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22/06/2023 | FRANCE | N°19/07575

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre de la famille, 22 juin 2023, 19/07575


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre de la famille



ARRET DU 22 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/07575 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OM7Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JUIN 2019 DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 18/01128



APPELANTE :



Madame [X] [Y] veuve [W]

née l

e 28 Février 1946 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 30]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me VILANOVA avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEES :



Madame [P]...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre de la famille

ARRET DU 22 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/07575 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OM7Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JUIN 2019 DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 18/01128

APPELANTE :

Madame [X] [Y] veuve [W]

née le 28 Février 1946 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 30]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me VILANOVA avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Madame [P] [W] épouse [C]

née le 12 Mai 1952 à [Localité 29]

de nationalité Française

[Adresse 25]

[Localité 18]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [F] [W] épouse [H]

née le 17 Novembre 1962 à [Localité 29]

de nationalité Française

[Adresse 33]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [O] [W] épouse [V]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me EVEZARD loco Me Cédric GALANDRIN avocat au barreau D'AVEYRON

Ordonnance de clôture du 20 Avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 MAI 2023, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre

Mme K. ANCELY, Conseillère

Mme M. LE DONCHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme D. IVARA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre, et par Mme D. IVARA, Greffier.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [T] veuve [W] est décédée le 21 février 2010 à [Localité 32], laissant pour lui succéder en qualité d'héritiers réservataires ses quatre enfants issus de son union célébrée le 17 octobre 1942 à [Localité 3] avec M. [N] [W] pré-décédé le 30 juin 1968':

- Mme [X] [W] veuve [Y]

- Mme [O] [W] épouse [V]

- Mme [P] [W] épouse [C]

- Mme [F] [W] épouse [H], née le 17 novembre 1962.

La succession de Mme [L] [T] veuve [W] est notamment composée des biens immobiliers suivants :

- une maison d'habitation avec dépendance et jardin sise commune de [Localité 3] cadastrée section AB n° [Cadastre 19] et [Cadastre 20],

- une construction sise commune de [Localité 3] section AB n° [Cadastre 23],

- un pâturage d'estive composé de parcelles de fonds en nature, prés, terres, sols et d'un bien immobilier constitué de terres et bâtiments sis commune de [Localité 32] avec extension sur la commune de [Localité 3] cadastrés section A n° [Cadastre 2],[Cadastre 5],[Cadastre 6] à [Cadastre 7],[Cadastre 8] à [Cadastre 9],[Cadastre 10], [Cadastre 11],[Cadastre 12],[Cadastre 13],[Cadastre 14], [Cadastre 15] à [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 22], [Cadastre 24], [Cadastre 26], [Cadastre 27] et [Cadastre 28].

- un pré lieu dit «'La Gamasse'» sis sur la commune de [Localité 3] cadastré section F n° [Cadastre 21].

Mme [L] [T] veuve [W] avait rédigé un testament le 17 décembre 2003 déposé au rang des minutes de Maître [Z] le 27 mars 2010, notaire à [Localité 34].

Le 14 août 2014, Maître [Z] a dressé un procès-verbal de difficultés.

Par actes des 24 septembre et 1er octobre 2014, Mme [P] [W] épouse [C] et Mme [F] [W] épouse [H] ont fait assigner Mme [X] [W] veuve [Y] et Mme [O] [W] épouse [V] devant le tribunal de grande instance de Rodez aux fins de voir ordonner le partage de la succession de Mme [L] [T] veuve [W], qu'il soit dit et jugé que Mme [P] [C] est titulaire d'une créance de salaire différé pour un montant de 67 000 euros sauf à parfaire, et que préalablement à ces opérations soit ordonnée une mesure d'expertise aux fins d'évaluation des immeubles et de recherche de solution de partage en nature.

Par jugement du 8 avril 2016, le tribunal de grande instance de Rodez a ordonné la liquidation de la succession de Mme [L] [T] veuve [W], a nommé Maître [I] [Z], notaire, afin de procéder à cette opération et a ordonné avant dire droit une mesure d'expertise. Mme [G] [A] a été désignée pour procéder à l'expertise ordonnée.

L'expert a remis son rapport le 14 juin 2017.

