Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 07 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/07413 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OMWP
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 OCTOBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F17/00140
APPELANT :
Monsieur [L] (également appelé [J]) [C]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Mylène CATARINA de la SCP D&C DIENER ET CATARINA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
SELARL [B] [P] - Me [B] [P] - Mandataire liquidateur de la SARL COLLECTIBUS
[Adresse 2]
[Adresse 2]'
[Localité 6]
Représenté par Me Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me GONZALES, avocat au barreau de Montpellier
Association CGEA IDF EST UNEDIC Délégation AGS CGEA d'ILE DE France EST,
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 21 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrats à durée déterminée du 13 septembre 2013 pour une durée de cinq jours puis du 10 décembre 2013 d'une durée de 13 jours, M. [L] [C] a été engagé par la SARL Collectibus en tant que conducteur scolaire.
Par contrat de travail à durée indéterminée intermittent du 6 janvier 2014, il a été engagé par la même entreprise en qualité de conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite, emploi relevant du groupe « conducteur en périodes scolaires » de l'annexe ouvrier de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires, moyennant une rémunération horaire de 9,80 € brut.
Par lettre du 23 janvier 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 1er février 2017, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 22 mars 2017, l'employeur a développé les raisons de la mise à pied à titre conservatoire, maintenant les faits reprochés, a notifié au salarié sa mutation géographique et son affectation à un autre circuit, lui a demandé de se présenter le 29 mars 2017 à son nouveau poste et a indiqué adresser sous ce même pli un chèque d'un montant de 449,53 € pour régulariser la période du 27 janvier au 28 février 2017 couvrant la mise à pied.
Le 30 septembre 2017, le contrat de travail a été transféré à la société Vortex à la suite d'une perte de marché.
Par requête du 28 novembre 2017, faisant valoir qu son contrat de travail intermittent devait être requalifié en contrat de travail à temps complet, que divers rappels de salaire lui étaient dus, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Sète.
Par jugement du 7 octobre 2019, le tribunal de commerce d'Evry a placé la SARL Collectibus en redressement judiciaire.
Par jugement du 14 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [J] [C] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la SARL Collectibus de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné M. [C] aux entiers dépens.
Par jugement du 18 novembre 2019, la société a été placée en liquidation judiciaire et Maître [B] [P] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par déclarations enregistrées au RPVA le 14 novembre 2019 et le 6 décembre 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Une jonction des deux dossiers a été prononcée par le conseiller de la mise en état le 29 janvier 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au RPVA le 20 mars 2023, M. [L] [C] demande à la Cour, au visa des articles 367, 368 et 555 du Code de procédure civile, L3123-31 à L3123-37, L8221-5 et L 8223-1 du Code du travail, de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- constater que le contrat de travail et l'avenant n° 1 des 6 janvier 2014 et 1er juillet 2014 ne respectent pas le formalisme requis par les dispositions légales et conventionnelles en matière de travail intermittent, qu'aucun planning annuel prévisionnel n'a été annexé auxdits contrat et avenant n° 1, qu'aucun avenant écrit ni planning annuel prévisionnel n'ont été formalisé et remis en prévision de l'année scolaire 2015/2016 ;
- dire et juger que le contrat de travail et l'avenant n° 1 encourent la requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 6 janvier 2014 ;
- dire et juger que durant l'année scolaire 2015/2016, les relations contractuelles se sont exécutées sans avenant écrit ;
- dire et juger qu'il a été tenu à la disposition de son employeur sans pouvoir prévoir à quel rythme il devait travailler ;
- dire et juger que la SARL Collectibus ne rapporte pas la preuve du respect du formalisme exigé en matière de travail intermittent ;
- prononcer en conséquence la requalification du contrat de travail du 6 janvier 2014 et de l'avenant n°1 du 1er juillet 2014 en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 6 janvier 2014;
- infirmer le jugement entrepris sur ce point ;
