La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2024 | FRANCE | N°21/00230

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 12 mars 2024, 21/00230


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 12 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00230 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2QE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 DECEMBR

E 2020

Tribunal Judiciaire de RODEZ - N° RG 20/00182



APPELANTES :



SARL CAZES A [V] immatriculée au RCS sous le N°[Numéro identifiant 8] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEO...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 12 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00230 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2QE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 DECEMBRE 2020

Tribunal Judiciaire de RODEZ - N° RG 20/00182

APPELANTES :

SARL CAZES A [V] immatriculée au RCS sous le N°[Numéro identifiant 8] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

SA MMA IARD inscrite au RCS du MANS sous le n° 440 048 882 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 4] et actuellement

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES société d'assurance mutuelle à cotisations fixes immatriculée au RCS du MANS sous le n°775 652 126 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 4] et actuellement

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [J] [B]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Bruno OTTAVY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Amanda SARAZIN (cabinet ANDRÉ), avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DU LANGUEDOC organisme de sécurité sociale venant aux droits des Caisses de Mutualité Sociale Agricole du Gard, de l'Hérault, et de la Lozère représenté par son directeur en exercice Monsieur [U] [W] domicilié en cette qualité à ladite adresse à [Localité 9], agissant poursuites et diligences de ses ses représentants légaux, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

Assignée le 28 avril 2021 - A domicile

Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- de défaut

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

Le 19 novembre 2018, M. [J] [B] a réservé une chambre au sein de l'établissement hôtelier géré par la SARL Cazes a [V] à [Localité 3], assurée auprès de la SA MMA Iard.

A 17heures, il est arrivé en compagnie d'un ami qui conduisait leur véhicule qui a été garé dans une rue adjacente sur un parking appartenant à l'hôtel, puis ils se sont rendus dans un bar à proximité où ils sont demeurés jusqu'à 20h /20h30, heure à laquelle M. [B] est venu, en compagnie de son ami, récupérer leurs bagages dans le coffre du véhicule et M. [B] a alors chuté en heurtant un muret en pierre.

Il a été transporté au Centre neurologique de rééducation de [12] à [Localité 11].

Le 4 septembre 2019, Maître [A], huissier de justice désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Rodez, a dressé un procès verbal des lieux de l'accident.

Le 28 janvier 2020, M. [B] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Rodez la SARL Cazes a [V], la MMA Iard et la Mutuelle sociale agricole du Languedoc afin d'obtenir réparation des préjudices subis.

Par jugement rendu le 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Rodez a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture prise le 2 juillet 2020, jugé recevables les écritures signifiées le 23 et le 29 septembre 2020 et le 14 octobre 2020, ainsi que les pièces versées aux débats, jugé que la SARL Cazes a [V], responsable des dommages causés à M. [B] résultant de l'accident survenu le 19 novembre 2018 dans son parking et a condamné in solidum la SARL Cazes a [V] et la SA MMA Iard à réparer les préjudices subis et par jugement avant dire droit a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [Z] [O] et a condamné in solidum la SARL Cazes a [V] et la SA MMA Iard à payer à M. [B] la somme de 20 000euros à titre de provision et les a condamnés à payer la somme de 3 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a estimé que l'hôtelier est tenu d'une obligation de sécurité de moyen vis-à-vis de ses clients, que M. [B] s'est rendu une première fois sur les lieux de l'accident vers 17h/17h30 avec son ami afin de stationner le véhicule mais qu'il affirme avoir laissé son ami garer seul leur véhicule et ne pas avoir pénétré dans le local, qu'il n'est dès lors nullement démontré que M. [B] avait une connaissance de la configuration des lieux avant 20h lors de son retour pour récupérer les bagages et notamment de la dénivellation existante de l'entrée du parking jusqu'à la zone de stationnement, un muret en pierre sur la gauche permettant de contenir la différence de niveau entre les sols, que la seule présence d'un lampadaire extérieur fournit une luminosité insuffisante pour éclairer utilement l'intérieur du parking et qu'enfin aucune signalisation n'alerte les clients sur anfractuosité.

La juridiction a retenu que l'alcoolémie présentée lors des faits par M. [B] de l'ordre de 0,53g par litre de sang ne permet pas d'établir que l'état de M. [B] expliquerait sa chute et qu'il n'est pas non plus démontré que sa cécité de l'oeil gauche a eu un rôle causal dans l'accident.

