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13/06/2023 | FRANCE | N°21/00001

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 13 juin 2023, 21/00001


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 13 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00001 - N° Portalis DBVK-V-B7E-O2BX





Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 DECEMBRE 2020

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 20/0026





APPELANTE :



S.A.S FONCIÈRE [Localité 11] immatriculée au RCS de Montpellier n°

794 924 688 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRI...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 13 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00001 - N° Portalis DBVK-V-B7E-O2BX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 DECEMBRE 2020

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 20/0026

APPELANTE :

S.A.S FONCIÈRE [Localité 11] immatriculée au RCS de Montpellier n° 794 924 688 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Loïc ALVAREZ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.R.L. WATTANA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne Florence BOUYGUES de la SELARL BOUYGUES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 19 Avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 MAI 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller chargé du rapport et M. Emmanuel GARCIA, Conseiller.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Monsieur Eric COMMEIGNES, Conseiller désigné par ordonnance du Premier Président en date du 14 février 2023 en remplacement du magistrat empêché

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement du Président empêché et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 6 avril 2002, les consorts [P] ont donné à bail commercial à [U] [F] des locaux situés dans un immeuble en copropriété, à [Localité 3] moyennant un loyer annuel de 12 195 €.

Le 9 mai 2007, la société Wattana a acquis le fonds de commerce de bar de [U] [F] et un avenant au bail a été régularisé pour extension de l'activité de bar à celle de restaurant et traiteur.

Le 6 avril 2011, les consorts [P] ont renouvelé le bail pour une durée de 9 ans, expirant le 5 avril 2020 moyennant un loyer annuel fixé d'un commun accord à 16 434, 60 €.

Le 31 octobre 2013, la SAS Foncière [Localité 11] a acquis les locaux loués.

Le 31 janvier 2017, après avoir fait signifier le 14 décembre 2016 à la SARL Wattana un rapport d'expertise établi à sa demande par un Cabinet Evalorim à des fins de révision du loyer, la SAS Foncière [Localité 11] a proposé la fixation du loyer à un montant de 40 800 € hors taxes et hors charges, ce que le preneur a refusé.

Le 16 mai 2017, le bailleur a assigné le preneur devant le juge des loyers commerciaux aux fins de révision du loyer et le 2 octobre 2018 par jugement avant dire droit, celui-ci a ordonné une expertise.

L'expert a déposé son rapport le 28 novembre 2019.

Dans ses écritures, la SAS Foncière [Localité 11] a sollicité principalement une révision du loyer à la somme de 33 600 € hors taxes et hors charges par an, à la date de la révision triennale effective au 7 février 2017, outre les charges et conditions prévues au bail. La SAS Foncière [Localité 11] a fait valoir les nombreuses erreurs du rapport d'expertise et a soutenu qu'elles ont été indiquées à l'expert lors de la lecture de son pré-rapport, sans qu'il les corrigent. Elle a fondé sa demande sur le rapport du cabinet IPFEC qu'elle a fait réaliser.

La SARL Wattana a opposé que la demande en révision du loyer est irrecevable puisqu'elle intervient tardivement et parce qu'elle ne remplit pas les conditions exigées par les articles L. 145-37 et

L. 145-38 du Code de commerce. Elle a défendu le rapport d'expertise judiciaire qui estime un loyer quasiment identique à celui payé actuellement. 

Le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier énonce dans son dispositif :

Déclare irrecevable la note en délibéré adressée par le conseil de la SAS [Localité 11] le 8 octobre 2020.

Déclare l'action recevable.

Fixe le loyer révisé du bail liant la SAS Foncière [Localité 11] à la SARL Wattana à la somme annuelle de 17 430, 05 € hors charges et hors taxes à compter du 7 février 2017.

Dit que les intérêts au taux légal dus sur la différence entre le loyer révisé et le loyer payé depuis le 7 février 2017 ont pour point de départ le 7 septembre 2017, date de l'assignation et que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1 343-2 du Code civil.

Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Condamne la SAS Foncière [Localité 11] à payer à la SARL Wattana la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la SAS Foncière [Localité 11] aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Ordonne l'exécution provisoire.

Le jugement expose que la demande de révision du loyer est recevable car elle possède un fondement légal, celui de l'article L 145-38 du Code de commerce qui prévoit un délai minimum de trois ans. Or, la demande de révision du loyer formée le 31 janvier 2017 est la première depuis le renouvellement du bail le 6 avril 2011 soit plus de trois ans après.

Le jugement relève que l'expertise IPFEC n'a pas été réalisée contradictoirement et que la SAS Foncière [Localité 11] n'a pas jugé utile de saisir le magistrat en charge des expertises des difficultés dont elle fait état dans ses conclusions concernant le rapport d'expertise judiciaire.

Le jugement reprend les critères posés à l'article L 145-33 du Code de commerce à travers les observations de l'expert pour déterminer le montant du loyer révisé. L'expert a notamment conclu à une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité du fait des nombreux aménagements du quartier, de la forte augmentation démographique et de l'évolution des flux dans le dit quartier. L'expert retient également une moyenne de la valeur locative de 248, 13 €/ m²/an. La surface pondérée de 62, 71 m², cave exclue est retenue par le jugement qui note donc que la modification matérielle des facteurs de commercialité n'a pas entrainé une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Le jugement retient donc un loyer révisé sur la base de la variation de l'indice ILC et par conséquent un loyer de 17 430, 05 €/ an hors charges et hors taxes à compter du 7 février 2017. 

La SAS Foncière [Localité 11] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 31 décembre 2020.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2023.

Les dernières écritures pour la SAS Foncière [Localité 11] ont été déposées le 23 août 2021.

Les dernières écritures pour la SARL Wattana ont été déposées le 15 juin 2021.

Le dispositif des écritures pour la SAS Foncière [Localité 11] énonce :

Confirmer la recevabilité de la demande de révision du loyer.

Confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a indiqué que le loyer de révision devait être fixé à la valeur locative du fait de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré.

Infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a jugé que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité n'avait pas entrainé une variation de plus de 10% de la valeur locative.

Réformer le jugement entrepris en ce sens et fixer le loyer annuel en principal à un montant de 33 600 € HT et HC à compter du 7 février 2017.

Subsidiairement, désigner tout expert judiciaire en vue de se prononcer sur la valeur locative à la date de demande de révision et tout géomètre expert.

A titre infiniment subsidiaire, désigner tout expert judiciaire pour permettre de fixer le montant du loyer révisé.

Fixer au 16 mai le point de départ des intérêts légaux à la charge du preneur.

Condamner la SARL Wattana au remboursement des frais d'expertise judiciaire et des dépens de première instance, et au paiement de la somme de 12 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner aux entiers dépens la SARL Wattana.

La SAS Foncière [Localité 11] soutient que sa demande de révision du loyer est recevable sans qu'il ne puisse lui être reprochée qu'elle aurait dû manifester son intention de procéder à la révision conventionnelle du loyer après l'expiration de la période triennale ou bien attendre la fin de la seconde période triennale.

En effet la demande de révision triennale formée le 31 janvier 2017 était la première demande depuis le renouvellement du bail le 6 avril 2011. La demande de révision pouvait donc intervenir à l'expiration du délai de trois ans après l'entrée en jouissance du preneur dans les lieux loués. La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que la position de la SARL Wattana sur ce point est fondée sur des éléments contradictoires puisqu'elle estimait la demande de révision comme étant tardive en première instance et allègue en appel qu'elle était prématurée.

La SAS Foncière [Localité 11] soutient qu'on ne peut lui reprocher de ne pas avoir saisi le magistrat en charge du contrôle de l'expertise, comme l'a fait le jugement de première instance car les conditions prévues par les articles 155 et suivants du Code de procédure civile n'étaient pas réunies et qu'il ne faut pas confondre les critiques émises dans le cadre de la procédure contradictoire avec les conditions spécifiques de saisine du magistrat en charge des mesures d'instruction. Il est incontestable selon elle qu'elle a formalisé des criques au sujet tant de la méthode que des erreurs de pondération des surfaces, ou de l'absence de pertinences des références en terme de localisation. Elle ajoute qu'elle a supporté l'ensemble des dépens et frais d'expertise dans ses deux demandes de révision ce qui aurait rendu difficilement supportable d'ajouter des frais supplémentaires. En outre, le juge peut apprécier souverainement la qualité du rapport d'expertise sans qu'il ne soit obligatoire de demander la nomination d'un nouvel expert.

La SAS Foncière [Localité 11] sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

La SAS Foncière [Localité 11] conteste la valeur locative retenue en première instance en faisant valoir que toutes les caractéristiques mentionnées aux articles R145-3 et R. 145-4 du Code de commerce n'ont pas été prises en compte.

Elle soutient que l'expert judiciaire a commis une erreur en relevant dans son rapport que la cave attachée au local commercial ne serait entrée en possession du bailleur qu'à compter du 19 avril 2018, soit postérieurement au jour de la révision, alors que la cave a toujours été occupée par le preneur, est mentionnée dans la désignation des lots loués à la SARL Wattana et fait l'objet d'un acte de notoriété acquisitive en date du 19 avril 2018, comme l'expert en a été informé tout comme de l'effet rétroactif de l'acte.

La SAS Foncière [Localité 11] souligne que le rapport d'expertise a relevé que la SARL Wattana a toujours occupé la cave en y stockant du matériel de restauration ou du mobilier. Le preneur l'a également admis lors de l'accedit du 11 décembre 2018.

La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que le lot n° 24 est également inclus dans la désignation des lots donnés à bail. L'article 1 du renouvellement du bail du 6 avril 2011 décrit les locaux comme étant constitués des lots n° 23 à 42. L'avenant du 9 mai 2007, mentionne également le lot 24 au paragraphe A. La SAS Foncière [Localité 11] explique que l'ensemble des lots 23 à 42 représentait un seul bail à l'origine de la construction en 1960 puis divisé en trois unités commerciales autonomes. L'un des baux a été établi au profit de [U] [F] qui a ensuite cédé son droit au bail à la SARL Wattana le 9 mai 2007 et concerne une partie du lot 26 et le lot 24. Rien ne démontre que les bailleurs auraient conservé le lot 24 pour leur usage puisqu'à l'inverse c'est le lot n°17 qui a été conservé par les bailleurs. En outre, la propriétaire du fonds de la SARL Wattana est également propriétaire du fonds de commerce mitoyen qui exploite le lot 23.

La SAS Foncière [Localité 11] explique que le lot n°24 avait été omis dans l'acte initial de cession en 1960 mais que les consorts [P], anciens bailleurs, puis elle-même, ont réglées les charges relatives à ce lot. L'acte de notoriété du 19 avril 2018 a donc été publié le 14 mai 2018. La SAS Foncière [Localité 11] rappelle que la prescription acquisitive a un effet rétroactif pour les bailleurs successifs par la jonction des possessions depuis 30 ans, ce qui permet de valider rétrospectivement tous les actes effectués et tous les droits concédés durant la période de prescription au regard des articles 2264 et 2265 du Code civil. Il y a en effet bien eu continuité de la possession entre les consorts [P] et le possesseur actuel, la SAS Foncière [Localité 11], chacun des possesseurs possédant la même qualité. Dès lors, les consorts [P] puis la SAS Foncière [Localité 11] sont bien réputées avoir été titulaires de la propriété de cette cave depuis le jour où le délai de prescription a commencé à courir, soit le premier jour de la possession, a minima à la date du renouvellement du bail le 6 avril 2017. Il y a donc bien une variation de plus de 10 % de la valeur locative à date de la révision triennale.

