Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 14 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/08104 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OOA7
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 NOVEMBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN
N° RG F18/00442
APPELANT :
Monsieur [Z] [V]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
La SCEA DOMAINE LES ROUQUETTES, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Virginie MATAS-GUILLOUF, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 27 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [V] a été engagé à compter du 1er janvier 1999 par la SCEA Domaine Les Rouquettes en qualité de tractoriste agricole, coefficient 160 de la convention collective agricole du département des Pyrénées-Orientales moyennant un salaire mensuel brut de 7826 Fr. pour 169 heures de travail.
Une convention de rupture avec date d'effet envisagée au 28 février 2018 était conclue entre les parties moyennant le versement d'une indemnité conventionnelle de rupture de 9091,78 euros.
À compter du 1er mars 2018 Monsieur [Z] [V] reprenait son activité au profit de la SCEA Domaine Les Rouquettes, laquelle adressait le 5 avril 2018 une déclaration préalable à l'embauche à la Mutualité Sociale Agricole sur laquelle il était mentionné que Monsieur [Z] [V] était embauché pour une durée de 122 jours par contrat à durée déterminée.
Un nouveau certificat de travail indiquant que Monsieur [Z] [V] avait fait partie du personnel de la SCEA Domaine Les Rouquettes du 1er mars 2018 au 31 août 2018 était alors remis au salarié.
Par la suite, Monsieur [Z] [V] a été embauché par Monsieur [L] [B] selon contrat à durée déterminée pour la saison de la taille du 11 septembre 2018 au 10 mars 2019 avant de conclure un second contrat de travail à durée déterminée avec ce dernier du 1er mai 2019 au 31 août 2019.
Par requête du 22 octobre 2018, Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins de requalification du contrat durée déterminée du 1er mars 2018 en un contrat à durée indéterminée ainsi que de condamnation de la SCEA Domaine Les Rouquettes à lui payer les sommes suivantes :
'1653,70 euros à titre d'indemnité de requalification,
'1653 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,
'3306 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive de la relation travail,
'826,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 82,65 euros au titre des congés payés afférents.
Par jugement du 25 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [V] relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 18 décembre 2019.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 28 février 2020, Monsieur [Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes et à la condamnation de la SCEA Domaine Les Rouquettes à lui payer les sommes suivantes:
'1653,70 euros à titre d'indemnité de requalification,
'1653 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,
'3306 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive de la relation travail,
'826,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 82,65 euros au titre des congés payés afférents,
'2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sollicite également la condamnation de l'employeur à lui remettre ses documents sociaux de fin de contrat et un bulletin de paie du préavis rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 27 mai 2020, la SCEA Domaine Les Rouquettes conclut à titre principal à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes et au débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes. À titre subsidiaire elle fait valoir que le salarié ne peut solliciter cumulativement une indemnité pour irrégularité de fond et une indemnité pour irrégularité de forme, et que tenant les circonstances et l'absence de préjudice financier, il ne peut prétendre à aucune indemnisation pour rupture abusive de son contrat de travail. En tout état de cause, et dans l'hypothèse où la cour estimerait nécessaire d'indemniser le salarié sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, elle sollicite que cette indemnité soit limitée à un mois de salaire et revendique le débouté de Monsieur [Z] [V] de sa demande d'indemnité de congés payés sur préavis. Elle revendique en tout état de cause la condamnation du salarié à lui payer une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mars 2023.
SUR QUOI
En l'espèce la validité de la convention de rupture n'est pas discutée et Monsieur [Z] [V] ne remet pas non plus en cause l'effectivité de l'antériorité de la rupture du contrat de travail initial à la cession du domaine, pas plus qu'il n'entend se prévaloir des conditions de l'opération entreprise à propos de laquelle la SCEA Domaine Les Rouquettes fait valoir que les retards dans la vente ont été liés à la préemption exercée par la SAFER.
La SCEA Domaine Les Rouquettes n'a toutefois à aucun moment de la relation de travail débutée le 1er mars 2018 et ayant pris fin au 31 août 2018, transmis à Monsieur [Z] [V] un contrat écrit et si la SCEA Domaine Les Rouquettes prétend que la relation de travail aurait été à durée déterminée sur la base des mentions portées sur une déclaration préalable à l'embauche établie le 5 avril 2018, ces éléments sont insuffisants à rapporter la preuve du motif de recours alors que les bulletins de salaire mentionnent qu'il occupait un emploi d'ouvrier hautement qualifié et que son embauche avait en définitive pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Aussi, convient-il, infirmant en cela le jugement entrepris de faire droit à la demande d'indemnité de requalification formée par Monsieur [Z] [V] pour un montant de 1653,20 euros correspondant à un mois de salaire.
L'employeur, qui à l'expiration du contrat de travail à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée n'a plus fourni de travail au salarié et ne lui a plus payé de salaire est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement et qui ouvre droit pour le salarié à des indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À la date de la rupture du contrat de travail, et compte tenu de ce qui précède, le salarié avait une ancienneté de quatre mois dans une entreprise qui ne justifie par aucun élément qu'elle ait pu employer habituellement moins de onze salariés. Il était âgé de quarante-cinq ans et bénéficiait d'un salaire mensuel brut de 1653,20 euros.
Si Monsieur [Z] [V] ne justifie pas de sa situation postérieure au 31 août 2019, il démontre cependant n'avoir pas obtenu d'emploi durable jusqu'à cette date. Partant, il justifie de l'existence d'un préjudice conduisant à faire droit à sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la limite d'un mois de salaire en brut, soit une somme de 1653,20 euros. Tenant ce qui précède, et quand bien même le licenciement était-il entaché d'une irrégularité de forme, Monsieur [V] ne peut prétendre qu'à une seule indemnité réparant le préjudice subi pour la perte injustifiée de l'emploi.
Selon l'article L. 1234-5 du code du travail, si le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle ne doit pas entraîner de diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. Pour autant, à la date de rupture injustifiée de l'emploi du fait de l'employeur, le 31 août 2018, le salarié avait une ancienneté inférieure à six mois dans l'entreprise et il ne produit aucun élément lui permettant de se prévaloir de dispositions tirées de la loi, de la convention ou de l'accord collectif de travail, du contrat de travail ou des usages prévoyant un préavis ou une condition d'ancienneté de service plus favorable.
Aussi convient-il de débouter Monsieur [Z] [V] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ainsi que de sa demande de remise d'un bulletin de paie rectifié sur préavis.
La remise des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt étant de droit, il convient de l'ordonner.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la SCEA Domaine Les Rouquettes supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan le 25 novembre 2019 en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité de requalification ainsi que de sa demande d'indemnité pour rupture abusive de la relation de travail ;
Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
Condamne la SCEA Domaine Les Rouquettes à payer à Monsieur [Z] [V] les sommes suivantes :
'1653,20 euros à titre d'indemnité de requalification,
'1653,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Ordonne la remise par la SCEA Domaine Les Rouquettes à Monsieur [Z] [V] des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
Condamne la SCEA Domaine Les Rouquettes à payer à Monsieur [Z] [V] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la SCEA Domaine Les Rouquettes aux dépens;
La greffière, Le président,