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22/06/2023 | FRANCE | N°19/00815

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 22 juin 2023, 19/00815


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 22 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00815 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OAED



Jonction des n° RG 19/00815 et 19/00816 sous le n° RG 19/00815



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 JANVIER 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPI

GNAN

N° RG 17/01198





APPELANTS :



Madame [E] [P] épouse [M]

née le 18 Novembre 1973 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avoc...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 22 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00815 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OAED

Jonction des n° RG 19/00815 et 19/00816 sous le n° RG 19/00815

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 JANVIER 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/01198

APPELANTS :

Madame [E] [P] épouse [M]

née le 18 Novembre 1973 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Monsieur [B] [M]

né le 09 Janvier 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Laure MARLE-PLANTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTERVENANT:

Société QBE EUROPE SA/NV

Coeur Défense Tour A

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Laure MARLE-PLANTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 28 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Fabrice DURAND, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [M] et Mme [E] [P] épouse [M] sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 6]

Cette maison située dans un lieu isolé n'est pas reliée au réseau électrique public ERDF. Elle est alimentée en électricité par un groupe électrogène de 6 KW assorti d'un pack de douze batteries.

Aux termes de trois devis établis et acceptés les 30 juin, 1er juillet et 9 septembre 2014, M. et Mme [M] ont confié à la SARL Actéco Energies Nouvelles l'installation de 10 panneaux photovoltaïques polycristallins 250 Wc avec onduleur Involar 250, d'un chauffe-eau solaire thermosyphon Megasun modèle ST2000 et d'un boîtier « color contrôle GX Victron » destiné à surveiller leur consommation électrique à distance. Tous ces équipements étaient reliés afin d'optimiser la production électrique et limiter la consommation d'énergie.

Par procès-verbaux signés les 7 août et 22 septembre 2014, M. et Mme [M] ont réceptionné les ouvrages qui lui ont été facturés au prix total de 10 906,48 euros TTC.

Entre le 11 août et le 17 octobre 2014, la SARL Actéco-Energies Nouvelles a dû intervenir à plusieurs reprises suite à des dysfonctionnements constatés sur cette installation de production électrique solaire.

M. et Mme [M] ont fait réaliser une expertise privée le 4 décembre 2014 constatant un dysfonctionnement général des ouvrages installés imputable à l'entreprise et évaluant le coût de reprise à la somme de 24 361,34 euros TTC selon devis de la SARL « Equip Fabrica Electri 66 ».

Le 13 mai 2015, M. et Mme [M] ont déclaré le sinistre à la société QBE Insurance Europe Limited, assureur en responsabilité décennale de la SARL Actéco-Energies Nouvelles.

Par ordonnance du 23 septembre 2015, le juge des référés saisi par M. et Mme [M] sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, a commis M. [U] [Z] aux fins de réaliser une expertise judiciaire des désordres allégués.

La SARL Actéco Energies Nouvelles a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 24 février 2016 du tribunal de commerce de Perpignan.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 31 octobre 2016.

Par acte d'huissier du 29 mars 2017, M. et Mme [M] ont fait assigner la société QBE Insurance Europe Limited en sa qualité d'assureur décennal de la SARL Acteco-Energies Nouvelles devant le tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de se faire indemniser du préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 7 janvier 2019, le tribunal a :

' déclaré irrecevables les conclusions de la société QBE Insurance Europe Limited déposées le jour de la clôture ;

' déclaré le rapport d'expertise [Z] opposable à la société QBE Insurance Europe Limited ;

' débouté M. et Mme [M] de leurs entières demandes à l'encontre de la société QBE Insurance Europe Limited ;

' condamné M. et Mme [M] à payer 1 500 euros à la société QBE Insurance Europe Limited sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par deux déclarations au greffe du 1er février 2019, M. et Mme [M] ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de la société QBE Insurance Europe Limited.

Le conseiller de la mise en état a joint les deux dossiers par ordonnance du 6 février 2019 sous le n° RG 19/00815.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 29 décembre 2022 aux termes desquelles M. et Mme [M] demandent à la cour :

' de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'opposabilité du rapport d'expertise judiciaire à la société QBE Insurance Europe Limited ;

' d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes ;

' de statuer à nouveau et de condamner la société QBE Insurance Europe Limited à leur payer :

- 32 435,16 euros représentant le coût de remise en état de l'installation photovoltaïque ;

- 9 468 euros représentant le coût de remplacement du premier groupe électrogène ;

- 26 149,04 euros en réparation de leur préjudice économique ;

- 30 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;

- 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 6 janvier 2023 de la société intimée QBE Insurance Europe Limited et de la société QBE Europe SA/NV intervenante volontaire sollicitant à titre principal la confirmation du jugement déféré ;

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée au 28 mars 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler » ou « dire et juger » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

 

En particulier, les demandes formées par les parties quant à l'opposabilité du rapport d'expertise ne constituent pas des prétentions autonomes mais des moyens afférents à l'administration de la preuve auxquels il sera répondu lors de l'examen des prétentions indemnitaires des appelants.

