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07/03/2024 | FRANCE | N°21/04221

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 07 mars 2024, 21/04221


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 07 MARS 2024



N° :



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04221 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCAI





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 20/00040





APPELANTE :



Madame [M] [H]

de nationalit

é Française

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



S.A.S.U. SODEVA

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Doaä BENJABER, avoc...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 07 MARS 2024

N° :

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04221 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCAI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 20/00040

APPELANTE :

Madame [M] [H]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S.U. SODEVA

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Doaä BENJABER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 01 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Sodeva, constituée par M. [U] [L], et Mme [M] [H] ont conclu, le 17 avril 2018 un contrat de 'prestation de services' aux termes duquel le commercial s'engageait à prospecter et commercialiser des formations professionnelles à destination des dirigeants et salariés et ce sous le statut d'auto-entrepreneur.

Tout en indiquant avoir conclu en mars 2019 un contrat de travail avec la société en qualité de 'responsable commerciale', avec prise d'effet au 1er février 2019, Mme [H] a saisi le 14 janvier 2020, avec plusieurs autres collaborateurs de l'entreprise, le conseil de prud'hommes de Montpellier afin de voir requalifier depuis l'origine la relation contractuelle en un contrat de travail, imputer la rupture de la relation contractuelle, laquelle serait advenue le 7 mai 2019, à l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de voir condamner la société défenderesse à lui payer diverses indemnités dont une indemnité pour travail dissimulé.

Déboutée de l'ensemble de ses demandes par jugement du 28 mai 2021 la condamnant par ailleurs aux éventuels dépens, Mme [H] a interjeté appel le 30 juin 2021 contre cette décision, qui lui avait été notifiée le 9 juin.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 27 septembre 2021, Mme [H] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

Juger qu'elle a été liée à la société Sodeva par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

Ordonner à la Société Sodeva la régularisation du salaire sur le montant brut qu'elle aurait dû réellement percevoir.

Condamner la société Sodeva à lui remettre les bulletins de paie correspondant sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Condamner la société Sodeva à lui verser la somme de 17 136 euros net à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Condamner la société Sodeva à lui verser la somme de 10000 euros net à titre de dommages intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail,

Juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société Sodeva à lui verser les sommes suivantes :

- 725,74 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

- 2 856 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 285,60 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 15 000 euros net à titre de dommages intérêts,

- 2 856 euros net à titre de dommages intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Condamner la société Sodeva à lui remettre ses documents sociaux de fin de contrat conformes sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, la Cour se réservant la possibilité de liquider ladite astreinte.

Dire que les présentes demandes devront être assorties des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Condamner la société Sodeva au paiement de la somme de 3 000 euros net au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'appelante expose avoir répondu à une annonce sur le site 'le bon coin' indiquant que la société recherchait un 'chargé de développement' en contrat de travail à durée indéterminée, mais que lors de l'entretien d'embauche il lui a été indiqué que si elle souhaitait avoir le poste elle devait s'inscrire en qualité d'auto-entrepreneur et qu'elle obtiendrait un contrat de travail si elle devait 'faire l'affaire'.

Elle critique la décision entreprise en soulignant que l'article L. 8221-6 du code du travail énonce expressément que nonobstant la présomption que ce texte établit, 'l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux [...] fournissent directement ou par personne interposée des prestations de donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci [...]'.

Faisant valoir que le conseil de prud'hommes ne pouvait écarter sa réclamation au seul constat de l'existence d'un contrat de prestation de service, elle soutient rapporter la preuve du lien de subordination sous lequel elle a travaillé pour le compte de la société intimée qui la contraignait d'être présente à des réunions, lui donnait des directives par le biais de 'feuille de route' et lui imposait le respect d'un planning. Elle indique qu'elle travaillait exclusivement pour cette société, qu'elle ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de cette dernière et se trouvait sous une véritable situation de dépendance économique. Elle ajoute qu'elle devait utiliser le matériel et les documents de la société de sorte qu'elle était intégrée à un service organisé. Elle affirme qu'il lui était par ailleurs demandé d'établir des factures à défaut de quoi elle ne serait pas rémunérée.

