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06/03/2024 | FRANCE | N°21/02751

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 06 mars 2024, 21/02751


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 06 MARS 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02751 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7GX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1

2 AVRIL 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 19/00297









APPELANT :



Me [W] [G], ès qualités de Mandataire judiciaire de Monsieur [I] [C], personne physique,

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représenté par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE



Mons...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 06 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02751 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7GX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 AVRIL 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 19/00297

APPELANT :

Me [W] [G], ès qualités de Mandataire judiciaire de Monsieur [I] [C], personne physique,

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

Monsieur [I] [C]

né le 25 Novembre 1948 à [Localité 2] (11)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMES :

Monsieur [H] [Z]

né le 26 Janvier 1963 à [Localité 9] (76)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Elsa LANAU, substitué par Me Jean AUSSILLOUX, de la SCP ASA AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de NARBONNE

Monsieur [F] [Y], ès qualités de Mandataire liquidateur de l'EIRL [C]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 3]

Défaillant

UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA de [Localité 10]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Julien ASTRUC, substitué par Me Eléonore FONTAINE, de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 18 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [H] [Z] a été engagé à compter du 1er décembre 1981 en qualité de technicien dépannage par M. [I] [C] qui exploitait un fonds artisanal de dépannage électronique en nom propre, sous l'enseigne Etablissements [I] [C].

Par acte authentique reçu le 13 juillet 2004, par Maître [B], notaire, M. [I] [C] a donné à titre de location-gérance son fonds artisanal à la société [C] Electroménager S.A.R.L. qu'il a constitué avec sa fille, Mme [C] épouse [L] et M. [Z], ce dernier étant désigné en qualité de gérant de la société, mandat social qu'il conservera jusqu'au 28 septembre 2018.

Par un courrier du 31 juillet 2018, la société [C] Electroménager S.A.R.L. a notifié à M. [I] [C] la résiliation du contrat de location-gérance avec effet au 30 juin 2019.

L'assemblée générale des associés a désigné le 28 septembre 2018, Mme [V], qui avait acquis en 2010 les parts de M. [I] [C] (35/300), en qualité de gérante en remplacement de M. [Z], démissionnaire.

Postérieurement à la reprise de son fonds de commerce au 1er juillet 2019, M. [I] [C] a constitué l'Eirl [I] [C], qui a été immatriculée au registre du commerce le 22 août 2019.

Par jugement en date du 13 novembre 2019, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société [C] Electroménager SARL, Mme [V], gérante déclarant à cette date un passif estimé à 44 537 euros pour un actif évalué à 46 000 euros.

Invoquant le transfert de son contrat de travail au profit de M. [I] [C], par application des articles L. 1224-1 et suivant du code du travail, et reprochant à son employeur de ne lui avoir pas payé le maintien de salaire auquel il pouvait prétendre suite à son placement en arrêt maladie, du 1er juillet au 20 août 2019, puis de sa prise en charge par le régime de prévoyance qu'il était conventionnellement tenu de souscrire, M. [Z] a saisi le 10 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Narbonne aux fins d'entendre prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et obtenir la condamnation de ce dernier à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par un jugement du 27 mai 2020, le tribunal de commerce de Narbonne a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de l'Eirl [I] [C], Maître [Y] étant désigné ès qualités de liquidateur judiciaire.

Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique, M. [Z] a été licencié pour motif économique par lettre du 10 juin 2020.

Le 18 décembre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud'homme de Narbonne aux même fins à l'encontre du liquidateur judiciaire de l' Eirl [C] et des AGS.

Après avoir ordonné la jonction de ces deux instances, le conseil de prud'hommes a, par jugement du 12 avril 2021, statué comme suit :

Condamne M. [I] [C] à payer à M. [Z] la somme de 1 121,52 euros au titre des salaires pour les mois de juillet et août 2019, outre 112 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne M. [I] [C] à lui adresser un bulletin de salaire comportant la somme allouée,

Fixe la créance de M. [H] [Z] dans la liquidation judiciaire de l'Eirl [C] aux sommes de :

- 3 717, 39 euros net à titre de rappel de salaire pour septembre à décembre 2019,

- 4 838,91 euros net à titre de rappel de salaire pour les mois de janvier à avril 2020,

