exploité dans les lieux loués à la SARL Caplau.

Par arrêté du 7 août 2007, la Commune d'[Localité 1] a ordonné la fermeture du restaurant de l'établissement exploité par la SARL Caplau en raison d'un défaut de conformité aux règles alimentaires d'hygiène.

Par arrêté du 13 août 2007, la Commune d'[Localité 1] a ordonné l'abrogation de cet arrêté municipal et l'établissement a fait l'objet le 21 février 2008 d'un rapport de la direction départementale des services vétérinaires qui a relevé une absence de conformité à la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité et a imposé la réalisation de travaux dont la réfection totale et à brefs délais de la cuisine, afin de rendre les locaux conformes aux règles en la matière.

Par ordonnance du 14 octobre 2008, le président du tribunal de grande instance de Béziers, saisi par assignation du 16 juillet 2008, a ordonné une expertise et désigné M. [P] pour mener à bien cette mission qui a déposé son rapport le 10 septembre 2009.

Par acte du 13 juin 2012, réitéré le 28 août 2013, un commandement d'avoir à payer les loyers et charges visant la clause résolutoire a été délivré respectivement par Mme [S] puis Monsieur [Z] [S] à la locataire pour un montant de 18 620,34euros pour le premier puis 64 002,16euros pour le second.

Le 17 février 2014, la société Caplau a cédé son fonds de commerce à la société 'Quai d'honneur' à l'exception du bail concernant le garage qui reste loué à la société Caplau et par acte du 20 et du 24 mars 2014, les consorts [S] ont formé opposition pour un prix de 87 588,58euros et 5 018,05euros correspondant selon eux aux loyers impayés pour la période de mai 2011 à janvier 2014 de respectivement le local principal et le garage et par ordonnance de référé du 22 mai 2015, le président du tribunal de grande instance de Béziers a fixé la consignation à la somme de 92 606,63euros auprès de la Caisse des dépôts et consignation.

Le 12 juillet 2017, un commandement de payer les loyers du garage a été délivré à la société Quai d'honneur pour une somme de 5 129,94euros.

Par acte du 27 septembre 2013, la SARL Caplau a assigné devant le tribunal judiciaire de Béziers Mme [S] née [I] et Monsieur [Z] [S] afin de les voir condamnés au paiement d'une somme de 139 287,31euros au titre de l'indemnisation du défaut de délivrance, 110 100euros au titre des pertes d'exploitation et 25 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] [S] est décédé le 4 octobre 2013, laissant comme héritiers Messieurs [F] et [R] [S] et Mme [J] [I] veuve [S] qui sont intervenus à la procédure.

Par assignation du 4 juin 2014, la société Quai D'honneur est intervenue à la procédure.

Par jugement du 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a rejeté les fins de non recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité de la société Caplau à agir à l'encontre de Mme [S], rejeté les demandes de la SARL Caplau afin de remboursement des frais de remise en état du local et de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et perte d'exploitation, rejeté les demandes de résolution du bail commercial et condamné la SARL Caplau au paiement aux consorts [S] de la somme de 87 588,58euros en exécution du bail, constaté le paiement intervenu le 12 avril 2018 et condamné les consorts [S] au paiement de la somme de 2 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a considéré que Mme [I] était valablement attraite à la procédure en sa qualité d'héritière de son époux et que l'action fondée sur l'obligation continue d'entretien n'encourait aucune prescription.

La juridiction a retenu que la locataire a réalisé des travaux sans mettre en demeure au préalable le bailleur de le faire et sans autorisation de justice de sorte que sa demande de remboursement doit être rejetée, que de surcroît, sa demande de dommages et intérêts pour perte d'exploitation n'est pas justifiée par des éléments probants versés au débat.

Concernant les demandes des consorts [S], elle a retenu que le commandement de payer vise les loyers du garage alors que le bail les concernant daté du 29 mars 1990 n'a pas été transmis lors de la cession du fonds de commerce du 17 février 2014 qui ne concernait que le bail du 3 juin 1987 relatif aux locaux principaux, de sorte que les consorts [S] ne détiennent aucune créance concernant les loyers commerciaux pour le garage.