Le 13 janvier 2021, la SARL Cazes a [V], la MMA Iard Assurances Mutuelle et la SA MMA Iard ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 8 septembre 2023, la SARL Cazes a [V] et la SA MMA Iard demandent à la cour de :

Reformer intégralement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez le 18 décembre 2020 en ce qu'il a :

-' jugé la SARL Hôtel Cazes a [V] responsable des dommages causés à M..[J] [B] et résultant de l'accident survenu le 19 novembre 2018 dans son parking,

- condamné in solidum la SARL Hôtel Cazes a [V] et la SA MMA Iard à réparer les préjudices subis par M. [J] [B] et résultant de l'accident du 19 novembre 2018,

- condamné in solidum la SARL Hôtel Cazes a [V] et SA MMA Iard à payer à M. [J] [B] la somme de 20 000 € (vingt mille euros), à titre de provision à valoir sur indemnisation des préjudices subis,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné in solidum la SARL Hôtel Cazes a [V] et la SA MMA Iard à payer à M. [J] [B] la somme de 3 000 € (trois mille euros), en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum SARL Hôtel Cazes a [V] et la SA MMA Iard au paiement des dépens de la présente instance,

- avant-dire-droit sur le montant des réparations à allouer à M. [J] [B] :

Ordonné une mesure d'expertise judiciaire médicale,'

Reformer également le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez en ce qu'il :

-' n'a pas dit que monsieur [B] a commis une faute de nature à exclure tout droit à indemnisation.

- n'a pas, en tant que de besoin, ordonné une expertise technique aux fins d'éclairer le Tribunal sur les circonstances de la chute et notamment de dire si l'éclairage extérieur permet de rendre visible le petit muret situé à l'entrée à gauche du garage.

- n'a pas, en tant que de besoin, ordonné une expertise médicale aux fins de dire si l'état de santé de monsieur [J] [B] au moment de la chute à savoir, sa consommation d'alcool, la cécité de son oeil gauche et tous ses antécédents médicaux ont pu être la cause de la survenance de la chute'.

A titre principal :

Dire qu'il n'est pas établi de faute à l'encontre de la SARL Cazes a [V], à savoir, une violation de son obligation de moyen de sécurité.

Par conséquent :

Débouter Monsieur [J] [B] de l'intégralité de ses demandes.

Condamner Monsieur [J] [B] au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elles exposent qu'elles ont diligenté une enquête d'où il résulte que M. [B] est arrivé vers 17h et a accompagné son ami M. [M] lorsque ce dernier a effectué une manoeuvre pour garer le véhicule sur le parking privé de l'hôtel, qu'il est sorti du véhicule pour ouvrir la porte du garage et a donc pu constater et voir les caractéristiques des lieux notamment la descente, et le muret situé à l'entrée du garage, que M. [B] a ensuite, en compagnie de son ami, consommé de l'alcool notamment plusieurs verres de vin, qu'il était, lors des faits, largement alcoolisé, que le taux de 0,53 g/l de sang a été mesuré à 23 h 59, que l'alcoolémie de Monsieur [B] au moment de l'accident était au minimum comprise entre 0,78 g/L et 0,88 g/L, que le professeur [L] indique 'M. [J] [B] était donc au moment de l'accident en état d'euphorie. Cet état est caractérisé par un certain nombre de signes cliniques, qui associent une levée des inhibitions psychiques, une augmentation de la confiance en soi, une baisse de l'attention et une légère incoordination motrice' que le rapport d'intervention du SDIS qui a enfin été communiqué le 23 septembre 2020 mentionne ' OH++' confirmant l'analyse du professeur [L].

Elles soutiennent que l'obligation de sécurité pesant sur l'hôtelier est une obligation de moyen, imposant ainsi au demandeur d'établir l'existence d'une faute que l'hôtelier doit : 'assurer une sécurité en fonction d'un comportement correspondant à celui d'une personne physiquement et intellectuellement normale, une personne normalement attentive', que le sol du garage en terre compacte n'est absolument pas en mauvais état, mais comporte une légère pente pour permettre l'accès sécurisé des véhicules, que le sol ne comporte donc pas de danger, que le rapport d'enquête établit la réalité d'un éclairage suffisant grâce au lampadaire extérieur situé à proximité.