Elle ajoute qu'à sa demande l'employeur lui a finalement remis un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable commerciale au 1er février 2019, avant de mettre fin à la relation contractuelle le 7 mai 2019.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, la société Sodeva demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux éventuels dépens, mais de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de 1ère instance et, statuant à nouveau :

A titre principal,

Dire et juger que Mme [H] n'établit aucun lien de subordination, à savoir l'existence de directives et un pouvoir de sanction de sa part à son encontre, qu'il n'existe aucun élément caractérisant l'existence d'un contrat de travail entre elles, que Mme [H] n'apporte pas la preuve de son intention de dissimulation, l'absence de réunion de l'élément matériel et moral caractérisant le délit de travail dissimulé,

Débouter en conséquence Mme [H] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

A titre subsidiaire, si la cour requalifiait le contrat d'agent commercial en relation de travail salarial :

Fixer la moyenne de salaire à 2 082,94 euros bruts.

Dire et juger que la demande de 'régularisation du salaire sur le montant prise que Mme [H] aurait dû réellement percevoir' n'est pas fondée, imprécise et n'est pas chiffrée, que Mme [H] n'apporte pas la preuve de son intention de dissimulation, l'absence de réunion de l'élément matériel et moral caractérisant le délit de travail dissimulé, que Mme [H] n'établit pas l'existence d'un préjudice, que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée à hauteur de 15 000 euros nets (7 mois de salaire brut) est contra legem et en totale contradiction avec les deux avis rendus par la Cour de cassation,

Débouter en conséquence Mme [H] de ses demandes au titre de l'irrégularité de procédure, de sa demande de 'régularisation du salaire que Mme [H] aurait dû réellement percevoir', de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

Limiter les condamnations aux sommes suivantes :

- 549,27 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1 015 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 082,94 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Débouter Mme [H] de sa demande au titre de la remise des documents sociaux sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la décision à intervenir.

Constater que :

- La demande de Mme [H] d'une condamnation en une somme nette exclue la prise en charge de ses cotisations sociales salariales et contributions qu'il doit supporter par l'effet de la loi

-Les sommes allouées la Cour s'entendent comme des sommes brutes avant précompte des charges sociales patronales et salariales et des contributions CSG RDS

Débouter en conséquence Mme [H] de sa demande de condamnations en un montant 'net',

En tout état de cause condamner Mme [H] à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et aux entiers dépens d'appel,

Débouter Mme [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens

Dire et juger que les intérêts au taux légal sur les sommes à caractère strictement indemnitaire ne courront qu'à compter de la décision à intervenir,

Elle réplique que la relation des parties a été conforme au contrat d'agent commercial conclu, que Mme [H] travaillait en toute indépendance et pouvait prospecter librement la clientèle. Elle conteste l'authenticité des pièces contractuelles produites par la salariée faisant état de la conclusion d'un contrat de travail à compter du 1er février 2019 qu'elle indique avoir découvertes dans le cadre de la présente instance.

Par ordonnance rendue le 8 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Le contrat de travail est celui par lequel une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l'absence d'écrit, il incombe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. À l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en justifier.

Enfin, la présomption légale de non salariat qui bénéficie aux personnes sous le statut d'auto-entrepreneur peut être détruite s'il est établi qu'elles fournissent directement, ou par personne interposée, des prestations aux donneurs d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci et qu'ils travaillent sans aucune indépendance dans l'organisation et l'exécution de sa mission.

Sur la demande de requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail pour la période du 17 avril 2018 au 31 janvier 2019 :

En l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges en application des principes ci-avant rappelés et au constat que la requérante, qui ne pouvait se prévaloir d'un contrat de travail apparent pour la période du 17 avril 2018 au 31 janvier 2019, était liée par un contrat de prestation de service et qu'elle était inscrite en qualité d'auto-entrepreneur, ont dit qu'il lui appartenait de rapporter la preuve du lien de subordination sous lequel elle indique avoir travaillé pour le compte de la société intimée.

