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27/06/2023 | FRANCE | N°21/01886

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 27 juin 2023, 21/01886


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 27 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01886 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5SR





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 DECEMBRE 2020

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BEZIERS

N° RG 20/00070





APPELANT :



Monsieur [N] [J] [H]

né le [Date naissan

ce 1] 1974 à [Localité 5] (Inde)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Bernard BERAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002309 du 10/03/2021 ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 27 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01886 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5SR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 DECEMBRE 2020

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BEZIERS

N° RG 20/00070

APPELANT :

Monsieur [N] [J] [H]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5] (Inde)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Bernard BERAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002309 du 10/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame [V] [E]

née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Elisabeth MORET-LEFEBVRE de la SELARL MGS JURISCONSULTE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

assistée de Me Jérémie OUSTRIC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 02 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 MAI 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président de chambre, en remplacement du Président empêché

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Madame Christel BORIES, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 14 février 2023, en remplacement du magistrat empêché

Greffier lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre en remplacement du Président de Chambre empêché et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 novembre 2017, [V] [E] a donné à bail à [N] [J] [H] des locaux meublés à usage d'habitation, situés à [Localité 3], pour un loyer mensuel de 280 euros, outre 30 euros de charges mensuelles.

Le 25 juillet 2018, suite à des impayés, la bailleresse a fait signifier au locataire un congé pour défaut de paiement des loyers et charges.

Le 14 décembre 2018, les deux parties ont trouvé un accord et ont régularisé un avenant au contrat de bail initial aux fins de modification du loyer, pour 260 euros par mois et 20 euros de charges mensuelles, à compter du 1er décembre 2018.

Le 28 mai 2019, la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a effectué un pré diagnostic de l'état du logement en relevant une surface habitable inférieure à 7m² et une absence de ventilation.

Le 25 juillet 2019, les loyers demeurant impayés, [V] [E] a fait délivrer un commandement de payer les loyers et de justifier de l'assurance.

Parallèlement, le 23 juillet 2019, [V] [E] a été mise en demeure selon arrêté préfectoral, d'avoir à mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux, impropres par nature à l'habitation, car la hauteur sous-plafond serait insuffisante.

Le 1er décembre 2019, [N] [J] [H] a pu obtenir, avec l'aide d'une assistante sociale, un nouveau logement.

Le 29 avril 2020, la bailleresse a assigné [N] [J] [H] aux fins de voir constater la nouvelle adresse de celui-ci, prononcer la résiliation du bail, ordonner son expulsion et l'enlèvement des meubles lui appartenant sous astreinte et le condamner à lui payer 1 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

[N] [J] [H] a opposé le caractère inhabitable des lieux loués et le manquement de [V] [E] à son obligation de relogement. Il a sollicité la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et la condamnation de la bailleresse à lui payer 1 270,44 euros correspondant à trois mois de loyer pour le préjudice de relogement, 280 euros au titre du dépôt de garantie, 989,28 euros pour le préjudice matériel, 5 880 euros pour le préjudice de jouissance suite à l'indécence des lieux et leur caractère inhabitable et 5 000 euros pour le préjudice moral et débouter [V] [E] de toutes ses demandes.

Le jugement rendu le 24 décembre 2020 par le tribunal judiciaire des contentieux de la protection de Béziers énonce dans son dispositif :

Prononce la résiliation du bail conclu le 13 novembre 2017 entre [V] [E] et [N] [J] [H] à la date du 1er décembre 2019, date de son emménagement dans son nouveau logement ;

Ordonne l'expulsion, sans astreinte, de [N] [J] [H] et celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

Condamne [N] [J] [H] à restituer les clés de l'appartement à [V] [E] et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et ce à compter d'un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision ;

Dit que l'astreinte provisoire court pendant un délai maximum de trois mois, à charge pour [V] [E], à défaut de restitution à l'expiration de ce délai, de solliciter du juge de l'exécution, la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive ;

Déboute [V] [E] de sa demande d'enlèvement des meubles ;

Déboute [N] [J] [H] de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne [N] [J] [H] à payer à [V] [E] une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne [N] [J] [H] aux dépens.

