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06/03/2024 | FRANCE | N°21/03383

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 06 mars 2024, 21/03383


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 06 MARS 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03383 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAMY





Décision déférée à la Cour

: Jugement du 05 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00323









APPELANTE :



S.A.S. LOGITRADE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Renaud BAPST, avocat au barreau de STRASBOURG













INTIMEE :



Madame [E] [C]

née le 01 Mai 1980 à [Localité 4] (34)

...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 06 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03383 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAMY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00323

APPELANTE :

S.A.S. LOGITRADE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Renaud BAPST, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

Madame [E] [C]

née le 01 Mai 1980 à [Localité 4] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marion GRECIANO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Maud GIMENEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 18 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée du 17 septembre 2009, Mme [E] [C] a été engagée à compter du 1er octobre 2009 à temps complet par la Sa Logitrade en qualité d'employé service du recouvrement.

Par avenant du 20 août 2018, le temps de travail de la salariée a été aménagé dans le cadre d'un congé parental à temps partiel (75,83 heures) pour la période du 27 août 2018 au 3 mars 2019 moyennant un salaire mensuel brut de 1 000 euros.

Par lettre du 10 septembre 2018, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé le 17 septembre suivant et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 20 septembre 2018, il lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête du 20 mars 2019, exposant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier.

Par jugement du 5 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [E] [C] était sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la Sas Logitrade à payer à Mme [E] [C] les sommes suivantes :

* 17 732,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 472,60 euros correspondant au salaire retenu pour la mise à pied conservatoire,

* 47,26 euros au titre des congés payés y afférents,

* 4 941,13 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 4 433,16 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 443,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal,

* 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [E] [C] de sa demande en rappel de salaire pour congés payés,

- débouté la Sas Logitrade de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite des six premiers mois et ordonné qu'une copie du jugement soit adressée au Pôle emploi du lieu de domicile du salarié,

- dit que le salaire mensuel était fixé à 2 216,58 euros brut,

- condamné la Sas Logitrade aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 25 mai 2021, la Sas Logitrade a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 16 septembre 2021, la Sas Logitrade demande à la Cour :

A titre principal, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de Mme [C] était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre, dire et juger que le licenciement pour faute grave est fondé, débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et salariales et la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu des montants indemnitaires excessifs au profit de Mme [C] et réduire/fixer les sommes comme suit :

* indemnité compensatrice de préavis : 2 000 euros brut, outre 200 euros brut de congés payés y afférents,

* rappel de mise à pied à titre conservatoire : 349 euros brut, outre 35 euros brut de congés payés y afférents ;

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6650 euros (soit 3 mois de salaire brut),

et en tout état de cause à de plus justes proportions ;

- dire et juger que le montant de la condamnation au remboursement de Pôle emploi sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail sera calculé après déduction du montant des indemnités de préavis et de congés payés sur préavis octroyées à Mme [C] ;

En tout état de cause :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de rappel de salaire correspondant à 3 jours de congés payés suite à la naissance de son enfant.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 16 juillet 2021, Mme [E] [C] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser des sommes au titre du rappel de salaire correspondant à 3 jours de congés payés suite à la naissance de son enfant et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre principal, juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité et condamner l'employeur à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

A titre subsidiaire, condamner l'employeur à lui payer la somme de 17 732,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

- le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 18 décembre 2023.

MOTIFS :

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Madame,

(')

Depuis votre retour de congé maternité, en octobre 2017, nous n'avons pu que constater le comportement inadapté et agressif qui est le vôtre à l'égard de vos collègues et de votre manager.

Lors de la formation de quelques jours que vous avez « assurée » auprès de la salariée qui était amenée à vous remplacer pendant votre congé individuel de formation, votre comportement envers elle a été tel que celle-ci a fait part de ses griefs sur ce sujet à sa manager, ainsi que de sa crainte à l'idée même de votre retour, plusieurs mois avant celui-ci.

Le vocabulaire grossier que vous utilisez régulièrement devant votre écran (« putain », « merde », « tu fais chier ») choque vos collègues et votre manager, et votre énervement quasi permanent inquiète et déstabilise votre équipe.