Concernant le commandement de payer relatif aux loyers des locaux commerciaux, elle a retenu que les loyers ont été payés le 12 avril 2018 par le versement des sommes consignées et qu'eu égard à la mauvaise foi des bailleurs, la clause résolutoire ne doit pas recevoir application.

Le 24 février 2021, la société Caplau a interjeté appel de cette décision en n'intimant que Messieurs [R] et [F] [S].

Par conclusions déposées le 8 octobre 2021, la Société Caplau prise en la personne de son liquidateur Maître [N] [O] désigné par jugement en date du 23 juin 2021du le Tribunal de commerce de Béziers demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.145-41 et suivants du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil,

Vu le commandement de payer délivré par Monsieur [S] le 28 août 2013,

Vu le rapport de Monsieur [P], expert judiciairement désigné par Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de BÉZIERS statuant en référé.

Vu le jugement du Tribunal judiciaire de BÉZIERS en date du 18 janvier 2021,

LE REFORMER en ce qu'il a rejeté les demandes de la société CAPLAU aux fins de remboursement des frais exposés au titre de la remise en état du local commercial et de dommages et intérêts au titre des troubles de jouissance et de la perte d'exploitation,

CONDAMNER les Consorts [S] au paiement de la somme de 139.287,31 € outre intérêts depuis la signification de l'exploit introductif d'instance avec application des dispositions de l'article 1154 du Code civil au titre des obligations de délivrance, remise en état et entretien pesant sur le bailleur commercial.

CONDAMNER les Consorts [S] au paiement de la somme de 110.100 € au titre de la perte d'exploitation subie pendant la durée des travaux.

DÉBOUTER les Consorts [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER les Consorts [S] au paiement de la somme de 25.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que les travaux de sécurité et d'hygiène, nécessaires à l'utilisation de la chose louée doivent être assumés par le bailleur par application de l'article 1719-2 du Code civil qui impose à ce dernier d'entretenir la chose donnée à bail en l'état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, sauf stipulations contraires, que le bail commercial existant entre la SARL CAPLAU et les consorts [S] est dépourvu de toute clause stipulant que les travaux de mise en conformité prescrits par l'autorité administrative devraient être mis à la charge du locataire que M. [P], expert judiciaire, a chiffré les travaux de mise aux normes à somme totale de 139.287,3euros la réfection des locaux étant, selon lui, imputable à la vétusté des lieux en précisant qu'elle ne relève pas d'un simple entretien mais bien d'une réhabilitation complète des lieux, eu égard à l'état des matériaux mis en oeuvre initialement.

Elle fait valoir que le rapport d'une expertise, non contradictoire, ne doit pas être écarté des débats dès lors qu'il y a été d'une part régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion des plaideurs qui ont eu la possibilité d'en discuter les éléments lors de l'instance et d'autre part s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve, que le rapport de M. [P] est conforté par l'arrêté de la Commune d'[Localité 1] du 07.07.2017, le rapport d'inspection de la Direction Départementale des Services Vétérinaires du 20 février 2008, le rapport de M. [G], le justificatif des travaux effectivement réalisés et le rapport du cabinet CEBAT.

Elle soutient qu'elle justifie par des éléments probants de la réalité des travaux effectués dans les lieux loués et que selon une jurisprudence constante, il peut être supplée au défaut de mise en demeure préalable par la délivrance d'une assignation qui vaut mise en demeure.

Sur la demande de résiliation, elle fait valoir que l'article

L. 622-21 du code de commerce dispose pour sa part que : ' le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent,' qu'eu égard au jugement d'ouverture d'une procédure collective la concernant prononcé le 28 avril 2021, aucune demande de résiliation du bail pour un défaut de paiement de loyers antérieurs à cette date ne peut prospérer, de même que la SARL CAPLAU ne saurait être condamnée au paiement de quelque somme que ce soit dont l'origine serait antérieure au 28 avril 2021.

Par conclusions déposées le 12 septembre 2023, Messieurs [F] et [R] [S] demandent à la cour de :

Vu le bail commercial du 03.06.1987,

Vu le bail du 29.03.1990,

Vu l'article 1728 du Code civil,

Vu l'article L 145-41 du Code de commerce,

Vu le commandement de payer infructueux du 28.08.2013,

Vu les articles 122 et 126 du Code de procédure civile,

Vu l'article 2224 du Code civil,

Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa version applicable au cas d'espèce,

Vu l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce,

Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,

DÉCLARER les Consorts [S] recevables et bien-fondés en leur appel incident,

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

. REJETTE les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité de l'EURL CAPLAU à agir à l'encontre de Mme [J] [I] épouse [S],

. REJETTE les demandes de résolution du bail commercial présentées par les consorts [S] et dit n'y avoir lieu à expulsion de quiconque,

. REJETTE l'ensemble des demandes présentées au titre de la location des garages,

. DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'EURL CAPLAU et des Consorts [S],

SUR LES DEMANDES DES APPELANTS INCIDENTS,

DÉCLARER les Consorts [S] recevables et bien-fondés en leur demande formulée,

DIRE la créance des héritiers de feu Monsieur [S] fondée en son principe et en son quantum,

Donner acte aux consorts [S] que leur demande en résiliation des baux des 3 juin 1987 et 29 mars 1990est devenue sans objet en l'état de la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet l'EURL Caplau depuis le 23 juin 2021,

CONDAMNER l'EURL CAPLAU au paiement des arrièrés de loyers dus en application du bail du 29 mars 1990 soit la somme de 10 813,42euros arrêtée au jour des présentes et à parfaire jusqu'à l'arrêt à intervenir et ordonner l'inscription de cette créance au passif de l'EURL Caplau,

Condamner l'EURL Caplau à payer la somme de 5 000euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral à chacun des consorts [S] et ordonner l'inscription de cette créance au passif de l'EURL Caplau,

Condamner l'EURL Caplau à payer la somme de 5 000euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à chacun des consorts [S] et ordonner l'inscription de cette créance au passif de l'EURL Caplau,

Condamner l'EURL Caplau au paiement de la somme de 6 000euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens pour la première instance et ordonner l'inscription de cette créance au passif de l'EURL Caplau,

Condamner l'EURL Caplau au paiement de la somme de 6 000euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens pour l'appel et ordonner l'inscription de cette créance au passif de l'EURL Caplau,

SUR LES DEMANDES DES APPELANTS PRINCIPAUX,

DÉCLARER l'EURL CAPLAU irrecevable en ses demandes de condamnation pécuniaire à l'encontre des héritiers de feu Monsieur [Z] [S], pour être prescrite en ses demandes depuis a minima le 16 juillet 2013,

SI PAR IMPOSSIBLE la Cour ne devait pas faire droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

DÉBOUTER l'EURL CAPLAU de ses demandes indemnitaires à l'encontre des héritiers de feu Monsieur [Z] [S], aux motifs :

*de l'absence de toute mise en demeure de réaliser les travaux litigieux adressée à son bailleur, ni autorisation judiciaire sollicitée et obtenue en Justice aux fins de se substituer à son bailleur pour la réalisation des dits travaux ;

*de l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire aux héritiers de feu Monsieur [Z] [S], ce rapport leur étant non-contradictoire et n'étant conforté par aucun élément probant venant corroborer sa teneur ;

*de la défaillance de l'EURL CAPLAU dans la charge de la preuve qui lui incombe quant à la réalisation des travaux de conformités préconisés par l'Expert judiciaire, celle-ci ne produisant aucune facture attestant de la réalisation et du coût des travaux dont elle réclame remboursement;

*de la contestation du rapport d'expertise judiciaire, seul élément sur lequel l'EURL CAPLAU se fonde pour réclamer paiement, rapport en proie à des erreurs, écueils, errements, violation textuelle, etc.

DÉBOUTER l'EURL CAPLAU de sa demande indemnitaire délirante et non fondée de 25 000 € présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils soutiennent que la locataire ne conteste pas être débitrice du montant des loyers réclamés dans le commandement de payer délivré le 28 août 2013 portant sur la période mai 2011 à mai 2013 pour le bail du 3 juin 1987, dette est augmentée des loyers jusqu'en janvier 2014, date de la cession du fonds pour atteindre la somme de 87 588,58euros, que la créance est admise par la débitrice tant dans son principe que dans son montant, que la validité du commandement du 28 août 2013 ne souffre d'aucune critique.

