La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2023 | FRANCE | N°22/05132

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 13 juin 2023, 22/05132


Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 13 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05132 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PSI3



Décisions déférées à la Cour : Jugement du 01 AVRIL 2019

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE TOULON -

Arrêt du 11 FEVRIER 2021 COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE - Arrêt COUR DE CASSATION du 7 SEPTEMBRE 2022



DEMANDERESSE A LA SAISINE:



Madame [T] [H

]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentantée par Me Marie-Hélène GALMARD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et plaidant

appelant devant la 1ère Cour ...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 13 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05132 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PSI3

Décisions déférées à la Cour : Jugement du 01 AVRIL 2019

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE TOULON -

Arrêt du 11 FEVRIER 2021 COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE - Arrêt COUR DE CASSATION du 7 SEPTEMBRE 2022

DEMANDERESSE A LA SAISINE:

Madame [T] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentantée par Me Marie-Hélène GALMARD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et plaidant

appelant devant la 1ère Cour d'Appel

DEFENDEUR A LA SAISINE :

Monsieur [D] [I]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentanté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Peggy LIBERAS, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant

intimé devant la 1ère Cour d'Appel

INTERVENANTE VOLONTAIRE:

S.C.P. BR ASSOCIES, prise en la personne de Maître [E] [Y] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Monsieur [D] [I], réprésentant par son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentanté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Peggy LIBERAS, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 MAI 2023,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller et M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Monsieur Eric COMMEIGNES, Conseiller désigné par ordonnance du Premier Président en date du 14 février 2023 en remplacement du magistrat empêché

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement du Président empêché et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 août 2001, un contrat de bail à ferme a été établi entre [T] [H] et [D] [I], son fils, portant sur trois parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], situées sur la commune de [Localité 9] (83).

A motif qu'elle n'aurait pas été signataire de ce contrat, le 27 mai 2011, [T] [H] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulon d'une requête visant l'annulation du bail à ferme pour vice du consentement et défaut de contrepartie financière, l'expulsion de [D] [I] et le partage des revenus tirés de l'exploitation de ces terres sur les cinq dernières années.

Le 23 juillet 2012, le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulon a débouté [T] [H] de ses demandes au motif que son action en nullité du bail était prescrite. Ce jugement est à ce jour définitif.

Le 12 février 2018, [T] [H] a notifié à [D] [I] un congé aux fins de reprise afin d'exploiter personnellement les parcelles faisant l'objet du bail, avec effet au 20 août 2019, date d'expiration du bail.

Le 28 mai 2018, [D] [I] a fait assigner [T] [H] afin de contester le congé délivré.

Parallèlement, le 25 avril 2017, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de [D] [I] et, le 31 mai 2018, ce même tribunal a homologué le plan de continuation et a prononcé l'insaisissabilité de l'ensemble des biens de [D] [I] en désignant la SCP BR Associés aux fonctions de mandataire judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan.

Le jugement rendu le 1er avril 2019 par le tribunal paritaire des baux ruraux énonce dans son dispositif :

Déclare nul et de nul effet le congé signifié par [T] [H] à [D] [I] le 12 février 2018 ;

Condamne [T] [H] aux entiers dépens de l'instance.

Sur la nullité pour vice de forme du congé délivré par [T] [H] le 12 février 2018 et au visa de l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, les premiers juges ont rappelé que la sanction prévue ne devait pas être prononcée par le juge si l'omission ou l'inexactitude constatée n'étaient pas de nature à induire le preneur en erreur et ont retenu qu'en l'espèce, en raison des liens familiaux liant les parties, [D] [I] ne pouvait se prévaloir de l'absence d'indication de la profession du repreneur pour fonder la nullité du congé délivré sur le fondement de ces dispositions.

Sur le respect des conditions de fond de la reprise et au visa de l'article L. 411-59 et des articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime, les premiers juges ont retenu que [T] [H] ne produisait aucune pièce permettant de s'assurer qu'elle remplissait bien les conditions de capacité et d'expérience professionnelle, ni qu'elle possédait le matériel nécessaire à l'exploitation directe des parcelles données à bail ou les moyens de l'acquérir, qu'il y avait ainsi lieu de faire droit à la demande de [D] [I] et, en conséquence, de procéder à l'annulation du congé délivré par elle le 12 février 2018.

[T] [H] a interjeté appel de cette décision le 25 avril 2019.

Dans ses conclusions d'appel, [T] [H] a sollicité reconventionnellement la requalification de la convention du 21 août 2001 en prêt à usage, résilié par le congé délivré, puisque la contrepartie onéreuse faisait défaut et, subsidiairement, la validité du congé. Elle a demandé l'expulsion de [D] [I] des parcelles.

L'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence énonce dans son dispositif :

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Rejette la demande d'expulsion de [D] [I] ;

Condamne [T] [H] aux dépens.

L'arrêt retient que le jugement du 23 juillet 2012, qui a acquis l'autorité de la chose jugée, a déjà tranché la question de la qualification de la convention liant les parties. La demande de requalification est donc irrecevable.

L'arrêt expose que [T] [H] ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de la reprise puisqu'elle ne justifie d'aucun diplôme et que l'essentiel de l'expérience professionnelle dont elle pourrait se prévaloir est antérieure à 1991.

[T] [H] a formé un pourvoi en cassation en date du 12 avril 2021, sur le moyen que la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale en considérant que l'annulation du congé délivré par la bailleresse au preneur avait nécessairement pour effet d'entraîner le renouvellement du bail rural en cause, sans rechercher si le preneur était en règle avec le contrôle de structures.

L'arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce dans son dispositif :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'expulsion de [D] [I], l'arrêt rendu le 11 février 2021 ;

Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne [D] [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

La Cour de cassation relève que la combinaison des articles L.411-46 et L.331-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le preneur ne peut prétendre au renouvellement de son bail que s'il remplit les mêmes conditions que celles exigées du bénéficiaire d'une reprise. Elle précise que le juge doit, au besoin d'office, rechercher si le preneur est en règle avec le contrôle des structures. La cour d'appel qui n'a pas recherché si le preneur était en règle avec le contrôle des structures en raison de sa situation de pluriactif, comme il le lui était demandé, alors même que la nullité du congé n'entraîne pas automatiquement renouvellement du bail, prive de base légale sa décision.

[T] [H] a saisi la cour d'appel de Montpellier sur renvoi après cassation, par déclaration au greffe en date du 7 octobre 2022.

[T] [H] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter [D] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à titre reconventionnel ;

Ordonner l'expulsion de [D] [I] des parcelles ainsi que la libération desdites parcelles, de toute occupation de son fait et ce sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard ;

Subsidiairement, s'il devait être fait droit à la demande d'expertise formée à titre subsidiaire par [D] [I], dire que les frais d'expertise seront mis à sa charge ;

Condamner [D] [I] à verser la somme de 6 000 euros à [T] [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[T] [H] conteste le droit au renouvellement du bail de [D] [I]. Elle fait valoir le motif de cassation qui établit que la nullité d'un congé pour reprise délivré par le bailleur n'emporte pas automatiquement le renouvellement d'un bail rural au profit du preneur. Elle soutient que pour avoir droit au renouvellement de son bail, le preneur doit remplir les mêmes conditions d'exploitation que le bénéficiaire de la reprise, ce qui inclut l'exploitation directe des terres donnés à bail, comme l'a affirmé la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 3 juillet 2002, mais aussi le respect du contrôle des structures, que l'autorisation administrative ait été nécessaire dès la conclusion du bail ou le soit devenue en cours de bail, comme un arrêt du 17 décembre 1986 de la Cour de cassation le prévoit. Cette recherche des juges du fond peut se faire au besoin d'office.

[T] [H] soutient que [D] [I] ne justifie pas que la superficie de son exploitation n'excédait pas à la date du renouvellement du bail litigieux, le seuil de contrôle fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles rendant nécessaire une autorisation d'exploitation. Il ne justifie pas non plus de satisfaire les conditions prévues à l'article R. 331-2-1 du code rural puisqu'il ne produit aucun des diplômes visés par ces dispositions et n'établit pas avoir acquis à la date du renouvellement du bail, cinq années d'expérience sur la surface requise par cet article au cours des quinze dernières années. [T] [H] ajoute qu'elle peut légitimement s'inquiéter de la capacité du preneur d'assurer la pérennité de l'exploitation compte tenu de sa situation d'endettement et du plan de redressement judiciaire dont il fait l'objet.

