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14/06/2023 | FRANCE | N°19/08061

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 14 juin 2023, 19/08061


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 14 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08061 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ON6G



Arrêt n° :



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 NOVEMBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00617





APPELANTE :



SARL SOLE ET FILS, pris

e en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilié es qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENE...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08061 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ON6G

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 NOVEMBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00617

APPELANTE :

SARL SOLE ET FILS, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilié es qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substiuté par Me ZYLBERYNG, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales

INTIME :

Monsieur [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Michel OMS-FORES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Henri MARTIN, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales

Ordonnance de clôture du 27 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [G] [D] a été engagé à compter du 22 décembre 2004 par la SARL Sole et fils selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de « maçon-compagnon professionnel », niveau 3, position 2, coefficient 230 tel que défini par la convention collective des ouvriers du bâtiment Languedoc-Roussillon.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 mars 2016 le salarié était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 6 avril 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 avril 2016, la SARL Sole et fils notifiait à Monsieur [D] son licenciement.

Contestant à la fois la régularité et le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan par requête du 11 août 2016 aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'1880 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

'11'280 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1453,69 € à titre de rappel sur frais de déplacement,

'2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Après radiation et réinscription au rôle, le conseil de prud'hommes de Perpignan, par jugement du 20 novembre 2019, condamnait la SARL Sole et fils à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes:

'11'280 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1453,69 € à titre de rappel sur frais de déplacement,

'1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes ordonnait le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage.

La SARL Sole et fils a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 16 décembre 2019.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 13 mars 2020, la SARL Sole et fils conclut à la réformation du jugement attaqué, au débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 2 juin 2020, Monsieur [D] conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes et à la condamnation de la SARL Sole et fils à lui payer une somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mars 2023.

SUR QUOI

$gt; Sur les frais de déplacement

L'article 8.16 de la Convention collective des ouvriers du bâtiment des Pyrénées-Orientales applicable à la relation de travail dispose que: L'indemnité de frais de transport a pour objet d'indemniser forfaitairement les frais de transport engagés quotidiennement par l'ouvrier pour se rendre sur le chantier avant le début de la journée de travail et pour en revenir à la fin de la journée de travail, quel que soit le moyen de transport utilisé. Cette indemnité étant un remboursement de frais, elle n'est pas due lorsque l'ouvrier n'engage pas de frais de transport, notamment lorsque l'entreprise assure gratuitement le transport des ouvriers ou rembourse les titres de transport.

L'article 8.17 de la Convention collective des ouvriers du bâtiment des Pyrénées Orientales applicable à la relation de travail prévoit que: L'indemnité de trajet a pour objet indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir: L'indemnité de trajet n'est pas due lorsque l'ouvrier est logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier.

$gt;

Il découle du texte même de ces deux articles que si l'indemnité de frais de transport a pour objet d'indemniser forfaitairement les frais engagés par l'ouvrier pour se rendre quotidiennement sur le chantier et pour en revenir, l'indemnité de trajet n'a pour objet que d'indemniser la sujétion résultant du déplacement quotidien qui ne constitue pas un temps de travail effectif.

C'est donc à bon droit, que nonobstant le paiement d'une indemnité de transport, le premier juge a fait droit à la demande formée par le salarié au titre de l'indemnité de trajet pour la période comprise entre janvier 2013 et mars 2016 sur la base du tableau récapitulatif de répartition des trajets par zone pour un montant non utilement discuté par la SARL Sole et Fils.

Aussi convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Sole et Fils à payer à Monsieur [D] une somme de 1453,69 euros à titre de rappel sur frais de trajet depuis janvier 2013.

$gt; Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties'; si un doute subsiste il profite au salarié.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée:

«'Monsieur,

À la suite de notre entretien du 6 avril 2016, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

'NON RESPECT DES CONSIGNES DE SECURITE

Lors d'un entretien avec votre chef de chantier M. [B] [N] afin de réaliser un bilan sur le travail de ses équipes le 14 mars 2016, nous avons appris que le 11 janvier 2016 sur le chantier des toitures de [Adresse 4] à [Localité 3] (66), lors du terrassement des fondations de la grue vous travaillez avec notre conducteur de pelle mécanique lequel employait un marteau-piqueur pour réaliser les fondations. Votre chef de chantier vous a expliqué qu'il fallait étayer les fondations existantes du portique car pendant l'utilisation du marteau-piqueur les vibrations auraient pu les déchausser. Vous n'avez pas respecté ces consignes de sécurité qui étaient de stabiliser de manière temporaire les fondations existantes du portique en béton pour éviter qu'elles ne se déchaussent et que l'ouvrage ne s'effondre.

Les consignes étaient claires : stabiliser les fondations existantes à l'aide de planches et d'étais mis à disposition sur le chantier. Le 11 janvier 2016 M.[B] [N], votre Chef de chantier, se rend sur le chantier pour contrôler la bonne fin des travaux et se rend compte que vous n'avez respecté aucune des dispositions. Vous avez alors prétexté que cela ne risquait rien, que le sol était stable et que pour cela vous n'aviez rien fait. Vous n'aviez même pas compris que cela aurait pu être dangereux pour votre sécurité et celle de votre collègue de travail.

Les fondations de cet ouvrage auraient pu se déchausser et le portique en béton aurait pu tomber sur une personne (ouvrier ou tiers) et causer d'importants dommages ou un accident grave car nous travaillons dans un site occupé. Nous ne pouvons pas tolérer un tel manquement dans la pratique de votre métier, il est indispensable de travailler en sécurité, d'autant plus lorsque ces consignes viennent de votre supérieur hiérarchique.

'NON RESPECT DU SUPERIEUR HIERARCHIQUE / NON RESPECT DES CONSIGNES DE SECURITE

Lors du même entretien avec votre chef de chantier M. [B] [N] le 14 mars 2016, nous avons appris que le 1er mars 2016 et le 11 mars 2016 sur le chantier des toitures [Adresse 4] à [Localité 3] (66) vous vous permettiez de garer votre voiture dans l'enceinte du chantier. Votre chef de chantier vous a expliqué le plan d'installation de chantier lors des ¿ d'heure sécurité qui ont lieu chaque semaine, à savoir qu'il est interdit de se garer dans l'enceinte du chantier pour des raisons de sécurité. Quand votre chef de chantier vous a dit de sortir votre véhicule du chantier, systématiquement vous vous êtes emporté et lui avez manqué de respect en haussant le ton.

Ces éléments ont été confirmés par votre chef d'équipe M. [T] [S] qui nous a précisé qu'en plus de hausser le ton vous aviez dit « que si vous preniez un PV ce serait à M. [B] [N] de le payer ».

Votre chef de chantier nous a confié qu'il était très difficile de vous commander et qu'il ne savait plus comment faire car vous ne respectez pas les règles ni les consignes. A chaque fois qu'il vous fait une simple remarque vous hurlez et refusez les remarques qui vous sont faites. Ce comportement n'est pas acceptable au sein de notre entreprise.

'FAUTE PROFESSIONNELLE RESULTANT DU REFUS D'EXECUTER VOTRE TRAVAIL NORMALEMENT

Lors du même entretien avec votre chef de chantier M. [B] [N] le 14 mars 2016, nous avons appris que le 07 mars 2016 sur le chantier des toitures [Adresse 4] à [Localité 3] (66), lors d'un contrôle sur votre poste de travail il a découvert que lors de la phase de démolition de la couverture vous camoufliez les gravats sous l'aire sous toiture (dans les combles) en brique pour éviter de les évacuer.

Or ces gravats doivent être évacués dans les bacs prévus à cet effet que nous vidons ensuite dans les bennes à gravats envoyés vers les centres de tri comme nous le faisons depuis le début du chantier et sur tous nos autres chantiers.

Cela est inacceptable pour un maçon hautement qualifié au niveau III position 2, coefficient 230 de la classification des ouvriers du Bâtiment, ayant de très bonnes connaissances professionnelles, car cela créé une surcharge sur le toit et aurait pu créer un sinistre et/ou un accident si les gravats avaient traversé le plafond du dernier étage.

D'autre part si le maitre d'ouvrage avait constaté cette pratique cela aurait donné une mauvaise image de l'entreprise, d'une entreprise ne respectant pas les règles de l'art. Dans notre entreprise, il est inacceptable de tolérer une telle pratique. L'équipe en charge du projet a dû nettoyer les gravats au détriment de l'avancement du chantier.

Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de présentation de cette lettre et se terminera à l'issue de deux mois, vous cesserez alors de faire partie de nos effectifs' »

$gt;

S'agissant du premier grief, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a pu relever les contradictions existant entre la lettre de licenciement et le seul élément produit par l'employeur au soutien de sa thèse, s'agissant d'une lettre de Monsieur [T] établie postérieurement à la réunion du 14 mars 2016, alors que la lettre de licenciement ne se réfère qu'au témoignage de Monsieur [N], chef de chantier qu'elle désigne comme le seul témoin du non-respect des consignes de sécurité par le salarié le 11 janvier 2016, mais dont aucune attestation qui aurait pu corroborer les dires de la lettre de licenciement n'est produite, si bien qu'il existe un doute à la fois sur la matérialité et sur l'imputabilité à Monsieur [D] des faits ainsi dénoncés alors que ce dernier produit aux débats les attestations de Messieurs [Y] et [H], salariés de l'entreprise présents le 11 janvier 2016, qui contestent la version contenue dans la lettre de licenciement.

S'agissant du deuxième grief, la même analyse s'impose et ce d'autant plus, s'agissant de ce grief que les propos prêtés au salarié dans la lettre de licenciement et dont elle indique que Monsieur [T], chef d'équipe, en aurait été le témoin, ne sont même pas rappelés par celui-ci dans son courrier du 20 mars 2016, et qu'ensuite s'agissant des consignes de circulation et de stationnement du personnel, la version de l'employeur est démentie par trois attestations concordantes précises et circonstanciées de salariés de l'entreprise produites par Monsieur [D].

Enfin s'agissant du troisième grief dont la lettre de licenciement indique que Monsieur [N] aurait été le témoin du camouflage de gravats par le salarié, l'employeur ne justifie que du même courrier de Monsieur [T] affirmant avoir découvert lui-même le 7 mars 2016 le camouflage de gravats par le salarié dans les combles afin d'éviter de les évacuer si bien que la matérialité et l'imputabilité de ce grief ne sont pas davantage établies tandis que Monsieur [D] produit des attestations concordantes de Messieurs [Y] et [H] selon lesquels aucun gravat n'aurait été évacué des combles.

Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse.

Alors ensuite que l'entreprise employait habituellement au moins onze salariés, et dès lors que le licenciement est entaché d'une irrégularité de fond, celle-ci ne peut se cumuler avec une irrégularité de forme et il n'est attribué qu'une seule et même indemnité sanctionnant l'absence de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [D] était âgé de quarante-sept ans et avait une ancienneté de douze années révolues au sein de la SARL Sole et Fils à la date de la rupture du contrat de travail. Il bénéficiait d'un salaire mensuel brut de 1874,54 euros. Partant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 11'280 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

$gt; Sur les demandes accessoires

Par application de l'article L1235-4 du code du travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la SARL Sole et Fils supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles, et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposé des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan le 20 novembre 2019;

Condamne la SARL Sole et Fils à payer à Monsieur [G] [D] une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SARL Sole et Fils aux dépens;

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/08061
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;19.08061 ?
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