- dire et juger que la retenue de la demi-heure quotidienne sur le temps de travail effectif est abusive et injustifiée, constitue le délit de travail dissimulé commis intentionnellement par l'employeur ;
- infirmer le jugement entrepris sur ces points ;
- prononcer la requalification de la mise à pied conservatoire notifiée le 23 janvier 2017 en mise à pied disciplinaire et prononcer son annulation ;
- infirmer le jugement entrepris sur ces points ;
- constater que la clause de mobilité est illicite, doit être frappée de nullité et que sa mise en 'uvre est abusive ; constater en outre que la mutation géographique repose sur un motif disciplinaire, qu'elle est intervenue à la suite de la mise à pied disciplinaire de sorte qu'elle est illicite ;
- dire et juger que la SARL Collectibus a manqué à ses obligations d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail;
- infirmer le jugement sur ces points ;
- faire droit à ses demandes en rappel de salaire :
sur la base d'un temps complet pour les périodes de janvier 2014 à août 2014; de septembre 2014 à août 2015 ; de septembre 2015 à juillet 2016 et de septembre 2016 à juillet 2017 majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent ;
afférent à la prime de 13ème mois déterminée sur la base d'un temps complet pour la période de janvier 2014 à décembre 2016 ;
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Collectibus les créances suivantes :
* 36.508, 74 € brut au titre des rappels de salaire déterminé sur la base d'un temps complet pour la période de janvier 2014 à juillet 2017 majorée de la somme de 3.650,87 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,
* 3.104,29 € brut au titre des rappels de salaire afférents à la prime de 13ème mois pour la période de janvier 2014 à décembre 2016, majorée de la somme de 310,42 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,
* 3.990,20 € brut au titre des rappels de salaire correspondant à la réintégration de la demi-heure quotidienne dans le temps de travail effectif pour la période de janvier 2014 à juillet 2017 majorée de la somme de 399 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,
* 9.215,75 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé correspondant à 6 mois de salaire déterminée sur la base d'un temps complet,
* 6.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait
de la SARL Collectibus ;
- ordonner la délivrance des bulletins de paie pour la période de janvier 2014 à août 2017 rectifiés au regard de la requalification des relations contractuelles à temps complet et des rappels de salaire et de congés payés y afférent ;
- dire et juger que Maître [B] [P], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL Collectibus devra établir le relevé des créances ;
- le débouter ès qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions;
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS GEA de Paris Ile-de-France Este ;
- débouter l'AGS CGEA De Paris Ile de France Est de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 6 avril 2020, la SARL Collectibus représentée par Maître [B] [P], mandataire liquidateur, demande à la Cour de
- juger Maître [B] [P] ès qualités recevable et bien fondé en ses observations ;
A titre principal, de
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes infondées en fait et en droit ;
- le condamner à verser à Maître [B] [P] ès qualités la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, de
- fixer les éventuelles créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Collectibus ;
- juger la décision à intervenir opposable à l'AGS CGEA au titre de sa garantie ;
- employer les dépens en frais privilégiés.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au RPVA le 27 mars 2020, l'association Unedic AGS CGEA de Levallois-Perret demande à la Cour, au visa des articles L. 625-1 du Code de commerce,L. 3253-1, D. 3253-5 du Code du travail et les plafonds de garantie définis pour l'AGS, de
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
- débouter en ce sens M. [C] de l'intégralité de ses demandes totalement injustifiées ;
- constater qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l'un des trois plafonds définis par l'article D. 3253-5 du Code du travail et qu'en l'espèce, c'est le plafond 6 qui s'applique ;
- exclure de la garantie AGS les sommes éventuellement fixées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens et astreinte ;
- dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 in fine du Code du travail ;
- donner acte au CGEA de ce qu'il revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en 'uvre du régime d'assurance de créances des salariés que de l'étendue de ladite garantie.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023.
MOTIFS
Sur la requalification du contrat intermittent en contrat à temps complet.