Par décision du 21 juin 2019, le tribunal de grande instance de Rodez a :

- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [L] [T] veuve [W] décédée le 21 février 2010 à [Localité 32],

- désigné Maître [S] [R], notaire à [Localité 34]) pour procéder aux dites opérations,

- commis pour suivre les opérations de liquidation et partage le magistrat désigné à cet effet par le Président du tribunal,

- dit qu'en cas de refus ou d'empêchement du notaire ou du juge désignés, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

Et pour parvenir au partage :

- fixé la valeur des biens immobiliers entrant dans l'actif de la succession comme suit:

- la maison d'habitation avec dépendance et jardin sise commune de [Localité 3] cadastrées section AB n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] à la somme de 57 000 €,

- la construction sise commune [Localité 3] section AB n°[Cadastre 23] à la somme de 34 000 €,

- le pré lieu dit «'La Garnasse'» sis sur la commune de [Localité 3] cadastré section F n° [Cadastre 21] à la somme de 2 000 €,

- sur la commune de [Localité 32] cadastrés section A [Cadastre 2], [Cadastre 5], [Cadastre 6] à [Cadastre 7], [Cadastre 8] à[Cadastre 9], [Cadastre 22], [Cadastre 24] et [Cadastre 28] :

* le bâti à la somme de 38 000 €,

* les terres agricole à la somme de 55 000 €,

* l'ensemble de parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] à [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 26] et [Cadastre 27] sis [Localité 31] à la somme de 266 000 €

- fixé la valeur des meubles meublants entrant dans l'actif de la succession à la somme de 5 390 euros,

- fixé la valeur des actifs bancaires entrant dans l'actif de la succession à la somme de 29 657,48 € sur le compte du Crédit agricole et 13 159,28 € sur le compte de la Banque Postale,

- dit que la succession est créancière à l'égard de Mme [X] [W] veuve [Y] des fermages légués pour la somme de 129 985 €,

- dit que Mme [P] [W] épouse [C] est bénéficiaire d'une créance de salaire différé au titre de la succession de sa mère, Mme [L] [T] veuve [W] pour la période du 12 mai 1970, jour de ses dix-huit ans, jusqu'au 31 décembre 1974, soit pour une durée de 4,63 ans.

- dit que Mme [X] [W] veuve [Y] est bénéficiaire d'une créance de salaire différé au titre de la succession de sa mère, Mme [L] [T] veuve [W], pour la période du 28 février 1964 au 31 décembre 1977, limitée à une durée de 10 ans,

- déclaré recevable la demande à titre de reconnaissance de dette formée par Mme [P] [W] épouse [C],

- dit que la somme de 6 860 euros due à Mme [P] [W] épouse [C] par Mme [L] [T] au titre de la reconnaissance de dette du 1er juin 1975 devra être inscrite au passif de la succession de cette dernière,

- dit que le partage sera effectué en fonction des dernières volontés de Mme [L] [T] veuve [W],

- attribué de manière préférentielle la propriété agricole dénommée « La Montagne de Lavaysse'», sise commune de [Localité 3] à Mme [X] [W] veuve [Y] à charge pour elle de régler une soulte à la succession s'il y a lieu,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront traités en frais privilégiés de partage,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration au greffe du 21 novembre 2019, Mme [X] [Y] épouse [W] a interjeté appel limité de la décision en ce qu'elle a dit que la succession est créancière à l'égard de Mme [X] [W] veuve [Y] des fermages légués pour la somme de 129 985 euros, dit que la somme de 6 860 euros due à Mme [P] [W] épouse [C] par Mme [L] [T] au titre de la reconnaissance de dette du 1er juin 1975 devra être inscrite au passif de la succession de cette dernière.

L'appelante, dans ses dernières conclusions du 9 juillet 2020, demande à la cour de':

- déclarer recevable et bien fondée Mme [X] [W] veuve [Y] en son appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance le 21 juin 2019

En conséquence,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a':

* fixé la valeur des biens immobiliers selon les valeurs prévues audit jugement,

* dit que la succession était créancière à l'égard de Mme [L] [W] veuve [Y] des fermages légués pour une somme de 129 985 €

* dit que la somme de 6 860 € due à Mme [P] [W] épouse [C] par Mme [L] [T] au titre de la reconnaissance de dette du 1er juin 1975 devrait être inscrite au passif de la succession de cette dernière

En conséquence, réformer ledit jugement, et :

- fixer la valeur des maisons données à Mme [P] [C] par testament du 17 décembre 2003 aux sommes de 55 000 € et 34 000 €, soit 89 000 €,

