La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°23/00228

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 29 juin 2023, 23/00228


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 29 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/00228 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PVZC



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 JANVIER 2023

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN N° RG 2022r38





APPELANT :



Monsieur [V] [L]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]

de nation

alité Française

[Adresse 4]

Représenté par Me SLATKIN substituant Me Marina BLANC de la SAS SLATKIN BLANC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES





INTIMES :



Monsieur [W] [L]

né le [Date naissance 2...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 29 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/00228 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PVZC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 JANVIER 2023

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN N° RG 2022r38

APPELANT :

Monsieur [V] [L]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

Représenté par Me SLATKIN substituant Me Marina BLANC de la SAS SLATKIN BLANC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMES :

Monsieur [W] [L]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

Représenté par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

S.A.R.L. [L] ET SES FILS

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 09 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MAI 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Virginie HERMENT, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Madame Virginie HERMENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Virgine HERMENT, Conseiller, pour le Président empêché et par Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Société [L] et ses fils exerce les activités d'étanchéité, de maçonnerie, de plomberie et de zinguerie.

Exposant qu'il était associé au sein de cette société, dans laquelle il possédait 780 parts sur 2600, et qu'étant privé de dividendes du fait d'un changement de mode de gestion, il justifiait d'un juste motif pour solliciter son retrait, M. [V] [L] a, par actes d'huissier en date du 25 juillet 2022, fait assigner en référé devant le président du tribunal de commerce de Perpignan, la société [L] et ses fils ainsi que M. [W] [L], afin que, sur le fondement des articles 1843-4 et 1869 du code civil, il dise et juge que sa demande de retrait constituait un juste motif, qu'il ordonne son retrait pour juste motif et qu'il nomme un expert pour que soient déterminée la valeur de ses droits sociaux d'associé et fixée la valeur de son compte courant d'associé.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 9 janvier 2023, le président du tribunal de commerce de Perpignan a déclaré l'assignation du 28 juillet 2022 recevable, a mis hors de cause M. [W] [L], a débouté M. [V] [L] de l'ensemble de ses demandes au motif que les statuts de la société [L] et ses fils ne prévoyaient pas de clause spécifique au retrait d'associé, a débouté la société [L] et ses fils de sa demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice et a condamné M. [V] [L] à verser à la société [L] et ses fils la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 13 janvier 2023, M. [V] [L] a relevé appel de cette ordonnance en critiquant chacune de ses dispositions, hormis celle aux termes de laquelle la société [L] et ses fils avait été débouté de sa demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [V] [L] demande à la cour de :

- réformer la décision du Président du tribunal de commerce de Perpignan en date du 9 janvier 2023,

- ordonner son retrait de la société [L] et ses fils pour juste motif,

- ordonner le remboursement de ses 780 parts de la société au prix fixé à la valeur à dire d'expert,

- nommer un expert et lui confier pour mission de :

- convoquer et entendre les parties,

- se faire remettre l'ensemble des documents comptables, ainsi que toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- déterminer la valeur de ses droits sociaux,

- fixer la valeur de son compte courant d'associé,

- dire que le coût de l'expertise sera supporté par la société [L] et ses fils,

- condamner la société [L] et ses fils à lui payer la somme de 8 998 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il expose que l'article 1869 du code civil dispose que tout associé peut demander son retrait d'une société pour justes motifs par décision de justice et que la jurisprudence précise que le juste motif peut être personnel. Il ajoute que le motif personnel peut être motivé par l'absence de retour sur investissement en sa qualité d'associé dans la société dont il est demandé le retrait.

Il précise qu'en l'espèce, il est privé des dividendes versés par la société du fait d'un changement de gestion de la société par les associés en activité et que par conséquent, il justifie parfaitement de son motif légitime au visa de l'article 1869 du code civil pour demander son retrait de la société.

De plus, il précise que l'article 1869 renvoie aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil pour le calcul du prix des parts et indique qu'il convient en l'espèce de désigner un expert.

En outre, il indique que si la mise en cause des autres associés était injustifiée, celle de M. [W] [L] était justifiée puisqu'en sa qualité de gérant, il lui appartenait de procéder à la convocation d'une assemblée générale afin de statuer sur son retrait et qu'en ne le faisant pas, il a commis une faute.