Elles font valoir que la faute du client, qui est en état d'ébriété a buté sur un muret, doit être prise en considération, que c'est en raison de son état d'ébriété que Monsieur [B] est tombé que le rapport en toxicologie le confirme et le démontre, qu'il est donc prouvé que Monsieur [B] a commis une faute de nature à exclure tout droit à indemnisation.

Enfin, elles font valoir que Monsieur [B] a de surcroît des problèmes de vision puisqu'il est atteint d'une cécité de l'oeil gauche.

Elles sollicitent une expertise sur les circonstances de la chute et une expertise médicale aux fins de dire si la consommation d'alcool de Monsieur [B] a pu avoir un rôle causal dans la survenue de l'accident, de même que la cécité de son oeil gauche et de dire s'il existe des antécédents tels que des problèmes neurologiques qui ont été la cause de survenance de la chute, la mission de l'expert devant être complétée comme indiqué au dispositif des présentes.

La MMA Iard Assurances Mutuelles n'a pas conclu.

Par conclusions déposées le 17 février 2023, M. [J] [B] demande à la cour de :

-Déclarer l'appel principal interjeté par les Sociétés Cazes a [V] et son assureur la MMA IARD irrecevable, à tout le moins non fondé,

- Débouter les Sociétés Cazes a [V] et son assureur la MMA IARD de l'ensemble de leurs demandes,

- Déclarer l'appel incident interjeté par Monsieur [J] [B] recevable et bien fondé,

Et y faisant droit,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé la Société Cazes a [V] responsable des dommages causés à Monsieur [J] [B] et résultant de l'accident survenu le 19 novembre 2018 dans son parking,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la Société Cazes a [V] et son assureur la MMA IARD à réparer les préjudices subis par Monsieur [J] [B] et résultat de l'accident du 19 novembre 2018,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a, avant-dire-droit sur le montant des réparations à allouer à Monsieur [J] [B], ordonné une mesure d'expertise médicale en vue d'évaluer les préjudices par lui subis,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la Société Cazes a [V] et son assureur la MMA IARD à payer à Monsieur [J] [B] la somme de 20.000 € à titre de provision à valoir sur indemnisation des préjudices subis,

- Confirmer le jugement en ce qui concerne l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et les dépens,

Et statuant à nouveau,

- Dire que la société Cazes a [V] a commis des fautes constituées par le défaut d'éclairage et de signalisation du danger auquel les clients de l'hôtel étaient exposés à l'entrée du parking, et ce en violation de son obligation de sécurité de moyen,

Dire qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre lesdites fautes et le préjudice subi par Monsieur [J] [B] lors de l'accident survenu le 19 novembre 2018,

- Dire qu'aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur [J] [B], de nature à exonérer la société Cazes a [V] de sa responsabilité,

- En conséquence,

- Déclarer la société Cazes a [V] entièrement responsable des dommages causés à Monsieur [J] [B] lors de l'accident survenu le 19 novembre 2018,

- Condamner in solidum la société Cazes a [V] et son assureur MMA IARD à indemniser intégralement Monsieur [J] [B] de l'ensemble des préjudices subis,

- Condamner in solidum la société Cazes a [V] et son assureur MMA IARD à payer à Monsieur [J] [B] une provision d'un montant de 100.000 € à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,

- Renvoyer l'affaire devant le Tribunal Judiciaire de Rodez en vue de la liquidation des préjudices de la victime,

- Condamner in solidum la société Cazes a [V] et son assureur MMA IARD à payer à Monsieur [J] [B] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la présente instance, outre 3.000 € au titre des frais irrépétibles de 1ère instance,

- Condamner in solidum la société Cazes a [V] et son assureur MMA IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Bruno OTTAVY, Avocat aux offres de droit.

- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc.

Il soutient que ce n'est qu'à 20h /20h30 que Monsieur [B] est entré, pour la première fois, dans le parking, qui n'était pas éclairé, qu'il s'est dirigé vers la gauche et a brutalement chuté dans une obscurité totale, en raison de la présence d'un petit muret et d'une dénivellation d'au moins 30 cm, non signalée et non protégée, qu'un constat a été dressé les 24 et 25 octobre 2019, et les photographies qui y figurent sont éloquentes.

