COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
(Loi n°2011-803 du 05 Juillet 2011)
(Décrets n° 2011-846 et 847 du 18 juillet 2011)
ORDONNANCE
DU 16 JUIN 2023
N° 2023 - 124
N° RG 23/02924 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P3DX
[H] [Z] [D]
C/
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
[G] [D]
Décision déférée au premier président :
Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 02 juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00969.
ENTRE :
Madame [H] [Z] [D]
née le 07 Mai 1996 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Appelante
Comparante, assistée de Me Chloé PION RICCIO , avocat commis d'office,
ET :
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
Hôpital de [5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
non comparant
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Cour d'appel
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparant
Madame [G] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante
DEBATS
L'affaire a été débattue le 15 Juin 2023, en audience publique, devant Françoise ALLIEN, vice-présidente placée , déléguée par ordonnance du premier président en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Sophie SPINELLA greffière et mise en délibéré au 16 juin 2023
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Signée par Françoise ALLIEN, vice-présidente placée, et Sophie SPINELLA, greffière et rendue par mise à disposition au greffe par application de l'article 450 du code de procédure civile.
***
Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu la loi n° 2013-803 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,
Vu le décret n°2014-897 du 15 août 2014 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement,
Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 02 Juin 2023,
Vu l'appel formé le 06 Juin 2023 par Madame [H] [Z] [D] reçu au greffe de la cour le 06 Juin 2023,
Vu les convocations adressées par le greffe de la cour d'appel de Montpellier le 07 Juin 2023, à l'établissement de soins, à l'intéressé(e), à son conseil, MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
[G] [D]
les informant que l'audience sera tenue le 15 Juin 2023 à 10 H 00.
Vu l'avis du ministère public en date du 14 juin 2023,
Vu le procès verbal d'audience du 15 Juin 2023,
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [H] [Z] [D] a déclaré à l'audience : ' Je suis née le 07 Mai 1996 à [Localité 6]. J'ai fait appel car mon hospitalisation se passe très mal. J'habite chez ma mère ici présente, il y a beaucoup d'attente. Je suis atteinte d'un TDAH et j'ai une maladie génétique. Je prenais mon duloxétine qui est un médicament contre la dépression. Je fais appel car je souhaite que la mise sous contrainte soit enlevée et que je reste encore quelques jours pour me stabiliser. Je veux finir de stabiliser le traitement mais pas plus que le mois de juin. Je suis agent de sécurité, je suis co productrice. J'ai été hospitalisée car j'aurais fait une rupture de traitement ce qui est faux. Ma mère m'a fait hospitaliser car je pleurais beaucoup. Je dispose d'un suivi psychiatrique depuis que je suis petite. J'ai conscience de mes troubles, je sais que je suis bipolaire et anxieuse. Je le sais depuis que je suis petite. Depuis 2020, je m'accepte telle que je suis. Je n'avais pas dit à ma famille proche que j'étais bipolaire et en demande de soins. La médecin s'est trompée, elle ne me connaît pas. Tous les jours, je prends mes médicaments. J'adhère au traitement, je suis volontaire. L'infirmière m'a dit que c'était bon pour que je me fasse soigner ailleurs. Ce serait quand même bien que je reste hospitalisée au moins de juin mais pas au delà. Ma mère a besoin que je vienne ranger mes affaires.'
Madame [G] [D], tiers et mère de la patiente indique ' Elle était au CHU et ils m'ont appelée. Ils m'ont dit que son état nécessitait une hospitalisation. Ils m'ont demandé si j'étais d'accord et je l'ai fait. J'étais consciente qu'il y avait un souci.'
Maitre PION RICCIO soutient ses conclusions à l'audience.
Le représentant du ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel motivé, formé le 06 Juin 2023 à l'encontre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier notifiée le 02 Juin 2023 est recevable pour avoir été formé dans les 10 jours de la notification en application de l'article R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique.
Sur l'appel :
Madame [D] [H] a été hospitalisée en urgence le 24 mai 2023 à la demande de sa mère [G] [D] sur la base du certificat médical du Dr [Y] relevant que la patiente a été orientée aux urgences par son assistante sociale sur constatation d'un contact altéré et propos incohérents. La patiente présente un contact bizarre et méfiant, un discours latent, par moments inconhérent avec des réponses évasives et à côté, ainsi qu'une désorganisation psychique avec altération du fonctionnement logique. Elle verbalise également des idées de persécution de mécanisme intuitif, mal systématisé avec adhésion totale et retentissement affectif. Par ailleurs, elle ne bénéficie pas de suivi psychiatrique actuellement, sa situation sociale est vulnérable avec des conduites ordaliques. Elle ne présente aucune conscience des troubles. De ce fait, son hospitalisation sous contrainte est nécessaire. Ces troubles rendent impossible son consentement et il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne. Son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.