L'article L3123-31 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 10 août 2016 et applicable au cas d'espèce, dispose que le travail intermittent a pour objet de pourvoir durablement des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées.
Il résulte de ces dispositions légales qu'en l'absence de définition de ces périodes dans le contrat de travail, ce dernier doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps complet.
Par ailleurs, l'accord du 24 septembre 2004 relatif à la définition, au contenu et aux conditions d'exercice de l'activité des conducteurs en périodes scolaires des entreprises de transport routier de voyageurs stipule notamment que la répartition des heures de travail dans les périodes travaillées doit être mentionnée dans le contrat de travail des conducteurs en périodes scolaires, que le contrat de travail précise ou renvoie à une annexe mentionnant les périodes travaillées et que cette annexe est mise à jour à chaque rentrée scolaire lorsque l'évolution du calendrier scolaire le nécessite. Cette dernière disposition a été étendue par arrêté du 30 juin 2005 sous réserve que l'annexe soit signée par le salarié.
En l'espèce, le salarié sollicite la requalification du contrat de travail intermittent du 6 janvier 2014 aux motifs que ledit contrat ne contient aucune précision sur la durée annuelle minimale de travail, sur la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillée et sur la mention des périodes travaillées et des périodes non travaillées. L'employeur rétorque notamment que la répartition des périodes travaillées et non travaillées ainsi que la répartition des heures de travail des périodes travaillées sont prévues en ce que le contrat renvoie à une annexe et que l'activité du salarié variait en fonction du calendrier scolaire établi par les autorités nationales.
Le contrat prévoit que le salarié travaillera « en périodes scolaires pour une durée minimale de 35 semaines (soit les périodes d'ouverture scolaire) », que « le planning annuel prévisionnel des jours travaillés au cours de l'année scolaire 2013/2014 en cours est joint au présent avenant », que ce planning annuel pourra être modifié chaque année en fonction du nouveau calendrier scolaire défini par le Ministère de l'Education Nationale ou de l'établissement d'accueil spécialisé, qu'un « nouveau planning prévisionnel sera communiqué au salarié chaque année et se substituera automatiquement au précédent », et que « chaque nouveau planning constituera une annexe au présent avenant » (article 5-3 relatif à la « répartition des heures de travail dans les périodes travaillées »).
Le mandataire liquidateur verse aux débats les plannings pour les années 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, les billets collectifs édités pour chaque année ainsi que des feuilles journalières de tournées.
Toutefois, d'une part, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'employeur a remis au salarié le planning annuel pour l'année 2014/2015 précisant la période travaillée et la période non travaillée, ni d'ailleurs les plannings des années suivantes. D'autre part, les billets collectifs et les feuilles journalières de tournées, établis postérieurement à la prestation de travail ne sauraient se substituer à une répartition préalable des périodes travaillées et non travaillées. Enfin, l'argument selon lequel le salarié ne se serait pas plaint au cours de la relation de travail est juridiquement inopérant.
Dès lors, le contrat intermittent doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps complet à compter du 6 janvier 2014.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en requalification du contrat de travail à temps plein.
Sur les rappels de salaire.
Au titre de la requalification en temps complet.
En vertu des articles L 1221-1 du Code du travail et 1315 devenu l'article 1353 du Code civil, l'employeur est tenu de fournir du travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition. Il appartient à l'employeur de prouver d'une part, qu'il a respecté son obligation de fournir un travail dont il était débiteur du fait de la requalification du contrat intermittent en contrat à temps complet et d'autre part, que le salarié a refusé d'exécuter le travail qui lui était fourni, ou qu'il ne s'est à tout le moins pas tenu à sa disposition.
En l'espèce, le mandataire liquidateur ès qualités ne produit aucun élément susceptible de démontrer qu'il aurait fourni du travail au salarié au cours des périodes de vacances scolaires. Au contraire, il affirme que le salarié ne travaillait pas à ces périodes.