En outre, [T] [H] fait valoir que [D] [I] ne justifie pas qu'il était en règle avec le contrôle des structures à la date d'échéance du bail, compte tenu notamment de sa qualité de pluriactif, ni qu'il exploitait de façon effective et permanente les parcelles litigieuses. Elle soutient que [D] [I] n'exploite pas de façon personnelle les parcelles puisque le bilan de son entreprise agricole imposable au titre des bénéfices agricoles fait état du versement de salaires à hauteur de 4 174 euros et de sous traitance générale à hauteur de 3 873 euros pour la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021. Le compte de résultat sur cette même période fait état de vente de raisins pour un montant de 125 995 euros et de la réalisation de travaux pour un montant de 10 301 euros tandis que le compte de résultat pour l'entreprise commerciale de [D] [I], imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux, mentionne la somme de 98 268,52 euros au titre des prestations de services. Il s'agirait donc de revenus extra-agricoles et d'une activité principale et non annexe au vu du chiffre d'affaires réalisé.

[T] [H] s'oppose à la demande d'expertise formée par [D] [I] puisque celui-ci ne parvient pas à justifier des améliorations des parcelles alléguées ni de leur valeur.

Le dispositif des écritures pour [D] [I] et la SCP BR Associés énonce :

Déclarer recevable l'intervention volontaire de la SCP BR Associe en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de [D] [I] ;

Débouter [T] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ce qu'il a rejeté la demande d'expulsion de [D] [I] ;

Subsidiairement, ordonner la désignation d'un expert judiciaire, aux frais de [T] [H], avec mission de chiffrer le coût de l'indemnité d'éviction due à [D] [I] au titre de l'exploitation des terres ;

Condamner [T] [H] à payer à [D] [I] et à la SCP Br Associés la somme de 5 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[D] [I] soutient que la Cour de cassation n'a pas cassé le chef de dispositif déclarant nul le congé signifié. Autrement dit, la cour d'appel de renvoi n'est saisie que de la question de savoir s'il remplit les mêmes conditions que celles exigées du bénéficiaire d'une reprise.

Il soutient qu'il remplit les conditions légales requises au droit au renouvellement de son bail. Il fait valoir son expérience professionnelle puisqu'il est agriculteur affilié à la MSA depuis 1999 et travaille dans le domaine viticole depuis plus de vingt-cinq ans. Il justifie de sa capacité professionnelle à travers le nombre d'hectares qu'il a mis en valeur et de son ancienneté dans l'exploitation agricole. Son âge de quarante-et-un ans lui permet d'exploiter sans difficulté les terres pendant plusieurs années. Il estime que sa capacité financière est démontrée à travers la superficie de terre agricole mise en valeur par son entreprise, par son stock de matériel industriel, d'outillage industriel et de matériel de transport en parfait état, d'une valeur total d'achat de 426 753,95 euros, et par ses bilans comptables. [D] [I] affirme qu'il a réalisé des investissements importants, ce qui démontre qu'il dispose des moyens et de l'expérience pour exploiter de manière continue les terres en litige. Il précise qu'il a aussi effectué des travaux d'aménagement importants. Selon lui, sa mère, qui n'exerce pas d'activité professionnelle, ne vit que de la cession de son patrimoine immobilier reçu par héritage et ne souhaite pas reprendre l'exploitation mais bien vendre les parcelles.

[D] [I] affirme que contrairement aux allégation de [T] [H], il n'est pas salarié de l'exploitation et n'exerce pas de pluriactivité au sens de l'article 331-1 du code rural nécessitant un contrôle de structure. Il exerce en nom personnel l'activité de viticulteur récoltant et justifie d'un contrat avec la coopérative viticole qui établit que la totalité de sa production y est vinifiée. Dès lors, le fait qu'il effectue en complément de son activité principale une activité de prestataire de services pour d'autres vignerons n'entre pas en contradiction avec son statut d'agriculteur. Cette activité connexe n'est pas une activité extra agricole.

Subsidiairement, si la cour faisait droit à la demande d'expulsion, [D] [I] soutient que [T] [H] doit l'indemniser au titre des investissements réalisés sur les terres. Il justifie avoir assuré seul, à ses frais, la restructuration et la plantation des vignes sur la totalité des parcelles et avoir effectué plusieurs travaux d'amélioration.