- fixer la valeur de la grange buron à la somme de 38 000 €,

- fixer la valeur de la Montage de la Vaysse à la somme de 200 000 € et à titre subsidiaire, de 319000 €,

- fixer la valeur des autres terres agricoles à la somme de 55 000€,

- débouter Mme [P] [W] épouse [C], en sa demande visant à voir inscrite au passif de la succession de Mme [L] [T] veuve [W], la somme de 6 860 € au titre de la reconnaissance de dette du 1er juin 1975,

- débouter les consorts [W], en leur demande visant à voir dire que la succession de Mme [L] [T] veuve [W] est créancière à l'égard de Mme [X] [W] veuve [Y] des fermages réglés pour la somme de 129.985 €,

- condamner les défenderesses à payer à la concluante la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- statuer ce que de droit quant aux entiers dépens.

Les intimées Mme [P] [W] épouse [C] et Mme [F] [W] épouse [H] dans leurs dernières conclusions du 3 avril 2023, demandent à la cour de':

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

- débouter Mme [X] [W] de ses demandes fins et conclusions

- s'entendre ordonner l'homologation pure et simple du rapport déposé par Mme [A]

- fixer comme suit l'actif successoral':

- immeubles': 505000 euros,

- mobilier meublant': 5390 euros,

- actifs bancaires': crédit agricole': 29657,48 euros et banque postale 13159,28 euros,

- fermages dus par Mme [Y] 129985 euros.

- fixer comme sur le passif successoral':

- créance de Mme [Y]': 128571 euros,

- créance de Mme [C] 62661 euros,

- prêt de Mme et M. [C] 6890,21 euros.

En conséquence,

- renvoyer les parties devant le notaire liquidateur M. [S] [R], notaire à [Localité 34].

L'intimée Mme [O] [W] épouse [V] dans ses dernières conclusions du 14 décembre 2020, demande à la cour de':

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel principal,

- dire et juger que Mme [X] [W] veuve [Y] n'a pas relevé appel des chefs de jugement ayant fixé la valeur des biens entrant dans l'actif de la succession,

En conséquence,

- déclarer irrecevables ses demandes devant la cour tendant à une valorisation de certains biens différents de celle opérée par le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rodez le 21 juin 2019

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré recevable la demande à titre de reconnaissance de dette formée par Mme [P] [W] épouse [C]

* dit que la somme de 6 860 euros due à Mme [P] [W] épouse [C] par Mme [L] [T] au titre de la reconnaissance de dette du 1er juin 1975 devra être inscrite au passif de la succession de cette dernière

Statuant à nouveau,

- dire et juger prescrite la demande de Mme [P] [W] au titre de la reconnaissance de dette établie par Mme [L] [T] le 1er juin 1975 et la débouter de toute demande à ce titre,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rodez le 21 juin 2019 en toutes ses autres dispositions.

- débouter Mme [X] [W] de ses demandes, fins et prétentions.

- condamner Mesdames [X] et [P] [W] ou tout succombant à payer à Mme [O] [W] épouse [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 de code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 avril 2023.

SUR CE LA COUR

Sur l'irrecevabilité des demandes portant sur la valeur des biens entrant dans l'actif de la succession

Depuis le 1er septembre 2017, l'étendue de l'appel est déterminée par la déclaration d'appel et peut être élargie par l'appel incident ou provoqué (articles 562 et 910 4°) alors que l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties (article 910-4 du code de procédure civile). L'objet du litige ne peut s'inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l'appel.

Dans ses conclusions d'appelante, Mme [X] [Y] sollicite de voir fixer la valeur des biens immobiliers entrant dans l'actif de la succession.

Mme [V] soulève l'irrecevabilité de cette demande pour n'être pas mentionnée dans la déclaration d'appel, ce à quoi Mme [W] s'oppose affirmant avoir formé appel de ce chef de jugement.

Or, la déclaration d'appel formé le 21 novembre 2019 par Mme [X] [Y] épouse [W] limitait l'appel de la décision rendue le 21 juin 2019 en ce qu'elle a':

«'- dit que la succession est créancière à l'égard de Mme [X] [W] veuve [Y] des fermages légués pour la somme de 129 985 euros, - dit que la somme de 6 860 euros due à Mme [P] [W] épouse [C] par Mme [L] [T] au titre de la reconnaissance de dette du 1er juin 1975 devra être inscrite au passif de la succession de cette dernière.'»