Ils font valoir que cette créance de loyers et charges d'un montant de 92 606,63euros était due même si elle a été payée par le versement le 12 avril 2018 des sommes consignées, qu'il convient de condamner l'EURL au paiement tout en relevant que les sommes ont été réglées.

Ils font valoir que la créance pour le bail du 29 mars 1990 est également non contestée par la locataire à hauteur de 10 813,42euros au jour des présentes et qu'eu égard à la procédure collective dont fait l'objet la locataire il convient d'inscrire au passif de cette société cette somme, ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux d'un montant égal au loyer soit 348,82euros par trimestre.

Ils soutiennent que depuis le 29 septembre 2013, l'EURL Caplau était occupante sans droit ni titre, mais qu'il convient de constater que la demande de résiliation des baux est devenue sans objet, les locaux n'étant plus occupés, qu'il en est de même du prononcé de la résiliation du bail.

Ils soutiennent que les actions personnelles se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que la société Caplau n'a pas engagé d'action à l'encontre de M. [Z] [S] ou ses héritiers, que les procédures initiées en 2008 et 2011 ne l'ont été qu'à l'égard de Mme [S] en qualité de bailleresse et que la société Caplau est irrecevable car prescrite à agir depuis le 16 juillet 2013 de toute action à l'encontre de M. [Z] [S] ou ses héritiers, que l'assignation afin d'expertise délivrée le 16 juillet 2008 n'a été délivrée qu'à Mme [S] en sa qualité de bailleresse au lieu de M. [Z] [S], véritable propriétaire du bien et unique signature du contrat de bail, que l'acte de cession du fonds de commerce intervenu en 1992 ne mentionne que M. [Z] [S], que le point de départ de la prescription doit être fixé au 16 juillet 2008, date de l'assignation de la procédure initiée en référé par la société Caplau, acte dans lequel elle invoquait les prétendus non-conformités, voir le 10 juin 2008, date du rapport de M. [G] sur les prétendues défectuosités, qu'au 27 septembre 2013, l'EURL Caplau est prescrite dans sa demande d'indemnisation.

Ils soutiennent que la société Caplau est prescrite au jour de son assignation du 27 septembre 2013 depuis le 16 juillet 2013 et s'opposent à la motivation des premiers juges en estimant que l'action en responsabilité pour délivrance d'un logement non conforme se prescrit selon les dispositions de l'article 2224 du code civil avec comme point de départ, le jour de la connaissance des faits reprochés, que le caractère de continue de l'obligation ne fait pas échec à la prescription.

A titre subsidiaire et sur le fond de la demande d'indemnisation, ils font valoir que la locataire n'a jamais mis en demeure son bailleur de faire les travaux qu'elle ne justifie pas non plus avoir été autorisée à se substituer à son bailleur, qu'elle ne peut prétendre avoir droit au remboursement de travaux qu'elle dit avoir effectué, que de surcroît le rapport d'expertise ne leur est pas opposable, faute d'avoir mis en cause le bailleur afin que les opérations d'expertise lui soient déclarées communes et opposable, qu'enfin, la locataire ne communique aucune facture de travaux établissant que les réfections préconisées par l'expert ont été effectuées ni aucun justificatif de dépenses réellement engagées, que la locataire est défaillante dans l'administration de la preuve.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 décembre 2023.

Motifs

1- Sur la résiliation des baux :

Il convient de préciser que dans leurs écritures déposées le 12 septembre 2023, Messieurs [F] et [R] [S] demandent à la cour de 'leur donner acte que leur demande tant de constatation que de prononcé de la résiliation des baux du 3 juin 1987 et du 29 mars 1990 est devenu sans objet, en l'état de la procédure de liquidation dont fait l'objet l'EURL Caplau depuis le 23 juin 2021" et que dans la partie consacrée à la motivation, les bailleurs indiquent (page 14) que les locaux ne sont plus occupés.

Un jugement ou un arrêt, qui donne acte est dépourvu de toute portée juridique puisqu'il s'agit d'une simple constatation et non point d'une décision consacrant la reconnaissance d'un droit au profit de l'une et à l'encontre de l'autre partie. Néanmoins, la cour peut donner acte à une partie d'une limitation du litige à certains des dommages dans la mesure où rien ne s'y oppose

Tel est le cas en l'espèce, il convient donc de donner acte à Messieurs [F] et [R] [S] que leur demande de constatation ou de prononcé de la résiliation des baux, celui du 3 juin 1987 comme celui du 29 mars 1990, est devenu sans objet et qu'ils ne formulent aucune demande à ce titre.