Il est stipulé au contrat de prestation de service conclu le 3 juillet 2018, que l'agent bénéficiera de la plus grande indépendance et organisera à sa convenance la prospection de la clientèle choisie de sa propre initiative ou indiquée sur les contacts achetés auprès du mandant, qu'elle pourra librement contracter d'autres mandats de représentation à condition toutefois qu'il ne s'agisse pas de la représentation de produits et services d'une entreprise concurrente de celle du mandant, qu'elle s'engage à proposer les produits et services contractuels conformément aux conditions générales de ventes et tarifs pratiqués par le mandant, qu'elle organise librement et en toute indépendance son activité de prospection et de représentation, choisit sa structure juridique et détermine seul ses méthodes de travail, de façon autonome et sans aucun lien quelconque de subordination, assumera seul l'intégralité des frais liés à l'exercice de son activité et s'acquittera personnellement des charges sociales et fiscales, qu'elle s'engage à effectuer une action commerciale toujours dynamique [...] à participer à la journée mensuelle d'animation commerciale au siège de la société Sodeva avec l'ensemble des agents commerciaux [...], à informer régulièrement le mandant de tout élément utile dans le cadre du présent contrat dont elle pourrait avoir connaissance lors de l'exécution de celui-ci concernant notamment les produits et services contractuels, les besoins de la clientèle, l'état du marché et de la concurrence [...] et à transmettre au mandant et au plus tard le lendemain un reporting écrit et respectant le formalisme pré établi qui lui a été transmis.

Pour preuve du bien fondé de sa demande de requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail sur cette période et de ses affirmations selon lesquelles elle ne disposait en réalité d'aucune autonomie, et qu'elle travaillait sous un lien de subordination, Mme [H] se borne à produire que ses seules factures établies sous un numéro de siret 795 038 686 000031, les autres documents communiqués se rapportant tous au contrat de travail qu'elle soutient avoir conclu en mars 2019 avec effet au 1er février précédent.

Il ne résulte pas de ces éléments la preuve que Mme [H] a travaillé sur cette période sous un lien de subordination avec la société Sodeva.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressée de ses demandes de ce chef et des demandes subséquentes présentées par l'appelante comme les conséquences de sa demande de requalification, à savoir la demande de rappel de salaire et de paiement de l'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le caractère fictif du contrat de travail daté du 28 mars 2019, ayant pris effet au 1er février 2019 :

Alors que Mme [H] verse aux débats :

- outre un contrat de travail à durée indéterminée signé par les parties le 28 mars 2019, observation faite que la signature figurant sous l'encadré réservé à l'employeur, est en tous points conformes à celles figurant sur les pièces de comparaison communiquées par la société intimée, de surcroît sous le timbre humide de la société, le même que celui apposé sur les pièces revendiquées par la société intimée,

- une attestation d'emploi destinée à justifier vis-à-vis d'un bailleur l'existence d'un contrat de travail, qui précise une date de prise d'effet au 1er février 2019, et rappelle les salaires nets versés à Mme [H] en février, mars et avril 2019, la signature de l'employeur figurant là encore sous le timbre humide de la société,

- les bulletins de salaire des mois de février à avril 2019,

- ainsi que les compte-rendus des réunions en date des 29 avril, 6 et 13 mai 2019 - établis et transmis par Mme [J], assistante administrative - sur lesquels la dénommée '[M]', qui y est présentée comme 'responsable commerciale', fonction transverse conforme au contrat de travail, rend compte de la mission qu'elle a mené sur [Localité 3] afin de recruter de nouveaux commerciaux, force est de constater que la société Sodeva se borne à en contester l'authenticité sans alléguer avoir déposé une plainte pour faux et usage, à affirmer que la requérante aurait eu accès dans ses locaux au contrat type, qu'elle avait fait établir par son conseil, ainsi qu'au tampon de la société et à se prévaloir de pièces dépourvues de toute force probante, à savoir :

- L'attestation de son expert-comptable qui indique n'avoir établi aucun contrat ou bulletin de paie au nom de Mme [H],

- la fiche de paye de Mme [V], engagée en contrat de travail à durée déterminée, dont la présentation diffère des documents versés aux débats par l'appelante.

Ces derniers éléments ne suffisent pas à remettre utilement en question les éléments concordants communiqués par la salariée.

Faute pour l'employeur de démontrer le caractère fictif de ce contrat de travail, il sera jugé que les parties ont été liées à compter du 1er février 2019 par un contrat de travail, régi par la convention collective des organismes de formation, lequel stipulait que Mme [H] était engagée en qualité de 'responsable commerciale' moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 308 euros, le contrat stipulant une période d'essai d'une durée d'un mois.

Sur l'exécution déloyale :

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi. La charge de la preuve incombe à celui qui invoque l'exécution déloyale.

Mme [H] reproche à la société Sodeva d'avoir manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en ayant précarisé volontairement sa situation professionnelle, en ne lui ayant pas versé le salaire réellement dû, en la surchargeant de travail, en ne prenant pas en charge la mutuelle et en ayant adopté un comportement déplacé à son égard.

