Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 14 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/08118 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OOB2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 26 NOVEMBRE 2019
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG F 18/00276
APPELANTE :
SARL ETIENNE Exerçant sous l'enseigne 'LA BOITE A PIZZA'
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Stéphanie AUGER, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIME :
Monsieur [E] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Sophie VILELLA, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 29 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseillère
Madame Florence FERRANET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
[E] [K] a été embauché par la SARL ETIENNE, exerçant sous l'enseigne 'la Boîte à Pizza', à compter du 22 juin 2015. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistant manager avec un salaire mensuel brut de 1 320,80€ pour 130 heures de travail.
Le 11 mars 2018, il était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 19 mars suivant, et mis à pied simultanément à titre conservatoire.
Il a été licencié par lettre du 22 mars 2018 pour le motif suivant, qualifié de faute grave : absence mettant en péril l'équilibre économique de la société... Cette absence survient de plus alors que...
Estimant son licenciement injustifié, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan qui, par jugement en date du 26 novembre 2019, a condamné la SARL ETIENNE à lui payer :
- la somme de 71,75€ à titre de rappel de salaire des mois de janvier à mars 2018,
- la somme de 484€ à titre de salaire de mise à pied,
- la somme de 48,40€ à titre de congés payés sur salaire de mise à pied ,
- la somme de 2 641,60€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 264,16€ à titre de congés payés sur préavis,
- la somme de 963,08€ à titre d'indemnité de licenciement,
- la somme de 4 372,65€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 700€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné la délivrance d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes.
Le 18 décembre 2019, la SARL ETIENNE a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 15 juin 2022, elle conclut à l'infirmation, au rejet des prétentions adverses et à l'octroi de la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 10 février 2023, relevant appel incident, [E] [K] demande de lui allouer les sommes de 5 283,20€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'assortir d'une astreinte la délivrance des documents de fin de contrat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualification :
Attendu qu'[E] [K] exerçait les fonctions d'assistant manager, ce qui correspond, non à la catégorie employé, niveau III, échelon 2, de la convention collective nationale de la restauration rapide qu'il revendique mais, au vu des fonctions réellement exercées, à la catégorie employé, niveau III, échelon 1 ;
Qu'en effet, il ne produit aucun élément susceptible d'établir qu'il aurait exercé un 'pouvoir de décision concernant les adaptations nécessaires à l'organisation du travail', aurait été 'amené à gérer les situations imprévues' ou aurait été 'responsable de l'accueil de la clientèle' ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a ordonné la rectification des bulletins de paie, sans assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Sur le rappel de salaire des mois de janvier à mars 2018:
Attendu qu'[E] [K] se prévaut uniquement d'une diminution de son salaire à compter du mois de janvier 2018;
Qu'il ne réclame pas un rappel de salaire résultant de sa classification professionnelle ;
Attendu que la lecture de ses bulletins de paie démontre qu'il n'était pas payé sur la base d'un taux horaire de 10,40€ au mois de décembre 2017, comme il l'affirme, mais de 10,04€ ;
Qu'il n'a donc pas subi de diminution de salaire à partir du mois de janvier 2018 mais une augmentation de 10,04€ à 10,26€;
Attendu qu'en conséquence, la demande n'est pas fondée ;
Sur le licenciement :
Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ;
Que c'est à l'employeur et à lui seul d'apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement ;
Attendu qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure :
- qu'à l'occasion d'une altercation survenue le 10 mars 2018 entre deux salariés, l'un d'eux a clairement manqué de respect' à [E] [K] ;
- qu'après en avoir immédiatement avisé son employeur, [E] [K] lui a envoyé un message alphanumérique à 23 heures 41, l'informant qu'il refusait de travailler avec un employé qui se permettait de l'insulter et le menacer et qu'il refusait de procéder à l'ouverture de la pizzeria, le lendemain à 11 heures 15 ;
- que c'est dans ces conditions qu'il ne s'est pas présenté sur son lieu de travail, le 11 mars 2018 à 11 heures 15 ;
Attendu que s'il appartient à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il est établi par le message que la SARL ETIENNE a adressé à son salarié le 11 mars à 7 heures 50 que l'auteur des menaces allait être immédiatement mis à pied à titre conservatoire ;
Qu'[E] [K], dont il n'est pas crédible de soutenir qu'il n'a découvert ce message qu'à 12 heures 26 (même si c'est à cette heure qu'il en a accusé réception), pouvait donc, sans craindre pour sa sécurité et sa santé physique, se rendre à son travail à 11 heures 15 ;
Que son absence procède ainsi d'une volonté délibérée de sa part, indépendamment des assurances qu'il avait reçues ;
Attendu qu'il en résulte que ce premier grief est établi ;
Attendu qu'en revanche, l'employeur n'apporte aucun élément de nature à apporter la preuve, ni qu'il aurait mis [E] [K] à même de procéder au contrôle des produits à la livraison par la fourniture d'un téléphone portable dédié à cet usage ni qu'il se serait déchargé de ses missions sur ses autres collègues ou aurait préféré se charger de la plonge plutôt que d'exercer ses fonctions de manager ;
Attendu qu'au vu de l'ancienneté d'[E] [K], du fait qu'il était jusqu'alors exempt de reproche et de la nature de la faute commise, ne rendant pas nécessaire son départ immédiat, il y a lieu d'écarter la faute grave et d'analyser le licenciement comme justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le conseil de prud'hommes a exactement calculé les sommes dues au salarié à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied et d'indemnités de rupture ;
* * *
Attendu qu'enfin, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirmant le jugement et statuant à nouveau,
Déboute d'[E] [K] de ses demandes à titre de rappel de salaire des mois de janvier à mars 2018 et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SARL ETIENNE, exerçant sous l'enseigne 'la Boîte à Pizza', aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT