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08/06/2023 | FRANCE | N°22/06391

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre de la famille, 08 juin 2023, 22/06391


Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre de la famille



ARRET DU 08 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06391 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUZW



Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 21 NOVEMBRE 2022 DU JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MONTPELLIER

N° RG 21/03170



APPELANT :



Monsieur [P] [Y]

né le 20 Avril 1954 à MONTPELLIER

de nationali

té Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Corinne FERRER, avocat au barreau de MONTPELLIER









INTIME :



Monsieur [V] [Y]

né le 15 Mars 1963 à MONTPELLIER

de nationalité Française

[Adresse 4]

...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre de la famille

ARRET DU 08 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06391 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUZW

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 21 NOVEMBRE 2022 DU JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MONTPELLIER

N° RG 21/03170

APPELANT :

Monsieur [P] [Y]

né le 20 Avril 1954 à MONTPELLIER

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Corinne FERRER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [V] [Y]

né le 15 Mars 1963 à MONTPELLIER

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Claire Lise BREGOU, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 13 Avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre

Mme K. ANCELY, Conseillère

Mr Y. BLANC-SYLVESTRE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier lors des débats : Mme D. IVARA

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre, et par Mme D. IVARA, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [Y] et Mme [R] [F] se sont mariés sous le régime de la séparation de biens le 19 mars 1952.

De leur union sont issus :

- [P] né le 20 avril 1954 à Montpellier

- [V] né le 15 mars 1963 à Montpellier.

Mme [F] est décédée le 19 mai 2010.

M. [Y] a opté pour l'exécution de la disposition à cause de mort qui lui avait été consentie par son épouse le 16 février 1993 et a opté pour le 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession de son épouse.

Une déclaration de succession a été établie le'28 juillet 2010. La succession de Mme [Y] n'a pas été liquidée.

Par acte du 28 juillet 2010, M. [Y] a fait donation à titre de partage anticipé à ses deux fils de la toute propriété pour certains et de nue-propriété pour d'autres, des biens immobiliers dépendant de la succession de son épouse ainsi que des biens immobiliers lui appartenant.

M. [Y] est décédé le 31 mai 2013.

Les successions ont été ouvertes en l'étude de Me [K] [O], notaire à [Localité 2].

Par acte du 19 avril 2018, M. [V] [Y] arguant de l'existence de contrats d'assurance-vie, a saisi le président du tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir ordonner au crédit agricole et à la banque postale Cnp Assurances de lui communiquer les informations sur les contrats. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 30 avril 2018.

Les éléments sollicités auprès des établissements bancaires ont été produits les 24 mai 2018 par le Crédit Agricole et le 10 août 2018 par CNP Assurances.

Par acte du 1er juillet 2021, M. [V] [Y] a fait assigner son frère devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir ordonner les opérations de comptes, liquidation et partage des successions de ses parents et préalablement à l'ouverture des opérations, voir':

- dire et juger que par application de l'article 587 du code civil, la succession de feu [M] [Y] devra restituer à la succession de feue [R] [F] épouse [Y], la somme de 63 415,10 € au titre de la créance de quasi-usufruit exercé par feu [M] [Y] sur les avoirs bancaires personnels ou joints de feue [R] [F] épouse [Y]

- dire et juger que les primes versées par [M] [Y] à hauteur de la somme de 289.919,60 € entre le 20 mars 2010 et le 17 décembre 2011 sur les contrats d'assurance vie souscrits auprès du Crédit Agricole (PREDICA) et de la Banque postale (CNP ASSURANCES), étaient manifestement exagérées eu égard à ses facultés, à son âge et à son patrimoine.

- dire et juger que par application de l'article L 132-13 du Code des Assurances, [P] [Y] seul bénéficiaire de ces contrats d'assurance devra rapporter à la succession de [M] [Y] la somme de 289.919,60 €, somme correspondant au montant des primes versées par [M] [Y], sur ces contrats d'assurance dont il est bénéficiaire et qui sont constitutifs de donations indirectes à son profit

- dire et juger que dans la mesure où les donations dont [P] [Y] a bénéficié, portent atteinte à la réserve de [V] [Y], elles seront réductibles à la quotité disponible et que la réduction s'effectuera en valeur

- dire et juger que [P] [Y] devra restituer à la succession de [M] [Y] la somme de 5.000 € correspondant au prix des meubles meublants l'appartement de [M] [Y] vendus le 10 octobre 2013 suivant acte passé en l'Etude de Maître [O]

- dire et juger que, en l'état des dissimulations effectuées par [P] [Y] sur la perception des contrats d'assurance vie et la vente des meubles meublant l'appartement de feu

[M] [Y], les peines du recel successoral lui seront appliquées sans qu'il puisse prétendre à aucune part sur le rapport à la succession de feu [M] [Y], de la somme 14 de 289.919,60 € au titre des primes d'assurance vie constitutives de donations indirectes, à son profit et de la somme de 5 000 € correspondant au prix des meubles meublants l'appartement de [M] [Y] vendus le 10 octobre 2013

- condamner [P] [Y] à payer à [V] [Y] la somme de 20.000,00 euros en réparation du préjudice tant financier que moral subi du fait de l'appropriation par lui des avoirs de la succession de leur père et mère

- condamner [P] [Y] à payer à [V] [Y] la somme de 10.000,00 euros par application de l'article 700 code de procédure civile.

Par voie de conclusions signifiées le 6 juin 2022, M. [P] [Y] a saisi le juge de la mise en état, au visa des articles 1360, 122 et 124 du code de procédure civile, 921 et 778 du code civil aux fins de'dire irrecevable l'assignation du 1er juillet 2021, dire l'action en réduction prescrite et condamner M. [V] [Y] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 21 novembre 2022, le juge de la mise en état a':

- constaté que le juge de la mise en état n'est pas saisi de la fin de non recevoir tirée des dispositions de l'article 1360 du code civil,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par Monsieur [P] [Y] et déclarer l'action recevable ;

- condamner Monsieur [P] [Y] à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dire que les dépens suivront le sort du fond.

Par déclaration au greffe du 19 décembre 2022, Monsieur [P] [Y] a interjeté appel limité de la décision en ce quelle a':

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par Monsieur [P] [Y] et déclarer l'action recevable ;

- condamner monsieur [P] [Y] à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dire que les dépens suivront le sort du fond.

L'appelant, dans ses conclusions en date du 16 janvier 2023, demande à la cour':

- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du 21 novembre 2022 en ce qui concerne la prescription et les demandes accessoires

- dire que la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par

M. [P] [Y] est recevable

- déclarer l'action en réduction irrecevable comme prescrite

- débouter M. [V] [Y] de toutes ses demandes et conclusions

- condamner M. [V] [Y] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux dépens.

M. [P] [Y] reprend les termes de l'article 921 du code civil et soutient que le premier délai de 5 ans qui commence à courir au jour du décès de la personne successible, a expiré le 31 mai 2018, son père étant décédé le 31 mai 2013.

S'agissant de la prescription biennale, il soutient que M. [V] [Y] avait une parfaite connaissance des éléments de l'actif de la succession, qu'il existe un projet de déclaration de succession non daté qui a été établi au plus tard le 26 novembre 2013.

Il ajoute que son frère avait connaissance de l'actif de la succession et du déséquilibre entre les héritiers depuis a minima le 10 août 2018, date à laquelle avaient été communiqués les derniers éléments des établissements bancaires faisant suite à l'ordonnance de référé. Ainsi, il estime que son frère en possession de la déclaration de succession de leur mère, du projet de déclaration de succession de leur père et des réponses bancaires, disposait de tous les éléments chiffrés lui permettant d'étudier sa réserve. Il en déduit qu'en introduisant une action le 1er juillet 2021, l'action en réduction de M. [V] [Y] est prescrite.

L'intimé, dans ses conclusions en date du 15 février 2023, demande à la cour':

- déclarer man fondé l'appel de [P] [Y] à l'encontre de l' ordonnance du 21 novembre 2022 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Montpellier

par voie de conséquence

- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions

- débouter [P] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions

Y ajoutant

- condamner [P] [Y] à verser à [V] [Y] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] [Y] réplique, s'agissant du délai de 5 ans, que contrairement à ce que soutient l'appelant, le fait qu'il ait été versé entre les mains du notaire le 26 novembre 2013 un acompte de 624 euros au titre des droits de succession dus ne signifie pas que le projet de déclaration de succession date au plus tard du 26 novembre 2023. Il soutient n'avoir eu connaissance du projet de déclaration de succession que le 15 décembre 2020 date à laquelle le notaire en charge de la succession l'a communiqué à son conseil.

Sur la prescription biennale dont le point de départ serait le 10 août 2018, date à laquelle les banques ont communiqué les informations sur les contrats d'assurance-vie, il expose que le fait qu'il avait connaissance de l'existence de contrat d'assurance vie ne signifie pas qu'il connaissait le montant figurant sur les contrats. Il souligne que l'appelant à qui incombe la charge de la preuve, fait des erreurs dans la consistance de l'actif net successoral puisqu'il reprend purement et simplement le projet de déclaration de succession non daté qui doit être rectifié notamment pour ne pas faire état de la créance de quasi-usufruit de la succession de leur mère sur celle de leur père. Par ailleurs, il fait état d'une dette de la succession qui modifie les calculs de la masse partageable mais également de ses demandes tendant à voir restituer à la succession de leur père une somme de 5 000 euros correspondant au prix des meubles meublants l'appartement du défunt.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 avril 2023.

SUR CE LA COUR

Sur la prescription

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 921 du code civil, dans la rédaction applicable au litige, énonce en son alinéa 2 que le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.

Il ressort de cet article un double délai de prescription à savoir un délai quinquennal à compter de l'ouverture de la succession dès lors que n'est pas connue la date de la connaissance de l'atteinte portée à la réserve ou un délai de deux ans à compter du jour de la connaissance de l'atteinte portée à la réserve, peu important dès lors que cette connaissance soit intervenue dans les cinq ans de l'ouverture de la succession ou postérieurement, cette action devant toutefois être exercée dans un délai de dix ans à compter du décès.

L'article 2234 du code civil énonce que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure

En l'espèce, M. [M] [Y] étant décédé le 31 mai 2013, le délai de cinq ans édicté par l'article 921 précité expirait le 31 mai 2018.

Le litige porte sur le point de départ du délai de deux ans et la date de la connaissance de l'atteinte portée à la réserve.

M. [P] [Y] se prévaut en premier lieu d'un projet de déclaration de succession non daté et d'un règlement de 624 euros par virement de M. [V] [Y] au service des impôts du 26 novembre 2013 correspondant à un acompte sur les droits de succession ( pièce 9 relevé de compte du notaire ) pour en déduire que le projet a été établi au plus tard le 26 novembre 2013 conformément à l'article 641 du code général des impôts et que dès lors à cette date son frère avait de facto connaissance de l'actif de la succession.

Mais, le paiement de cette somme est insuffisant pour démontrer que le projet de déclaration a été porté à la connaissance de M. [V] [Y] avant le 26 novembre 2013, ce dernier produisant par ailleurs un courriel du notaire daté du 15 décembre 2020 par lequel Me [O] en charge de la succession communique à son conseil le projet de déclaration de la succession ainsi que les relevés de compte de la succession de [R] et [M] [Y] ( pièces 21 intimé).

En second lieu, M. [P] [Y] fait valoir le 10 août 2018 comme point de départ de la prescription biennale, cette date correspondant à la dernière information donnée par les établissements bancaires sur la consistance des contrats d'assurance-vie, l'appelant affirmant que la composition de l'actif n'est pas contestée et se réfère au projet de déclaration de succession non daté.

Or, M. [V] [Y] conteste la composition de l'actif. En effet, ce dernier fait notamment valoir une créance de quasi-usufruit de la succession de sa mère sur la succession de son père qui n'est pas reprise dans le projet de déclaration. Par ailleurs, M. [V] [Y] verse aux débats une assignation devant le tribunal judiciaire de Montpellier du 6 mai 2021 provenant de la caisse de retraite de [M] [Y] demandant paiement aux héritiers de la somme de 19 148,80 euros au titre de pensions indûment versées, de sorte que l'actif et le passif de la succession du père ne sont pas à ce jour connus.

Dès lors, la communication d'information du 10 août 2018 ne peut être le point de départ du délai précité dans la mesure où pour calculer l'atteinte à la réserve, l'actif et le passif successoral devaient être également connus à cette date de M. [V] [Y] ce qui n'était pas le cas.

Ainsi, les éléments chiffrés allégués par M. [P] [Y] pour démontrer que son frère était à même de calculer l'atteinte à sa réserve sont erronés.

C'est donc par une juste appréciation des faits et à bon droit, par des motifs pertinents, que la cour adopte et complète que le premier juge a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.

En conséquence, la décision du 3 octobre 2022 confirmée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel

M. [P] [Y] succombant, il sera condamné à supporter les dépens d'appel et à payer à M. [V] [Y] la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, et en dernier ressort,

CONFIRME la décision prononcée le 22 octobre 2022 ;

Y ajoutant

CONDAMNE M. [P] [Y] à supporter les dépens d'appel';

CONDAMNE M. [P] [Y] à payer à M. [V] [Y] la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

D. IVARA S. DODIVERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 22/06391
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.06391 ?
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