2- Sur la créance locative :

La juridiction de première instance a condamné la locataire au paiement d'une somme de 87 588,58euros au titre des loyers et charges dus en exécution du bail du 3 juin 1987 relatif au local principal, décompte arrêté en janvier 2014 et a constaté qu'une somme de 92 606,63euros qui avait été consignée à la caisse des dépôts et consignation en exécution d'une ordonnance de référé du 22 mai 20145 a été versée le 12 avril 2018 entre les mains des consorts [S] ce que ces derniers confirment en page 16 de leurs écritures, la somme de 92 606,63euros étant composée pour 87 588,58euros des loyers dus au titre du local principal et de la somme de 5018,05euros au titre des loyers dus au titre du garage, comptes arrêtés au mois de janvier 2014. Aucune condamnation en paiement ne peut intervenir au titre de la créance de loyers et charges pour le bail du 3 juin 1987, les dettes dues à ce titre ayant été entièrement apurées par les sommes consignées puis remises aux bailleurs.

Concernant le bail du 29 mars 1990, les consorts [S] sollicitent la condamnation de la société Caplau au paiement d'une somme de 10 813,42 euros, décompte arrêté au jour des conclusions et d'ordonner l'inscription de cette somme au passif de la société.

La société Caplau soutient qu'eu égard aux dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce, qui énonce que 'le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. le jugement d'ouverture ...' les consorts [S] doivent être déboutés de leur demande à ce titre.

L'article L622-22 du code de commerce énonce que 'sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.' Aux termes de ce texte, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

La société Caplau a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de procédure collective rendu le 5 mai 2021 par le tribunal de commerce de Béziers, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23 juin 2021 de la même juridiction.

Dès lors, l'instance en cours, en vue d'une condamnation au paiement qui ne peut plus tendre qu'à la fixation de la créance au passif de la société, est suspendue jusqu'à la déclaration de la créance entre les mains des organes de la procédure collective. La reprise de cette instance est conditionnée par la déclaration de sa créance par le demandeur ou la justification de la mention de sa créance sur la liste des créances déclarées en application des dispositions de l'article R 622-20 du code de commerce qui dispose que 'l'instance interrompue en application de l'article L. 622-22 est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l'article L. 624-1 du code de commerce'.

Si la déclaration de créance n'a pas été effectuée, le juge ne peut que se borner à constater l'interruption de l'instance jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire, la créance même forclose n'étant pas éteinte.

Il convient de constater en l'espèce que les consorts [S] ne justifient nullement d'une déclaration de leur créance, fut-elle provisoire, réalisée dans les délais et entre les mains du liquidateur. De sorte qu'ils ne remplissent pas les conditions légales permettant d'obtenir l'inscription au passif de la créance et la présente cour d'appel ne peut que se borner à constater l'interruption de l'instance l'empêchant de statuer en l'état.

Il convient de renvoyer le litige à la mise en état afin que les consorts [S] justifient que les conditions de la reprise d'instance sont réunies et ce dans un délai de 6 mois et de dire qu'à défaut de l'accomplissement des diligences exigées dans le délai imparti, la juridiction pourra procéder à la radiation de l'affaire.

3- Sur l'obligation de délivrance :

La société Caplau, se fondant sur les dispositions de l'article 1719-2 du code civil, soutient que le coût des travaux de réfection de la cuisine du local donné à bail doit être supporté par les bailleurs qui n'ont pas entretenu les lieux loués en l'état de servir à l'usage pour lequel ils ont été loués et qui ont ainsi failli à leur obligation de délivrance. Elle sollicite en sus l'indemnisation du préjudice financier subi en raison de ce manquement.

Les consorts [S] opposent à cette demande la prescription quinquennale à cette action.

En application des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'action engagée par l'EURL Caplau est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil dont le point de départ doit être fixé à la date de la connaissance par la locataire, des désordres dénoncés. En l'espèce, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la connaissance par la locataire des défectuosités qui résulteraient, selon elle, d'un défaut d'entretien à la charge du bailleur.