Le jugement expose que la demande de résiliation du bail est recevable, toutes les formalités ayant été respectées. Il retient que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré par la bailleresse le 25 juillet 2019 et non le 11 février 2019, comme le prétend [V] [E], soit après qu'elle a été notifiée de l'arrêté préfectoral. Elle ne peut donc solliciter la résiliation du bail qu'après avoir tenté de reloger le locataire. Le jugement constate que [V] [E] a multiplié les démarches pour tenter de trouver un nouveau logement à son locataire et lui a proposé plusieurs appartements, sans succès, face à l'attitude menaçante, grossière et outrageante de son celui-ci, qui a préféré se reloger seul. Aucune résiliation du bail ne peut être prononcée au motif de l'impropriété du local de [V] [E] à l'habitation, outre le fait que l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, sur lequel se fonde le locataire, ne prévoit pas une telle sanction. En tout état de cause, [N] [J] [H] ayant quitté les lieux, le bail est résilié à la date de son départ. L'expulsion de celui-ci sera ordonnée puisqu'il a conservé les clés.

Le jugement expose qu'aucune somme ne peut être retenue à l'encontre de [V] [E], qui a satisfait à son obligation de relogement en proposant plusieurs logements.

En ce qui concerne la restitution du dépôt de garantie, le jugement constate que [N] [J] [H] a refusé de rencontrer [V] [E] pour faire établir un état des lieux de sortie. Au motif que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, il a été débouté de ses demandes à ce titre.

Le jugement relève que le locataire ne démontre pas que le logement devait être assuré par le propriétaire en raison de son état d'insalubrité, qu'il ne dispose pas de boite aux lettres, ni qu'il aurait subi des vols de courriers. La bailleresse n'a donc pas à supporter le coût du service de réexpédition du courrier.

Rien ne démontre l'existence d'un préjudice de jouissance pour [N] [J] [H] qui a signé le bail en connaissance de cause et connaissait la configuration des lieux, outre le fait que le certificat médical du médecin traitant n'établit aucune dégradation de son état de santé en raison du logement.

[N] [J] [H] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 22 mars 2021

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 2 mai 2023.

Les dernières écritures pour [N] [J] [H] ont été déposées le 21 juin 2021.

Les dernières écritures pour [V] [E] ont été déposées le 20 septembre 2021.

Le dispositif des écritures pour [N] [J] [H] énonce :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamner [V] [E] à payer à [N] [J] [H] la somme de 1 270,44 euros correspondant à trois mois de loyer pour le préjudice de relogement ;

Condamner [V] [E] à rembourser à [N] [J] [H] le dépôt de garantie d'un montant de 280 euros, la somme de 989,28 euros pour le préjudice matériel, 5 880 euros au titre du préjudice de jouissance et 5 000 euros pour le préjudice moral ;

Débouter [V] [E] de ses demandes, notamment sa demande sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner [V] [E] aux entiers dépens.

[N] [J] [H] conteste avoir fait obstacle à la remise des clés. Il fait valoir que lorsqu'il a demandé à son auxiliaire de vie d'effectuer des heures de ménage dans l'appartement litigieux avant de le rendre, celle-ci a constaté que les serrures avaient été changées. En tout état de cause, le logement étant impropre par nature du fait de l'arrêté pris à son encontre, la bailleresse ne peut solliciter la résiliation du bail.

[N] [J] [H] ne s'oppose pas à ce que soit prononcée la résiliation du bail, le logement étant inhabitable par nature selon lui. Il soutient qu'il refuse de remettre les anciennes clés tant que la résiliation sur ce fondement n'a pas été constatée, ce qui lui permet d'avoir le droit à des indemnisations. Il fait valoir l'arrêté préfectoral du 23 juillet 2019, qui retient une superficie de moins de 7 m², en l'espèce 4 m², l'absence de fenêtre dans la pièce principale et une absence totale de ventilation. [N] [J] [H] soutient que malgré l'indécence du logement et son caractère inhabitable, la bailleresse lui a donné en location et ce, alors même qu'il est reconnu adulte handicapé. Il précise qu'il a eu de grandes difficultés à trouver un autre logement puisque [V] [E] a refusé de lui délivrer les dernières quittances de loyer alors même qu'en décembre 2018, il avait réglé la totalité des loyers.

