Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 22 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/05474 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N344
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 SEPTEMBRE 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 14/04203
APPELANT :
Monsieur [R] [N]
né le 17 novembre 1974 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 13],
[Adresse 13]
[Localité 12]
Représenté par Me Marion SELMO, avocat au barreau de NARBONNE substitué sur l'audience par Me Stéphanie BENITA DUPONCHELLE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES :
Monsieur [P] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 16]
Représenté par Me Philippe GRILLON de la SCP GRILLON PHILIPPE, avocat au barreau de MONTPELLIER
CENTRE HOSPITALIER [10]
[Adresse 6]
[Localité 16]
Représenté par Me Philippe GRILLON de la SCP GRILLON PHILIPPE, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMMUNE de [Localité 14] et pour elle son Maire en exercice
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 14]
Représentée par Me Raymond ESCALE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-
JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué sur l'audience par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT en sa qualité de représentant de l'Etat Français, domicilié ès qualités Direction des Affaires Juridiques
[Adresse 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l'audience par Me Antoine FAUVIAU, avocat au barreau de MONTPELLIER
LA PREFECTURE DES PYRENEES ORIENTALES
[Adresse 1]
[Localité 3]
ordonnance de caducité du 14 mars 2019
Ordonnance de clôture du 21 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Fabrice DURAND, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis le 2 novembre 2018.
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Les services de gendarmerie, alertés le 14 mai 2010 par une dispute familiale, sont intervenus au domicile de monsieur et madame [N] sis [Adresse 5] et ont constaté qu'ils présentaient tous deux des blessures au visage causées par leur fils monsieur [R] [N].
Face à l'attitude et aux propos incohérents tenus par ce dernier, les gendarmes l'ont fait examiner par le docteur [F] qui était de permanence, qui a constaté une 'anxiété et agressivité envers ses parents', retenant que 'son état de santé présente un danger imminent pour la sûreté des personnes et nécessite une hospitalisation d'office au centre hospitalier de [Localité 16] selon l'article L.3213-2 code de la santé publique'.
Au vu de l'avis médical du docteur [F], le maire de la commune de [Localité 14] a ordonné l'hospitalisation d'office provisoire et d'urgence de monsieur [R] [N] selon arrêté du 14 mai 2010.
Le 15 mai 2010, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté portant hospitalisation d'office de monsieur [N] au vu d'un nouveau certificat médical du même jour.
Monsieur [R] [N] a ainsi été hospitalisé au centre hospitalier [10] de [Localité 16] (Pyrénées-Orientales).
Le 27 mai 2010, le docteur [P] [Y], médecin psychiatre au centre hospitalier [10], a préconisé la prolongation de la mesure d'hospitalisation d'office de monsieur [R] [N].
Par arrêté préfectoral du 11 juin 2010, le maintien de la mesure d'hospitalisation d'office a été ordonnée du 14 juin 2010 au 14 septembre 2010 au vu d'un certificat établi le 11 juin 2010 par le docteur [U] [I], médecin psychiatre au centre hospitalier [10], étant précisé que Monsieur [R][N] était en fugue depuis le 28 mai 2010.
Le 30 juillet 2010, le Dr [H], médecin psychiatre au centre hospitalier [10], a établi un certificat médical aux fins de mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office en se fondant sur la continuité des soins prodigués à monsieur [R] [N] à la clinique [8] à [Localité 12] où il était hospitalisé à sa demande depuis le 2 juin 2010 et sur les observations du docteur [J] [K] exerçant dans cette clinique.
Le 17 août 2010, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté portant transfert en hospitalisation d'office de monsieur [R] [N] vers le centre hospitalier [15] à [Localité 12], visant un certificat médical établi le 5 août 2010 par le docteur [Y].
Un arrêté portant admission en hospitalisation d'office après transfert a été pris par le préfet des Bouches-du-Rhône le 18 août 2010.
La mesure d'hospitalisation d'office de monsieur [N] a pris fin le 21 septembre 2010.
Par acte d'huissier du 29 septembre 2014, monsieur [R] [N] a engagé une action en recherche de responsabilité et réparation de ses préjudices devant le tribunal de grande instance de Perpignan à l'encontre de la commune de [Localité 14] prise en la personne de son maire en exercice, ainsi qu'à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat et de la préfecture des Pyrénées-Orientales prise en la personne de son préfet en exercice par actes d'huissier du 1er octobre 2014.
Par acte d'huissier du 6 mai 2015, monsieur [N] a appelé en intervention forcée le docteur [P] [Y].
La jonction des instances a été ordonnée le 15 octobre 2015.
Par acte d'huissier du 6 novembre 2015, monsieur [N] a appelé en intervention forcée le centre hospitalier [10].
La jonction des instances a été ordonnée le 21 janvier 2016.
Par ordonnance du 14 avril 2016, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative soulevée par le préfet des Pyrénées-Orientales et l'agent judiciaire de l'Etat.
Par jugement contradictoire rendu le 18 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Perpignan a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée à l'encontre de la commune de [Localité 14],
- dit bien fondée la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée à l'encontre de la préfecture des Pyrénées Orientales et l'agent judiciaire de l'Etat,
- déclaré en conséquence prescrite l'action engagée à l'encontre de la préfecture des Pyrénées Orientales et de l'agent judiciaire de l'Etat et irrecevables les demandes dirigées contre la préfecture des Pyrénées Orientales, soit de l'Etat français représenté par l'agent judiciaire de l'Etat,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif du recours contre la commune de [Localité 14] au regard du délai raisonnable défini par le Conseil d'Etat,
- débouté [R] [N] de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant son hospitalisation d'office provisoire et d'urgence pris par le maire de la commune de [Localité 14] le 14 mai 2010,
- débouté [R] [N] de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la commune de [Localité 14],
- jugé que la responsabilité professionnelle du docteur [P] [Y] n'est pas engagée,
- jugé que la responsabilité du centre hospitalier [10] sur le fondement de la responsabilité du commettant n'était pas engagée,
- débouté en conséquence [R] [N] de ses demandes tant à l'encontre du docteur [P] [Y] qu'à l'encontre du centre hospitalier [10],
- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu au paiement par [R] [N] d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné [R] [N] aux entiers dépens.
Par acte en date du 31 octobre 2018, monsieur [R] [N] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat, de la préfecture des Pyrénées-Orientales, de la commune de [Localité 14], du Dr [P] [Y] et du centre hospitalier [10].
Le ministère public a fait part de son intervention à l'instance par courrier enregistré au greffe le 2 novembre 2018.
Par ordonnance du 14 mars 2019, le conseiller chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de monsieur [N] à l'égard de la préfecture des Pyrénées-Orientales.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 20 mars 2023, monsieur [R] [N] demande à la cour de :
A titre liminaire :
- dire son action non prescrite,
A titre principal :
- annuler les arrêtés successifs des 14 et 15 mai, 11 juin, 17 et 18 août 2010,
- condamner in solidum la commune de [Localité 14], l'agent judiciaire de l'Etat et le docteur [Y] ou subsidiairement le centre hospitalier [10] au paiement de :
* 70 000 euros au titre du préjudice physique et corporel subi par monsieur [N] lié à l'administration d'antipsychotiques,
* 100 000 euros au titre du préjudice psychologique et moral subi par monsieur [N] lors de son enfermement.
Subsidiairement, il demande de voir ordonner avant dire droit une mesure d'expertise judiciaire confiée à un médecin psychiatre.
En toutes hypothèses, il sollicite la condamnation in solidum de la commune de [Localité 14], de l'agent judiciaire de l'Etat et du docteur [Y] ou subsidiairement du centre hospitalier [10] au paiement de :
* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
* 3 000 euros chacun en réparation de la diffamation perpétrée dans leurs écritures ;
- prononcer l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.
Par leurs dernières conclusions enregistrées au greffe le 18 avril 2019, le centre hospitalier de [Localité 16] et le docteur [Y] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que la responsabilité personnelle du Docteur [Y] ne pouvait pas être engagée ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a fait application de l'ancien article 1384 CC au lieu de l'article L.1241-1 du CSP pour dire que la responsabilité du centre hospitalier n'est pas engagée ; dire et juger que le Docteur [Y] n'a commis aucune faute, et que le centre hospitalier était étranger aux décisions annulées qu'il ne pouvait qu'exécuter, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée ;
- Condamner monsieur [N] à leur payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 8 décembre 2022, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
A titre principal : confirmer le jugement en ce qu'il a dit la demande de monsieur [N] irrecevable comme prescrite ;
A titre subsidiaire : déclarer la demande irrecevable car tardive ;
Plus subsidiairement : débouter monsieur [N] de ses demandes ;
En tout état de cause :
- dire et juger que monsieur [N] ne saurait prétendre à une somme supérieure à 2 500 euros,
- débouter monsieur [N] de sa demande de dommages et intérêts, les propos reprochés à l'agent judiciaire de l'Etat dans ses écritures n'étant pas diffamatoires.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 22 mars 2023, la commune de [Localité 14] demande le rabat de l'ordonnance de clôture et de voir écarter des débats les conclusions de monsieur [N] notifiées le 20 mars 2023 ainsi que ses pièces numérotées 36 à 47.