Il fait valoir qu'il est difficile de distinguer l'intérieur des lieux, compte-tenu de la tôle ondulée inclinée qui fait office de toit et de la faible luminosité, que lorsqu'il est revenu au parking vers 20 heures, il faisait nuit noire ainsi que l'a constaté l'huissier mandaté pour procéder à la visite des lieux en raison de l'absence totale d'éclairage à l'intérieur du parking, l'éclairage public situé à 15 mètres de l'entrée étant insuffisant pour permettre d'éclairer les lieux.

Il soutient qu'au moment où la prise de sang a été réalisée sur Monsieur [B], peu de temps après son arrivée à l'hôpital, soit vers 22 heures, celui-ci a présenté un taux d'alcoolémie de 0,53 g/litre de sang, que le taux atteint par Monsieur [B] au moment de sa chute, se situait entre 0,60 à 0,75 g (maximum) par litre de sang, ce qui ne correspond qu'à l'ingérence de 3 verres de vin, que les impressions de la serveuse du bar, où il avait passé les heures précédentes, si elles sous-entendent une consommation d'alcool, ne peuvent suffire à établir que Monsieur [B] était ivre, que les conclusions du professeur [L], expert privé, sont aléatoires et incertaines

Il soutient que la responsabilité de l'exploitant d'un hôtel doit être recherchée en raison de la relation contractuelle qui existe avec la victime, que l'hôtelier a une obligation de sécurité de moyens vis-à-vis de sa clientèle, que l'absence totale d'éclairage à l'intérieur du parking, qui n'est pas compensée par l'éclairage du lampadaire public, associée au défaut de toute signalisation du muret et à la rupture de pente sont directement à l'origine du mécanisme de l'accident dont Monsieur [B] a été victime, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée alors que son taux d'alcoolémie ne peut en aucun cas correspondre à un « état d'ébriété » susceptible de l'avoir fait tituber ou d'avoir participé de quelque façon que ce soit au mécanisme de sa chute.

La caisse de Mutualité sociale agricole du Languedoc à qui la déclaration d'appel a été valablement signifiée par acte du 28 avril 2021 délivré à domicile n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 décembre 2023

Motifs

1- Sur la responsabilité :

L'obligation de sécurité qui pèse sur l'hôtelier envers ses clients étant une obligation de moyen, il appartient à ces derniers de rapporter la preuve de la faute de l'hôtelier pour parvenir à engager sa responsabilité. Celui ci doit notamment aménager les lieux avec les précautions nécessaires pour éviter les chutes dans ses locaux, d'observer dans l'organisation et le fonctionnement de son établissement les règles de prudence et de surveillance qu'exige la sécurité du client. Il est de même pour les locaux annexes mis à disposition qui ne doivent présenter aucun danger.

En l'espèce, le jugement de première instance retient que la SARL n'a pas aménagé son parking avec la précaution nécessaire pour éviter les chutes en raison de la présence d'un dénivelé flanqué d'un muret non signalé et d'une absence de tout éclairage.

La SARL pour s'exonérer de sa responsabilité soutient que l'état du sol était connu de M. [B] qui se serait rendu dans le garage le 19 novembre vers 17 heures, lors de son arrivée et que sa chute n'est pas due à la disposition des lieux mais à son état d'ivresse manifeste.

Il est établi par les témoignages de M. [M], ami de M. [B] en compagnie duquel il a voyagé et de Mme [V], gérante de l'établissement et de Mme [F], que M. [B] et son ami son arrivés à l'hôtel vers 17heures, heure à laquelle ils ont récupéré le code nécessaire pour accéder au garage situé dans une autre rue que l'hôtel. Il résulte du constat établi par Madame [K], clerc d'huissier, qui s'est rendu sur les lieux le 19 novembre 2021 à 17 heures, que la luminosité des lieux à cette heure de la journée permet de repérer sans difficultés pour qui veut bien y prêter attention, le plan incliné présent à l'entrée du garage et le muret de pierres sèches le flanquant, le soleil se couchant selon les relevés météorologiques à 17h 18.

Toutefois, M. [M] dans son attestation remise à la société 'ERI' mandatée par la société MMA pour mener à bien une enquête sur les circonstances précises de l'accident, indique ' nous avons ouvert la porte(du parking) ensemble, j'ai garé la voiture et rejoint M. [B] qui m'attendait devant la porte d'entrée'.