La SAS Foncière [Localité 11] relève d'autres erreurs notamment l'écart de métré des locaux d'angle et celle du métré de la cave réalisé par l'expert judiciaire. L'expert a en effet relevé une surface du local de 60, 91 m² et de 37, 90 m² pour la cave en soulignant l'écart de métré avec l'annexe. Cet écart a conduit la SAS Foncière [Localité 11] à solliciter une expertise de la société Focus Expertises pour vérifier les surfaces des locaux. Cette dernière a relevé une surface de 65, 94 m² pour le local et 26, 77 m² pour l'annexe soit des écarts respectivement de 8, 28 % et 41, 58 %.

Le mesurage réalisé par Control Habitat sur demande des vendeurs des locaux à la SAS Foncière [Localité 11] en 2013 fait état d'un local de 59, 69 m² mais le plan soumis à son expertise fait état d'une omission de surface de 6 m² non pris en compte dans le mesurage et d'une omission de la cave dont l'encombrement était trop important le jour de la visite. La SAS Foncière [Localité 11] déduit que les écarts de métrés importants outre l'exclusion de la surface de la cave, inversent la conclusion du rapport. La pondération des locaux permet d'obtenir une surface pondérée de 73 m².

La SAS Foncière [Localité 11] reproche au jugement de ne pas avoir tiré les conséquences des erreurs du rapport d'expertise judiciaire dans sa fixation du montant révisé du loyer. Elle critique la méthode de pondération des surfaces choisie par l'expert, soit la table de pondération d'un expert privé [X] publié en mai 2013 dans l'AJDI. Elle rappelle que depuis le 1er juillet 2015, les professionnels de l'immobilier et les experts de justice se sont accordés sur une grille de pondération commune nommée la charte de l'expertise en évaluation immobilière de mars 2017.

Cette charte propose des fourchettes recommandées qui laissent le technicien libre de les apprécier in concreto. La SAS Foncière [Localité 11] soutient que la méthode [X] est inappropriée et qu'en tout état de cause l'expert ne peut pas indiquer qu'il se réfère à la charte de l'expertise puis finalement utiliser une table de pondération d'un expert privé. Elle ajoute que cette méthode ne permet pas de comparer des références à des locaux qui ont principalement une profondeur située dans la 1ère zone de vente de 5 mètres, sur un linéaire de 16 mètres comme c'est ici le cas. Le bailleur explique que la pondération qu'il propose dans son dire n°7, qui ne fait pas mention des profondeurs de zone, s'explique par le fait que toutes les surfaces affectées au public se trouve dans la 1ère zone de 5 mètres. Il est certain en effet que la commercialité et la valeur locative d'une boutique à la façade très importante est plus importante qu'une boutique très profonde avec une petite façade et ce d'autant plus pour un bar restaurant qui bénéficie d'une terrasse proportionnellement à son linéaire de façade. Pourtant c'est l'inverse qui est retenue par la pondération [X]. Cette analyse prétend donc qu'une table éloignée de la vitrine aurait la même contribution au chiffre d'affaires qu'une table profitant de la vue ou de l'éclairement de la vitrine, ce qui est faux selon la SAS Foncière [Localité 11]. Or pour les locaux loués, 86, 93 % de la surface est concentré dans cette première zone proche de la vitrine, l'espace du bar devant y être intégré puisque l'activité n'est pas autorisée au bail. La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que la méthode [X] ne tient pas compte de l'importance de l'effet vitrine.

La SAS Foncière [Localité 11] souligne que l'expert retient une méthode combinant la charte de l'expertise et la méthode [X] alors même que l'expert fait partie des associations signataires de la charte d'expertise et est donc dans l'impossibilité d'adapter ou modifier la charte.

La SAS Foncière [Localité 11] fait valoir que l'expert a omis de pondérer l'angle des locaux alors même que la façade est constituée de trois pans de façade dans son pré rapport. Dans le rapport final l'expert a retenu un coefficient de 1,15 ce que la SAS Foncière [Localité 11] conteste puisqu'il a retenu ce même coefficient pour les références 2, 3 et 10 qui sont dans un quartier commercialement dégradé contrairement aux locaux objet du litige qui bénéficient d'une visibilité exceptionnelle. Le coefficient de pondération de l'angle doit donc être de 1, 30.

La SAS Foncière [Localité 11] soutient donc qu'une fois les erreurs de l'expert corrigées, la surface utile brute des locaux est de 92, 71 m² soit 73 m² une fois pondérée avec les coefficients préconisés par la charte de l'expertise de mars 2017.

La modification matérielle des facteurs de commercialité aurait bien entrainé une variation supérieure à 10 % de la valeur locative même celle erronée proposée par le technicien qui débouche sur un loyer révisé de 18 113, 49 € HT et HC soit une variation de 10,22 % ou celle erronée également proposée au pré rapport d'expertise judiciaire avec une variation de 26, 81 %. Les écarts importants de métré rendent nécessaire de retenir le dernier certificat de mesurage de la société Focus Expertise ou d'ordonner la réalisation d'un relevé de surface par un géomètre expert.

La SAS Foncière [Localité 11] soutient que l'expert a mal décrit les locaux. Il décrit notamment le sol de la cave en terre battue alors qu'il est en béton, la réserve comme étant accessible par marches alors qu'elle est de plain-pied, une douche et un dégagement qui n'existent pas dans les locaux loués et il se trompe quant à l'utilisation de la porte arrière. La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que les photos de l'expert ne permettent pas de déterminer l'emplacement stratégique d'angle des locaux loués. En outre, la visibilité exceptionnelle des locaux n'est pas réellement soulignée dans le rapport final d'expertise. L'expert aurait également refusé de faire apparaitre l'importance du linéaire de la façade vitrée des locaux loués, l'importance de la terrasse ou la visibilité exceptionnelle des locaux tant pour les usagers de la gare que du tramway.

