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05/07/2023 | FRANCE | N°20/04544

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 juillet 2023, 20/04544


Grosse + copie



délivrées le

à

















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 05 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04544 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXEK



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 19/00114







APPELANT :



Monsieur [G] [P]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Claude CALVET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE, substitué par Me Philippe SENMARTIN, avocat au barreau de MONTPELLIER




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Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 05 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04544 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXEK

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 19/00114

APPELANT :

Monsieur [G] [P]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Claude CALVET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE, substitué par Me Philippe SENMARTIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [B] [I]

de nationalité Française

RN 9

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Karola WOLTERS-CRISTOFOLI, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 20 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 JUIN 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller et Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Caroline CHICLET, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET, Conseiller, en remplacement du président empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[G] [P] a été engagé par [B] [I], exploitant en nom personnel un commerce de café restaurant à [Localité 3] (11) et employant habituellement moins de onze salariés, à compter du 25 mars 2019 en qualité de commis de cuisine-serveur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet régi par la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.

Soutenant avoir été embauché sans contrat écrit dès le 11 mars 2019 et avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le 7 avril 2019, [G] [P] a saisi le conseil des prud'hommes de Narbonne le15 mai 2019 pour contester cette décision, voire reconnaître une relation de travail dissimulée depuis le 11 mars 2019 et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.

Par jugement du 21 septembre 2020, ce conseil a :

- dit que le contrat de travail signé par les 2 parties a bien débuté le 25 mars 2019 et qu'il a été rompu le 4 avril 2019 avec pour dernier jour travaillé le 6 avril 2019 ;

- débouté [G] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné [G] [P] aux dépens et à payer à [B] [I] la somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 21 octobre 2019, [G] [P] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 18 janvier 2021.

Vu les conclusions de [B] [I] remises au greffe le 24 février 2021.

Vu l'ordonnance de clôture du 20 février 2023.

MOTIFS :

Sur les demandes de rappel de salaires :

1) Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 11 mars 2019 au 23 mars 2019 :

[G] [P] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire d'un montant de 827,48 € bruts outre les congés payés y afférents au titre de la période du 11 au 23 mars 2019 et demande à la cour de condamner l'employeur à lui régler ces sommes.

[B] [I] conteste avoir embauché [G] [P] avant le 25 mars 2019 en renvoyant à la déclaration préalable d'embauche et au contrat signé par les parties à cette date, et demande à la cour de confirmer le jugement.

En l'absence de contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque l'existence d'une relation de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, les témoignages de la mère et du conjoint de [G] [P], outre qu'ils sont sujets à caution s'agissant de membres de sa famille proche, ne sont pas suffisants pour démontrer l'existence d'une relation de travail antérieurement au 25 mars 2019.

En effet, si [U] [T] et [D] [R] ont vu [G] [P] travailler comme cuisinier dans le café restaurant de [B] [I] où ils étaient venus déjeuner en famille le 22 mars 2019, c'était, selon l'employeur, dans le cadre d'une demi-journée de test avant la régularisation de la déclaration préalable à l'embauche que [B] [I] démontre avoir effectuée le même jour à 16h29 après le service du déjeuner (cf pièce 1 de l'intimée).

En outre, en dehors du déjeuner du 22 mars, ni [U] [T] ni [D] [R] n'ont vu [G] [P] travailler dans le restaurant entre le 11 et le 24 mars 2019 puisqu'ils se bornent affirmer que le contrat 'a débuté le 11 mars 2019" ou avoir été 'au courant que mon fils [G] [P] travaillait depuis le 11 mars 2019 au restaurant routier [Adresse 2] à [Localité 3]' sans faire état d'aucune constatation personnelle.

Les relevés téléphoniques ne renseignent pas davantage sur l'existence d'un contrat de travail non écrit antérieurement au 25 mars 2019.

En effet, s'il résulte de ces pièces que [G] [P] a cherché à joindre [B] [I] sur son numéro de portable personnel ou sur le téléphone fixe du restaurant les 13 et 14 mars 2019 (un appel manqué du 13 mars sur le fixe à 13h46, deux appels manqués le 14 mars sur le portable à 7h09 et 11h18, un appel manqué le 14 mars sur le fixe à 7h11, un appel sans communication le 14 mars à 16h46 puis un appel avec une communication de 11 secondes sur le portable le 14 mars qui s'est poursuivi pendant 1mn 47 sur le fixe à 16h48), cette circonstance ne démontre nullement que les parties étaient engagées, à cette époque, dans une relation de travail.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté [G] [P] de sa demande de rappel de salaires pour la période du 11 au 23 mars 2019.

2) Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

[G] [P] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires d'un montant de 62,69€ bruts outre les congés payés y afférents et demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer lesdites sommes.

[B] [I] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, 'lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés'.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, 'l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire'.

Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le contrat de travail signé entre les parties prévoit un horaire hebdomadaire de 35 heures.

[G] [P] produit le détail des 40 heures de travail que, selon lui, il a accompli pendant sa semaine de travail (lundi de 18h à 22h30, le mardi et le mercredi 6H/10h30 puis 18h/22h30, le jeudi 6h10h30 puis 12h30/14h30 et 18h/22h30 et le vendredi 6h/10h30 puis 13h30/15h30).

Contrairement à ce que soutient à tort l'employeur, ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre d'y répondre.

L'employeur, qui conteste les heures alléguées, ne produit aucun des éléments exigés par les articles L.3171-2 et L.3171-3 précités et se borne à invoquer les horaires d'ouverture du café restaurant, à savoir 6h/15h et 17h/22h, pour conclure au caractère fantaisiste des heures revendiquées par le salarié.

Cependant, les horaires invoqués par le salarié coïncident toutes avec les horaires d'ouverture du restaurant et il n'y a aucune anomalie à ce que [G] [P] ait dû rester 30mn après la fermeture du restaurant au public le soir.

La cour retient par conséquent les 5 heures supplémentaires réclamées par le salarié et [B] [I] sera condamnée à lui payer la somme de 62,96 € bruts, compte tenu de la majoration de 25% applicable au taux horaire brut de base, outre celle de 6,27 € bruts au titre des congés payés y afférents.

3) Sur la demande au titre du travail dissimulé :

[G] [P] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire de 10.757,22 € au titre du travail dissimulé et demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer ladite somme.

[B] [I] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, dans leur version issue de la loi du 5 septembre 2018, le fait pour l'employeur, notamment, de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de délivrance d'un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l'embauche. De même est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L'article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l'octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Pour caractériser l'intention de l'employeur, [G] [P] se borne à indiquer en page 5 de ses écritures, 'Il est constant que c'est de manière intentionnelle que l'employeur a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué' sans autres indications.

Or, la cour n'a pas retenu l'existence d'une relation de travail dissimulée antérieurement au 25 mars 2019, date de la première journée de travail prévu dans le contrat signé par les parties. Et le très faible nombre d'heures supplémentaires accompli au cours de l'unique semaine de travail ne permet pas, en l'absence d'autres éléments, d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.

[G] [P] sera débouté de sa prétention indemnitaire et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

[G] [P] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande visant à voir analyser la rupture à l'initiative de l'employeur comme un licenciement abusif et demande à la cour de faire droit à ses prétentions et de condamner [B] [I] à lui payer les sommes de :

- 827,48 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents,

- 1.792,87 € à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement irrégulière,

- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

[B] [I] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Le contrat de [G] [P] prévoit une période d'essai de 2 mois, expirant le 24 mai 2019, dont il ne discute pas la validité, et stipule que la rupture de la période d'essai doit être notifiée par écrit remis en main propre contre récépissé ou adressée en recommandé avec avis de réception.

[G] [P] soutient que cette rupture lui a été notifiée verbalement le 7 avril 2019 alors qu'il était absent pour maladie depuis le 4 avril 2019 et que l'employeur lui a ensuite envoyé un courrier de régularisation antidaté ce qui doit s'analyser en un licenciement abusif.

Cependant, outre que l'appelant ne justifie nullement avoir été en arrêt de travail à compter du 4 avril 2019, la cour rappelle que le non respect par l'employeur des formes prescrites pour notifier la rupture de la période d'essai ne peut ouvrir droit qu'à des dommages-intérêts pour inexécution contractuelle et ne saurait transformer cette rupture, régularisée d'ailleurs par écrit et dans les délais par courrier recommandé reçu le 15 avril 2019, en un licenciement.

La rupture étant intervenue à l'initiative de l'employeur pendant la durée de la période d'essai qui expirait le 24 mai 2019, [B] [I] n'avait pas à justifier d'un motif de rupture et [G] [P] sera débouté de ses prétentions indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation).

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux, sans que l'astreinte soit nécessaire.

[B] [I] qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à [G] [P] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté [G] [P] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et l'a condamné aux dépens et à payer à [B] [I] la somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés ;

Condamne [B] [I] à payer à [G] [P] les sommes suivantes :

$gt; 62,96 € bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

$gt; 6,27 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande ;

Dit que [B] [I] devra transmettre à [G] [P] dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif ;

Condamne [B] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [G] [P] la somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président, empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04544
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;20.04544 ?
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