[N] [J] [H] sollicite des dommages et intérêts pour logement inhabitable par nature. Il fait valoir qu'il s'agit de combles, qui ne sont pas habitables, comme le précise l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, puisqu'elles portent atteinte à la santé des individus. [N] [J] [H] fait valoir que selon l'article L. 521-3-1 du code de la construction et de l'habitation, la bailleresse lui doit le remboursement de trois mois de loyer au titre des frais engagés pour le relogement. Son loyer actuel est de 423,48 euros. Il sollicite également le remboursement de son dépôt de garantie de 280 euros. [N] [J] [H] estime qu'il a subi un préjudice matériel du fait du local, notamment du fait qu'il a dû payer une assurance habitation, qui devrait être payée par le propriétaire puisque le local est impropre à l'habitation, et un service postal en raison de l'absence de boite aux lettres. Il ajoute qu'il a subi un préjudice de jouissance du fait de l'indécence et de l'insalubrité des lieux, dont l'indemnisation ne peut être inférieure au remboursement des loyers payés. [N] [J] [H] fait également valoir son préjudice moral à vivre dans ces combles alors même qu'il est handicapé, ce qui a eu des conséquences néfastes sur sa maladie et ses troubles du comportement, comme son auxiliaire de vie l'atteste.

En ce qui concerne les dépens, [N] [J] [H] rappelle qu'il refuse de rendre les anciennes clés parce que la bailleresse n'avait pas respecté son engagement de relogement, les quittances de loyer n'ayant pas été communiquées, outre le fait que celle-ci a fait changer les clés du logement. Il fait valoir qu'il a sollicité par plusieurs courriers et avec l'aide d'une assistante sociale, puis d'un conciliateur de justice, qu'une solution amiable soit trouvée, sans que la bailleresse n'ait jamais répondu. La seule proposition faite par la bailleresse était un non recouvrement des loyers impayés en contrepartie d'un engagement du locataire de ne pas solliciter des indemnités, alors même que [N] [J] [H] ne devait aucun loyer en raison du caractère inhabitable du logement. [N] [J] [H] souligne qu'il est en situation de surendettement. Il précise qu'aucun dépôt de garantie n'aurait dû être versé puisque le logement est impropre par nature et sa location illégale. Il avait en outre fait faire effectuer des heures de ménage, avant le changement des serrures. [N] [J] [H] fait valoir le certificat médical de son médecin en date du 10 septembre 2019, qui établit qu'un changement de logement rapide serait souhaitable.

Le dispositif des écritures pour [V] [E] énonce :

Déclarer recevables et bien fondées les conclusions d'appel de [V] [E] ;

Débouter [N] [J] [H] de l'intégralité de ses demandes de réformation de jugement ;

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamner en sus [N] [J] [H] à payer à [V] [E] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner [N] [J] [H] au paiement des entiers dépens ;

Dire que ces frais d'appel pourront être recouvrés directement par [C] [X] [P].

[V] [E] soutient que c'est [N] [J] [H] qui a manqué à son obligation légale et contractuelle de paiement des loyers et charges et d'assurer les lieux. Elle affirme qu'elle n'a plus sollicité le moindre loyer à compter de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 2019. Elle conteste avoir procédé au changement de serrures et fait valoir qu'elle n'aurait pas engagé une procédure en résiliation de bail et expulsion si [N] [J] [H] avait déménagé.

[V] [E] s'oppose à la demande de [N] [J] [H] en résiliation au motif de l'impropriété du local. Elle souligne qu'elle n'est pas professionnelle de l'immobilier et qu'elle a acquis ce bien dans un objectif de rapport locatif. Elle était donc de bonne foi et ce d'autant plus qu'elle disposait d'une attestation de superficie loi Carrez annexée à l'acte de vente, faisant état de 14,14 m² habitables et que l'appartement est équipé de velux, permettant l'aération. Elle soutient qu'elle a appris le caractère impropre à l'habitation du logement par l'arrêté préfectoral et qu'elle n'a plus, depuis, sollicité de loyer à son locataire. [V] [E] affirme qu'elle a communiqué les quittances de l'année 2018 et qu'elle n'a pas pu délivrer celles de 2019 dans la mesure où le locataire ne s'est pas acquitté des loyers de janvier à juin 2019 et qu'elle n'a pas réclamé de loyer suite à l'arrêté. Elle précise que le commandement de payer du 11 février 2019 est antérieur à l'arrêté préfectoral. La bailleresse affirme qu'elle n'a pas cherché à abuser de la situation de travailleur handicapé de [N] [J] [H]. Elle conteste le diagnostic CAF produit aux débats en faisant valoir qu'il n'est pas contradictoire. Selon elle, le formulaire versé aux débats est librement téléchargeable et ne porte ni signature ni tampon d'un agent de la CAF. Son contenu est en contradiction avec l'état des lieux d'entrée.

[V] [E] affirme que suite à l'arrêté préfectoral, elle a reçu de nombreux courriels de la part de [N] [J] [H], insultants, dénigrants, menaçants dont certains à caractère sexuel. Elle soutient qu'elle vit désormais dans un état de stress permanent et ce d'autant plus que son locataire connaît son adresse. Elle précise qu'elle a entrepris toutes les démarches pour le reloger.

[V] [E] conteste les demandes indemnitaires de [N] [J] [H]. Selon elle, les préjudices invoqués par lui ne sont pas démontrés. Il ne produit notamment aucune facture. Elle soutient que le choix de [N] [J] [H] de solliciter un service de suivi de courrier relève d'un choix personnel de sa part puisque le logement disposait d'une boite aux lettre en bon état. Elle rappelle que le locataire n'a versé aucun loyer en 2019 et que [N] [J] [H] a été condamné par le tribunal correctionnel de Béziers à trois mois de prison avec sursis et 400 euros d'amende suite à la plainte pour insultes et menaces déposée par elle. Elle précise qu'elle restituera le dépôt de garantie en fonction de la conformité de l'état des lieux d'entrée à celui de sortie. [V] [E] conteste également le montant de 1 270,44 euros demandée par [N] [J] [H] au titre de trois mois de loyer pour le préjudice de relogement alors que son nouveau loyer s'élève à 362,96 euros et ce, sans déduire les APL. En outre, [N] [J] [H] confirme avoir déménagé le 1er décembre 2019 et a portant réclamé dès le 14 août 2019, une indemnisation de 3 mois de loyer de son nouveau logement, non encore trouvé. La bailleresse ajoute qu'il a pu trouver un logement social par l'intermédiaire de son assistante sociale de sorte qu'il ne s'est pas relogé seul et n'a pas eu de frais à sa charge.

En ce qui concerne les frais irrépétibles, [V] [E] fait valoir que la démarche de [N] [J] [H] est difficile à comprendre dans la mesure où il a restitué les clés avant d'interjeter appel et qu'il a même demandé à payer les sommes auxquelles il a été condamné.

MOTIFS

Il est constant que [N] [J] [H] a quitté le logement en litige le 1er décembre 2019. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la question de la résiliation du bail et de son expulsion, à l'exception des prétentions indemnitaires qui pourraient être tirées d'un préjudice né d'une résiliation abusive ou de l'impropriété du logement à sa destination, laquelle ressort, de façon non contestée, de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 2019.

1. Sur la demande de dommages-intérêts de [N] [J] [H] en réparation de son préjudice consécutif au manquement de [V] [E] à son obligation de relogement

[N] [J] [H] fonde sa prétention indemnitaire sur les dispositions des articles L. 521-3-1 et L. 521-3-1 code de la construction et de l'habitation qui prévoient, dans leur version applicable au cas d'espèce, que lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction définitive d'habiter, le propriétaire est tenu d'assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Le propriétaire est tenu de verser à l'occupant évincé une indemnité d'un montant égal à trois mois de son nouveau loyer, destinée à couvrir ses frais de réinstallation.

En l'espèce, si comme l'a relevé le premier juge, [V] [E] justifie par son courrier du 28 août 2019 d'une offre d'un logement à [N] [J] [H], il reste qu'elle doit au surplus lui verser une indemnité d'un montant égal à trois mois de son nouveau loyer, ceci afin de couvrir ses frais de réinstallation, condition non remplie au cas présent, de sorte qu'il sera fait droit à la demande de l'appelant.

Celui-ci justifie d'un loyer actuel de 362,96 euros, outre 30,06 euros de provisions sur charges. Il ne sera pas retenu le loyer du parking dès lors que le bail en litige n'en comprenait pas. De même, il ne sera pas retenu le montant de l'allocation logement dont [N] [J] [H] pourrait bénéficier, comme le soutient [V] [E], dès lors qu'elle n'en justifie pas et que les dispositions sus-visées ne prévoient pas une telle déduction.

En conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef et [V] [E] sera condamnée à payer à [N] [J] [H] la somme de (362,96 euros + 30,06 euros) x 3 = 1 179,06 euros afin de couvrir ses frais de réinstallation.

2. Sur la demande de restitution du dépôt de garantie

[V] [E] indique qu'il sera restitué en fonction de la conformité de l'état des lieux d'entrée et de sortie.

Or, ce seul argument, en l'absence de toute justification d'un arriéré locatif ou de dégradations locatives, est insuffisant et ne permet pas à [V] [E] de retenir le dépôt de garantie.

En conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef et [V] [E] sera condamnée à restituer à [N] [J] [H] la somme de 280 euros correspondant au dépôt de garantie.

3. Sur la demande d'indemnisation du préjudice matériel

La cour constate qu'il n'est pas apporté de critique utile aux motifs du premier juge, qui a justement retenu que, d'une part, l'assurance habitation était une obligation essentielle du locataire et que [N] [J] [H] ne démontrait pas que le logement devait être assuré par le propriétaire en raison de son inhabilité, d'autre part, qu'il ne démontrait pas que le logement ne disposait pas de boite aux lettres, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires fondées sur l'existence d'un préjudice matériel.

4. Sur le préjudice de jouissance

Il résulte des dispositions de l'article 1719 du code civil et de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent et ne laissant pas apparaître de risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Par ailleurs, l'article 4 du décret du 30 janvier 2002 précise qu'un logement décent doit disposer au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à neuf mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à vingt mètres cubes.

En l'espèce, il ressort de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 2019 que le logement de [V] [E] est constitué d'une seule pièce mansardée, d'une superficie de moins de 7 m², en l'espèce 4 m², qu'il n'a pas de fenêtre mais un simple Velux et qu'il est dépourvu de ventilation. Il en résulte que ce logement est par nature impropre à l'habitation et que sa mise à disposition aux fins d'habitation est prohibée.

Il s'ensuit que [V] [E] a manqué à l'obligation de délivrance que lui imposaient les textes mentionnés ci-avant et que ce manquement a causé à [N] [J] [H] un trouble de jouissance dont il est bien fondé à demander réparation.

A ce titre, la cour retient que [N] [J] [H] a toutefois accepté de prendre ce logement à bail en toute connaissance de cause, notamment quant à sa faible surface et son manque de confort, et qu'il a attendu de recevoir un congé pour défaut de paiement des loyers et charges pour saisir la caisse d'allocations familiales de l'insalubrité du logement.

Par ailleurs, il n'explique pas pour quelles raisons il n'a pas donné suite aux offres de relogement qui lui avaient été notifiées par la bailleresse, suivant lettre du 28 août 2019.

Au vu de ces éléments et du montant du loyer mensuel, ramené à 260 euros, outre 20 euros de charges, et compte tenu du fait que [N] [J] [H] a refusé de restituer les clés du logement alors qu'il disposait d'un logement social, l'indemnité pour préjudice de jouissance sera calculé sur la base de la moitié du loyer outre les charges, sur la période du 13 novembre 2017 au 23 juillet 2019, soit (260 + 20) / 2 = 140 euros x 20 mois = 2 800 euros, que [V] [E] sera condamnée à lui payer en réparation.

5. Sur le préjudice moral

En l'état de l'argumentation soutenue par [N] [J] [H] et des pièces versées au débat, celui-ci échoue à démontrer un préjudice moral au-delà du trouble de jouissance qui a été indemnisé, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires à ce titre.

6. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

[V] [E] sera condamnée aux dépens de l'appel.

La cour relève que [N] [J] [H] ne forme aucune prétention sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 24 décembre 2020 par le tribunal judiciaire des contentieux de la protection de Béziers, sauf en ce qu'il a débouté [N] [J] [H] de ses prétentions indemnitaires en réparation de son préjudice consécutif au manquement de [V] [E] à son obligation de relogement et de son préjudice de jouissance, et de sa prétention visant à ce que lui soit restitué le dépôt de garantie ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE [V] [E] à payer à [N] [J] [H] la somme de 1 179,06 euros afin de couvrir ses frais de réinstallation ;

CONDAMNE [V] [E] à payer à [N] [J] [H] la somme de 2 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE [V] [E] à payer à [N] [J] [H] la somme de 280 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE [V] [E] aux dépens de l'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01886
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.01886 ?
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