Votre manager vous a d'ailleurs convoqué, le 31 août dernier, afin de vous exprimer son désaccord face à votre attitude, vous demandant d'y remédier. Elle vous a également demandé de privilégier la communication orale entre vous deux, car malgré le fait que vos bureaux soient très proches, vous vous obstiniez à lui exprimer systématiquement vos demandes par mail. Vos réponses à ces demandes à plus de convivialité a été, énième provocation : « la mauvaise humeur n'est pas sanctionnable », et vous avez tout bonnement refusé de fonctionner autrement que par mail.

Enfin, le 6 septembre dernier, vous avez eu une très forte altercation avec une de vos collègues du service, en menaçant de lui montrer ce dont vous étiez capable si vous vous énerviez. Rien ne justifiait une telle attaque, et c'est à ce titre que nous avons prononcé une mise à pied conservatoire, afin de protéger la salariée et vos autres collègues de vos agissements en attendant d'éclaircir la situation.

Aujourd'hui, plusieurs salariés de votre équipe ont exprimé clairement qu'ils envisageaient de démissionner suite au climat délétère que vous créez dans l'espace de travail.

Tous ces éléments sont fortement préjudiciables à la santé de nos collaborateurs, ainsi qu'aux intérêts et à la bonne marche de l'entreprise. Nous sommes tenus d'une obligation de protection de la santé physique et mentale de nos salariés, et nous ne pouvons prendre le risque de voir se renouveler un tel comportement.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 17 septembre 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.

(') ».

L'employeur expose que la salariée a adopté un comportement fautif à compter de son retour de congé maternité en octobre 2017, que la formation de sa remplaçante pendant son congé maternité s'est très mal passé et lui reproche sa grossièreté et son énervement envers les collaborateurs, ses propos inadaptés lors d'un entretien le 31 août 2018 avec sa nouvelle supérieure hiérarchique, Mme [M], ainsi que des propos agressifs et menaçants à l'égard d'une nouvelle salariée, Mme [T], le 6 septembre 2017.

La salariée soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription du fait lié aux propos grossiers et agressifs.

L'article L 1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

L'analyse des attestations versées aux débats par l'employeur pour étayer ce grief montre que les témoins mentionnent les propos grossiers et/ou l'énervement de la salariée en précisant qu'ils sont quotidiens.

Le dernier jour travaillé par la salariée étant le 10 septembre 2018 alors que l'enclenchement de la procédure date du même jour et que le caractère réitéré et persistant des propos reprochés est allégué par les témoins, aucune prescription n'est encourue.

Alors que la responsable affirme que début 2018, Mme [O], formée par la salariée dans la perspective de son remplacement pendant son congé maternité, lui a dit « avoir peur du retour » de la salariée et ne pas se sentir de travailler à ses côtés, la salariée produit des échanges amicaux sur les réseaux sociaux avec « [H] », dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de Mme [O], laquelle indique ne pas avoir dit que sa formation s'était mal passée et avoir seulement évoqué son appréhension au retour de la salariée car elle s'inquiétait pour son avenir au sein de la société après ce remplacement.

Ce grief doit être écarté.

Les attestations produites aux débats par l'employeur rédigés par les salariés ayant travaillé dans l'« open-space » au sein duquel se trouvait la salariée mentionnent que celle-ci jurait devant son écran au cours de sa journée de travail (« merde », « putain » etc.), qu'elle n'était pas de bonne humeur et était négative dans ses propos.

Il ressort pour l'essentiel du témoignage de la responsable, Mme [M], en poste depuis novembre 2017, que le 31 août 2018, elle a indiqué à la salariée souhaiter établir une communication saine au sein de l'équipe sans l'utilisation de courriels, que la salariée lui a répondu qu'elle continuerait à faire des écrits, ce qu'elle lui a dit accepter avant de lui dire qu'il était agréable de faire son travail dans la bonne humeur, ce à quoi la salariée lui avait répondu que la mauvaise humeur n'était pas sanctionnable.