Elle demande par ailleurs :
A titre principal, de voir infirmer le jugement :
- en ce qu'il n'a pas considéré comme prescrite l'action de monsieur [N] à l'encontre de la commune et de voir dire que la prescription de 4 ans est acquise ;
- en ce qu'il n'a pas considéré que l'action était tardive au regard de l'application du principe de sécurité juridique ;
A titre subsidiaire, de voir confirmer le jugement :
- en ce qu'il a débouté monsieur [N] de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant son hospitalisation d'office et d'urgence pris le maire de la commune de [Localité 14] le 14 mai 2010,
- en ce qu'il a débouté monsieur [N] de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la commune.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite de voir débouter monsieur [N] de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la commune ;
Dans tous les cas, elle demande de voir condamner monsieur [N] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée au 21 mars 2023.
MOTIFS
Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et de rejet des conclusions et pièces
Monsieur [N] a fait enregistrer des conclusions le 20 mars 2023, soit la veille de l'ordonnance de clôture.
Seule la commune de [Localité 14] a souhaité répondre à ces écritures et pièces. Elle l'a fait le 22 mars 2023, le lendemain de l'ordonnance de clôture.
Le rabat de l'ordonnance de clôture, et la clôture de la procédure à la date du présent arrêt permet le respect du principe du contradictoire sans besoin de rejeter les écritures et pièces de l'appelant, auxquelles il a été répondu par la commune.
Dans ces conditions, l'ordonnance de clôture sera rabattue et la clôture sera prononcée au jour du présent arrêt.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action
Le tribunal, au visa de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, a retenu que les droits ont été acquis le 21 septembre 2010 et que la prescription quadriennale a couru à compter du 1er janvier 2011.
S'agissant de la commune de [Localité 14], il a considéré l'action non prescrite car intentée par assignation du 29 septembre 2014, dans le délai de quatre ans expirant le 31 décembre 2014. S'agissant en revanche de la préfecture des Pyrénées orientales et de l'agent judiciaire de l'Etat, il a déclaré l'action prescrite car la première assignation en date du 1er octobre 2014 ne visait pas l'Etat mais la préfecture des Pyrénées orientales, qui n'a pas de personnalité juridique, et l'agent judiciaire de l'Etat, sans préciser sa qualité de représentant de l'Etat français.
Les parties ne contestent pas que la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, qui prévoit en son article 1 une prescription quadriennale, est applicable au cas d'espèce, mais expriment des désaccords, notamment sur le point de départ dudit délai de prescription.
Monsieur [R] [N] soutient que le point de départ du délai de prescription se situe au 22 février 2013, son dossier médical contenant notamment copie des arrêtés litigieux lui ayant été transmis à cette date. Il avance avoir été empêché d'agir avant cette date. Il ajoute que l'agent judiciaire de l'Etat a été assigné avant l'expiration du délai de prescription, l'absence de mention dans l'assignation du 1er octobre 2014 de ce que l'action était dirigée contre l'Etat étant sans incidence au regard du fait que l'agent judiciaire de l'Etat représente nécessairement l'Etat français, et qu'en tout état de cause l'erreur commise sur l'entité administrative responsable est excusable au profit des justiciables.
Pour l'agent judiciaire de l'Etat et la commune de [Localité 14], au contraire, ce délai de prescription aurait commencé à courir au plus tard le 21 septembre 2010, date de la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office et a donc expiré au 22 septembre 2014.
Il résulte clairement des articles 1 et 9 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que le point de départ de la prescription quadriennale se situe le 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué.
