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28/06/2023 | FRANCE | N°20/06037

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 28 juin 2023, 20/06037


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 28 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/06037 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OZ5H



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F 16/01140









APPELANTE :



E.

P.I.C. ACM HABITAT - OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE [Localité 6] MEDITERRANEE METROPOLE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Christophe KALCZYNSKI, substitué par Me Carine NICOD-KALCYNSKI, de l'AARPI DABIENS, KALCZYNSKI,...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 28 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/06037 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OZ5H

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F 16/01140

APPELANTE :

E.P.I.C. ACM HABITAT - OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE [Localité 6] MEDITERRANEE METROPOLE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe KALCZYNSKI, substitué par Me Carine NICOD-KALCYNSKI, de l'AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [Z] [O]

né le 12 Mars 1959 à [Localité 4] ( MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 25 Avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MAI 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, en remplacement du président empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [O] a été embauché par l'Office Public de l'Habitat de [Localité 6] en qualité de téléphoniste, selon contrat à durée indéterminée du 7 mars 1983.

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait un poste d'agent de maîtrise chargé de prévention sociale et de recouvrement des impayés.

Le 15 septembre 2014, le salarié a été victime d'un accident du travail suite à une manifestation de locataires et placé en arrêt de travail à compter du 16 septembre 2014.

Le 28 septembre 2015, M. [O] a été déclaré inapte à la suite d'une seule visite médicale de reprise en raison d'un danger immédiat.

Le 05 novembre 2015, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 21 juillet 2016, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de contester son licenciement et voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 15 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par L'office public d'Aménagement et de construction de [Localité 6] (ACM Habitat)

- dit que le licenciement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné ACM Habitat à payer à M. [O] les sommes suivantes:

- 30 000 de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- 30000€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire

- ordonné le remboursement par ACM Habitat des indemnités chômages.

Par déclaration en date du 28 décembre 2020, ACM Habitat a relevé appel de la décision.

Vu les dernières conclusions de ACM Habitat en date du 01 décembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de M. [O] en date du 01 février 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est en date du 25 avril 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence de la juridiction prud'homale :

Le conseil de prud'homme est compétent pour tous les différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.

Le pôle social du tribunal judiciaire est notamment compétent pour connaître des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En l'espèce, M. [O] a saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter des dommages et intérêts fondés sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité lors de l'exécution du contrat de travail, ainsi que pour contester les motifs de son licenciement, et non pour solliciter la réparation de dommage nés de l'accident du travail.

Il en découle que la juridiction prud'homale est compétente pour connaître de l'entier litige et c'est à juste titre que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence soulevé par l'employeur, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

L'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En l'espèce, M. [O] fait valoir que les salariés, ont fait l'objet pendant de nombreuses années d'incidents très grave tels que des menaces de mort, des tentatives d'homicide à l'origine d'un climat d'insécurité connu de l'employeur qui n'a pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour y remédier, malgré les alertes des institutions représentatives du personnel.

Il verse aux débats divers éléments relatifs à des incidents dans lesquels il n'a pas été personnellement impliqué depuis 1997, hormis une agression verbale en 2001, et plus particulièrement des faits qui lui sont étrangers concernant les années 2012, 2014 et 2015, et sans lien avec l'accident du travail dont il a été victime. Il produit en outre des procès verbaux du comité d'entreprise d'août 2005 à septembre 2015 faisant état de demandes afin de renforcer la sécurité dans les locaux des agences ainsi que de diverses agressions subies par des salariés en 2012 et 2013, outre le malaise ressenti par les employés.

Il produit également des procès verbaux du CHSCT faisant état de la recommandation du médecin du travail tendant à l'aménagement des postes de travail des salariés exposés, et à leur affectation sur des secteurs géographiques compatibles avec leur état de santé, ainsi que d'un procès verbal relatif à la nécessité de déclarer tous les incidents.

Il précise avoir personnellement subi un management autoritaire, ainsi que des menaces, insultes et agressions constantes des locataires, clients des ACM sans réaction de sa hiérarchie. Il ajoute avoir été victime le 15 septembre 2014 d'une agression suite à l'intrusion de locataires dans les locaux, de l'agence à la suite de laquelle il a été pris en charge au titre d'accident du travail.

Il verse aux débats son certificat médical initial d'arrêt de travail mentionnant 'agression sur le lieu du travail', le rapport d'incident qu'il a rédigé suite aux événements du 15 septembre 2014 en ces termes :

'une femme a pénétré au sein de l'agence en menaçant les salariés présents : vous êtes en situation d'occupation , vous ne travaillez pas ce matin appelez votre direction. J'ai ressenti un choc émotionnel avec de la colère'

ainsi que le courrier du 15 septembre signé de salariés présents le jour des faits faisant état d'une intrusion des locataires dans les locaux, de leur ton menaçant et de l'impossibilité de dialoguer avec eux.

L'ACM Habitat fait valoir qu'en sa qualité de bailleur social, sa mission s'inscrit dans un contexte particulier et difficile dans la mesure ou les demandeurs de logements sociaux sont en situation précaire et que les salariés des agences sont confrontés à des insultes et menaces, tant verbales que physiques.

Pour autant, elle soutient avoir mis en oeuvre les moyens nécessaires en matière de prévention des risques professionnels et fait valoir que la dégradation de l'état de santé de M. [O] et son accident du travail ne sont pas imputables à un manquement à son obligation de sécurité.

- Elle fait tout d'abord état d'une prévention des risques gérée en partenariat avec les pouvoirs publics.

En ce sens, elle verse aux débats :

- la convention de partenariat signée le 6 septembre 2013 avec l'URO (union régionale des organismes d'HLM du Languedoc Roussillon) en vue d'assister ACM dans la mise en place d'un régulateur social dont la mission est d'anticiper les situations de crises et les gérer

- des exemples de comptes rendus avec le régulateur social et son tableau bilan

- la convention de partenariat signée le 20 juin 2013 avec l'Etat en sa circonscription de sécurité publique afin d'établir un partenariat en vue de créer un environnement plus sûr dans les parcs sociaux.

- la convention tripartite signée le 24 juillet 2013 avec la mairie de [Localité 5] et le groupement de gendarmerie de l'Hérault.

- Elle mentionne que la prévention des risques est également organisée au sein de l'entreprise :

Elle verse aux débats :

- le document de travail remis aux membres du CHSCT le 10 juin 2014 relatif aux mesures mises en oeuvre en matière de sécurité du personnel de l'ACM et aux mesures de préventions pour lutter contre les agressions laissant apparaître l'existence d'une vraie réflexion et de mesures concrètes mises en oeuvre (mise en place d'un animateur santé sécurité, investissement en formations professionnelles, refonte complète du DUERP, accompagnement des victimes d'accidents du travail et d'agressions ... mise en place d'un régulateur social, réaménagement de l'accueil des agences ...)

- la fiche d'entreprise établie par le médecin du travail relative à l'appréciation des risques, aux conditions de travail ainsi qu'aux actions tendant à la réduction des risque, notamment un plan de prévention, démarche santé sécurité de l'entreprise.

Elle justifie :

- de la communication entre la direction d'ACM et son public , par des mises en garde adressées au public quant aux sanctions pénales encourues en cas d'agressions et menaces

-d'une démarche mise en oeuvre dès 2011 pour prévenir les risque de violences externes, création en 2012 d'un groupe de travail 'agressions'qui par la suite a transféré ses compétences sur le CHSCT

- de formations dédiées à la gestion du stress, des conflits, des agressions, des risques psychosociaux, les troubles du voisinage...

- d'un plan de sécurisation de l'ensemble des agences : SAS de sécurité qui ne peut être ouverts que par le salarié de l'ACM après avoir vu son interlocuteur par interphone, barreaux aux fenêtres portes blindées, bureaux d'accueil destinés à l'accueil du public équipé d'u hygiaphone, caméras de vidéo surveillance.