Dès lors, la demande relative à la valeur des biens immobiliers entrant dans l'actif de la succession ne figurant pas dans la déclaration d'appel du 9 juin 2021, il convient de dire cette demande irrecevable.

Sur la demande d'homologation du rapport d'expert et le renvoi devant le notaire'présentée par Mmes [P] [W] épouse [C] et Mme [F] [W] épouse [H]

Mmes [P] [W] épouse [C] et Mme [F] [W] épouse [H] demandent l'homologation pure et simple du rapport déposé par Mme [A] et le renvoi devant le notaire.

Or, l'homologation du rapport ne figurant pas au dispositif de la décision dont appel, cette demande est irrecevable. En effet, l'objet du litige ne peut s'inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l'appel.

En conséquence, cette demande doit être déclarée irrecevable.

En outre, la demande de renvoi devant le notaire n'ayant pas fait l'objet d'une discussion devant le premier juge, ce renvoi ne peut être que confirmé.

Sur la reconnaissance de dette consentie par Mme [P] [W] épouse [C] à Mme [L] [T] veuve [W]

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi N° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 26 de cette loi précise que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par loi antérieure.

L'article 1900 du même code énonce qu'en matière de prêt, s'il n'a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l'emprunteur un délai suivant les circonstances.

En l'espèce, Mme [X] [W] veuve [Y] soulève, au visa des articles 1900, 1305 et 2224 du code civil, une fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande de reconnaissance présentée par Mme [P] [W] épouse [C]. Elle expose que la reconnaissance de dette, prêt intuitu personae, ne prévoyant pas de terme pour le remboursement, la date d'exigibilité doit correspondre au décès de l'emprunteur, leur mère. Elle relève qu'aucune réclamation ou demande de remboursement n'a été effectuée lors de l'ouverture de la succession et ce jusqu'aux conclusions du 30 décembre 2015, date à laquelle la demande était prescrite.

Mme [O] [W] épouse [V] soulève également la prescription. Elle considère qu'à supposer que cette dette n'ait pas été remboursée par leur mère, la demande de remboursement est prescrite depuis le 1er juin 2005 en application de la prescription trentenaire prévue par les dispositions de l'article 2262 du code civil dans sa version en vigueur avant le 19 juin 2008. Dans la mesure où aucun terme n'avait été convenu entre les parties, le point de départ commence à courir au jour du décès et dès lors la demande est également prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil.

En réponse, Mme [P] [W] épouse [C] et Mme [F] [W] épouse [H] s'appuient sur la motivation du jugement déféré et indiquent qu'en l'absence de tout terme et donc de toute obligation de remboursement à une date déterminée, aucune prescription n'a commencé à courir avant la demande.

La cour constate que la reconnaissance de dette datée du 1er juin 1975 versée aux débats mentionnant la somme de 6 860 euros due par Mme [L] [T], ne fixe aucun terme pour le remboursement de la dette.

Or, lorsqu'un prêt a été consenti sans qu'ait été fixé un terme, le point de départ du délai quinquennal de la prescription de l'action en remboursement se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, laquelle doit être recherchée, en l'absence de terme exprès, suivant la commune intention des parties et les circonstances de l'engagement.

Ainsi, en l'absence de demande de remboursement des sommes dues antérieurement aux conclusions du 30 décembre 2015 prises devant le tribunal de grande instance de Rodez par Mme [C], la demande en paiement fondée sur le prêt à durée indéterminée ne pouvait pas être prescrite à la date de ces conclusions, le délai de prescription n'ayant pas commencé à courir.

C'est donc par une juste appréciation des faits et à bon droit, par des motifs pertinents, que la cour adopte que le premier juge a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.

- Sur la demande en paiement

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à modifier la décision du premier juge qui, faisant une exacte appréciation des éléments qui étaient produits aux débats et par des motifs complets et pertinents que la cour adopte, a déclaré recevable la demande en paiement présentée par Mme [P] [W] épouse [C] au titre de la reconnaissance de dette.

En conséquence, la décision déférée est donc confirmée sur ces points.

Sur le legs de fermage au profit de Mme [X] [Y] Veuve [W] à la succession

Selon l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.