- 855,63 euros au titre des congés payés afférents sur ces deux sommes,

- 519,80 euros bruts au titre du complément de salaire de 15 % du 61ème au 90ème jour d'absence maladie,

- 51,98 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 441,21 euros au titre des salaires du 1er mai au 29 juin 2020, outre 244 euros au titre des congés payés afférents,

Enjoint à Maître [Y], ès qualités de mandataire liquidateur de l'Eirl [C] d'adresser à M. [H] [Z] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] [Z] au 29 juin 2020 aux torts de M. [I] [C] et du liquidateur judiciaire de l'Eirl [C], et ce solidairement, la rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne solidairement M. [I] [C] et fixe la créance de M. [H] [Z] dans la liquidation de l'Eirl [C] aux sommes suivantes :

- 23 131,90 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 6 930,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 693 euros au titre des congés payés afférents,

- 79 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 279 euros au titre du solde des congés non pris,

Condamne M. [I] [C] à payer à M. [H] [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

Rend la présente décision opposable au liquidateur de l'Eirl [C] et aux AGS dans la limite légale de leurs garanties strictement définies dans la loi du 25 janvier 1985,

Condamne M. [I] [C] aux dépens afférents à sa propre condamnation et fixé les dépens afférents à la condamnation de l'Eirl [C] comme en matière de liquidation judiciaire.

Le 27 avril 2021, M. [C] a relevé appel des chefs de ce jugement l'ayant condamné à verser des sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents pour les mois de juillet et août 2019. Il a également relevé appel des chefs de jugements l'ayant condamné solidairement à payer des sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, du solde de congés payés acquis non pris, de frais irrépétibles et de dépens ainsi qu'à la remise du certificat de travail et de l'attestation pôle Emploi.

Par jugement du 9 mars 2022, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. [I] [C] en nom propre, Maître [G] étant désigné ès qualités de liquidateur judiciaire.

' selon ses dernières conclusions en date du 30 mars 2023, Maître [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [I] [C], demande à la cour de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Narbonne sur les chefs d'appel critiqués vis-à-vis de M. [C] à titre personnel et, statuant à nouveau, de :

Débouter M. [Z] de 1'intégralité de ses demandes vis-à-vis de M. [C] à titre personnel,

Condamner M. [Z] à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Mme [V] aux entiers dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 novembre 2023, M. [Z] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a fixé le quantum de l'indemnité légale de licenciement à 23 131 euros et, statuant à nouveau, de :

Fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de l'Eirl [C] ainsi qu'au passif de la liquidation judiciaire de M. [C] aux sommes de :

- 41 589,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 8 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du paiement tardif du salaire,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Débouter Maître [G], ès qualités de liquidateur de M. [C], de l'ensemble de ses demandes ;

Déclarer la décision opposable aux AGS dans la limites de leurs garanties.

' selon ses dernières conclusions en date du 21 octobre 2021, l'AGS demande à la cour de :

Lui donner acte de ce qu'elle réclame la stricte application des textes légaux et réglementaires.

Prendre acte de ce que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l'un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail, en fonction de l'ancienneté du salarié à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, en l'espèce le plafond 6, à 82 272 euros bruts.

Rejeter l'appel de M. [C] tendant à solliciter sa mise hors de cause.

Rejeter l'appel incident de M. [Z] tendant à solliciter l'infirmation du jugement entrepris sur le montant de l'indemnité de licenciement qui lui a été, à tort, accordée par le Conseil et tendant à formuler une demande indemnitaire nouvelle pour prétendu préjudice subi du fait d'un retard

de ses prétendus salaires.

Constater que l'Eirl [C] n'existait pas lors du transfert des contrats de travail entre la société [C] Electroménager et M. [C] le 30 juin 2019 lors du retour du fonds de commerce, de sorte qu'il ne peut être imputé à l'Eirl [C] une absence de transfert entre ces deux premières entités desquelles elle est un tiers.

Ainsi, dire et juger irrecevables les demandes de M. [Z] à l'encontre de l'Eirl [C].

Prendre acte de ce que la garantie de l'AGS est subsidiaire.