Ce seul témoignage ne permet nullement de déduire une prise de connaissance préalable des lieux et de leur dangerosité par M. [B] dont le positionnement exact selon M. [M] se situe devant la porte d'entrée du garage.

Il n'existe aucun autre témoin de cette scène ni aucun autre élément permettant d'étayer la version de l'appelante selon laquelle M. [B] aurait pu prendre connaissance des lieux avant 20h, date de son retour dans le garage et de la chute litigieuse. S'il est acquis que le muret se situe à l'entrée du garage, il n'en demeure pas moins vrai que les lieux sont obscurcis par un auvent, que les faits se sont déroulés en novembre par une journée orageuse ainsi que l'établissement les bulletins météorologiques produits aux débats et que M. [B] n'avait aucune raison de pénétrer dans le garage dès 17h pour prendre une entière et parfaite connaissance de la configuration des lieux.

Ainsi que l'a relevé à raison le juge de première instance, l'allégation selon laquelle M. [B] a pris conscience de la dangerosité des lieux préalablement à l'accident n'est pas établie par les éléments produits aux débats.

L'enquêteur mandaté par la société MMA note que les lieux sont dépourvus de tout système d'éclairage ce que confirme la gérante, le rapport relève cependant la présence d'un éclairage public dans la rue qui bénéficie à l'entrée du parking. Toutefois, Maître [A] huissier de justice qui s'est rendu sur place le 24 octobre 2019 a constaté que les plus proches lampadaires qui se situent à une quinzaine de mètres de la porte du garage dans un sens et 25 mètres dans l'autre sens, ne permettent nullement, même en fonctionnement, d'obtenir un éclairage suffisant des lieux. Le constat établi le 19 novembre 2021par Mme [K], clerc d'huissier établi aux environs de 17h /17h 30 n'apporte aucun indice sur la luminosité régnant dans le garage de 20h à 20h30.

Dès lors, tant le rapport d'expertise que les différents constats confirment les dires des protagonistes du dossier sur l'absence de point d'éclairage sur les lieux où la chute est survenue. Les appelants se fondent sur le rapport établi par la société 'ERI' mandatée par la société MMA pour tenter de démontrer que l'éclairage public était suffisant pour repérer la pente et le muret dès l'entrée du garage. Toutefois, ce document peine à contredire les affirmations sur l'obscurité régnant dans les lieux, la seule mention 'l'entrée du parking au niveau de la pente bénéficie de l'éclairage public', outre qu'elle est imprécise, est de surcroît démentie par les constations et les photographies prises par Maître [A], huissier de justice dans des conditions similaires au jour de l'accident.

Il convient de retenir que l'inégalité affectant le sol de l'entrée du parking et l'absence d'éclairage étaient connue de longue date des hôteliers qui se sont abstenus d'y remédier, commettant ainsi un manquement à leur obligation de sécurité, en n'aménageant pas les lieux de façon satisfaisante pour recevoir du public et en omettant d'avertir les clients des difficultés qu'ils étaient susceptibles de rencontrer dans le garage de sorte que dûment informés, ils puissent prendre les précautions nécessaires.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'établissement hôtelier dans les conséquences de la chute survenue le 19 novembre 2018.

2- Sur la faute de M. [B] :

La propre faute de la victime, peut entraîner l'irresponsabilité de l'hôtelier ou un partage de responsabilité. Toutefois, le professionnel doit alors prouver le lien causal entre cette faute et le dommage, le manquement dénoncé devant être à l'origine du dommage.

Il n'est pas contesté par M. [B] qu'entre 17h /17h30, date de son départ de l'hôtel et son retour vers 20h /20h30, heure de la chute, il est resté en compagnie de M. [M] dans un bar dénommé le 'Sly' où ils ont consommé de l'alcool.

Les responsables de l'établissement hôtelier dénoncent l'état alcoolisé de M. [B] qui expliquerait selon eux sa chute.

Toutefois, Mme [F], la serveuse du bar entendue lors de l'enquête privée, a déclaré 'ils ont bu l'apéritif, [H] pour M. [M] et vin blanc pour M. [B] ' sans fournir aucune donnée sur la quantité ingurgitée. La phrase portant sur le caractère arrosé de la soirée n'a pas été prononcée par Mme [F] mais il s'agit d'un propos que M. [V], gérant de l'établissement, lui attribue dans ses propres déclarations, sans que Mme [F] n'en reconnaisse être l'auteur. De la même façon, seule Mme [V] déclare que les pompiers auraient partagé son avis sur l'état largement alcoolisé de M. [B], sans que de tels propos soient repris par les services des pompiers dans leur attestation d'intervention. De sorte que les dires qui ne sont pas rapportés par la personne dont ils émanent, mais par une partie tiers, nullement objective, sont dépourvus de force probante.

