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14/06/2023 | FRANCE | N°20/06014

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 14 juin 2023, 20/06014


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/06014 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OZ3Y

N°23/974

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F19/00276



APPELANT :



Monsieur [O] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représ

enté par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS



INTIMEE :



S.A.S.U. AUCHAN HYPERMARCHE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-françois MOSSUS, avocat au barreau de BEZIERS



Or...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/06014 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OZ3Y

N°23/974

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F19/00276

APPELANT :

Monsieur [O] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

S.A.S.U. AUCHAN HYPERMARCHE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-françois MOSSUS, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 21 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, faisant fonction de Présidente

Madame Florence FERRANET, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Présidente, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre d'embauche du 13 août 2001, M. [O] [C] a été engagé à compter du 20 août 2001, à durée indéterminée, dans le cadre d'un forfait en jours par la SASU Auchan, en qualité de stagiaire chef de rayon, agent de maîtrise de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

A compter du 1er décembre 2001, il a été employé en qualité de chef de caisses, statut cadre niveau 7, étant précisé que l'avenant du 1er novembre 2013 mentionne un forfait en jours.

A compter du 1er novembre 2015, il a occupé le poste de chargé de planification.

Au dernier état de la relation de travail, il percevait une rémunération mensuelle brut de 2 923 €.

Par lettre remise en main propre le 28 septembre 2018, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement, fixé le 8 octobre 2018.

Par lettre du 22 octobre 2018, il lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par requête enregistrée le 10 juillet 2019, estimant que la convention de forfait était nulle, que des heures supplémentaires lui étaient dues ainsi que des dommages et intérêts pour non-respect des repos obligatoires et des repos compensateurs obligatoires et que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers.

Par jugement du 23 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a:

- débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes,

- dit que le licenciement était intervenu pour insuffisance professionnelle,

- dit que l'équité ne commandait pas de faire droit de part et d'autres aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 23 décembre 2020, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 16 mars 2021, M. [O] [C] demande à la Cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu ;

- d'ordonner la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la SAS Auchan Hypermarché à lui payer la somme de 40922 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de constater la nullité de la convention de forfait et à tout le moins son inopposabilité au salarié ;

- de condamer la SAS Auchan Hypermarché à lui payer les sommes suivantes :

*13 348,82 € au titre des heures supplémentaires,

* 1 334,88 € au titre des congés payés afférents,

* 5 000 € au titre des dommages et intérêts pour non respect des repos obligatoires outre les repos compensateurs obligatoires ;

- de condamner la SAS Auchan Hypermarché à lui payer la somme de 17 538 € au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé;

- de condamner la SAS Auchan Hypermarché à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de la condamner aux entiers dépens ;

- d'ordonner la communication sous astreinte de 50 € par jour de retard de l'attestation Pôle emploi rectifiée ;

- de dire et juger que les montants des condamnations porteront intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 16 juin 2021, la SAS Auchan Hypermarché demande à la Cour de :

- confirmer le jugement querellé ;

- de condamner M. [C] à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023.

MOTIFS

Sur la nullité de la convention de forfait annuel en jours.

En vertu des dispositions combinées des articles L3121-39, L3121-40 et L3121-65 du Code du travail, dans leur version applicable, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, elle requiert l'accord du salarié et doit être établie par écrit.

Une telle convention n'est opposable au salarié que si elle est adossée à un accord collectif qui la prévoit, celui-ci devant assurer le respect du droit à la santé et au repos du salarié et donc au respect d'une durée raisonnable de travail. Ainsi, les stipulations de l'accord collectif doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et comporter des dispositions de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail du salarié.

En l'espèce, le salarié fait valoir que l'accord collectif est insuffisant à garantir le respect de son droit à la santé et au repos et qu'il est nul ou à tout le moins qu'il lui est inopposable. Il ajoute qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien destiné à s'assurer de ce respect.