Mme [H], qui procède par de simples allégations et renvoie pour l'essentiel à la période antérieure au 1er février 2019, date de prise d'effet du contrat de travail, ne verse aux débats strictement aucun élément probant au soutien de son action.

Il suit de ce qui précède que l'action en requalification de la relation contractuelle du 17 avril 2018 au 31 janvier 2019 n'est pas fondée. Aucun élément ne vient étayer la thèse d'une surcharge de travail et d'un comportement déplacé de l'employeur à son égard, initialement qualifié par la salariée de harcèlement sexuel, sans fournir la moindre précision sur les propos et/ou gestes que le dirigeant aurait adoptés et, a fortiori, les établir.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de dommages intérêts de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

Selon les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord dans les conditions prévues par les dispositions légales, à savoir soit par la voie du licenciement à l'initiative de l'employeur, par celles de la démission, de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ou de la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail à l'initiative du salarié, soit, enfin, à l'initiative des deux parties par la voie de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

En l'espèce, Mme [H] se borne à affirmer sans en préciser les modalités, que la rupture serait intervenue à l'initiative de l'employeur le 7 mai 2019. Aucune précision n'est fournie par Mme [H] sur ce point qui ne verse aux débats aucun élément susceptible d'éclairer la cour sur le contexte de la rupture.

Tout en exposant que la salariée n'aurait subitement plus donner de nouvelle, la société intimée concède à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait l'existence d'un contrat de travail, que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société intimée présentant des données chiffrées lesquelles sont calculées dans l'hypothèse où la cour requalifierait la relation contractuelle depuis le 17 avril 2018.

En toute hypothèse, force est de constater que les parties s'accordant pour considérer que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée est advenue au 7 mai 2019, l'employeur, qui n'allègue ni ne justifie que Mme [H] aurait rompu le contrat de travail par une démission non équivoque ou une prise d'acte, n'établit pas davantage la régularité de cette rupture laquelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation de la rupture :

Au jour de la rupture, Mme [H], âgée de 27 ans bénéficiait d'une ancienneté de 3 mois et 7 jours au sein de la société Sodeva, dont l'employeur ne justifie pas de l'effectif, de sorte qu'il sera retenu un effectif supérieur à dix salariés pour apprécier l'indemnisation de la salariée. Au vu de ses bulletins de salaire, son salaire mensuel brut s'élevait effectivement à 2 308 euros brut.

L'article 9 de la convention collective applicable énonce qu'après la période d'essai, la démission et le licenciement (sauf faute grave ou lourde) donnent lieu à un préavis d'une durée de 1 mois pour les employés, porté à 2 mois à partir de deux ans d'ancienneté [...].

En l'espèce, la rupture étant advenue postérieurement à la période d'essai convenue, fixée au contrat à un mois, Mme [H] est bien fondée à solliciter le paiement de la somme de 2 308 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 230,80 euros au titre des congés payés afférents.

Compte tenu de son ancienneté, la salariée ne peut prétendre au paiement de l'indemnité légale de licenciement. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée sur ce point.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant maximal d'un mois de salaire brut.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, ' 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Elles ne sont pas non plus contraires aux dispositions de l'article 4 de cette même Convention, qui prévoit qu'un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, puisque précisément l'article L.1253-3 sanctionne l'absence de motif valable de licenciement.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail. La salariée ne produit aucun élément justificatif à l'appui de sa demande indemnitaire. Il lui sera allouée la somme de 1 500 euros bruts.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la demande d'indemnité pour licenciement irrégulier n'est pas fondée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à en assurer l'exécution.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] de ses demandes tendant à voir requalifier la relation contractuelle en contrat de travail pour la période courant du 17 avril 2018 au 31 janvier 2019, et tendant à voir la société Sodeva être condamnée au paiement d'un rappel de salaire, de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement irrégulier,

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail conclu le 28 mars 2019 ayant pris effet au 1er février 2019, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 7 mai 2019,

Condamne la société Sodeva à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

- 2 308 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 230,80 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 500 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement injustifié,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère contractuel à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

Ordonne à la société Sodeva de remettre à Mme [H] les documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte.

Condamne la société Sodeva aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par, Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04221
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.04221 ?
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