L'action engagée à l'encontre de M. [Z] [S] en indemnisation du préjudice subi et en remboursement du coût des travaux sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance imposée au bailleur a été amorcée par une assignation délivrée le 27 septembre 2013

Or cette connaissance résulte du rapport d'expertise établi le 22 février 2008 par les services du ministère de l'agriculture, après une inspection des lieux en présence du représentant de l'EURL Caplau et qui a conclu à la nécessité d'imposer à bref délai une réfection totale de la cuisine sous peine de fermeture, voir du courrier adressé par le conseil de la locataire le 14 mars 2008 à Mme [S] dénonçant l'état défectueux de la cuisine et enfin par l'assignation délivrée le 16 juillet 2008 par la SARL Caplau en référé afin de voir ordonner une expertise dans les lieux donnés à bail 'afin de déterminer et chiffrer les travaux nécessaires dans les lieux loués'.

Il ressort de ces éléments que la locataire avait une parfaite connaissance de la défectuosité des lieux constatée au moins le 16 juillet 2008 et il ne résulte d'aucun élément produit aux débats que la locataire n'aurait pas appréhendé dès cette date l'importance des désordres dans leur ampleur et leurs conséquences.

Ainsi l'action en réparation des dommages subis engagée par l'assignation du 27 septembre 2013 est touchée par la prescription, le délai d'action de cinq ans était déjà écoulé au jour de l'assignation et l'action indemnitaire est irrecevable pour cause de prescription.

Le jugement de première instance a retenu à tort que le caractère continue de l'obligation d'entretien s'oppose à la constatation d'une prescription au motif que faute de réparation, la locataire a subi les dommages au moins jusqu'à la date de l'assignation. Toutefois, les caractéristiques du préjudice, notamment son caractère évolutif, est sans effet sur la durée de la prescription ou sur son point de départ défini par les dispositions de l'article 2224 du code civil.

Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre et dire l'action de la SARL Caplau prescrite.

5- Sur les dommages et intérêts :

Les consorts [S] sollicitent 5 000euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1147 du code civil en raison de la mauvaise foi de la locataire et de son attitude procédurale abusive.

Il convient de retenir que la locataire a assigné M. [Z] [S], son bailleur, pour obtenir sa condamnation à faire réaliser des travaux de réfection d'une partie du local donné à bail en se basant sur l'obligation d'entretien imposé au bailleur. Cette procédure ne traduit nullement une volonté procédurale abusive, la locataire n'échouant dans ses prétentions qu'en raison de l'expiration de son délai pour agir et la prescription de son action.

Faute de caractériser un comportement fautif reflétant une légèreté blâmable et un manquement révélateur d'une volonté de nuire, les consorts [S] doivent être déboutés de leur demande à ce titre.

Les consorts [S] sollicitent la somme de 5 000euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par l'EURL Caplau n'est pas constitutive d'une faute.

L'équité ne commande nullement de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Infirme le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Béziers en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare prescrites les demandes de condamnation de Messieurs [F] et [R] [S] formulées par la SARL Caplau, au titre du remboursement des frais de remise en état du local commercial et au titre de l'indemnisation de la perte d'exploitation subie pendant les travaux,

Donne acte à Messieurs [F] et [R] [S] que leur demande de constatation ou de prononcé de la résiliation des baux du 3 juin1987 et du 29 mars 1990 est devenue sans objet,

Déboute Messieurs [F] et [R] [S] de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour procédure abusive,

Déboute Messieurs [F] et [R] [S] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute l'EURL Caplau de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens,

Par arrêt avant dire droit :

Constate l'interruption de l'instance tendant à l'inscription d'une créance au passif de la société Caplau dont la liquidation a été prononcée par jugement du 23 juin 2021,

Ordonne la réouverture de l'instance et renvoie le dossier à la mise en état, afin que Messieurs [F] et [R] [S] puissent justifier de la déclaration de leur créance dans les mains des organes de la procédure de liquidation prononcée au bénéfice de l'EURL Caplau et ce dans un délai de 6 mois,

Dit que l'instance sera reprise dès l'accomplissement des diligences sus visées,

Dit qu'à défaut, la cour pourra ordonner la radiation de l'affaire.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01213
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;21.01213 ?
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