En effet, si la convention collective applicable prévoit la possibilité de mettre en place un tel forfait et si l'avenant n°71 du 15 janvier 2019 a créé les articles 5.4 à 5.6 relatifs aux forfaits en jours et en heures prévoyant le contrôle de la durée raisonnable de travail des salariés concernés, dispositions étendues par arrêté du 6 novembre 2020, antérieurement, aucune stipulation n'était prévue pour le contrôle de la durée raisonnable de travail des salariés travaillant dans le cadre d'une convention de forfait.

Si l'employeur invoque l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail du 10 avril 2013, lequel contient des stipulations visant le suivi de la charge de travail en cas de signature d'une convention de forfait annuel en jours, il ne justifie pas pour autant avoir effectivement mis en place un tel suivi.

Ainsi, sont seulement produits les comptes rendus des entretiens annuels de 2016, 2017 et 2018 destinés essentiellement à l'évaluation de l'activité professionnelle et des compétences professionnelles du salarié.

Le compte rendu de l'année 2016 qui fait apparaître le nombre de jours travaillés de l'année précédente à hauteur de 229 au lieu de 214 jours par an prévus au contrat se limite à mentionner, dans le cadre d'un paragraphe intitulé « Les modalités de suivi de l'organisation du travail » les trois questions suivantes :  « As-tu rencontré des difficultés dans le respect des amplitudes de travail ' Si oui, pour quelles raisons ' Sur quelles périodes ' » ; ce à quoi le salarié a répondu : « Pour certaines permanences magasin ou sur l'activité de fin d'année » ; ce qui a donné lieu à la réponse suivante de l'employeur : « Le rythme sur ce nouveau métier et cette double casquette est pour du court terme, le métier est nouveau et nécessite un investissement au préalable ».

Les comptes rendus suivants (années 2017 et 2018) contiennent un paragraphe intitulé « Vie au travail et projet professionnel » incluant les « conditions d'exercice de l'activité professionnelle » : y figurent des questions auxquelles le salarié a répondu comme suit :

Au titre de l'année 2017 :

« Considères-tu que ta charge de travail est raisonnable ' » : « Plutôt » avec possibilité de commenter la réponse : « En fonction des périodes... »,

« Quelles ont été les missions particulières au cours de l'année ou les faits marquants ayant impacté ta charge de travail ' » : « Le recrutement d'été, de fin d'année, l'écriture des objectifs magasin »,

« Considères-tu que la répartition sur l'année de ta charge de traail est satisfaisante ' » : « Plutôt »,

« La conciliation entre vie professionnelle et vie privée est-elle satisfaisante ' » : « Plutôt »,

« J'échange avec mon collaborateur, j'y apporte un commentaire » : le supérieur hiérarchique a indiqué « le cadre du métier est précis et [O] peux s'organiser personnellement pour atteindre les RV fixés ».

Au titre de l'année 2018 :

« Considères-tu que ta charge de travail est raisonnable ' » : « Plutôt » « Aider ne veut pas dire faire à la place de ! »,

« Quelles ont été les missions particulières au cours de l'année ou les faits marquants ayant impacté ta charge de travail ' » : « De grosses pèriodes ou la sollicitation est forte avant l'été, avant et pendant la fin d'année et pendant l'écriture des objectifs magasin »,

« Considères-tu que la répartition sur l'année de ta charge de traail est satisfaisante ' » : « Plutôt pas », « Je vois peu grandir mes enfants... »

« La conciliation entre vie professionnelle et vie privée est-elle satisfaisante ' » : « Plutôt »,

« J'échange avec mon collaborateur, j'y apporte un commentaire » : le supérieur hiérarchique a indiqué « L'organisation de [O] lui permet de prendre ses CP/repos/etc comme il le souhaite sauf contraintes magasin ».

Il résulte de l'analyse de ces pièces que le suivi de la charge de travail en temps réel n'a pas été réalisé par l'employeur, celui-ci n'ayant opéré qu'un constat a posteriori et n'ayant pas même réagi à l'issue de l'entretien relatif à l'année 2016 alors que le nombre de jours travaillés était largement supérieur au maximum prévu.

Dès lors, la convention de forfait est privée d'effet et le salarié est en droit de solliciter le paiement d'heures supplémentaires sous réserve des éléments produits.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la convention de forfait en jours.

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié fait valoir qu'il a accompli 692,65 heures supplémentaires sur la période non prescrite comprise entre le 4 septembre 2015 et le 29 septembre 2018, soit 13 348,82 €.

Il produit un récapitulatif prenant en compte les jours de congés payés, les jours fériés non travaillés, les jours de formation et les jours d'arrêt de travail et établi en grande partie au vu des relevés de pointage versés aux débats, débutant le 27 juin 2016.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

Celui-ci ne produit aucun justificatif susceptible de contredire le salarié. Au contraire, il verse les comptes rendus d'entretiens annuels depuis 2016 lesquels établissent que le salarié s'est vu confier en 2015, à titre temporaire, non seulement les missions de chef de caisses déjà exercées, mais également celles de chargé de planification et que son supérieur hiérarchique a indiqué « le rythme sur ce nouveau métier et cette double casquette est pour du court terme, le métier est nouveau et nécessite un investissement au préalable » ; ce qui explique le fait que le salarié a dû effectuer de nombreuses heures de travail et a dépassé le nombre de jours inclus dans le forfait.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en rappel de salaire et accessoires au titre des heures supplémentaires.

Sur le non-respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire.

Il ne ressort d'aucune pièce produite que le salarié aurait travaillé le ou les jours de repos hebdomadaires et celui-ci ne s'explique pas sur ce point.

En revanche, il n'est pas justifié par l'employeur de ce qu'il aurait respecté les repos quotidiens alors qu'il est démontré que le salarié a accompli des heures supplémentaires non payées. L'employeur sera en conséquence condamné à payer au salarié la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui en résulte.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos hebdomadaire mais infirmé en ce qu'il l'a également débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos quotidien.

Sur le travail dissimulé.

La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou de déclarer l'intégralité des heures travaillées.

L'article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

En l'espèce, le caractère intentionnel est démontré notamment par le fait que l'employeur a laissé travailler le salarié 229 jours en 2015, soit au-delà du forfait annuel en jours, sans pour autant mentionner ces jours sur les bulletins de salaire concernés.

Dès lors, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due à hauteur de 17.538 € (2 923 x 6 mois).

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle.

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches et missions qui lui sont confiées, compte tenu de sa qualification, en vertu du contrat de travail, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.

La charge de la preuve est partagée, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, l'insuffisance de résultats ne saurait constituer en soi une cause de sanction disciplinaire, elle doit procéder d'une insuffisance professionnelle ou d'une faute du salarié, sous réserve que les objectifs fixés soient réalistes et que le salarié soit responsable de ne pas les avoir atteints.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

« (...)

En février 2018 votre entretien d'activité annuel, avec votre supérieur hiérarchique faisait apparaître de réelles difficultés professionnelles dans la tenue de votre poste de Chargé de planification. Les différentes informations suivantes y figuraient :

Le niveau global de vos performances est évalué suivant les termes suivants : « La performance reste insuffisante, j'attends de votre part sur cette année une posture plus prégnante sur votre métier avec outre des résultats sur les items de votre métier, des interventions construites en réunion de direction ainsi qu'un travail important sur la qualité des ressources magasins ».

L'année 2017 avait déjà été marquée par votre accompagnement régulier à travers des compte rendus. Pour autant le constat de l'entretien d'activité de février 2018 était loin de correspondre aux attentes légitimes que nous nous étions en droit d'attendre de votre part.

Suite à cet entretien un plan personnel d'accompagnement a été construit afin de vous permettre de remédier à ces dysfonctionnements et de revenir à un niveau de professionnalisme attendu par l'entreprise.

Ce plan personnel d'accompagnement (dit PPA) comportait différents rendez-vous avec plusieurs interlocuteurs, il permettait d'évoquer avec vous le suivi et l'accompagnement nécessaire afin de mesurer les progrès et le retour à une situation normale dans les domaines ou des difficultés étaient identifiées.

Ce PPA vous a été présenté et commenté le 11 avril 2018. Il comportait des axes précis, des actions à réaliser, une organisation et un formalisme à respecter. Il s'accompagnait également de rendez-vous avec votre responsable hiérarchique (5 rendez-vous en mai, juin, juillet, août et septembre 2018) ainsi que des rendez-vous avec [Z] [E], Responsable de la file Chargé de planification sur la région et en charge du suivi des indicateurs de performance (kpis), des frais de personnel et de la démarche absentéisme, de plus vous était précisé que si vous aviez besoin de formation ou d'accompagnement, [Z] [E] pourrait trouver le bon interlocuteur sur le sujet demandé.

Ces rendez-vous étaient accompagnés de compte rendu par mail que vous avez eu et qui faisait état de difficultés et d'axes d'améliorations avec des pistes ou des conseils pour mieux les préparer.

Force est de constater que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour vous permettre de réussir ce PPA, malheureusement vous n'avez pas été au rendez-vous de celui-ci.

Malgré quelques progrès, des lacunes subsistent et des décalages de résultats important sont encore constatés sur vos périmètres de responsabilité.

Concernant le sobjecifs alloués qui avaient été fixés :

1. Gagner en professionnalisme sur le métier (suivi objectifs (heures + cout de l'heure), indicateur de performance et recrutement équipe transverse)

2. Etre plus acteur sur la construction du résultat (KPI, annualisation Heures sup, heures complémentaires vivier magasin, équipe transverse, productivité suivi objectifs frais de personnel et main d'oeuvre externe)

3. Impacter les organisations par sa connaissance des hommes/femmes du magasin

4. Recrutement de qualité (CDD, équipe transverse) : avoir un coup d'avance

5. Avoir un retour positif de la part des Managers Commerce et des Responsables Commerce sur votre apport.

1. Vous n'avez pas suffisamment gagné en professionnalisme, vous avez toujours besoin d'être assisté sur nombre de sujets (Eolia, Productivité, relation Manager Commerce/Responsable et frais de personnel...) pour impacter une politique Ressource Humaine sur la planification, vous avez participé à la réunion encadrement « Focus 30 » mais c'est le Comité de direction qui a impacté les résultats (exemple sur les indicateurs de performance : les résultats à fin juin 2018 par rapport à l'objectif sont (15% du résultat de l'objectif pour 50% du temps écoulé, à fin août 90% de l'objectif pour 66% du temps écoulé) les résultats sont donc impactés par les mois de juillet et aout. Pour les autres sujet, nous faisons le même constat, c'est bien le Responsable de Ressources Humaines et la Contrôleur de Gestion qui ont porté le sujet pour gagner en productivité sur juillet et août. Le recrutement reste difficile même si vous avez testé quelques pistes. L'équipe transverse n'a pas augmenté et est toujours insuffisante par rapport au besoin du magasin, nous n'avons pas un coup d'avance sur le recrutement. Le recrutement de l'été à été plutôt satisfaisant, par contre le niveau de formation pépite n'est pas au rendez-vous de l'été.

2. Nous sommes sur le sujet des heures supplémentaires et complémentaires en décalage par rapport aux autres magasins, ceci impacte notre cout de l'heure travaillée (+3,4% au C8 pour une société à +2,6%). Nous sommes à 1,4% (en progression de + de 10%) en heures supplémentaires pour une société à 1,1% en heure complémentaires et d'annualisation, nous progressons de 17,7%. Nous progressons également sur les heures de nuit employés de 2383 heures depuis le début de l'année. Vous n'avez sur ces sujets pas impactés les résultats et vous n'avez pas su apporter le sens nécessaire et contribuer à un infléchissement de cette tendance. Vous êtes resté trop spectateur et pas suffisamment acteur des résultats.

3. Vous n'avez pas proposé de nouvelles organisations de travail, et pas de remise à jour des données dans les outils pour une vrai planification besoins/ressources afin de déterminer quel est le réel besoin des charges de travail.

4. Vous n'avez pas suffisamment fait évoluer notre vivier CDD et vous n'avez pas utilisé les outils mis à votre disposition comme l'outil Eolia (aucun traitement sur juin et juillet). L'équipe transverse reste à ce jour sous dimensionnée.