L'avis motivé de saisine du juge des libertés et de la détention établi le 30 mai 2023 indique qu'il persiste un discours diffluent, désorganisé avec bizarrerie dans le contact. On retrouve encore des éléments délirants persécutoires et mystiques, mégalomaniaques. Le discours est superficiel, plaqué, sans traduire une réelle conscience de la pathologie ni une profonde adhésion à la prise en charge. Il convient selon le Dr [P] [O] de poursuivre l'hospitalisation à temps plein pour ajuster le traitement médicamenteux et mieux mettre à distance l'épisode psychotique. La patiente présente une grande vulnérabilité psycho-sociale et familiale, la poursuite de l'hospitalisation permet également de sécuriser la prise en charge ambulatoire.
Le certificat médical de situation établi le 14 juin 2023 par le Dr [T] indique que la patiente est en demande de sortie alors qu'on observe encore une accélération psychique, une instabilité motrice, une impulsivité, des idées de persécution, une haute estime de soi avec rigidité psychique, des éléments de désorganisation psychique avec trouble du raisonnement (rationalisme morbide, paralogisme). Le contact est bizarre et parfois médiocre. L'adhésion aux soins est quasi nulle. L'hospitalisation sous contrainte reste donc nécessaire.
A l'audience, Mme [D] fait valoir que son hospitalisation se passe très mal. Elle souhaite que la mesure soit levée mais accepte néanmoins de rester hospitalisée quelques jours le temps pour elle de se stabiliser. Elle déclare avoir conscience de ses troubles et précise faire l'objet d'un suivi psychiatrique depuis qu'elle est enfant.
Son conseil soulève une nullité concernant le fait que le certificat médical initial ne fait nullement état d'un risque d'atteinte grave à la sécurité du patient ou à son entourage et ne caractérise nullement une situation d'urgence permettant de mettre en oeuvre la procédure d'exception.
L'article L. 3212-3 du code de la santé publique prévoit: "En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical' émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l|'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 32.11-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.
Préalablement à l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil vérifie que la demande de soins a été établie conformément au 1° du ll de l'articleL. 3212-1 et s'assure de l'identité de la personne malade et de celle qui demande les soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l'appui de sa demande un extrait de jugement de mise sous tutelle ou curatelle."
En l'espèce, le certificat médical initial fait état d'un 'contact bizarre et méfiant, un discours latent, par moments incohérent avec des réponses évasives et à côté, ainsi qu'une désorganisation psychique avec altération du fonctionnement logique. Verbalise également des idées de persécution de mécanisme intuitif, mal systématisé avec adhésion totale et retentissement affectif'. Le Dr [Y] ajoute que Mme [D] ne bénéficie pas de suivi psychiatrique actuellement et que sa situation sociale est vulnérable avec des conduites 'ordaliques'. Or ce qualificatif fait précisément référence à un comportement dans lequel le sujet prend des risques mortels, ce qui caractérise au sens de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne.
Les termes de ce certificat caractérisent l'existence de troubles mentaux, dont le médecin qui examine la personne malade est seul à même d'apprécier la nature, l'ampleur, le risque qu'ils impliquent d'atteinte à l'intégrité du malade et le caractère d'urgence pour sa santé à y remédier par des soins dans le cadre d'une hospitalisation complète. L'admission de Mme [D] en soins psychiatriques contraints sur le fondement de cette procédure d'urgence est en conséquence régulière, l'ensemble des conditions posées à l'article susvisé étant remplies et le certificat médical d"admission étant particulièrement motivé quant au choix de cette procédure.
Il convient donc de rejeter le moyen de nullité soulevé.
Il ressort des éléments médicaux versés au dossier que Mme [D] a encore besoin de soins, ce qu'elle admet elle-même même si elle ne souhaite pas que l'hospitalisation perdure trop longtemps. Le certificat médical de situation établi le 14 juin 2023 relève notamment une accélération psychique, une instabilité motrice, une impulsivité, des idées de persécution et des éléments de désorganisation psychique avec trouble du raisonnement. Le Dr [T] relève que l'adhésion aux soins est quasi nulle et que l'hospitalisation sous contrainte reste nécessaire.
De ce qui précède, il y a lieu de constater que les certificats médicaux sont suffisamment circonstanciés pour considérer que les troubles mentaux de la patiente persistent et que l'état de santé de Mme [D] nécessite la poursuite des soins sous la forme actuelle, soins auxquels selon les médecins elle n'est pas en état de consentir.
C'est donc à bon droit que le juge des libertés et de la détention de Montpellier a autorisé le maintien de la mesure de soins sous contrainte en hospitalisation complète.
La décision entreprise sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons recevable l'appel formé par Madame [H] [Z] [D],
Rejetons le moyen de nullité soulevé,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente décision est portée à la connaissance de la personne qui fait l'objet de soins par le greffe de la cour d'appel.
Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement.
La greffière Le magistrat délégué