Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 14 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/08098 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OOAS
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 NOVEMBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN
N° RG F 18/00053
APPELANTE :
SAS AC STEEL Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER (posutlant), substituée par Me TROCHERIS, avocat au barreau de Montpellier
INTIME :
Monsieur [U] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3] (France)
Représenté par Me Henri MARTIN, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 27 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [U] [K] a été engagé à compter du 13 octobre 2014 par la société AC Steel selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable technique et logistique, qualification agent de maîtrise, échelon III, coefficient 240 régi par les dispositions de la convention collective de la métallurgie moyennant une rémunération mensuelle brute fixe de 1445,38 euros équivalente au SMIC ainsi qu'une part variable de rémunération sous forme de prime en fonction du chiffre d'affaires réalisé sur son secteur.
Par requête du 7 février 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins de condamnation l'employeur à lui payer un rappel sur frais kilométriques de déplacement pour un montant de 24'427,84 euros, outre 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Perpignan a condamné la société AC Steel à payer à Monsieur [U] [K] une somme de 24'427,84 euros à titre de rappel sur frais kilométriques ainsi qu'une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AC Steel a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 8 décembre 2019.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 16 mars 2020, la société AC Steel conclut à l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan, en tout état de cause au débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes, à titre principal en ce qu'il ne rapporte pas la preuve de ce que les frais dont il sollicite le remboursement ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise sous le contrôle de l'employeur, et à titre subsidiaire, en ce que la demande du salarié relative au barème kilométrique est mal fondée dès lors que l'employeur n'est pas tenu d'appliquer le barème kilométrique fiscal ou celui de l'URSSAF afin de déterminer les frais à rembourser au salarié lorsque ce dernier a utilisé son véhicule personnel pour ses déplacements professionnels, et ensuite, en ce que, s'agissant des indemnités kilométriques forfaitaires, l'employeur doit expressément y consentir. Elle revendique par ailleurs la condamnation de Monsieur [U] [K] à lui payer une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 juin 2020, Monsieur [U] [K] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AC Steel à lui payer une somme de 24'427,84 euros à titre de rappel sur frais kilométriques ainsi qu'une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et il sollicite le débouté de l'employeur de l'ensemble de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'instance d'appel.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mars 2023.
SUR QUOI
Monsieur [U] [K] fonde sa demande sur l'article 5 du contrat de travail lequel stipule : compte tenu des déplacements professionnels éventuels que Monsieur [U] [K] sera amené à accomplir dans le cadre de sa mission, il bénéficiera en plus de sa rémunération de base et durant ces déplacements du remboursement de l'ensemble des frais professionnels engagés à cette occasion. Ce remboursement s'effectuera sur les frais réellement engagés sur justificatifs. Tous les déplacements devront être justifiés (clients, distances, nombre de kilomètres parcourus' etc.).
Il fait valoir que le contrat de travail stipule également « toutefois, compte tenu du poste occupé, Monsieur [K] est totalement indépendant dans la gestion de son emploi du temps. Cependant un planning de visite devra également être envoyé chaque semaine à son responsable'».
Il ajoute qu'il a effectué des déplacements professionnels avec son véhicule personnel jusqu'au mois d'avril 2016. Par la suite, il prétend avoir repris les déplacements professionnels avec son véhicule personnel à compter du mois d'août 2017.
Il indique que pour justifier des frais exposés pour le compte de l'employeur il adressait chaque mois par voie électronique un tableau informatique « carnet de bord mensuel » sur lequel figurait pour chaque journée de déplacement : la ville de départ, le kilométrage du véhicule au départ de la journée, la ville d'arrivée, le kilométrage relevé en fin de la journée, les kilomètres parcourus (différence entre kilométrage départ et kilométrage arrivé), le carburant utilisé (litres/prix) ainsi que les frais éventuels de repas, hôtel, autoroute, divers. Il précise que ce document mensuel visait les numéros de justificatifs de frais transmis avec le tableau qu'il verse aux débats pour la période de novembre 2014 à septembre 2017 et que l'employeur, contrairement à ce qu'il prétend, avait connaissance de l'ensemble des documents communiqués.
$gt;
Si la société ne conteste pas qu'elle ait l'obligation de rembourser au salarié le montant des frais engagés pour se rendre sur ses différents lieux de travail avec son véhicule personnel, elle indique que le bénéfice du remboursement est cependant conditionné par la réunion de trois conditions cumulatives:
'les frais doivent avoir été exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle,
'dans l'intérêt de son employeur,
'résulter d'une sujétion particulière
La société AC Steel fait valoir qu'un véhicule de fonction était mis à disposition du salarié qui avait toujours refusé de l'utiliser, qu'en outre il ne respectait pas les consignes de l'employeur lui demandant de faire valider ses plannings chaque semaine par sa responsable comme le prévoyait son contrat de travail et qu'il n'adressait à l'employeur ni ses plannings, ni ses comptes-rendus de visite, ni même le justificatif de ses déplacements professionnels et qu'il avait été rappelé à l'ordre à ce sujet.
La société AC Steel ajoute que les plannings du salarié présentent des contradictions avec les factures produites, que le salarié est dans l'incapacité de prouver que les déplacements qu'il invoque ont bien été effectués pour le compte de l'entreprise et à la demande de l'employeur, qu'ensuite ses demandes sont tardives, qu'enfin l'employeur doit expressément consentir à allouer au salarié des indemnités kilométriques forfaitaires et que le montant que l'administration considère comme déductible par le salarié est distinct du remboursement de frais engagés.
$gt;
Le caractère tardif de la demande est sans incidence sur son examen dès lors qu'elle n'est pas prescrite.
Si la prise en charge par l'employeur des frais exposés par le salarié pour les trajets entre son domicile et son lieu de travail répond à des règles particulières, l'employeur est tenu de rembourser les frais exposés par le salarié pour les besoins de l'activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise.
En effet, les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du salarié, reste chaque mois, au moins égale au SMIC.
Or, en l'espèce, il ressort des pièces produites, que si l'employeur avait envisagé courant 2017 de prendre à bail un véhicule supplémentaire, il ne justifie à aucun moment ni avoir mis à disposition du salarié un véhicule de fonction ou de service pour l'accomplissement de ses missions, ni l'avoir mis en demeure d'utiliser un tel véhicule, si bien que l'utilisation du véhicule personnel constituait pour le salarié une sujétion particulière ne pouvant être supportée par ce dernier.
Il résulte ensuite du dossier de la procédure, que les pièces sur lesquelles l'employeur fonde ses prétentions sont loin de démontrer que le salarié ne lui ait pas régulièrement fait parvenir ses justificatifs de déplacements professionnels dès lors que monsieur [K] rapporte la preuve du remboursement par la société AC Steel au cours de la période litigieuse des frais engagés sur justificatifs, ce qui suffit à établir que l'employeur était nécessairement destinataire des documents relatifs aux déplacements professionnels effectués par son salarié, puisque le contrat de travail stipulait: «ce remboursement s'effectuera sur les frais réellement engagés sur justificatifs. Tous les déplacements devront être justifiés (clients, distances, nombre de kilomètres parcourus' etc.)'».
A défaut de dispositions'contractuelles'ou'conventionnelles, l'employeur détermine leur mode de remboursement mais ne peut fixer les frais de déplacement avancés par le salarié à un montant inférieur à leur coût réel, si bien que dans la mesure où le salarié était contraint d'utiliser son véhicule personnel pour effectuer des trajets professionnels, l'employeur ne pouvait s'abstenir d'indemniser les coûts d'utilisation par le salarié de son véhicule personnel excédant les dépenses de carburant et de péages autoroutiers.
Le barème fiscal proposé par le salarié pour l'indemnisation de ces coûts excédentaires non indemnisés est calculé en fonction de la puissance du véhicule et du nombre de kilomètres parcourus, et il intègre la dépréciation du véhicule, les frais de réparation et d'entretien, les dépenses de pneumatiques, la consommation de carburant et les primes d'assurances.
Monsieur [K] justifie du remboursement d'une somme de 6600 euros au seul titre des carburants utilisés à usage professionnel sur la période et dont le montant n'a pas été utilement discuté par l'employeur.
Ce faisant, il est constant que les autres coûts excédentaires relatifs à l'utilisation du véhicule personnel par le salarié pour les besoins de l'activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise n'ont pas été indemnisés et qu'il déduit du montant de sa demande les frais exposés et remboursés.
Partant, alors que les reportings à partir desquels le salarié était indemnisé par l'employeur de ses frais de carburant corroborent très exactement le kilométrage indiqué par celui-ci, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande du salarié portant sur un rappel au titre des frais kilométriques engagés pour un montant de 24'427,84 euros correspondant au coût réel des frais de déplacement avancés par le salarié et non remboursés par l'employeur.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la société AC Steel supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, une somme de 1000 euros couvrant les sommes exposées en première instance, ainsi qu'une somme de 2000 euros couvrant les sommes exposées à l'occasion de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan le 28 novembre 2019.
Condamne la société AC Steel à payer à Monsieur [U] [K] une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel;
Condamne la société AC Steel aux dépens;
La greffière, Le président,