5. Lors de plusieurs Comité de direction, les responsables commerces nous ont fait part de leur attente envers votre rôle et du manque d'apport qu'ils pouvaient avoir sur votre métier. Cet apport est très insuffisant, entre des outils pas tous maîtrisés (malgré des formations et des visites d'autres chargés de planification) un manque d'impact et de conviction sur les sujets abordées avec les managers commerce qui n'aboutissent pas ou peu sur des évolutions. Les interventions en réunion d'encadrement (Focus 30) ou en Comité de direction restent insuffisantes en terme de sens et d'énergie pour modifier les éléments dont vous avez la charge.

Votre accompagnement s'est traduit à travers des rendez-vous formalisés, mais également avec des points sur certains sujets avec [R] [L] (Contrôleuse de gestion) pour la construction et le suivi de certains indicateurs (intérims, productivité...).

De plus un complément de formation a été fait sur la législation sociale en date du 15/05/2018, ainsi que des rendez-vous en synergie et via la Direction des ressources humaines, via la file planification en physique ou en téléphonie.

En conclusions, Au-delà des résultats et des quelques progrès enregistrés sur les mois de juillet et août qui ont surtout été le fait d'une implication plus forte du Comité de direction, le Plan personnel d'accompagnement se clôture sur un échec.Vous n'avez pas démontré au cours de cet accompagnement votre capacité à manager les sujets dont vous avez la charge. La transmission d'information ne doit pas être la seule finalité de votre métier. Vous avez manqué d'organisation, de conviction, de connaissances de vos sujets, de sens et d'exigence pour impacter les organisations et les résultats de votre périmètre d'intervention.

Force est de constater que tous les moyens pour vous permettre de réussir ont été émis en oeuvre, malheureusement vous n'avez pas été au rendez-vous de nos attentes sur un poste de chargé de planification niveau cadre tel que défini dans votre intitulé de fonction.

Pour ces raisons nous vous notifions aujourd'hui votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

(...) ».

En l'espèce, le salarié fait valoir pour l'essentiel que ses fonctions ont été modifiées unilatéralement par l'employeur sans remise de fiche de poste ou signature d'un avenant et qu'il ne prouve aucun des griefs reprochés.

Aucune pièce du dossier ne permet de corroborer les griefs formalisés dans la lettre de licenciement, les comptes rendus d'entretien annuel ne suffisant pas à constituer la preuve des éléments de fait reprochés.

Au surplus, il ressort desdits comptes rendus produits par l'employeur que le salarié a été positionné sur le poste de chargé de planification à titre temporaire(70%) tout en conservant ses missions de chef de caisses (30%), que ce nouveau poste était considéré comme un nouveau métier pour le salarié.

Dès lors, le licenciement pour insuffisance professionnelle n'est pas fondé.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L'article L 1235-3 du Code du travail prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant 17 années d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 3 et 14 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le 25/01/1965), de son ancienneté à la date du licenciement (plus de 17 ans), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (2 923 €) et des justificatifs relatifs à sa situation (marié avec un enfant à charge, ARE à compter du 26/02/2019 et tableau d'amortissement d'un prêt bancaire) mais sans justificatifs relatifs à ses recherches d'emploi ou à sa situation professionnelle actuelle), il convient de fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 17 500 €.

Sur les demandes accessoires.

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocationde l'employeur devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

La capitalisation des intérêts se fera dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du Code civil dès lors qu'ils auront couru au moins pour une année entière.

L'employeur sera tenu de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

Il devra délivrer au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

L'employeur sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 23 novembre 2020 du conseil de prud'hommes de Béziers en ce qu'il a débouté M.[O] [C] de sa demande au titre du non-respect du repos hebdomadaire ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,

DIT que la convention de forfait en jours est privée d'effet ;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à payer à M. [O] [C] les sommes suivantes :

-13 348,82 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 1 334,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- 17 538 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

DIT que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [O] [C] est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à payer à M. [O] [C] les sommes suivantes :

- 17 500 € à titre de dommages et intérêts,

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du Code civil, dès lors qu'ils auront couru au moins pour une année entière ;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à rembourser à Pôle emploi les allocations chômage versées à M. [O] [C] dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à délivrer à M. [O] [C] une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié ;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/06014
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;20.06014 ?
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