La SAS Foncière [Localité 11] conteste l'absence de mention de l'implantation stratégique des locaux et de ses caractéristiques très favorables pour le commerce.

L'accès depuis la gare est très favorable, deux lignes de tramway passent devant les locaux qui bénéficient d'une terrasse bien exposée et visible depuis la gare, outre le fait que les locaux sont en zone entièrement piétonne. Les locaux loués auraient donc un emplacement « Premium » pour le commerce exercé.

Dès lors, le choix des références prétendument comparables des valeurs [Adresse 9]/[Adresse 5] ou [Adresse 8] n'est pas pertinent au regard de la qualité de l'emplacement des locaux Wattana. Il n'est pas utile de tenir compte de l'ouverture d'un complexe hôtelier hors de la période de référence. La SAS Foncière [Localité 11] précise que le litige portant sur l'appréciation de la valeur locative des locaux, elle ne commentera pas le non respect de la destination par le preneur mais précise que l'activité étant Bar-Brasserie, seule la référence n°13 est comparable.

La SAS Foncière [Localité 11] reproche aussi à l'expert de ne pas avoir tenu compte des clauses au bénéfice du locataire et de ne pas avoir produit les baux des références, à l'exception d'un seul, ce qui ne permet pas de les comparer au bail de la SARL Wattana. Pourtant, l'article R.145-8 du Code de commerce prévoit que les éléments valorisant le fonds de commerce doivent être pris en considération pour majorer la valeur locative, ce qui est le cas d'une clause de cession libre du droit au bail qui est justement stipulée dans le bail objet du litige. Le bail comprend également une clause travaux qui permet au preneur d'entreprendre tous les travaux utiles pour l'exploitation des lieux. La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que l'expert a retenu qu'il ne payait pas de taxe foncière, ce qui est faux et constitue, une fois la TOM répercutée sur le preneur, 17, 39 % du loyer de renouvellement.

La SAS Foncière [Localité 11] soutient que l'expert n'a pas tenu compte des autres correctifs transmis. Il n'a notamment pas tenu compte des dates de prise d'effet des baux ni du correctif de terrasse. Sur ce point, l'expert a étudié le nombre de couverts et de tables du local sans tenir compte des places de la terrasse qui présente une capacité exceptionnelle ce qui permet, selon un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 31 août 2012, d'appliquer un correctif de 15%.

En ce qui concerne la prise en compte des prix couramment pratiqués dans le voisinage, la SAS Foncière [Localité 11] soutient que l'expert a retenu à titre de comparaison des valeurs qui ne se situaient pas à proximité du local commercial. Dans son dire n°5, l'appelante n'a retenu que 4 références situées à moins de 100 mètres, les autres références étant tout à fait incomparables au vu de leur situation géographique.

La SAS Foncière [Localité 11] conteste notamment les références 26 et 27 situées en sous-sol de la galerie du Triangle et donc non visibles alors même que les locaux loués bénéficient d'une visibilité importante.

La SAS Foncière [Localité 11] critique le secteur géographique retenu par l'expert, c'est-à-dire la Gare-[Adresse 4]-[Adresse 6] alors même que la disparité de la commercialité des rues du secteur [Adresse 4] empêche de trouver une valeur de marché commune. En outre, les références du [Adresse 4] retenues par l'expert sont toutes collectées dans la [Adresse 8] qui est un secteur en souffrance avec une vacance commerciale certaine. 

L'expert a également collecté des références mitoyennes ce qui n'a pas de sens en l'absence de situation atypique des secteurs étudiés. Selon l'appelante, l'expert a mis en place une stratégie de collecte ciblant des valeurs exclusivement situées sur un niveau médian de 200 € avant correctifs. Ce choix ciblé des références empêche de déterminer une valeur locative de marché juste et objective. Le bailleur a transmis ainsi à l'expert des échantillons du même secteur avec des loyers au m² bien différents des références retenues par l'expert. Il soutient que le voisinage, la sectorisation et la méthodologie de collecte des termes de comparaison de l'expert sont inappropriés pour évaluer une valeur locative de marché.

La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que l'expert fait une analyse des flux page 64 qui ne repose sur aucun comptage. En outre, les flux retenus par l'expert ne tiennent pas compte de la création du nouvel accès à la gare, et des nouveaux itinéraires qui se sont déplacés vers les locaux loués. Elle rappelle que la majorité de la clientèle des locaux loués concernent du tourisme de loisirs et d'affaires qui dispose d'un pouvoir d'achat supérieur. La SAS Foncière [Localité 11] fait valoir que l'expert retient un abattement de 10 % pour différence de flux piétons pour la seule valeur 13 alors qu'elle se trouve à proximité immédiate des locaux loués ce qui parait peu logique. La valeur locative de cette référence a été considérée comme ayant augmenté alors même qu'il s'agit d'un local mitoyen au local loué. L'appelante souligne que son local est situé au nord de la gare contrairement à plusieurs des références retenues et qu'en tout état de cause, l'expert n'a pas tenu compte de l'extension de la gare et de l'importance des flux alors même que ces nouveaux flux drainent des flux considérés parmi les plus importants du centre-ville de [Localité 3] comme le montre le rapport IPGEC [G].

La SAS Foncière [Localité 11] soutient que l'expert a commis une erreur manifeste sur son interprétation de l'appréciation des prix couramment pratiqués dans le voisinage et sur le choix des références. En effet, page 88 du rapport, l'expert indique que l'article R145-6 du Code de commerce fait références aux facteurs locaux de commercialité et non au choix des références alors même que l'article R.145-7 précise que les prix pratiqués dans le voisinage doivent concerner des locaux équivalents devant être appréciés au regard des articles R 145-3 à 145-6 ce qui concerne bien le choix de références.

La SAS Foncière [Localité 11] soutient que les références choisies ne sont pas pertinentes.