L'article 844 du même code ajoute que les dons faits hors part successorale ne peuvent être retenus ni les legs réclamés par l'héritier venant à partage que jusqu'à concurrence de la quotité disponible : l'excédent est sujet à réduction.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, Mme [X] [Y] Veuve [W] oppose, à la demande de reconnaissance de legs de fermages à son profit, une fin de non recevoir tirée de la prescription libératoire sur le fondement de l'article 2224 du code civil et sur le fond conteste être débitrice de fermages au jour du décès de sa mère. Elle fait valoir que sa mère a rectifié le testament du 17 décembre 2003 en biffant «'ce jour'» et en écrivant «' à mon décès'» et que de la sorte, sa mère reconnaissait implicitement qu'aucun fermage n'était dû lors de l'établissement du testament mais acceptait de faire donation des éventuels fermages qui auraient pu être dus par la concluante, lors du décès. S'agissant du montant des fermages dont elle ne peut démontrer le paiement en raison des années écoulées, elle affirme qu'il est inconnu et indéterminé et revient sur l'évaluation faite par l'expert judiciaire qui a retenu 129 985 euros pour 29 années de bail, soit depuis le 14 mars 1981.

Elle souligne que les capacités financières de leur mère étaient modestes et affirme que les avoirs bancaires à la date du décès

(soit plus de 42 800 euros) correspondent au paiement des fermages dont elle s'est acquitté.

Mme [O] [W] épouse [V] réplique que sa s'ur a été fermière de sa mère de mars 1981 à février 2010, que sa mère reconnaît implicitement la dette de fermage envers elle, et qu'il appartient à l'appelante d'apporter la preuve des paiements effectués. Elle expose que c'est la valeur qui a été intégrée dans le legs effectué par sa mère de sorte que la prescription quinquennale n'est pas applicable, la demande formée par les co-héritiers ne vise pas au paiement des loyers mais au rapport de l'avantage que l'abandon des loyers par la défunte a pu procurer à sa fille.

Mmes [P] [C] et Mme [F] [H] répliquent quant à elles que le legs peut porter sur les cinq dernières années qui ont précédé le décès, ces années pouvant être recouvrées par les héritiers. Elles réfutent l'argument de l'appelante qui se fonde sur les soldes créditeurs des comptes pour justifier de prétendus paiements de fermages dont elle est débitrice.

* Il ressort des débats que Mme [X] [Y] Veuve [W] a exploité diverses terres situées au lieu-dit La Vaysse qui appartenaient à ses parents, en vertu de baux successifs, pour la période du 14 mars 1981 au 1er janvier 2013, date de la cession du bail à sa fille, Mme [B].

Il est également constant que Mme [L] [W] a rédigé un testament le 17 décembre 2003 au sein duquel elle a mentionné':

«'Je lègue à ma fille [X] la totalité des fermages dus à ce jour à mon décès.'»

La prescription quinquennale invoquée par l'appelante n'a donc pas vocation à s'appliquer dans la mesure où la demande formée par les intimées ne tend pas au paiement de loyers de fermage mais à voir fixer la valeur du legs, soit au terme de la décision déférée la somme de 129 985 euros, à l'actif de la succession.

Par ailleurs, contrairement à l'interprétation du testament effectuée par l'appelante, il ne peut être déduit du fait que la mention «'à ce jour'» a été biffée par Mme [T] veuve [W] que cette dernière aurait implicitement admis que sa fille ne lui devait plus de fermage.

De même s'agissant de la preuve des paiements, il ne peut être déduit du montant créditeur des comptes de la défunte, que Mme [Y] aurait payé les fermages.

Ainsi, le premier juge a, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, considéré que conformément au calcul effectué par l'expert, il sera dit que la somme de 129 985 euros devra être pris en compte au titre du legs concédé par le de cujus au profit de l'appelante.

La décision déférée doit donc être confirmée sur ce point également.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel

L'appelante succombant principalement, sera condamnée à payer à Mme [O] [W] épouse [V] la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT irrecevable Mme [X] [Y] veuve [W] en ses demandes portant sur la valeur des biens entrant dans l'actif de la succession';

DIT irrecevable la demande d'homologation du rapport d'expert présentée par Mmes [P] [W] épouse [C]'et Mme [F] [W] épouse [H] ;

CONFIRME la décision prononcée le 21 juin 2019 en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant

CONDAMNE Mme [X] [Y] veuve [W] à payer à Mme [O] [W] épouse [V] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE Mme [X] [Y] veuve [W] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

D. IVARA S. DODIVERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 19/07575
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;19.07575 ?
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