En tout état de cause, constater que M. [Z] ne démontre pas de l'existence d'un contrat de travail établi sous un lien de subordination lors du retour du fonds de commerce à M. [C] le 30 juin 2019, alors que M. [Z] était associé égalitaire de la société [C] Electroménager à ce jour, et gérant de la société locataire-gérante pendant 14 ans sans lien de subordination et abandonnera cette dite fonction après avoir sollicité la résiliation du contrat de location-gérance, dans le but de s'octroyer une qualité fictive de salarié en prévision de la reprise du fonds par M. [C].

Ainsi, débouter M. [Z] de ses demandes irrecevables, infondées et injustifiées à l'égard de l'Eirl [C], directement ou solidairement.

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a [...] et, statuant à nouveau :

Débouter M. [C] et M. [Z] de leurs demandes ;

Condamner M. [C] et M. [Z] à lui verser chacun la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [Z] à une amende civile de 1 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Par décision en date du 18 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure et fixé l'affaire à l'audience du 8 janvier 2024.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

MOTIFS :

En l'état des pièces communiquées, il est constant que :

- M. [Z] a été engagé en qualité de technicien- électroménager à compter du 1er décembre 1981,

- Le 15 juin 2004, la société [C] Electroménager, spécialisée dans la vente et la mise en service d'appareils électroménagers est constituée entre :

- M. [Z], à hauteur de 135 parts/300,

- Mme [J] [C] épouse [L] à hauteur de 135 parts/300,

- Et M. [I] [C] à hauteur de 30 parts/300. (Pièce n°1 de l' AGS)

- Le même jour, M. [Z] est désigné comme gérant de la société [C] Electroménager SARL, la prise d'effet de cette désignation étant reportée au jour de l'immatriculation à venir de la société au registre du commerce et des sociétés. (Pièce n°2 de l' AGS)

- suivant acte authentique en date du 13 juillet 2004, M. [I] [C] donne en location-gérance son fonds artisanal au profit de cette société. (Pièces n°9 de l' AGS)

- Le 30 décembre 2010, l'assemblée générale des associés entérine la cession par M. [C] de ses 30 parts au profit de Mme [V], salariée au sein de l'entreprise depuis le 3 mars 2008 . (Pièce n°3 de l' AGS)

- Le 31 juillet 2018, M. [Z], ès qualités de gérant de la société [C] Electroménager SARL notifie à M. [I] [C] la résiliation du contrat de location-gérance avec une date d'effet de résiliation au 30 juin 2019.

- Le 28 septembre 2018, l'assemblée générale des associés désigne Mme [V] en qualité de gérante en remplacement de M. [Z] démissionnaire.

Sur l'existence et le transfert du contrat de travail au terme de la location-gérance :

L' Ags conteste l'existence du contrat de travail dont se prévaut M. [Z] en invoquant notamment le fait qu'il était associé égalitaire et gérant de la société [C] Electroménager S.A.R.L. à compter de sa constitution en juillet 2004 et jusqu'au 28 août 2018, de sorte qu'il signera, ès qualités de gérant, la rupture de la location-gérance, et qu'il a pendant de nombreuses années, engagé ses collègues et les a sanctionnés, ainsi qu'en attestent ses pièces figurant sous le n°12.

Maître [G] développe une argumentation similaire.

Le contrat de travail est celui par lequel une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en justifier. De même, en présence d'un contrat de travail antérieur à l'exercice d'un mandat social portant sur des fonctions distinctes, il appartient à celui qui soutient qu'il n'y a pas eu cumul du contrat de travail et du mandat social postérieur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, trois périodes doivent être distinguées : du 1er décembre 1981 au mois de juillet 2004, au titre de laquelle M. [Z] dispose d'un contrat de travail apparent, du mois de juillet 2004 au 28 septembre 2018, période au cours de laquelle, l'appelant prétend avoir cumulé ses fonctions salariées avec le mandat social de gérant et enfin, postérieurement à sa démission de ce mandat, une troisième période de poursuite de son contrat de travail apparent.

Alors que M. [Z] justifie par la production de son contrat de travail de 1981 et divers bulletins de salaire sur la période séparant la date de son engagement de celle de sa nomination en qualité de gérant, nul ne discute sérieusement l'existence de son contrat de travail au titre de la première période, au cours de laquelle il a exercé les fonctions de technicien en dépannage, observation faite que ce contrat est expressément visé au contrat de location-gérance du 13 juillet 2004, conclu entre M. [I] [C] et la société [I] [C] SARL.