De surcroît, le compte rendu d'intervention des sapeurs pompiers concernant M. [B] qui porte la mention 'OH++' qui permet d'indiquer de façon discrète que le patient présente un degré d'alcoolisme plus ou moins important, la dépendance alcoolique importante étant indiquée par l'annotation ' OH+++ ou OOHH'', n'autorise pas à conclure à une imprégnation alcoolique de nature à lui faire perdre le contrôle de ses gestes ou aliéner son équilibre.

Enfin, le centre hospitalier de [Localité 13], qui a réceptionné les échantillons sanguins à 23h59, a retenu un taux d'alcoolémie de 0,53g/l.

Le docteur [L], mandaté par la société MMA, conclut à une alcoolémie comprise entre 0,78 et 0,88g/l au moment de la chute, soit un état caractérisé selon lui par une baisse de l'attention et une légère incoordination motrice.

Toutefois il convient de relever que cette analyse repose sur des hypothèses, faute de connaître les circonstances exactes de l'accident et ses suites, ainsi l'heure du prélèvement sanguin sur la victime est fixée de façon aléatoire à 23h30, le médecin concluant à un délai de 3 heures entre le prélèvement et l'accident, alors que l'horaire de 20h30 est celui de l'appel reçu par les services de secours, l'heure précis de la chute se situant plutôt vers 19h30/20h selon M. [M] et Mme [F].

Le docteur [L] réduit la valeur ainsi obtenue au motif que l'analyse a été effectuée sur du plasma et non du sang total et il convient de déduire 'environ' selon lui 10%. Il élabore ensuite un raisonnement en tenant compte d'une vitesse moyenne d'élimination de 0,15 à 0,20g/l par heure, d'un dernier verre consommé juste avant l'accident soit vers 20h30 et en retenant 2 heures en phase d'élimination de l'alcool lui permettant de retenir un taux lors de l'accident compris entre 0,78 g/l à 0,88hg/l.

Toutefois ce raisonnement repose sur de nombreux aléas et hypothèse ainsi qu'il le reconnaît lui-même dans son explication alors que la modification d'une seule donnée aboutit à retenir un taux d'alcoolémie différent lors de l'accident, ainsi la vitesse d'élimination est souvent située entre 0,10g/l à 0,15g/l par heure à partir du dernier verre bu. Le taux atteint lors de l'accident serait alors de 0,60g/l si on retient cette vitesse élimination.

Un tel argumentaire, plus hypothétique que réaliste, peine à convaincre la présente juridiction.

Dès lors, ainsi que l'a retenu le juge de première instance, il n'est nullement établi que l'état d'ébriété de M. [B] était tel qu'il aurait contribué même partiellement à sa chute, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise complémentaire. Il en est de même pour une expertise technique sur la configuration des lieux qui serait l'évidence tardive et dépourvue de force probante, eu égard aux modifications qui ont pu y être apportées.

Il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé la SARL Hôtel Cazes a [V] responsable des dommages causés à M. [J] [B] résultant de l'accident survenu le 19 novembre 2018 et l'a condamné in solidum avec la SA MMA Iard à réparer les préjudices subis par M. [J] [B].

Au regard de conclusions expertales qui relatent un DFT de 60% et l'assistance d'une tierce personne viager de 2heures par jour, il convient de fixer la provision allouée à M. [B] sur l'indemnisation de son préjudice corporal à la somme de 100 000euros.

L'équité commande d'allouer à M. [B] la somme de 3 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt par défaut :

Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rodez sauf sur le montant de la provision ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne in solidum la SARL Cazes a [V] et son assureur la SA MMA Iard à payer à M. [B] [J] la somme de 100 000euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

Condamne in solidum la SARL Cazes a [V] et son assureur la SA MMA Iard à payer à M. [B] [J] la somme 3 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SARL Cazes a [V] et son assureur la SA MMA Iard aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Bruno Ottavy, avocat sur son affirmation de droit.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00230
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;21.00230 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award