Elle critique les références 1,2,4 et 5 qui concernent un secteur au sud de la gare et donc incomparable avec celui des locaux loués puisqu'il y a notamment beaucoup de circulation, une clientèle de proximité et des trottoirs étroits. Plusieurs locaux de ce secteur sont mentionnés par l'expert et ce incluant des locaux associatifs ou des cabinets d'infirmières vacants sans tenir compte de l'offre complémentaire de la gare qui est passée de 1 000 m² à 2 700 m².

Elle critique également les références 3,6,7,8,9,10 et 11 qui avaient été proposées par la SAS L'Orchidée Bleue, local mitoyen contre lequel la SAS Foncière [Localité 11] a engagé la même procédure en révision de loyer. Or ces valeurs avaient été choisies au sein d'un rapport mandaté par la SAS L'Orchidée Bleue et qui lui était très favorable. Elle ajoute que l'expert judiciaire n'a vérifié aucune des informations contenues dans ce rapport ce qui est contraire à l'article 233 du Code de procédure civile.

La SAS Foncière [Localité 11] critique également les références 22 à 27 qui ont été ajoutées par l'expert judiciaire dans le rapport final. La référence 24 se trouve à 950 mètres des locaux loués et est indiquée à une adresse erronée. Le choix des références est justifié par l'expert par le fait qu'elles se trouvent en sous sol et ne sont pas visibles des flux ce qui n'est pas approprié. Les autres références ne sont pas plus justifiées.

La SAS Foncière [Localité 11] fait valoir la pertinence de ses propres références au regard de la proximité, la chalandise, la surface, la commercialité et la date de contractualisation.

Selon elle, il faut retenir les références 13, 14, 15 et 17 et les pondérer conformément à la charge de l'expertise. La valeur 16 est un local monovalent qui s'apprécie selon la méthode hôtelière. Or l'expert n'a retenu que la référence 13 dont la valeur locative représente en moyenne 3 fois celle des 14 sur les 15 références. L'expert a donc exclut cette valeur dans un lissage « par la valeur dominante » avant de modifier son seuil de surface de référence pour pouvoir garder la référence dans ses calculs.

La SAS Foncière [Localité 11] ajoute qu'hormis le local 17, l'expert n'a produit aucun bail sur les 27 références citées dans le dossier. Or une expertise judiciaire ne peut pas prendre exclusivement en compte la correction du défaut d'équivalence des références stipulée à l'article R 145-7 du Code de commerce mais aussi celle de l'article R145-8. Il est certain que l'expert n'a pas obtenu les baux puisqu'il ne précise pas la durée des baux de la plupart des références et utilise le conditionnel pour mentionner le loyer connu. La SAS Foncière [Localité 11] ajoute que l'expert a écarté la référence 17 au motif que le bail était résilié alors même qu'il retient la référence 12, s'agissant d'un commerce fermé durant son rapport et ce sans l'avoir visité et sans avoir eu le bail.

La SAS Foncière [Localité 11] verse aux débats la pièce 53 qui détaille les erreurs manifestes, les imprécisions et incohérences relevées. Elle démontre que l'expert n'a pas effectué lui-même un nombre important d'investigations et qu'il était en contact avec l'expert privé [V] qui avait rédigé un rapport pour l'Orchidée Bleue.

La SAS Foncière [Localité 11] estime qu'elle dispose d'une preuve irréfragable que l'expert n'avais pas procédé personnellement aux investigations. En effet dans le pré rapport, l'expert déclare avoir vérifié les surfaces sans aucune restriction particulière mais reformule sa déclaration dans le rapport final. Page 50, l'expert précise que le propriétaire ne l'a pas autorisé à visiter les caves, alors même que la SAS Foncière [Localité 11] a visité les caves des locaux sans problème. Or, l'expert a ainsi validé les pondérations erronées faites par son collègue. L'appelante ajoute que les valeurs collectées personnellement par l'expert ne sont pas fiables. Rien ne démontre qu'il a eu les baux des références entre ses mains.

La SAS Foncière [Localité 11] estime en outre qu'il est possible de comparer le local avec les locaux situés dans la gare.

La SAS Foncière [Localité 11] conteste la méthode d'évaluation de la valeur locative proposée par l'expert judiciaire. La valeur médiane de l'échantillon des références retenues par l'expert se situe en majorité 204, 99 € avant correctifs.

Selon le bailleur, le lissage d'un tel échantillon dont 93, 33 % se situent autour de la valeur médiane n'est pas pertinent et l'application d'une succession de 4 moyennes conduit à une valeur encore plus lissée ne correspondant pas à une valeur de marché, la pondération des références ne tenant pas compte des spécificités des locaux Wattana ni de la décomposition par profondeur. Le calcul des 4 moyennes est non justifié. Dans la première moyenne l'expert applique un abattement de -10% uniquement de la valeur 13. Pour la seconde moyenne, l'expert indique retirer les valeurs de moins de 105 m² alors qu'il fait l'inverse afin de pouvoir conserver la référence 13. Dans la troisième moyenne, l'expert retire les valeurs plancher et dominante alors que la valeur 13 ne peut être considérée comme la valeur dominante face au local occupé par le restaurant McDonald's. Enfin, dans la quatrième moyenne, l'expert a supprimé la courbe de tendance.

La SAS Foncière [Localité 11] souligne qu'elle a revu ses prétentions par rapport à sa demande du 31 janvier 2017 et sollicite aujourd'hui un loyer de 33 600 € HT et HC. Elle indique s'être appuyée sur les investigations et la conclusion proposée dans le rapport de l'expert [C] [G] qui conclut à une modification des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative des locaux loués en respectant le critère de proximité, la prise en compte de la spécificité des locaux et le comptage des flux piétonniers.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où il serait difficile de déterminer avec certitude la valeur locative, la SAS Foncière [Localité 11] sollicite la désignation d'un nouvel expert.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite une nouvelle expertise visant à s'assurer de la réalité de la modification matérielle des facteurs de commercialité.