Les statuts de la société constituée en juin 2004 énonce que le gérant percevra une rémunération dont les modalités d'attribution seront fixés par décision ordinaires des associés. La décision des associés nommant M. [Z] en qualité de gérant précise qu'en rémunération de ses fonctions, le gérant aura droit à une rémunération qui sera fixée au cours d'une prochaine délibération. Finalement, aucune décision en ce sens n'est communiquée, hormis celle en date du 28 septembre 2018 aux termes de laquelle la collectivité des associés, après avoir pris acte de la démission de ses fonctions de gérant a 'approuvé la rémunération du gérant de M. [Z] de 26 200 euros bruts prise en charge de cotisations, étant précisé que la rémunération versée l'est en raison des fonctions techniques de dépanneur électroménager qu'il exerce et qu'il ne reçoit pas de rémunération supplémentaire pour les fonctions de gérant'.

Compte tenu de la taille modeste de l'entreprise, qui ne comprenait que 8 salariés en juillet 2004 et 6 en juin 2018, M. [Z] compris, il n'est pas sérieusement discuté que ce dernier a poursuivi ses fonctions techniques au cours de son mandat de gérance ainsi que mentionné au procès-verbal de l'assemblée générale du 28 septembre 2018.

Or, en présence de ce contrat de travail antérieur à l'exercice du mandat social portant sur des fonctions distinctes, il incombe au mandataire liquidateur et au centre de gestion et d'étude AGS de démontrer qu'il n'y a pas eu cumul du contrat de travail et du mandat social postérieur et que M. [Z] n'a pas exercé ses fonctions techniques distinctes sous un lien de subordination.

Rappel fait que M. [Z] n'était pas associé majoritaire, ni même égalitaire, mais détenait 45% des parts sociales, les seuls éléments communiqués par les intimés, s'ils établissent que M. [Z] exerçait bien, vis-à-vis de ses collègues, les fonctions de gérant de la société, de sorte qu'il procédait au recrutement et prononçait des sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement, il n'est nullement établi par l' AGS et Maître [G] qu'il exerçait ses fonctions techniques distinctes en dehors de tout lien de subordination. L'accomplissement par M. [Z], au cours de cette période, des fonctions de gérant qui étaient les siennes sont insuffisantes à démontrer qu'il exerçait ses fonctions de technicien en dehors de tout lien de subordination vis-à-vis de la collectivité des associés, observation faite que le propriétaire du fonds de commerce demeurera associé de la société jusqu'en 2010 et que Mme [L], associée, était également salariée de l'entreprise.

Faute pour les intimés de rapporter cette preuve, il sera jugé que M. [Z] a effectivement cumulé le mandat de gérant et son contrat de travail, contrat qu'il a poursuivi à compter du 29 septembre 2018 sous l'autorité de Mme [V] la nouvelle gérante et ce jusqu'au 30 juin 2019, date de prise d'effet de la résiliation du contrat de location-gérance.

Le contrat de travail de M. [Z], qui a été transféré à compter du 13 juillet 2004 au profit de la société [C] Electroménager SARL, n'a pas été suspendu durant l'accomplissement des fonctions de gérant de juillet 2004 à septembre 2018, a été de nouveau transféré au jour de la résiliation de la location-gérance au profit du propriétaire du fonds de commerce, M. [I] [C], par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

C'est donc à bon droit et par de justes motifs que le conseil a retenu que le contrat de travail de M. [Z] avait été transféré au profit de M. [C] au 1er juillet 2019.

Sur l'incidence de la constitution de l' EIRL sur la charge des obligations de l'employeur :

Nonobstant la reprise de plein droit des contrats de travail au jour de la reprise du fonds de commerce, qu'il concède expressément dans ses conclusions, Maître [G], ès qualités, soutient que M. [I] [C] ne serait tenu d'aucune obligation à l'égard de M. [Z] sur son patrimoine personnel (ou non affecté), dans la mesure où il a constitué une Eirl à compter du 26 juillet 2019.

Le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (Eirl), créé par la loi n 2010-658 du 15 juin 2010, autorise l'entrepreneur à affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale (article L. 526-6 du code de commerce). La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué à l'un des registres tenus au greffe du tribunal de commerce. Une fois la déclaration effectuée, il s'opère un cloisonnement, actif et passif, des deux patrimoines, chacun d'eux répondant des seules dettes qui lui sont rattachées.

L'article L. 526-12 1° du code de commerce précise que par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté.

De manière symétrique, l'article L. 526-12 2° dispose que les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que M. [I] [C] n'a signé la déclaration d'affectation du patrimoine que le 14 août 2019, et que l' Eirl n'a été enregistrée au greffe du tribunal de commerce que le 22 août 2019, l'immatriculation ayant fait l'objet d'une publicité le 29 août 2019, de sorte qu'elle est n'opposable aux tiers qu'à compter de cette dernière date.

En l'état de ces éléments, Maître [G], ès qualités, n'est pas fondé à soutenir que M. [I] [C] à titre personnel ne serait pas tenu à ses obligations au seul motif qu'il a constitué une EIRL dans le courant du mois de juillet 2019. Le débiteur demeure tenu de ses obligations salariales jusqu'à la date de l'immatriculation de l' EIRL qui date du 22 août 2019, publiée le 29 août suivant.

Compte tenu des dates d'exigibilité des obligations de l'employeur, M. [I] [C] est donc tenu au paiement des obligations salariales pour le mois de juillet 2019, l' Eirl [I] [C] pour celles postérieure à son immatriculation.

L' Ags soutient par ailleurs que M. [I] [C] ne peut s'exonérer de ses obligations en invoquant la constitution de

l' Eirl dans la mesure où il n'a pas affecté au patrimoine de cette dernière les éléments du stock qu'il a récupéré de la société [C] Electroménager.

Observation faite qu'aucune partie ne soulève l'existence d'une fraude du débiteur aux droits de la salariée, il n'appartient pas au juge prud'homal d'apprécier l'importance et la composition du patrimoine affecté par l'entrepreneur individuel à l' Eirl, mais, le cas échéant, au mandataire liquidateur de celle-ci à charge pour ce dernier de solliciter, le cas échéant, l'extension de la liquidation judiciaire au patrimoine non affecté de l'entrepreneur.

Compte tenu de la déclaration de patrimoine affecté et de la constitution de l'Eirl, enregistrée au registre du commerce le 22 août 2019, M. [I] [C] n'est pas tenu sur son patrimoine non affecté au passif échu postérieurement à l'enregistrement de l' Eirl en ce qui concerne les créances salariales de M. [Z].

Enfin, l' AGS n'est pas fondée à relever que M. [Z] n'établirait pas le transfert de son contrat de travail entre M. [I] [C] et l' Eirl, laquelle ne constitue pas une personne morale distincte de l'entrepreneur, de sorte que la relation contractuelle s'est poursuivie de plein droit auprès de l' Eirl [C], à compter de sa constitution.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu l'obligation solidaire de M. [I] [C] sur son patrimoine personnel ou non affecté à compter du 22 août 2019 avec l' EIRL.

Sur les manquements de l'employeur et la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. Il lui appartient alors de rapporter la preuve des faits qu'il allègue.

Si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date

Conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, M. [I] [C], propriétaire du fonds de commerce, était tenu de reprendre le contrat de travail de M. [Z] à compter de la résiliation de la location-gérance, de répondre à ses obligations en matière de maintien de salaire durant l'arrêt maladie de la salariée et de mise en oeuvre d'un régime de prévoyance.

Au soutien de son action, M. [Z] fait valoir qu'il n'a pas perçu le complément de salaire auquel il pouvait prétendre durant son arrêt maladie lequel, avait débuté le 16 juin 2019 et s'est prolongé jusqu'à la date de rupture du contrat de travail, puis les indemnités de prévoyance comme prévu par la convention collective applicable.

Par application des dispositions de l'article 1315 du code civil, devenu 1353, s'il appartient à celui qui se prévaut d'une obligation d'en justifier, il revient à celui qui prétend s'en être libéré de justifier du paiement ou du fait extinctif. Par l'effet de ce texte, sous réserve pour le salarié de justifier du principe de l'obligation contractuelle ou conventionnelle dont il se prévaut, il appartient à l'employeur de justifier du paiement ou du fait extinctif de son obligation.