MOTIFS

1. Sur la demande d'expulsion de [D] [I]

Il est exact, comme le soutient [T] [H], que la nullité d'un congé pour reprise délivré par le bailleur n'emporte pas automatiquement le renouvellement d'un bail rural au profit du preneur et que, pour avoir droit au renouvellement de son bail, celui-ci doit remplir les mêmes conditions d'exploitation que le bénéficiaire de la reprise, ce qui inclut l'exploitation directe des terres données à bail mais aussi le respect du contrôle des structures, que les juges du fond doivent rechercher, au besoin d'office.

En l'espèce, [D] [I], qui exploite des vignes non seulement en qualité de propriétaire mais également en qualité de preneur sur des parcelles qui lui sont louées par différents bailleurs, ne justifie nullement que la superficie de son exploitation n'excédait pas, à la date du renouvellement du bail litigieux, le seuil de contrôle fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, de telle sorte qu'il n'aurait pas eu besoin de solliciter une autorisation d'exploiter pour ce motif.

En outre, [D] [I] ne justifie pas non plus qu'il était en règle avec le contrôle des structures à la date d'échéance du bail, compte tenu notamment de sa qualité de pluriactif, ni qu'il exploitait de façon effective et permanente les parcelles litigieuses, comme le prévoit l'article L. 411-59 du code rural.

En effet, s'il soutient qu'il ne serait pas salarié et que son activité de prestataire de services, consistant selon ses déclarations en la réalisation de travaux dans les vignes, ne serait pas une activité « extra-agricole » et qu'elle ne serait qu'« accessoire » à son activité de viticulteur, celle-ci n'ayant généré qu'un chiffre d'affaires de 10 301 euros tel que ressortant de sa déclaration de revenus agricoles pour la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021, la cour relève toutefois du compte de résultat détaillé de l'entreprise commerciale de [D] [I], imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux et pour la même période, qu'il ressort la somme de 98 268,52 euros au titre des prestations de services, qui doivent par conséquent être retenue comme des revenus extra-agricoles, qui lui confèrent ainsi le statut de pluriactif.

Il appartenait par conséquent à [D] [I] de rapporter la preuve qu'il était en conformité avec la réglementation relative au contrôle des structures, ce dont il s'abstient.

En conséquence, [D] [I] ne pouvant prétendre au renouvellement du bail rural en litige, y ajoutant au jugement rendu le 1er avril 2019 par le tribunal paritaire des baux ruraux, il sera ordonné son expulsion des parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], situées sur la commune de Pierrefeu-du-Var, ainsi que la libération desdites parcelles de toute occupation de son fait et ce sous peine d'astreinte de deux cents euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

2. Sur la demande d'expertise

[D] [I] soutient à titre subsidiaire qu'il a assuré seul, à ses frais exclusifs, la restructuration et la plantation des vignes sur la totalité des parcelles objet du bail en litige, travaux qui incombent au bailleur.

Il s'estime donc fondé à solliciter une indemnisation au titre de son éviction et demande à la cour d'ordonner la désignation d'un expert, au frais avancés de [T] [H], afin que soit chiffré le coût de l'indemnité qui lui serait due au titre de l'exploitation des terres.

Or, c'est à juste titre que cette dernière, au visa de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile, entend rappeler que l'expert n'a pas vocation à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve et souligne que s'il présente des factures pour l'achat de piquets ou de plants, il n'est pas possible de les rattacher aux parcelles en litige, étant rappelé qu'il disposait d'autres parcelles de vignes par ailleurs, et, qu'en outre, il échoue à démontrer qu'il aurait supporté les taxes foncières inhérentes à ces mêmes parcelles, de sorte qu'il sera débouté de cette prétention.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également infirmé en ce qui concerne les dépens.

[D] [I] sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

[D] [I] sera en outre condamné à payer à [T] [H] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

RECOIT l'intervention volontaire de la SCP BR Associé, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de [D] [I] ;

INFIRME le jugement rendu le 1er avril 2019 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulon, en ce qu'il a condamné [T] [H] aux entiers dépens de l'instance ;

Y ajoutant,

ORDONNE l'expulsion de [D] [I] des parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], situées sur la commune de [Localité 9], ainsi que la libération desdites parcelles de toute occupation de son fait, et ce sous peine d'astreinte de deux cents euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Statuant sur le surplus,

DEBOUTE [D] [I] de sa demande d'expertise ;

CONDAMNE [D] [I] à payer à [T] [H] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés pour l'instance ;

CONDAMNE [D] [I] aux entiers dépens de l'instance.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/05132
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;22.05132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award