La cour prend acte de l'intervention volontaire de la société QBE Europe SA/NV aux côtés de la société QBE Insurance Europe Limited dont la mise hors de cause sera cependant rejetée s'agissant de la personne morale qui a contracté avec l'entreprise mise en cause.

Sur les demandes principales formées par M. et Mme [M] contre la société QBE,

M. et Mme [M] fondent leurs demandes indemnitaires sur les seules dispositions des articles 1792 et suivants du code civil.

L'article 1792 du code civil dispose que « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Le présent litige porte sur des dysfonctionnements affectant la centrale de production d'énergie solaire installée par la SARL Actéco Energies Nouvelles, centrale qui constitue un élément d'équipement de la maison d'habitation.

Pour prétendre engager la responsabilité décennale de la SARL Actéco Energies Nouvelles, M. et Mme [M] doivent apporter la preuve de ce que les dysfonctionnements de cette centrale rendent leur maison d'habitation impropre à sa destination.

En premier lieu, la cour relève que l'expertise judiciaire a été réalisée contradictoirement envers la SARL Actéco Energies Nouvelles. Ce rapport est donc opposable à l'assureur QBE de cette société qui a été en mesure d'en prendre connaissance et de faire toutes observations et critiques sur son contenu durant la mise en état du procès.

La cour partage l'analyse du jugement déféré, dont elle adopte expressément les motifs, qui a constaté les lacunes du rapport d'expertise judiciaire et a retenu que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve qui leur incombe de l'existence de dysfonctionnements précis de l'installation, et encore moins la preuve de ce que de tels dysfonctionnements rendraient l'ouvrage impropre à sa destination.

La cour observe tout particulièrement qu'aucune explication n'est apportée sur l'importance et sur l'origine du dysfonctionnement des batteries qui étaient déjà installées lorsque la SARL Actéco Energies Nouvelles est intervenue pour compléter l'installation.

Aucune preuve n'est apportée de ce que l'éventuelle faiblesse des batteries, au demeurant non mesurée scientifiquement, serait imputable à l'intervention de la SARL Actéco Energies Nouvelles.

Ni le rapport d'expertise ni aucune autre pièce versée aux débats ne précise dans quelle mesure les manquements aux règles de l'art commis par la SARL Actéco Energies Nouvelles, ou encore une erreur de prise en compte des besoins de M. et Mme [M], auraient entraîné des désordres suffisamment importants pour porter atteinte à la destination de l'immeuble, ainsi que l'affirme l'expert sans aucune démonstration à l'appui de son propos.

S'agissant de la puissance électrique de l'installation, l'expert judiciaire produit en outre une évaluation de 10 202 Wh en été et 16 376 Wh (page 13 et 14 de son rapport) alors qu'aucune pièce versée aux débats n'établit que la SARL Actéco Energies Nouvelles s'était engagée à installer un matériel capable de supporter une consommation électrique aussi élevée dans une maison non connectée au réseau électrique public.

En particulier, l'expert judiciaire ne donne aucune explication sur la divergence importante entre son évaluation de la puissance électrique requise et celle bien inférieure de 5 435 Wh établie par la SARL Actéco Energies Nouvelles dans sa « charte de bonne utilisation, site isolé ».

L'expertise judiciaire et les pièces versées aux débats n'établissent pas davantage que la production d'électricité par le groupe électrogène serait perturbée suite aux travaux réalisés.

La cour relève enfin que les propriétaires de cette maison se sont toujours servis du groupe électrogène comme unique source d'énergie électrique pour jouir d'une maison que M. et Mme [M] ont achetée en sachant qu'elle n'était pas reliée au réseau électrique public et qu'elle leur imposerait nécessairement un usage parcimonieux de l'énergie électrique.

Il résulte des précédents développements que M. et Mme [M] n'apportent pas la preuve de l'existence de désordres portant atteinte à la destination de l'ouvrage.

A défaut de preuve de l'existence d'un désordre décennal, les demandes formées par M. et Mme [M] contre la société QBE, assureur de responsabilité décennale de la SARL Actéco Energies Renouvelables, ne peuvent qu'être rejetées.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré sera également confirmé en ses dispositions afférentes aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [M] succombent en appel et seront donc tenus de supporter les entiers dépens d'appel.

L'équité commande en outre de mettre à leur charge une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que M. [B] [M] et Mme [E] [P] épouse [M] doivent supporter les entiers dépens d'appel ;

Condamne M. [B] [M] et Mme [E] [P] épouse [M] à payer 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société QBE Insurance Europe Limited et à la société QBE Europe SA/NV pour les frais supportés en appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00815
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;19.00815 ?
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