Les dispositions de l'article 29 de la convention collective applicable énonce notamment s'agissant de l'indemnisation de l'arrêt maladie ceci :

« [...]

29.3. Indemnisation de la maladie

Tout salarié ayant moins de 3 ans d'ancienneté bénéficie des dispositions particulières prévues par l'article 3 de l'annexe « Prévoyance » (annexe IV) (1).

Le salarié ayant 3 ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui est dans l'incapacité de travailler du fait de maladie reçoit, à compter du 4e jour d'absence justifiée, une indemnité dont le montant s'ajoute aux prestations versées par la sécurité sociale, sans préjudice de l'application éventuelle d'un régime de prévoyance (voir l'article 29.4).

Les durées définies au présent article se déterminent en jours calendaires suivant le mode retenu par la sécurité sociale.

Cette indemnité est calculée de façon à assurer au salarié malade, en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, appréciée au premier jour d'arrêt, et de la date à laquelle le régime de prévoyance prend le relais dans les conditions suivantes (2) :

[...]

c) 100 % de son salaire pendant les 60 premiers jours d'arrêt suivant les 3 jours de carence, après 8 ans révolus d'ancienneté ;

d) Pour tout salarié ayant plus de 22 ans d'ancienneté dans l'entreprise, une indemnité s'élevant à 15 % de son salaire doit être ajoutée aux prestations versées par la sécurité sociale et celles versées par le régime de prévoyance prévu à l'article 29.4 pendant les durées d'absences suivantes :

[...]

-du 61e au 90e jour inclus d'absence pour les salariés ayant 33 ans révolus et plus d'ancienneté.

La durée d'indemnisation ne peut, à aucun moment, dépasser sur une période « glissante » de 12 mois la durée fixée ci-dessus, cette période s'appréciant au premier jour d'arrêt.

Le salaire versé au salarié malade, par cumul des indemnités journalières de la sécurité sociale et de l'indemnisation conventionnelle ainsi définie, ne peut être supérieur à celui qu'aurait perçu l'intéressé s'il avait travaillé pendant la même période.

Toutefois, en cas de rémunération incluant des variables, la partie variable à prendre en considération est la moyenne mensuelle des 12 derniers mois.

29.4. Régime de prévoyance

Les salariés bénéficient d'un régime de prévoyance dont les garanties sont précisées à l'annexe IV à la présente convention. »

L'annexe V de la convention collective relative à la prévoyance stipule que :

- en son article 1er que le personnel des entreprises entrant dans le champ d'application de la présente convention bénéficie obligatoirement d'un régime de prévoyance assurant les prestations suivantes :

[...] Versement d'indemnités journalières complétant celles de la sécurité sociale ;

- en son article 3, que le 'régime incapacité de travail, en relais aux obligations de maintien de salaire, fait immédiatement suite aux garanties issues de ces obligations. [...]. Le montant de l'indemnité complémentaire est fixé à 75 % du salaire brut sous déduction des prestations versées par le régime général de sécurité sociale, et porté à 90 % du salaire brut sous déduction des prestations versées par le régime général de sécurité sociale au titre de la législation sur les accidents du travail ou maladies professionnelles.

En toute occurrence, l'indemnisation prévue ne peut conduire l'intéressé à percevoir une rémunération supérieure à celle qu'il aurait perçue s'il avait poursuivi son activité. [...]'

M. [Z] justifie avoir été placé en arrêt maladie du 19 juin au 31 mai 2020, et avoir mis en demeure M. [C] de respecter ses obligations conventionnelles, soit par lettre recommandée avec avis de réception soit par ses divers messages aux termes desquels il lui communiquait ses justificatifs d'arrêt maladie, ainsi que son RIB le 6 août 2019 par un message ainsi libellé : 'ci-joint le relevé SS des indemnités journalières de [H] [Z] ainsi qu'un RIB pour complément maintien de salaire. Merci de m'indiquer par retour de mail s'il vous manque des informations'.

