Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 15 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/01117 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OAXB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 JANVIER 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 17/05980
APPELANTE :
Madame [M] [V] épouse [U]
née le 01 Août 1960 à [Localité 20] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 15]
Représentée par Me Jean-Luc MAILLOT de la SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué à l'audience par Me Emilie COELO, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [L] [Y]
né le 07 Mai 1939 à [Localité 16] (14)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 15]
Représenté par Me Nathalie PINHEIRO de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué à l'audience par Me François LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [G] [H] épouse [Y],
née le 22 Avril 1944 à [Localité 14] - décédée le 3 mai 2018 à [Localité 15]
INTERVENANTS :
Madame [T] [Y] épouse [R] ayant droit de [G] [Y]
née le 10 Mars 1967 à [Localité 22] (72)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 13] (GUYANE)
Représentée par Me Nathalie PINHEIRO de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué à l'audience par Me François LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [O] [Y] ayant droit de [G] [Y]
né le 04 Juin 1971 à [Localité 17] (72)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représenté par Me Nathalie PINHEIRO de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué à l'audience par Me François LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 24 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte en date du 9 septembre 1998, Madame [G] [Y] et Monsieur [L] [Y] ont fait l'acquisition d'une maison d'habitation avec terrain attenant au [Adresse 6], terrain cadastré D[Localité 8] et [Cadastre 11] et compris dans le lotissement [Adresse 18].
Madame [G] [Y] est décédée le 3 mai 2018.
Madame [M] [V] épouse [U], propriétaire des parcelles contiguës cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 9], ainsi que d'une parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 10], a, par déclaration déposée le 18 septembre 2015 à la mairie de [Localité 15], présenté un projet de division de sa parcelle et de création de quatre lots à construire.
Par arrêté en date du13 novembre 2014, le maire de la commune de [Localité 15] a décidé de ne pas faire opposition à la déclaration préalable de Madame [U] portant création de quatre lots à construire sur l'unité foncière constituée des parcelles cadastrées n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 9] et [Cadastre 10].
Saisi d'une demande en annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de Monsieur et Madame [Y] par jugement en date du 17 mars 2017.
Par acte en date du 22 novembre 2017, monsieur et madame [L] [Y] ont assigné madame [M] [V] épouse [U] devant le tribunal de grande instance de Montpellier afin qu'il interdise à cette dernière de diviser le fond sis à Cournonsec, cadastré section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 9], et d'y construire une autre maison d'habitation ou d'autres maisons d'habitations. Ils sollicitaient en outre sa condamnation à leur verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par jugement du 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- dit que les règles imposées aux articles 9 et 11 des conditions générales du règlement approuvé par arrêté préfectoral en date du 28 décembre 1976, déposé au rang de minutes de la SCP Rigaud Perrein, notaires à Montpellier, les 8, 16 et 21 juin 1977 et publié au 1er bureau des hypothèques de Montpellier le 24 juillet 1977, volume 129 n°498, ont une valeur contractuelle,
- constaté que le projet de madame [M] [U] de division de son fonds et de création de lots contrevient aux dispositions contractualisées du règlement de lotissement,
- interdit en conséquence à madame [U] de division son fonds et d'y faire édifier d'autres maisons d'habitation,
- condamné madame [U] à verser aux époux [Y] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné madame [U] aux dépens.
Par acte du 14 février 2019, madame [M] [V] épouse [U] a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 22 février 2023, madame [M] [V] épouse [U] sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de débouter les consorts [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions. Elle demande en outre la condamnation des consorts [Y] aux dépens et à lui payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 23 mars 2023, monsieur [L] [Y], madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] sollicitent de voir dire recevable l'intervention volontaire de madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] es qualité d'héritiers de madame [G] [H] épouse [Y] née le 22 avril 1944 et décédée le 3 mai 2018. Ils demandent par ailleurs la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de madame [U] aux dépens et à leur payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS
Sur l'intervention volontaire de madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] ès qualités d'héritiers de madame [G] [H] épouse [Y]
Il résulte de l'acte de notoriété établi le 21 août 2018 par maître [S] [Z], notaire à [Localité 21] (34) (pièce 11 des consorts [Y]) que madame [G] [H] épouse [Y] est décédée le 3 mai 2018 et qu'elle a laissé pour lui succéder, outre monsieur [L] [Y], son époux, ses deux enfants, [T] et [O] [Y].
Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande d'intervention volontaire de [T] et [O] [Y].
Sur le règlement de lotissement
Le tribunal, relevant que le document établi en 1976 et intitulé « règlement» :
- contenait des règles d'urbanisme mais également des règles relatives aux caractéristiques architecturales des constructions et à la surface et à la nature des plantations constitutives de servitudes d'intérêt privé au profit des co-lotis,
- contenait des dispositions (articles 9 et 11) ne reproduisant pas uniquement les règles figurant au plan d'urbanisme local,
-fixait « les règles et servitudes d'intérêt général imposées aux propriétaires des terrains» et devait « être rappelé dans tout acte translatif ou locatif des parcelles par reproduction in extenso à l'occasion de chaque vente ou de chaque location qu'il s'agisse d'une première vente ou location, de revente ou de locations successives » (article 1),
- prévoyait que la signature des actes emportait adhésion complète à ses dispositions, un exemplaire du règlement devant être remis à chaque acquéreur de lot (article 5),
a jugé que ledit document avait acquis une valeur contractuelle rendant inapplicable au présent litige les dispositions de l'article L 442-9 du code de l'urbanisme.
Ledit règlement prévoyant que chaque lot ne puisse recevoir qu'une seule maison d'habitation (article 9), toute subdivision étant interdite (article 11), le tribunal a considéré que le projet de madame [M] [U] de division de son fonds et de création de lots devait être interdit.
Madame [M] [V] épouse [U] conteste cette analyse. De son point de vue, le règlement litigieux n'a qu'une valeur réglementaire dans la mesure où d'une part il ne ressort pas des pièces du dossier que les co-lotis auraient manifesté une volonté non équivoque de donner un caractère contractuel aux dispositions dudit règlement du lotissement Mas Plagnol, les seules mentions à l'acte lui même ne suffisant pas à caractériser ladite volonté, d'autre part les dispositions dudit règlement ne sont qu'une reproduction de règles d'urbanisme et non donc, par essence, qu'une valeur réglementaire.
Les consorts [Y] soutiennent quant à eux que l'analyse du premier juge a mis en lumière l'intention des parties de donner un caractère contractuel au règlement du lotissement. Ils soulignent que le préfet n'a accepté la division du lot de madame [U] qu'au visa de 'l'accord des co-lotis' et que lorsque madame [U] est devenue propriétaire, elle a expressément reconnu les règles du règlement de lotissement et s'est engagée à les respecter.
Le lotissement ne dispose pas d'un cahier des charges mais d'un document intitulé « règlement » daté de 1976. Ainsi que retenu par le tribunal, il ne peut être déduit de cette appellation le caractère réglementaire et non contractuel dudit document, d'une part parce qu'il est antérieur à la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 et au décret n°77-860 du 26 juillet 1977 entré en vigueur au 1er janvier 1978 ayant dissocié le cahier des charges, à valeur contractuelle, du règlement, à valeur réglementaire, d'autre part parce qu'il appartient en tout état de cause au juge de donner à l'acte son exacte qualification.
Il y a donc lieu de rechercher, à travers les éléments du dossier, si ledit « règlement » a une portée contractuelle, et donc se trouve applicable sans limitation de temps, ou une simple portée réglementaire, auquel cas il est devenu caduque à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de l'autorisation de lotir, en application des dispositions de l'article L 442-9 du code de l'urbanisme.
Comme relevé par le tribunal, le règlement litigieux indique être opposable à quiconque détient ou occupe tout ou partie du lotissement et fait obligation aux acquéreurs ou occupants d'en respecter les dispositions.
Pour autant, si les dispositions des articles 9 et 11 du règlement de lotissement évoquent la question de la division de propriété, cette question est également traitée dans les règles du Plan d'Urbanisme Directeur applicable à la zone 2 UDA 0.60 à laquelle appartenait le lotissement «Mas de Plagnol», auquel succédera ensuite le Plan d'occupation des Sols, de sorte qu'il ne peut être déduit de ces dispositions du «règlement» que les parties ont entendu quitter le champ réglementaire pour un champ contractuel. La lecture du Plan d'Urbanisme Directeur applicable au moment de la rédaction du règlement litigieux (pièce 11 de l'appelante) laisse d'ailleurs clairement apparaître l'existence de règles relatives aux caractéristiques architecturales des constructions et aux plantations (pages 18 à 20 du PUD).
Par ailleurs et surtout, la volonté non équivoque de donner un caractère contractuel à un règlement ne peut se déduire uniquement des mentions figurant audit acte, car elle suppose que les co-lotis aient sollicité d'une manière ou d'une autre le maintien des dispositions contraignantes dudit règlement. Cette volonté ne peut se déduire non plus de la publication au fichier immobilier, puisque cette dernière est concommitante à l'acte et ne laisse nullement entrevoir si la volonté initiale des co-lotis a perduré dans le temps.
Certes, le règlement du lotissement a été annexé à l'acte de partage reçu le 28 mars 1981 par maître [P], notaire à [Localité 19], aux termes duquel madame [U] est devenue propriétaire du lot n°9 du lotissement, et la division demandée n'a été acceptée que « sous réserve de l'accord des colotis». Toutefois, la formulation « sous réserve de l'accord des co-lotis» figure dans l'ensemble des autorisations administratives portant sur les lotissements et signifie de manière générale que l'Administration n'accorde des droits que sous réserve des droits des tiers. Par ailleurs, plusieurs opérations de division portant édification de constructions nouvelles se sont succédées (de 2002 à 2020) dans le lotissement (pièce 9 de l'appelante), sans rencontrer d'opposition de la part des co-lotis, lesquels n'ont manifestement pas estimé être contractuellement tenus entre eux par le règlement du lotissement interdisant la division des parcelles et la construction de plusieurs immeubles sur la même parcelle initiale.
Dans ces conditions, il n'est pas rapporté par les consorts [Y] la preuve d'une volonté non équivoque des co-lotis de se soumettre au règlement de lotissement, lequel, de nature réglementaire et non contractuelle, est devenu caduque en application de l'article L 442-9 du code de l'urbanisme du fait du plan local d'urbanisme dont la commune est dotée.
Le jugement sera dans ces conditions infirmé et les consorts [Y] seront déboutés de leurs demandes.
Sur les demandes accessoires
Les consorts [Y] succombants, le jugement sera infirmé et les consorts [Y] seront condamnés à payer à madame [M] [U] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [Y] seront également condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Fait droit à la demande d'intervention volontaire de madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] en leur qualités d'héritiers de madame [G] [H] épouse [Y] décédée le 3 mai 2018 ;
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier le 15 janvier 2019 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
Déboute monsieur [L] [Y], madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne monsieur [L] [Y], madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] à payer à madame [M] [V] épouse [U] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne monsieur [L] [Y], madame [T] [Y] et monsieur [O] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,