Le dispositif des écritures pour la société Wattana énonce :

Infirmer le jugement du 1er décembre 2020 en ce qu'il a déclaré la demande de révision recevable.

Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer révisé à la somme de 17 430, 05 € à compter du 7 février 2017.

Débouter la SAS Foncière [Localité 11] de toutes ses demandes, fins et conclusions et la condamner au remboursement des loyers qui auraient été réglés en sus de celui fixé à la valeur locative à compter du 7 février 2017 outre 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Wattana estime que la demande de la SAS Foncière [Localité 11] est irrecevable car elle a été faite prématurément. Selon la société Wattana, les parties en application du contrat de bail ne peuvent agir en révision que tous les trois ans, au moment du terme de chaque période triennale du bail ou de celle de son renouvellement. Ici le dernier accord avait été fixé lors du renouvellement du bail le 6 avril 2011, le bailleur pouvait donc demander révision du loyer le 6 avril 2014 puis, le 6 avril 2017. La demande ayant été faite le 31 janvier 2017, elle est antérieure à l'issue de la deuxième période triennale et donc prématurée.

En tout état de cause, la société Wattana soutient que la SAS Foncière [Localité 11] ne démontre pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entrainé par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative et ce même en incluant la surface de la cave constituant le lot n°24 qui n'est pas décrite spécifiquement dans le bail de 2002, l'avenant du 6 avril 2011 et improprement dans l'avenant du 9 mai 2007.

La société Wattana ajoute que le bail initial indique que les locaux donnés à bail dépendent des lots 23 à 42, lots dont le bailleur déclare être titulaire, mais sans qu'il puisse être prétendu que ces lots correspondent avec les biens loués puisque le bailleur indique aussi dans l'avenant du 9 mai 2008 que les lots énumérés au bail comprennent des locaux qui n'ont jamais été occupés par les preneurs ainsi que la cave correspondant au lot 23 qui ne peut être celle de la société Wattana au vu de sa description. Selon l'intimée, il y aurait donc un doute très fort au sujet de la qualité de propriétaire et de bailleur de la SAS Foncière [Localité 11] de la cave utilisée par la société Wattana puisque le lot 24 est décrit comme une buanderie et non une cave. Elle précise que depuis le dernier accord concernant le loyer, le 6 avril 2011, le loyer a été indexé jusqu'au jour de la demande en révision en 2019 en fonction de la variation de l'ICC et que rien ne vient justifier la modification du loyer actuel.

La société Wattana soutient que le rapport d'expertise est pertinent.

L'expert a utilisé 27 références et a conclu qu'il existe bien une variation des facteurs matériels de commercialité mais non supérieure à 10% de la valeur locative. Le loyer annuel actuel indexé est à un euros près, la valeur estimée par l'expert.

La société Wattana estime que l'expert n'a pas à juste titre retenu la surface de la cave puisqu'aucune cave n'est désignée ni au bail initial ni à l'acte de renouvellement et que la SAS Foncière [Localité 11] n'aurait acquis la propriété de la cave que le 19 avril 2018 soit postérieurement à la demande de révision ce qui ne permet pas de la prendre en compte dans le calcul de la valeur locative.

En tout état de cause, le bailleur ne démontre pas qu'en l'incorporant au calcul, la valeur locative aurait varié de plus de 10%.

La société Wattana affirme que l'expert a bien affecté un coefficient de pondération aux locaux en conformité avec la charte des experts.

La société Wattana conteste l'utilisation de l'expertise IPFEC sollicitée par le bailleur. Elle fait valoir que le cabinet IPFEC n'est pas inscrit sur la liste des experts judiciaires, qu'il n'a pas mené ses opérations de façon contradictoire, qu'il ne se réfère qu'à 5 baux sans lien avec le local objet du litige et obtient une valeur locative excessive de 400 €/m².

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande en révision:

En application de l'article L 145-37 du code de commerce « les loyers des baux d'immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre renouvelés ou non peuvent être révisés à la demande de l'une ou l'autre des parties sous les réserves prévues aux articles L 145-38 et L 145-39 du code de commerce et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

L'article L 145-38 pré-cité dispose lui que « la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. », « De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable. ».

Il est constant que cette disposition légale signifie que la révision du loyer ne peut être demandée que si le loyer est applicable depuis trois ans et que pour la première demande après le renouvellement le délai de trois ans court à compter du point de départ du bail renouvelé, et le texte légal qui est d'ordre public ne dit pas contrairement à l'interprétation qui en est faite en appel par le preneur que la demande de révision ne peut intervenir qu'au moment du terme de chaque période triennale du bail ou de celle de son renouvellement.

Si le contrat de bail en son article 5 Révision mentionne que le loyer sera révisé tous les trois ans cette clause contractuelle ne peut contrevenir aux dispositions d'ordre public de l'article L 145-38 du code de commerce et d'ailleurs la clause prévoit que le loyer sera révisé tous les trois ans dans les formes et conditions posées par les articles L 145-38 et L 145-39 du code de commerce c'est à dire dans les formes et conditions légales.

Par conséquent en l'espèce le renouvellement du bail en litige a eu lieu le 6 avril 2011, si bien que la demande de révision du loyer, la première depuis le renouvellement du bail, formée le 31 janvier 2017, soit plus de trois ans après le dit renouvellement est parfaitement recevable comme jugé par la décision déférée qui sera donc confirmée sur ce point.

Sur la révision du loyer:

C'est à bon escient que le premier juge a rappelé les dispositions de l'article L 145-33 du code de commerce aux termes desquelles le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative qui à défaut d'accord est déterminée d'après:

1° les caractéristiques du local concerné,

2° la destination des lieux,

3° les obligations respectives des parties,

4° les facteurs locaux de commercialité,

5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Il a également rappelé par ailleurs que cette règle est tempérée par celle du plafonnement de l'article de l'article L 145-34 du code de commerce et qu'en application de l'article L 145-38 en cas d'une modification des facteurs locaux de commercialité, seule une variation de la valeur locative en hausse ou en baisse de plus de 10 % permet une révision triennale du loyer excédant la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction ou s'ils sont applicables de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L 112-2 du code monétaire et financier intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire.

La cour ajoute que c'est au demandeur d'apporter la preuve des conditions légales exigées et donc en l'espèce c'est au bailleur la SAS Foncière [Localité 11] de rapporter la preuve de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité entrainant une variation de plus de 10% de la valeur locative.

Pour arriver à cette démonstration la SAS Foncière [Localité 11] se fonde sur les rapports d'expertise non contradictoires qu'elle a fait réaliser en 2016 avant la demande de révision par le cabinet EVALORIM et en 2020 par le cabinet IPFEC qu'elle oppose comme en première instance au rapport d'expertise judiciaire établi par [T] [J] et déposé le 27 novembre 2019.

Le bailleur reproche pour essentiel au jugement entrepris de s'être fondé pour déterminer le montant du loyer de révision sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire qu'il critique sur les points suivants :

Sur la surface des locaux ( caractéristiques du local concerné) les parties s'opposent sur la surface du local à retenir, en particulier sur le fait de savoir si la cave constituant le lot 24 de la copropriété de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3] doit être pris en considération et sur les pondérations applicables.

Il sera d'abord rappelé que pour la fixation du loyer du bail renouvelé et la fixation de la valeur locative c'est la surface réelle des locaux à la date d'effet de la révision qu'il convient de prendre en considération.

La cour observe que l'attestation notariale en date du 31 octobre 2013 établie lors de l'acquisition des locaux par la SAS Foncière [Localité 11] aux consorts [P] ne porte par sur le lot 24 de la copropriété.

Si lors de la visite des lieux le 11 décembre 2019 l'expert constate que le preneur occupe une cave constituant le lot 24 de la copropriété, ce que ne conteste pas le preneur, comme relevé par l'expert judiciaire et le premier juge ce n'est qu'à compter de l'attestation de notoriété acquisitive établie le 19 avril 2018 par Maître [E] notaire, que la SAS Foncière [Localité 11] justifie de la possession légitime dudit lot 24 soit postérieurement à la date d'effet de la révision si bien que c'est à bon droit que cette cave n'a pas été prise en considération par le jugement entrepris pour le calcul de la surface des locaux.

L'expert a ensuite procédé à une mesurage de l'ensemble des locaux lors de sa visite des lieux, avec un total de surface utile de 60,91 m², mesurage qui en tant que tel ne fait pas l'objet de critiques sérieuses, qu'il a ensuite comparé aux surfaces mesurées selon la loi Carrez par le cabinet Control Habitat en mai 2013 pour un total de 59,69 m² soit une différence acceptable de 2,044%.

L'expert a ensuite réalisé une pondération en expliquant très clairement en quoi consistait la méthode de pondération et pourquoi il faisait le choix au cas d'espèce d'utiliser la grille de pondération proposée par Monsieur [X] expert judiciaire en lieu et place de celle proposée par la charte de l'expertise, dans la mesure où la table de pondération de Monsieur [X] apparait spécialement adaptée aux commerces de bar-restaurant qui différent des commerces de boutiques.

L'expert a également répondu aux dires de l'appelant sur ce point précis.

La cour rappelle que si en application de l'article R 145-3 2° du code de commerce il faut tenir compte pour le calcul des surfaces de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ce qui se traduit en pratique par une pondération des surfaces, il n'existe aucune disposition légale ou réglementaire imposant à l'expert et au juge une grille particulière de pondération.

Ainsi s'il est fait de façon habituelle application de la grille de pondération proposée dans le cadre de la charte de l'expertise judiciaire rien n'interdit d'utiliser une autre grille de pondération tout autant que celle-ci apparaît pertinente au regard du commerce en cause.

Ainsi en l'espèce l'expert judiciaire expose en quoi la grille de pondération proposée pour des boutiques en général n''est pas forcément la plus pertinente pour une activité de bar restaurant qui par exemple ne retire pas le même profit d'un linéaire de vitrine.

Il sera relevé que dans le rapport établi par le cabinet IPFEC postérieurement au rapport d'expertise judiciaire il est certes appliqué la grille de pondération de la charte de l'expertise comme revendiqué par le bailleur sans que toutefois ce cabinet développe en quoi la grille de pondération choisie par l'expert judiciaire serait critiquable.

Par conséquent la cour retient la grille de pondération proposée par l'expert judiciaire soit 1,5 pour la salle de restauration, 1 pour le bar, 0,60 pour les sanitaires, 0,55 pour la cuisine et 0,35 pour la réserve soit une surface pondérée totale de 62,71 m².

Sur la destination des lieux, l'expert judiciaire a bien pris en considération le fait que les locaux sont loués à usage de l'exploitation de l'activité de restauration mais que le preneur y exerce une activité de bar non prévue au bail.

Toutefois il n'en est pas tiré argument par les parties et en particulier par le bailleur pour soutenir qu'il y aurait une modification de la destination des lieux de nature à justifier une modification de la valeur locative.

Sur les obligations respectives des parties, l'expert judiciaire a bien pris connaissance des clauses contractuelles du bail et en particulier du fait que l'impôt foncier n'est pas refacturé au preneur à l'exception de la taxe sur les ordures ménagères.

Il sera rappelé qu'en application de l'article R 145-8 du code de commerce en matière d'obligations des parties influant sur la valeur locatives seules sont prises en considération:

-les restrictions à la jouissance des lieux,

-les obligations incombant normalement au bailleur dont il s'est déchargé sur le locataire sans contrepartie,

-les obligations imposées au locataire au-delà de celles découlant de la loi et des usages,

-les obligations légales nouvelles génératrices de charges imposées à l'une ou à l'autre des parties depuis la dernière fixation du prix.

Le bailleur ne démontre pas en quoi le fait que le preneur ne supporte pas la refacturation de la taxe foncière qui incombe naturellement au propriétaire serait une clause exorbitante.

Il ne démontre pas plus en quoi le fait que le preneur soit autorisé par le bail initial à une libre cession du droit au bail et à effectuer tous travaux utiles sous réserve que ces travaux ne nuisent aux structures seraient des charges exorbitantes du droit commun et en tout état de cause il ne s'agit pas d'obligations nouvelles.

Par conséquent comme retenu pas le premier juge il n'existe aucune clause du bail faisant peser sur les parties des obligations exorbitantes et pouvant justifier comme le demande le bailleur des correctifs de la valeur locative ce que d'ailleurs ne proposent pas non plus les rapports des cabinets d'expertise mandatés par le bailleur lui-même.

Sur les facteurs locaux de commercialité la cour rappelle que cette notion est définie par l'article R 145-6 du code de commerce et qu'en application de l'article L 145-34 du-dit code la modification doit être notable et avoir un intérêt pour le commerce considéré.

Il ressort de la lecture du rapport d'expertise judiciaire sur ce point qu'après une étude particulièrement longue et détaillée l'expert au regard de la forte croissance démographique de la métropole montpelliéraine, du dynamisme de la ville, de la fréquentation hôtelière, de la métamorphose du [Adresse 7] dans lequel se situe le commerce, de la fréquentation touristique, a conclu à une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, ce à quoi aucune des parties ne fait sur ce point la démonstration inverse.

Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage ou termes de comparaison, la bailleresse partie appelante reproche à l'expert judiciaire d'avoir pris en considération des termes de comparaison ne s'avérant pas pertinent.

Pour autant il sera d'abord relevé que l'expert a raisonné d'abord sur pas moins de 27 références parmi lesquelles figurent de nombreux bars-restaurants pour en retenir 15.

Le secteur retenu par l'expert apparaît également pertinent en ce qu'il a retenu des commerces situés dans des rues comparables à la [Adresse 10] où est situé le local en cause.

L'expert a également étudié les références citées par le cabinet EVALORIM et il a également analysé la référence N°1, la référence N°2, la référence N°3, la référence N°4, figurant dans le rapport IPFEC soit 4 références sur les 5 sur lesquelles se fonde le dit rapport.

L'expert judiciaire a par ailleurs répondu de façon complète et argumentée aux dires des parties et en particulier à ceux du bailleur notamment sur le périmètre des références, sur la prise en considération des baux nouveaux mais aussi des baux renouvelés de façon amiable et contractuelle, sur le fait que les commerces de restauration situés dans la gare ne peuvent servir de terme de comparaison car ils ne sont pas juridiquement assimilables à des fonds de commerce, et de façon plus générale sur l'ensemble des références retenues ou écartées pour parvenir à la valeur locative.

La cour considère que le rapport non contradictoire du cabinet IPFEC ne permet pas de remettre en cause l'analyse de l'expert judiciaire pour arriver à une valeur locative de 248,13 €/m²/an comme retenu par le jugement critiqué, soit une valeur locative du bien considéré de 15 560 € HT/an et donc une valeur inférieure de ' 5,32% à la valeur du loyer actuel de 16 434,60 € c'est à dire une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité n'ayant pas entrainé une variation de plus de 10% de la valeur locative.

Par conséquent la cour qui ne trouve donc pas dans les moyens développés par l'appelant et dans les pièces produites une critique sérieuse du jugement entrepris confirmera la décision déférée sur la fixation du loyer révisé sur la base de la variation de l'indice ILC entre le 3ème trimestre 2010 et le 3ème trimestre 2016 à la somme de 17 430,05 €/an HT et HC à compter 7 février 2017.

Sur les demandes d'expertise:

La SAS Foncière [Localité 11] sollicite en appel à titre subsidiaire une expertise pour déterminer la valeur locative et à titre infiniment subsidiaire une expertise sur la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, demandes qui doivent en réalité plus s'analyser comme une demande de contre expertise.

Toutefois la cour rappelle qu'en l'absence de non respect par l'expert des dispositions du code de procédure civile sur la mesure d'instruction une analyse différente de pièces, des méthodes de travail différentes et des conclusions divergentes d'un expert à l'autre ne peuvent suffire à justifier qu'une mesure de contre-expertise ou une nouvelle expertise soient ordonnées le juge étant en capacité dans le cadre du débat judiciaire d'apprécier l'ensemble des éléments qui lui sont soumis à savoir le rapport d'expertise judiciaire et les éléments de preuve produits par chacune des parties.

En l'espèce il a déjà été retenu que le rapport d'expertise judiciaire était particulièrement complet, détaillé, documenté et qu'il avait été répondu aux dires des parties et la cour dans les développements précédents a été en mesure de l'analyser tout comme elle a pu analyser les rapports remis par la partie appelante.

Il sera ajouté que le juge n'est pas tenu par les conclusions du rapport d'expertise judiciaire et il n'apparait pas que les demandes d'expertise soient justifiées, une expertise judiciaire ayant pour but d'éclairer le juge afin de lui permettre de trancher les questions qui lui sont soumises et non de conforter les prétentions des parties et qu'en l'espèce la cour s'est considéré comme suffisamment éclairée pour pouvoir ci-dessus statuer.

Sur les demandes accessoires:

Le jugement dont appel sera ailleurs confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

En outre la SAS Foncière [Localité 11] succombant en son appel sera condamnée à payer à la société Wattana la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Foncière [Localité 11] de ses demandes d'expertise présentées à titre subsidiaire comme infiniment subsidiaire;

Condamne la SAS Foncière [Localité 11] à payer à la société Wattana la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00001
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.00001 ?
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