Il ressort de la saisine de la formation de référé communiquée par M. [Z] , de son décompte (pièce n°30) et des bulletins de salaire de juillet et d'août 2019 (pièce n°22) que M. [I] [C] lui a versé respectivement, au titre de l'indemnisation conventionnelle de la maladie, les sommes de 1 104,40 euros bruts, soit 787,01 euros nets en juillet, et de 672,78 euros bruts, soit 448,09 euros nets en août.

Vis-à-vis de M. [C], puis de l' EIRL à compter du mois d'août, M. [Z] était en droit de percevoir les sommes suivantes :

Après le délai de carence de 3 jours, 90 jours à 100%, dont :

- 9 jours relevaient de l'obligation de la société [C] Electronique SARL, du 22 au 30 juin,

- 30 jours de M. [Z], et 51 jours de celle de L'EIRL.

A compter du 21 septembre 2019, M. [Z] pouvait prétendre au bénéfice du régime de prévoyance pour percevoir des indemnités complémentaires portant l'indemnisation à 75% du salaire brut, sous réserve, compte tenu de son ancienneté des 30 premiers jours à 90% (+15% du salaire brut).

En l'état de ces dispositions conventionnelles, le jugement sera réformé sur le montant alloué au salarié sur la base d'un salaire à 100%.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, et sur la base de son salaire contractuel de 3 098 euros bruts, M. [Z] était fondé à percevoir les sommes suivantes :

- la somme de 643,51 euros pour le mois de juillet 2019, sous déduction des indemnités journalières au taux de base de 45,01 euros et de la somme de 787,01 euros perçue de la part de son employeur, M. [C], obligation imputable à la liquidation judiciaire de M. [I] [C],

- la somme de 1 090,12 euros pour le mois d'août 2019 sous déduction des indemnités journalières et de la somme de 448,09 euros perçue de la part de l'employeur,

- la somme de 1 654,76 euros pour le mois de septembre 2019, à savoir :

' au titre des 21 premiers jours de septembre la somme de 2 168,60 euros (3 098 euros x 21/30),

' outre 836,46 euros pour les 9 jours suivants à raison de 90% du salaire (90% x 3 098 euros x 9/30),

' sous déduction des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie au taux journalier de 45,01 euros).

- la somme de 1 330,93 euros pour le mois d'octobre, à savoir :

' 1951,74 euros au titre des 21 premiers jours d'octobre à raison de 90% du salaire brut (90% x 3 098 euros x 21/30),

' 774,50 euros au titre des 10 suivants, 75% (75% x 3 098 euros x 10/30),

' sous déduction des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie au taux journalier de 45,01 euros).

- de novembre 2019 à mai 2020 : 75% du salaire brut sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale à hauteur de 45,01 euros : 6 654,86 euros (75% x 3098 euros x 7 mois, sous déduction des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie au taux journalier de 45,01 euros).

Hormis les sommes versées en juillet et en août 2019 par M. [C], dont il a été tenu compte, il n'est pas allégué par les intimés que l' EIRL se soit libérée de son obligation au titre du maintien de salaire ou du régime de prévoyance.

Par ailleurs, ni M. [C] ni l' Eirl n'allègue ni a fortiori ne justifie avoir souscrit un régime de prévoyance comme requis par les stipulations conventionnelles de sorte que le salarié indique sans être utilement contredit sur ce point par les mandataires liquidateurs de M. [C] et de l' EIRL [C], avoir été privé du complément d'indemnités journalières auquel il pouvait prétendre à l'issue de la période de maintien de salaire.

M. [C] ayant repris le fonds de commerce au 1er juillet 2019, il est personnellement tenu de l'obligation au titre du mois de juillet, soit la somme de 643,51 euros outre les congés payés afférents. Le montant sera réformé.

En revanche, à compter du mois d'août 2019, l'obligation porte sur la seule EIRL, pour un montant global de 10 730,67 euros outre les congés payés afférents.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur :

Conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), le salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. Il lui appartient alors de rapporter la preuve des faits qu'il allègue.

Si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date

Il suit de ce qui précède que suite au transfert de plein droit de son contrat de travail au profit de M. [C], relation contractuelle qui s'est poursuivie de plein droit auprès de l' Eirl [C], le salarié a été privé pendant plusieurs mois de ses compléments de salaire durant son arrêt maladie et ce malgré des réclamations par messages électroniques en date du 12 août 2019 (pièce n°60), la saisine de la formation des référés en date du 3 octobre 2019, la vaine mise en demeure notifiée par lettre recommandée avec avis de réception le 21 novembre 2019 (pièce n°36) et une nouvelle réclamation par courrier électronique du 7 décembre 2019, à laquelle M. [C] a répondu le 10 décembre suivant en indiquant que 'les compléments de salaire étaient en cours de traitement'.