Les témoignages versés aux débats par l'employeur établissent tous que le 6 septembre 2018, la salariée a transmis un message de la part d'une collaboratrice à Mme [T] afin que celle-ci indique à un client qu'elle prenait désormais en charge son dossier, la collaboratrice n'étant plus chargée du suivi du dossier, ce à quoi Mme [T] avait répondu que la collaboratrice pouvait elle-même informer le client ; une autre salariée présente avait alors confirmé à Mme [T] qu'il lui revenait de contacter ledit client ; la salariée avait dit qu'elle ne faisait que transmettre le message et qu'elle n'en avait « rien à foutre » ; Mme [T] avait ensuite demandé à la salariée pourquoi elle s'en mêlait si elle n'en avait « rien à foutre ».

Les témoignages sur la suite des propos tenus par la salariée sont les suivants :

- Mme [T] affirme que la salariée s'est emportée et l'a menacée en lui disant : « C'est ça te parler mal ' tu verras le jour où je parlerai mal ça se passera autrement »,

- Mme [N] explique que la salariée, tout en se levant pour se servir une boisson, avait dit à Mme [T] « de manière insistante » qu'elle « était juste en train de passer le message et que ce n'était pas son problème », Mme [T] lui avait alors demandé pourquoi elle haussait le ton, ce à quoi la salariée avait répondu « sèchement et sur un ton dédaigneux je ne suis pas énervée, tu ne m'as jamais vue énervée, si j'avais vraiment été énervée tu le saurais »,

- Mme [W] relate que la salariée « lui a répondu d'un ton menaçant qu'elle n'était pas énervée, que Mme [T] ne l'avait jamais vue énervée, que si elle était vraiment énervée, alors, elle le saurait bien »,

- selon Mme [Z], la salariée a dit : « Je ne suis pas énervée. Si j'étais énervée tu le verrais » sur un ton pas aimable et sans délicatesse ».

Il résulte de l'ensemble de cette analyse que la discussion entre la salariée et sa nouvelle responsable le 31 août 2018, ne caractérise pas un comportement ou une attitude fautive de la part de la salariée, susceptible de justifier son licenciement, que l'échange verbal avec Mme [T] le 6 septembre 2018, tel que rapporté par les témoins, ne permet pas de caractériser « une très forte altercation » ou des menaces de la part de la salariée et enfin que les termes grossiers employés par la salariée lorsqu'elle travaillait face à son ordinateur constituent certes un comportement regrettable, mais ne présente pas à lui seul et en l'absence de toute sanction disciplinaire préalable une cause sérieuse de licenciement.

Or, la procédure de licenciement pour faute grave a été enclenchée alors que la salariée n'avait effectivement travaillé que d'octobre à décembre 2017, en juillet 2018, puis du 24 août au 10 septembre 2018 du fait de ses absences pour congés liés à sa grossesse et à sa formation professionnelle, soit - ainsi que l'admet l'employeur - environ trois mois. Cette chronologie des faits démontre une réelle précipitation de la part de l'employeur et établit le caractère disproportionné de la décision de licenciement par rapport à la situation de fait.

Il s'ensuit que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse et que la mise à pied à titre conservatoire doit être annulée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L'article L.3142-1 3° du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, dispose que le salarié a droit, sur justification, à un congé pour chaque naissance survenue à son foyer ou pour l'arrivée d'un enfant placé en vue de son adoption. Ces jours d'absence ne se cumulent pas avec les congés accordés pour ce même enfant dans le cadre du congé de maternité.

L'article L.3142-4 3° du code du travail, dans sa rédaction applicable, dispose que pour mettre en 'uvre le droit à congé du salarié défini à l'article L. 3142-1, une convention ou un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche détermine la durée de chacun des congés mentionnés au même article L. 3142-1 qui ne peut être inférieure à trois jours pour chaque naissance survenue à son foyer ou pour l'arrivée d'un enfant placé en vue de son adoption.