Le certificat médical du docteur [B] [E] établi le 15 mai 2010 mentionne que monsieur [R] [N] réclame son transfert à [Localité 12], et le 3 août 2010, par l'intermédiaire de son conseil, monsieur [R] [N] sollicitait de nouveau par courrier son transfert d'hospitalisation à [Localité 12], démontrant par la même la connaissance qu'il avait de sa situation d'hospitalisation d'office et ce dès le début de la mesure (pièces 5 et 6 de l'agent judiciaire de l'Etat). Ainsi, la connaissance de monsieur [R] [N] de sa situation a eu lieu antérieurement à la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office qui est intervenue le 21 septembre 2010 et monsieur [R] [N] ne peut dans ces conditions utilement soutenir qu'il aurait été empêché d'agir jusqu'au 22 février 2013.
Le fait générateur du dommage s'étant produit en 2010, le délai de prescription quadriennal a commencé à courir le 1er janvier 2011 pour expirer le 31 décembre 2014.
L'assignation délivrée à la commune ayant eu lieu avant le 31 décembre 2014 (29 septembre 2014), la fin de non recevoir tirée de la prescription doit être écartée en ce qui concerne la commune de [Localité 14].
S'agissant en revanche de l'Etat français, si une assignation a été délivrée le 1er octobre 2014, elle ne concerne pas l'Etat français mais la préfecture des Pyrénées orientales, qui n'a pas de personnalité juridique, et l'agent judiciaire de l'Etat, qui n'est pas l'Etat mais a simplement vocation à représenter ce dernier en justice, étant précisé que ladite assignation ne mentionne pas cette qualité. Ainsi, cette assignation n'a t-elle pas été délivrée à l'Etat français, lequel n'a été concerné par la présente procédure qu'à l'issue de conclusions notifiées le 13 décembre 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription quadriennale.
Le fait que l'agent judiciaire de l'Etat représente nécessairement l'Etat français est sans incidence, l'assignation devant être dirigée contre l'Etat et ne l'ayant de fait pas été dans les délais impartis. Par ailleurs, l'assignation litigieuse n'est dirigée contre aucune administration, de sorte qu'il ne peut être utilement soutenu que monsieur [R] [N] aurait commis une erreur excusable relative à l'administration concernée.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé.
Sur la fin de non recevoir tiré du caractère tardif du recours
Contrairement à ce que soutiennent la commune de Saint Cyrien et l'agent judiciaire de l'Etat, le principe de sécurité juridique qu'ils invoquent et qui découle d'une décision du conseil d'Etat du 13 juillet 2016 est un principe de droit administratif non applicable aux juridictions judiciaires.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé.
Sur les demandes de monsieur [R] [N] à l'encontre de la commune de [Localité 14]
Sur l'irrégularité alléguée de la procédure d'hospitalisation d'office
Le tribunal a retenu un défaut d'information de la décision administrative, la commune n'apportant pas la preuve de la notification de l'arrêté. Il a toutefois jugé que ce défaut d'information n'entachait pas d'illégalité la mesure d'hospitalisation d'office, l'obligation se rapportant à l'exécution de la mesure. Il a au surplus considéré qu'en l'espèce le préjudice n'était pas caractérisé eu égard notamment à l'urgence et au caractère provisoire de l'arrêté litigieux.
Monsieur [R] [N] souligne que l'arrêté litigieux ne lui a pas été notifié, de sorte qu'il n'a pas eu connaissance de ses droits, et que cet état de fait lui a causé un préjudice.
La commune de [Localité 14] ne justifie pas avoir notifié à monsieur [R] [N] l'arrêté litigieux. Pour autant cet état de fait est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 14 mai 2010, le juge judiciaire étant le juge de la nécessité et de l'indemnisation.
En revanche, monsieur [R] [N] est susceptible d'obtenir une indemnisation si le défaut d'information découlant de l'absence de notification lui a causé un préjudice.
Or, dès le 15 mai 2010, monsieur [R] [N] a exercé ses droits, puisqu'il a demandé son transfert à [Localité 12].
Dans ces conditions, il ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec le défaut de notification, et donc d'information.
La décision de première instance sera dès lors confirmée.
Sur le caractère infondé et injustifié allégué de l'hospitalisation d'office
Le tribunal a jugé la mesure d'hospitalisation d'office provisoire justifiée eu égard à l'état de santé de l'intéressé décrit par le certificat médical et à l'urgence compte tenu du danger imminent.
Monsieur [R] [N] souligne les différences existant entre les certificats médicaux des 14 et 15 mai 2010 et soutient que les motifs retenus sont sans rapport avec sa réelle situation médicale.