Au vu du taux horaire brut et des sommes perçues à titre de salaire, il y a lieu par conséquent de fixer au passif de la liquidation les sommes de :
- 36 508,74 € brut au titre du rappel de salaire détaillée comme suit :
* 7 966,06 € pour la période de janvier à août 2014,
* 10 348 € pour la période de septembre 2014 à août 2015,
* 9 931,80 € pour la période de septembre 2015 à août 2016,
* 8 262,88 € pour la période de septembre à juin 2016,
- 3 650,87 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents détaillée comme suit :
* 796,60 € pour la période de janvier à août 2014,
* 1 034,80 € pour la période de septembre 2014 à août 2015,
* 993,18 € pour la période de septembre 2015 à août 2016,
* 826,28 € pour la période de septembre à juin 2016.
Au titre du treizième mois.
Du fait de la requalification en temps complet, au vu du taux horaire brut et des sommes perçues au titre du treizième mois, le salarié doit percevoir les sommes de :
- 3 104,29 € brut au titre des sommes dues pour la prime de treizième mois, décomposée comme suit :
* 1 419 € au titre de l'année 2014,
* 845,74 € au titre de l'année 2015,
* 839,55 € au titre de l'année 2016,
- 310,42 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, décomposée comme suit :
* 141,9 € au titre de l'année 2014,
* 84,57 € au titre de l'année 2015,
* 83,95 € au titre de l'année 2016.
Au titre de la retenue quotidienne de 30 minutes.
Le contrat de travail du 6 janvier 2014 stipule que :
- « suite à la demande de M. [C] [L] et après autorisation expresse de la direction de la société Collectibus, le véhicule de service pourra être remisé à son domicile, tel que défini au présent contrat, et permettre de joindre le domicile de Mr [C] [L] et le lieu de prise en charge du client, et inversement » (article 4),
- « la durée du travail de Mr [C] [L] est calculée à partir du lieu de dépôt du véhicule de service confié à Mr [C] [L] indiqué à l'article 4 du présent contrat. Si le lieu de dépôt de véhicule est le domicile du conducteur, il sera fait application des dispositions de l'accord sur la définition et les conditions d'exercice de l'activité de conducteurs accompagnateurs de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite du 7 juillet 2009 ».
L'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à l'emploi de conducteur accompagnateur contenu dans la convention collective nationale des transports routiers est ainsi rédigé :
« Par exception et selon les usages ou accords d'entreprise, la mise à disposition du véhicule de moins de 10 places utilisé pour l'activité de TPMR peut permettre de joindre le domicile du salarié au lieu de prise en charge du client et inversement.
A défaut d'accord d'entreprise existant ou à conclure, ou encore d'usage préexistant et avec l'accord exprès du salarié, le temps à bord d'un véhicule de moins de 10 places utilisé pour l'activité de TPMR et mis à disposition par l'entreprise entre le domicile du salarié et le lieu de prise en charge du client lors de la première et de la dernière prise de service de la journée pourra ne pas être considéré comme du temps de travail, et ce dans la limite d'un temps forfaitaire estimé à 15 minutes (soit 1/2 heure au total dans la journée) et correspondant à un temps moyen nécessaire au trajet entre le domicile du conducteur et le dépôt de l'entreprise le plus proche ».
Il est constant que le salarié conduisait des personnes handicapées et que ces dispositions conventionnelles sont applicables.
Toutefois, il n'est pas établi que le salarié ait accepté expressément la retenue de 30 minutes par jour, le seul renvoi dans le contrat de travail aux dispositions de l'accord précité étant insuffisant à constituer « l'accord exprès du salarié » « à défaut d'accord d'entreprise existant ou à conclure, ou encore d'usage préexistant ».
Au surplus, ainsi que le relève le salarié, il n'est pas démontré qu'il aurait bénéficié d'une formation destinée aux accompagnateurs telle que prévue par l'article 2 de l'accord précité, lequel stipule que
- « le conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite doit obligatoirement avoir suivi une formation complémentaire et spécifique dans les domaines suivants :
- PSC1 (certificat de compétences de citoyen de sécurité civile ' prévention et secours civiques de niveau 1) ou équivalent ;
- connaissance de la clientèle : accueil personnalisé, enfants handicapés, précautions gériatriques, troubles spécifiques ;
- gestes et postures ».