En l'espèce, la salariée sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des trois jours de congés payés qu'elle estime être en droit d'obtenir du fait de la naissance de son deuxième enfant, sur le fondement d'une note de service s'appliquant à compter du 1er janvier 2016.

Toutefois, la note de service reprend les termes des textes légaux et ne s'appliquent pas aux mères bénéficiant d'un congé maternité et, en tout état de cause, la salariée ne fait pas la preuve de ce qu'un usage existerait en ce sens au sein de l'entreprise.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Le bulletin de salaire de septembre 2018 fait état d'une absence non rémunérée du 11 au 20 septembre 2018, période de mise à pied à titre conservatoire, sans pour autant détailler le montant retenu.

Les parties sont en désaccord sur ledit montant.

Au vu de la répartition des horaires sur la semaine, contenue dans l'avenant prévoyant le temps partiel, la salariée aurait dû travailler sur ces deux semaines, 33,8 heures, ce qui représente la somme de 445,70 euros, outre 44,57 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé s'agissant du montant.

La salariée sollicite la non-application du barème dit Macron.

Toutefois, le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT, le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application dudit barème au regard de cette convention internationale et la loi française peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la charge sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct. Dès lors, le texte doit être appliqué.

L'article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er avril 2018, issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, applicable au cas d'espèce, prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant 8 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut.

L'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de son sexe.

Les articles L. 1132-4 et L. 1134-1 prévoient respectivement que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul et que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, les parties s'opposent sur le montant du salaire mensuel brut à prendre en compte pour le calcul des indemnités de rupture.

L'employeur soutient que ce salaire doit être déterminé sur la base du temps partiel en vigueur au moment du licenciement, tandis que la salariée sollicite que le temps complet soit pris en compte en invoquant, à défaut, une discrimination liée au sexe.

Les dispositions du code du travail relatives à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité compensatrice de préavis doivent être écartées en ce qu'elles créent une discrimination fondée sur le sexe.

En effet, lorsqu'un salarié à temps complet est licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel, l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis ne peuvent être calculée sur la base de la rémunération réduite qu'il perçoit au moment du licenciement dans la mesure où une proportion plus élevée de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel, que la différence de traitement qui en résulte ne peut pas s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

Compte tenu de l'âge de la salariée (née en 1980), de son ancienneté à la date du licenciement (8 ans 11 mois et 19 jours), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (2 216,58 euros) et de l'absence de tous justificatifs relatifs à sa situation actuelle (seuls sont produits un contrat de mission temporaire de quelques mois en 2020 et un justificatif du versement d'allocations de chômage jusqu'au 15/07/2018), il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 13 300 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 433,16 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 443,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 4 941,13 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 500 euros les dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct, consécutif au caractère brutal et vexatoire du licenciement, prononcé après mise à pied à titre conservatoire.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur sera tenu aux dépens.

Il est équitable de le condamner à payer à la salariée la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

L'article L.1235-4 alinéas 1 et 2 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l'espèce, l'employeur sollicite la déduction des indemnités compensatrice de congés payés et de délai-congé, la partie motivation du jugement contenant une disposition prévoyant cette déduction, contrairement au dispositif.

Toutefois, cette déduction n'est pas prévue par le texte sus-visé.

Sa demande doit être rejetée et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à rembourser à Pôle emploi devenu France Travail, les allocations chômages versées à la salariée dans la limite de 6 mois et en ce qu'il a dit qu'une copie de la décision serait envoyée à l'organisme concerné.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement du 5 mai 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier s'agissant des montants des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, du rappel de salaire au titre de la mise à pied et de son accessoire ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

CONDAMNE la Sas Logitrade à payer à Mme [E] [C] les sommes suivantes :

- 13 300 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 445,70 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire injustifiée,

- 44,57 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

CONFIRME le surplus du jugement ;

Y ajoutant,

DEBOUTE la Sas Logitrade de sa demande au titre de l'article L.1235-4 du code du travail ;

CONDAMNE la Sas Logitrade à payer à Mme [E] [C] la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sas Logitrade aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03383
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;21.03383 ?
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