En raison de l'urgence, la décision du 14 mai 2010 n'a pas pu prendre en compte l'ensemble des éléments du dossier médical de l'intéressé (notamment le rapport d'expertise psychiatrique du docteur [O], pièce 26 de monsieur [R] [N]). Elle s'est néanmoins fondée sur des éléments concrets décrits par le médecin psychiatre le 14 mai 2010, à savoir l'existence de troubles et d'agressivité nécessitant une observation clinique, étant observé que si les certificats médicaux des 14 et 15 mai 2010 présentent des différences (au niveau du terme « schizophrène » notamment, pièces 1 et 23 de monsieur [R] [N]), pour autant il n'existe aucune incompatibilité entre eux, les deux certificats s'accordant sur l'essentiel, à savoir les troubles et l'agressivité nécessitant une observation clinique.
Par ailleurs, le danger imminent pour les personnes caractérisant l'urgence est attesté par le procès-verbal de renseignement de gendarmerie faisant état du comportement agressif et des propos incompréhensibles de monsieur [R] [N] alors que, parallèlement, des blessures étaient constatées sur ses parents, notamment au visage (pièce 1 de l'agent judiciaire de l'Etat).
Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé.
Sur les demandes de monsieur [R] [N] à l'encontre du docteur [P] [Y]
Le tribunal a retenu que l'analyse du docteur [P] [Y], psychiatre au centre hospitalier [10] de [Localité 16], s'appuyait sur des éléments concrets et était confortée par celle du docteur [K], et que dès lors, même si elle n'était pas partagée par d'autres médecins, elle ne relevait pas d'une faute personnelle détachable de la fonction.
Monsieur [R] [N] considère au contraire que le docteur [P] [Y] a commis une faute dont la gravité en fait une faute détachable de ses fonctions. Il fait valoir que la tentative de défenestration sur sa mère et l'usage d'un couteau, évoqués par le docteur [P] [Y], étaient infondés, de même que la référence à une schizophrénie, qui constitue une erreur de diagnostic au vu de son dossier médical.
Si les certificats médicaux rédigés par le docteur [P] [Y] font état de l'usage d'un couteau et d'une tentative de défenestration qui ne sont nullement établis (pièces 18 et 32 de monsieur [R] [N]), ils laissent surtout apparaître des troubles du comportement que le médecin a lui même constatés à la suite de l'agression par monsieur [R] [N] de ses parents, agression parfaitement objectivée par le constat des gendarmes.
Par ailleurs s'il apparaît incontestable à la lecture du dossier médical de monsieur [R] [N], que ce dernier ne souffre pas de schizophrénie, pour autant le docteur [P] [Y] n'a pas évoqué une réelle schizophrénie mais une simple « déficience d'allure schizophrénique » et n'a par conséquent posé aucun diagnostic de schizophrénie, dans un contexte où un autre psychiatre (le docteur [J] [K]) a pu évoquer un « processus psychotique aïgü à tonalité persécutoire (...)» .
Ainsi, il n'existe aucune erreur de diagnostic dont la gravité serait si grande qu'elle revêtirait les caractéristiques de la faute, et encore moins de la faute personnelle détachable de la fonction.
Le jugement sera par conséquent confirmé.
Sur les demandes de monsieur [R] [N] à l'encontre du centre hospitalier [10]
Le tribunal, au visa de l'article 1374 ancien du code civil, a jugé qu'en l'absence de faute du préposé, à savoir le docteur [P] [Y], la responsabilité du commettant ne pouvait être engagée.
La faute, même simple, du préposé ayant été écartée, la décision des premiers juges sera confirmée.
Sur la demande d'expertise
Eu égard à la prescription de l'action à l'égard de l'Etat, de la régularité et de la nécessité de la mesure d'hospitalisation d'office provisoire décidée par le maire de la commune de [Localité 14] et de l'absence de faute du docteur [P] [Y] et du centre hospitalier [10], monsieur [R] [N] sera débouté de sa demande d'expertise psychiatrique.
Sur les demandes accessoires
Eu égard au contexte de la présente procédure, le jugement sera confirmé.
En cause d'appel, les parties seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et monsieur [R] [N] sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Prononce le rabat de l'ordonnance de clôture et la clôture de la procédure au jour du présent arrêt ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Perpignan ;
Y ajoutant,
Déboute monsieur [R] [N] de sa demande d'expertise ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Condamne monsieur [R] [N] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,