- le conducteur doit suivre dès l'embauche « et au plus tard dans les 2 mois qui suivent son entrée en fonction, sauf impossiblité justifiée par une indisponibilité de formation par le biais d'une attestation d'un centre de formation et une inscription à la session suivante »,
- à l'exception des « conducteurs ayant exercé une activité de transport de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite pendant au moins 1 an au cours des 3 dernières années, cette condition s'appréciant à la date de signature de l'accord, ou ayant déjà suivi une formation équivalente à celle définie en CPNE et validée par celle-ci ».
Il n'est justifié que de l'obtention du PSC1 le 22 mars 2014, soit plus de deux mois à compter de l'embauche initiale, et aucun autre document ne permet d'établir que le salarié aurait été formé sur la connaissance de la clientèle et sur les gestes et postures.
Dès lors, la déduction de la demi-heure quotidienne était irrégulière.
Il n'y a pas lieu d'appliquer la majoration de 25% sollicitée au titre des « heures complémentaires » du fait de la requalification de contrat intermittent en contrat de droit commun à temps complet.
La créance du salarié, au vu du taux horaire applicable selon la période concernée, de la retenue effectuée indument et du nombre de mois concernés, s'établit à la somme de 2 555,68 € de janvier 2014 à août 2017, outre la somme de 255,56 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
Sur le travail dissimulé.
La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou de déclarer l'intégralité des heures travaillées.
L'article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, le salarié estime que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé lui est due en raison de la pratique de la retenue de 30 minutes quotidiennes sur le temps de travail, d'autant que la SARL Collectibus avait repris le marché perdu par la société Vortex, laquelle avait été condamnée pour travail dissimulé pour ce motif.
Toutefois, la copie d'un article de presse paru dans le journal L'Humanité du 3 juin 2015, produit par le salarié au soutien de sa demande, ne saurait démontrer le caractère intentionnel caractérisant le travail dissimulé.
Surtout, il n'est pas démontré l'existence d'une rupture du contrat de travail dans la mesure où celui-ci a fait l'objet d'un transfert au profit de la société Vortex.
La demande doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail.
L'article L 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l'espèce, le salarié sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail et fait valoir l'illécéité de la mise à pied qualifiée de conservatoire à compter du 23 janvier 2017 ' dont il réclame l'annulation - ainsi que l'illécéité de la mutation géographique imposée à compter du 29 mars 2017.
Il fait valoir que l'employeur avait un mois pour lui notifier son licenciement à compter de l'entretien préalable auquel il ne s'est pas présenté, soit jusqu'au 1er mars 2017, qu'aucun licenciement n'a été notifié, que sa mise à pied s'est pourtant prolongée jusqu'au 28 mars 2017 et qu'elle constitue en réalité une sanction disciplinaire qui doit être prévue au règlement intérieur. Il conteste la validité de la clause de mobilité géographique contenue dans le contrat de travail et fait valoir que la mutation géographique constituait une double sanction disciplinaire après la mise à pied.
Le mandataire liquidateur ès qualités expose en substance que compte tenu du comportement odieux du salarié à l'égard de certains enfants transportés, l'employeur a dû rechercher un poste sur une autre ligne.
Il est constant que la mise à pied à titre conservatoire notifiée par lettre du 22 mars 2017 était accessoire à l'enclenchement d'une procédure de licenciement disciplinaire, non menée à son terme par l'employeur qui a préféré muter le salarié sur une autre ligne de transport à compter du 29 mars 2017.
Dès lors, la mise à pied à titre conservatoire constitue une mise à pied disciplinaire.
Le salarié soulève le fait que cette sanction doit être prévue par le réglement intérieur de l'entreprise.