Il mentionne également que les dispositions de l'article L. 223-14 du code de commerce ne sont pas applicables puisqu'il n'est pas sollicité l'agrément d'un cessionnaire.

Il précise que l'article 1843-4 du code civil relève du chapitre premier du neuvième titre du code civil, applicable à toutes les sociétés.

Il ajoute que l'article 1869 du code civil, dans sa version actuelle, a été créé par la loi n°78-9 du 4 janvier 1978 et précise que l'article 4 alinéa 3 de cette loi prévoyait l'application de l'article 1869 du code civil aux sociétés créées avant la loi, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

Il fait valoir que la société [L] et ses fils a été immatriculée le 22 août 1977 et qu'elle est régie par la législation antérieure à la loi du 4 janvier 1978, dès lors qu'elle n'est pas en contradiction avec la législation en vigueur. Il explique qu'aux termes du droit applicable aux sociétés à responsabilité limitée, antérieurement à la loi du 4 janvier 1978, un associé pouvait se retirer de la société en application de l'ancien article 1865 du code civil, sans que son retrait ne provoque la dissolution de la société en application de l'ancien article 1869. Il soutient que bien que l'article 1869 du code civil en vigueur soit applicable aux sociétés civiles, rien n'interdit de faire application des anciens articles 1865 et 1869 du code civil, sauf à ce qu'il soit démontré que la nouvelle législation en vigueur soit contraire à l'ancienne législation applicable à la société [L] et ses fils.

S'agissant de la demande reconventionnelle relative à sa condamnation pour concurrence déloyale, il précise que le président saisi sur le fondement de l'article 481-1 du code de procédure civile n'a pas compétence pour statuer en référé et le condamner au versement d'une provision.

Il ajoute qu'il ne peut lui être reproché un démarchage à domicile avant sa démission de la société.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SARL [L] et ses fils et M. [W] [L] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 9 janvier 2023 en ce qu'elle a :

-mis hors de cause Monsieur [W] [L],

- débouté Monsieur [V] [L] de l'intégralité de ses demandes infondées, et ne relevant pas de la compétence de la Cour d'Appel statuant selon la procédure accélérée au fond.

- condamné M. [V] [L] au paiement de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- les recevoir en leur appel incident et infirmer la décision en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de provision à hauteur de 5 000 euros, en l'état de la procédure abusive engagée,

Statuant à nouveau,

- condamner Monsieur [V] [L] par provision à payer à la société [L] et ses fils une somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, en raison de la procédure abusive engagée,

En toutes hypothèses,

- condamner Monsieur [V] [L] au paiement d'une indemnité de 6 000 euros en application des dispositions de l'article

700 du code de procédure civile au profit de la société [L] et ses fils, outre la somme de 2 000 euros au profit de Monsieur [W] [L], ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils mentionnent que l'article L.213-2 du code de l'organisation judiciaire dispose que la procédure accélérée au fond n'existe que lorsqu'un texte la prévoit.

Ils ajoutent que l'appelant entend se prévaloir de l'article 1869 du code civil applicable aux sociétés civiles qui dispose que le retrait peut être autorisé pour justes motifs par une décision de justice et précise en son second alinéa que l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée conformément à l'article 1843-4, à défaut d'accord amiable,

Ils soutiennent qu'il ressort de ces dispositions que la demande d'autorisation de retrait de la société [L] et ses fils relève incontestablement de la compétence matérielle du tribunal de commerce et ne peut être examinée selon la procédure accélérée au fond, puisque cette procédure est uniquement applicable pour la demande d'expertise de la valeur des parts sociales prévue par le second alinéa de l'article 1869 du code civil.

Ils font valoir que s'agissant des sociétés commerciales, le retrait est impossible, sauf le cas échéant mention ou dispositif spécifique prévu dans les statuts, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Ils ajoutent que l'associé d'une société à responsabilité qui souhaite se retirer de la société n'a pas d'autre solution que de présenter un acquéreur aux associés, lesquels en cas de défaut d'agrément, pourront être contraints d'acheter ses parts, conformément aux articles L. 223-14 et suivants du code de commerce.

Ils précisent également que l'alinéa 3 de l'article 4 de la loi du 1er juillet 1978 dispose que cette loi est applicable aux sociétés constituées avant cette date, dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur.