Il justifie en outre qu'entre 2009 et 2013, des travaux ont été réalisés dans l'agence ou travaillait M. [O] afin d'en renforcer la sécurité (porte d'entrée, portail, menuiserie, vidéo surveillance....)

- L'employeur verse en outre aux débats les attestations de salariés présents lors de l'incident du 15 septembre 2014 à la suite duquel M. [O] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail, qui font état d'une agence qui était sécurisée et d'une manifestation pacifique des locataires à l'intérieur de l'agence. M. [E] précise par ailleurs les avoir repoussé à l'extérieur de l'agence pour discuter. Les témoignages de plusieurs salariés font également état d'un sentiment de sécurité sur leurs lieux de travail, tout en étant conscient que dans le cadre de leurs missions, ils peuvent être confrontés à des incivilités auxquelles ils sont en mesure de faire face.

En tout état de cause, l'employeur ajoute que l'agence 'Hauts de Massane' été fermée en octobre 2014 dans le cadre d'un projet général de rationalisation des implantations des agences pour renforcer les équipes sur un même site et renforcer le sentiment de sécurité.

Il justifie en outre des mesures d'accompagnements des salariés mises en place lorsqu'ils sont confrontés à une agression, de leur orientation vers des professionnels de la santé, médecin du travail, psychologue, avocat, de leur soutien s'ils souhaitent déposer plainte, et de déclarations d'accidents du travail systématiquement effectuées par l'employeur, notamment lors de celui dont a été victime M. [O] le 15 septembre 2014. Concernant l'agression verbale dont M. [O] avait fait part à sa hiérarchie en 2001, il apparaît que l'employeur lui a rapidement répondu quant aux mesures à mettre en place suite à cet incident.

Enfin, l'employeur justifie avoir légitimement sanctionné un salarié pour des faits répréhensibles commis à l'égard d'un locataire qu'il avait mensongèrement dénoncé comme étant le conducteur de son véhicule au titre d'infractions routières, cette procédure ne pouvant s'apparenter à un management autoritaire.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'employeur justifie avoir respecté les règles imposées par le Code du travail en matière d'hygiène et de sécurité par la mise en oeuvre d'une réflexion globale avec les pouvoirs publics, et de mesures concrètes mises en oeuvre au sein de l'entreprise en matière d'actions de prévention des risques professionnel, d' actions d' information et de formation des salariés.

Il justifie en outre de la mise en oeuvre d'une organisation et des moyens adaptés, en respectant les principes généraux de prévention tels, éviter les risques, évaluer ceux qui ne peuvent être évités et prendre en charge les victimes d'agression, tant sur le plan médical, psychologique que juridique.

Il en découle que l'employeur justifie avoir mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et qu'aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre.

En conséquence, la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'elle a accordé des dommages et intérêts à M. [O] fondés sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur la rupture du contrat de travail :

Il résulte des éléments précédemment développés que l'employeur a respecté son obligation de prévention et de sécurité des salariés, dès lors, il n'est pas établi que la dégradation de l'état de santé de M.[O] et son inaptitude sont consécutives à un tel manquement de l'employeur, de sorte que le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [O] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il lui a accordé dommages et intérêts à ce titre et ordonné le remboursement par ACM Habitat des indemnités chômage versées à M. [O].

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner M. [O] à verser à ACM Habita la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par décision contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par L'office public d'Aménagement et de construction de [Localité 6] ;

Statuant a nouveau :

- Rejette la demande de dommages et intérêts fondée sur l'irrespect de l'obligation de sécurité de l'employeur ;

- Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et rejette toutes les demandes fondées sur les conséquences de la rupture du contrat de travail ;

- Condamne M. [Z] [O] à verser à L'office public d'Aménagement et de construction de [Localité 6] la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [Z] [O] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président, empêché

R. BOUGON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/06037
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;20.06037 ?
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