Les manquements de l' Eirl [C] ainsi caractérisés revêtaient une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la rupture de contrat de travail pour motif économique prononcé par le mandataire liquidateur de l' Eirl [C].

Sur l'indemnisation de la rupture :

Au jour de la rupture, M. [Z] âgé de 57 ans totalisait une ancienneté de 38 ans et 7 mois. Son salaire mensuel brut s'élevait à 3 098 euros bruts, le salaire de référence s'établissant à 3 465 euros bruts.

Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la période du délai-congé, et non celle résultant du salaire de référence. Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération, le jugement sera réformé sur les montants alloués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents comme suit : 6 196 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 619,60 euros au titre des congés payés afférents.

Tenant l'ancienneté du salarié au terme du délai de préavis et le salaire de référence, le jugement sera également réformé sur le montant de l'indemnité légale de licenciement qui s'établit, conformément au calcul détaillé figurant aux conclusions du salarié à la somme de 41 589,92 euros, observation faite que M. [Z] indique sans être contredit par l'employeur ne pas avoir perçu la somme de 18 458 euros mentionnée sur le bulletin de paie de juin 2020.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant minimal de 3 mois de salaire brut et de 20 mois de salaire brut.

Le salarié ne produit aucun élément justificatif à l'appui de sa demande indemnitaire.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 45 000 euros bruts.

Le jugement sera donc réformé sur le montant de cette indemnité.

Sur la demande de dommages-intérêts :

M. [Z] sollicite pour la première fois en cause d'appel l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 8 000 euros en réparation de son préjudice lié à la baisse importante de ses revenus.

Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, désormais codifiées sous l'article 1231-6 du dit code, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans une condamnation aux intérêts au taux légal, le créancier auquel le débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard pouvant obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance à charge de justifier de ce préjudice.

La mauvaise foi de l'exécution provisoire s'infère des éléments de la cause. S'agissant de la justification d'un préjudice indépendant du retard dans le paiement, force est de relever que M. [Z] ne communique aucun élément.

Sur l'amende civile :

L'action de M. [Z] étant partiellement fondée, il ne sera pas prononcé d'amende civile à son encontre.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- Jugé que M. [Z] est titulaire d'un contrat de travail et que M. [I] [C] n'a pas respecté les obligations de l'article L.1224-1 du code du travail,

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l' Eirl au 29 juin 2020 produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné M. [I] [C] à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [I] [C] aux dépens afférents à sa propre condamnation et fixé les dépens afférents à la condamnation de l'Eirl [C] comme en matière de liquidation judiciaire.

L'infirme pour le surplus,

Déboute M. [Z] de sa demande de condamnation solidaire à l'égard de M. [I] [C] qui n'est pas tenu sur son patrimoine non affecté au titre des créances échues postérieurement au 29 août 2019,

Fixe la créance de M. [Z] au passif de M. [I] [C] à la somme de 643,51 euros bruts, outre 64,35 euros au titre des congés payés afférents,

Enjoint à Maître [G], ès qualités de mandataire liquidateur de M. [I] [C] d'adresser à M. [Z] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées,

Fixe la créance de M. [Z] au passif de l' EIRL [I] [C] aux sommes suivantes :

- 10 730,67 euros bruts de complément d'indemnités journalières et d'indemnités de prévoyance, outre 1 073,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 196 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 619,60 euros au titre des congés payés afférents.

- 41 589,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 45 000 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Enjoint à Maître [Y], ès qualités de mandataire liquidateur de l'Eirl [C] d'adresser à M. [Z] , dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, et de lui remettre une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées,

Rejette la demande d'astreinte.

Y ajoutant,

Déboute M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts,

Dit n'y avoir lieu à amende civile,

Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Donne acte à l' AGS de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L. 3253-8 , L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

Rejette les demandes en paiement présentées en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02751
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;21.02751 ?
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