De plus, ils soulignent que contrairement à ce qu'il prétend, M. [V] [L] n'a jamais évoqué, ni oralement ni par écrit, sa volonté de retrait de la société et n'a jamais abordé la question du rachat de ses parts. Ils ajoutent que dès le lendemain de son départ à la retraite, M. [V] [L] a créé sa propre entreprise individuelle exerçant la même activité que la société [L] et ses fils, puis a transformé cette entreprise individuelle en société commerciale. Ils font valoir que M. [V] [L] a démarché sa clientèle et qu'il doit être condamné à indemniser la société [L] et ses fils pour le préjudice en résultant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.

Sur la compétence du président du tribunal de commerce

Aux termes des dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, si la société [L] et ses fils invoque l'incompétence du président du tribunal de commerce pour statuer selon la procédure accélérée au fond sur la demande de retrait, aucune exception d'incompétence ne figure au dispositif de ses conclusions, de sorte qu'il n'y a lieu pour la cour de statuer sur cette prétention.

Sur la mise hors de cause de M. [W] [L]

Si M. [V] [L] invoque une faute de la part de M. [W] [L], tenant à l'absence de convocation de l'assemblée générale par ce dernier suite à la demande de retrait par lui formulée, aucune demande n'est formée par l'appelant à l'encontre de ce dernier.

Dans ces conditions, et à défaut de tout autre élément susceptible de justifier de la mise en cause de M. [W] [L], c'est à juste titre que le premier juge a mis hors de cause ce dernier.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de M. [V] [L] tendant à voir ordonné son retrait de la société [L] et ses fils pour juste motif

L'article 4 de la loi n°78-9 du 4 janvier 1978 dispose que cette loi entrera en vigueur le premier jour du sixième mois qui suivra sa publication, qu'elle s'appliquera aux sociétés qui se constitueront à compter de son entrée en vigueur et qu'elle sera applicable aux sociétés constituées avant son entrée en vigueur, deux ans après celle-ci.

Du reste, si à l'article 1 des statuts de la société [L] et ses fils, il est prévu qu'est formée une société à responsabilité limitée régie par la législation française, notamment par la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 et le décret n°67-236 du 23 mars 1967, cela ne signifie aucunement que les parties aient entendu exclure l'application de toute législation postérieure, le terme législation française ne faisant pas nécessairement référence aux anciennes dispositions du code civil en vigueur à la date de rédaction des statuts.

Il s'ensuit que dans la mesure où la société [L] et ses fils a été immatriculée le 22 août 1977, les dispositions de la loi n°78-9 du 4 janvier 1978, modifiant les dispositions du titre IX du livre III du code civil, lui ont été applicables à compter du 1er juillet 1980.

Or, l'article 1845 du code civil prévoit que les dispositions du chapitre II du titre IX 'De la société', sont applicables à toutes les sociétés civiles.

L'article 1869 du code civil, qui figure au chapitre II du code civil 'De la société civile', à sa section 7 'retrait d'un associé', ne s'applique donc pas aux sociétés commerciales, telles que la société [L] et ses fils.

M. [V] [L] n'est par conséquent pas fondé à solliciter son retrait sur le fondement de ces dispositions.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande tendant à voir ordonné son retrait de la société [L] et ses fils pour juste motif, ainsi que ses demandes subséquentes tendant au remboursement de ses parts et à l'instauration d'une mesure d'expertise pour en fixer le montant.

Sur la demande de la société [L] et ses fils tendant à l'octroi d'une provision

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à une dette de dommages-intérêts qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

Ces éléments ne sont pas établis en l'espèce, étant observé que les griefs tirés du manque de loyauté de l'appelant invoqués par la société [L] et ses fils ne sont pas constitutifs d'un abus d'agir en justice.

De plus, la société [L] et ses fils ne justifie pas subir, du fait de cette procédure, un préjudice distinct de celui des frais de procédure lesquels seront pris en compte au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge à débouté la société [L] et ses fils de sa demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice au titre de la procédure abusive engagée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [V] [L] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il convient du reste de confirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamné au versement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner au versement à la société [L] et ses fils, ainsi qu'à M. [W] [L], d'une indemnité complémentaire de 600 euros à chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il y a lieu enfin de débouter M. [V] [L] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit M. [V] [L] en son appel,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [V] [L] à verser à la société [L] et ses fils, ainsi qu'à M. [W] [L] une indemnité complémentaire de 600 euros à chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [V] [L] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00228
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;23.00228 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award