En effet, en application de l'article L1311-2 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, l'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés.
Il résulte de ce texte qu'une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur qu'il prescrit.
Or, en l'absence de toute preuve du seuil d'effectif de la part du mandataire liquidateur ès qualités - qui ne conteste pas que l'entreprise employait habituellement 20 salariés - et en l'absence de la production du règlement intérieur de l'entreprise, la mise à pied disciplinaire ainsi prononcée était illégale et doit être annulée, étant précisé que le salaire correspondant a finalement été payé par le mandataire liquidateur.
La clause de mutation géographique contenue dans l'article 4 du contrat de travail intitulée « Lieu de travail » est la « localité tête de ligne où il prend son service en permanence » ; il est précisé que le salarié « accepte par avance toute mutation géographique pour le cas où les nécessités de l'entreprise le justifieraient ».
Alors que pour être valable, une clause de mutation géographique doit être indispensable, proportionnée, justifiée et doit préciser la zone géographique concernée, cette clause dépourvue de toute précision relative à la zone géographique d'application, est illicite.
Au surplus, la mutation dans ce contexte constituait une sanction disciplinaire pour des faits reprochés, déjà sanctionnés par la mise à pied.
Il résulte de ce qui précède que l'exécution déloyale du contrat de travail est démontrée.
Le préjudice en résultant sera réparé par la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.
Sur la garantie de l'AGS.
La garantie de l'AGS s'exercera dans la limite de l'article D 3253-5 du Code du travail et il sera donné acte à cette dernière de ce que sa garantie est exclue en matière de dépens.
Il sera donné acte au CGEA de ce qu'il revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en 'uvre du régime d'assurance de créances des salariés que de l'étendue de ladite garantie.
Sur les demandes accessoires.
Il y a lieu de faire droit à la demande relative à la remise des bulletins de salaire rectifiés ainsi qu'il est précisé au dispositif du présent arrêt. Il sera également fait droit à la demande liée à l'établissement du relevé des créances.
Les dépens seront supportés par la liquidation et il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe;
CONFIRME le jugement du 14 octobre 2019 du conseil de prud'hommes de Sète en ce qu'il a débouté M. [L] [C] de sa demande au titre du travail dissimulé ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
PRONONCE la requalification du contrat de travail intermittent du 6 janvier 2014 en contrat de travail de droit commun à temps complet et FAIT DROIT aux demandes pécuniaires subséquentes;
DIT que la retenue de trente minutes par jour travaillé est non fondée ;
DIT que la mise à pied à titre conservatoire notifiée par la SARL Collectibus à M. [L] [C] le 23 janvier 2017 constitue une mise à pied disciplinaire et ANNULE ladite sanction disciplinaire;
DIT que la clause de mutation géographique est illicite et DIT que sa mise en oeuvre est abusive ;
DIT que la SARL Collectibus a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ;
FIXE à la liquidation de la SARL Collectibus représentée par Maître [B] [P], mandataire liquidateur, les sommes suivantes :
- 36 508,74 € brut au titre du rappel de salaire du fait de la requalification en temps complet,
- 3 650,87 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
- 3 104,29 € brut au titre de la prime de treizième mois,
- 310,42 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
- 2 555,68 € au titre de la retenue indue de trente minutes par jour travaillé,
- 255,56 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
- 500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
DIT que la garantie de l'AGS s'exercera dans la limite de l'article D 3253-5 du Code du travail et lui donne acte de ce que sa garantie est exclue en matière de dépens .
DONNE acte au CGEA de ce qu'il revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en 'uvre du régime d'assurance de créances des salariés que de l'étendue de ladite garantie ;
ORDONNE à Maître [B] [P] ès qualités de délivrer à M. [L] [C] un bulletin de salaire récapitulatif couvrant la période de janvier 2014 à août 2017, rectifié conformément aux dispositions du présent arrêt, et d'établir un relevé des créances ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel ;
FIXE les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT