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31/05/2023 | FRANCE | N°21/01282

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 31 mai 2023, 21/01282


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01282 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4OS



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG 16/01636





APPELANTE :

S.A.R.L. ESPACE DESIGN

[Adresse 4]

[Localité 2]

ReprÃ

©sentée par Me Charlène PICARD avocat pour Me Jérôme BRESO de la SELARL LEXIATEAM SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :

Madame [B] [H]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01282 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4OS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG 16/01636

APPELANTE :

S.A.R.L. ESPACE DESIGN

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Charlène PICARD avocat pour Me Jérôme BRESO de la SELARL LEXIATEAM SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [B] [H]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me TROCHERIS avocat pour Me Mélanie MARREC de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 13 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseillère, chargé du rapport et Madame Isabelle MARTINEZ Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Caroline CHICLET, Conseillère, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché,

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET, Conseillère, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [B] [H] était embauchée par contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2014 en qualité de vendeuse par la l'Eurl Espace Désign exerçant sous l'enseigne Mobalpa ( la société) employant moins de 11 salariés moyennant un salaire s'élevant 1 000 € outre des commissions et une prime mensuelle sur chiffre d'affaires.

A compter du 1er janvier 2015, la salariée recevait en plus la mission de technicien contrôleur avec une prime de 500 €.

Au 1er septembre 2015, madame [H] devenait concepteur/ responsable contrôleur technique/vendeur moyennant une rémunération de 1 467 €, une prime qualité gestion technique, une prime de bonne gestion des SAV, une prime de qualité satisfaction, un commissionnement sur les ventes réalisées.

A compter du 3 avril 2016, madame [H] était en congé maternité poursuivi par un arrêt maladie.

Par courrier du 18 novembre 2016, elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes :

(.../...) Au cours de mon congé maladie, j'ai pris le temps de la réflexion sur vos pratiques à mon égard.

Je ne peux plus supporter l'idée de devoir établir de fausse notes de frais, à votre demande.

Cette situation me plonge dans un état d'angoisse important, me rendant incapable de travailler à votre service.

Votre réaction face au courrier de mon conseil en date du 23 septembre 2016 démontre l'impasse de notre relation de travail.

Vous ne reconnaissez aucun des manquements dont il est fait état , même concernant ma date réelle d'embauche ou encore les sanctions pécuniaires que vous faites peser sur ma personne.

J'aurais dû me douter de cette réaction. Je ne sais pas ce que j'espérais, compte tenu du peu de considération que vous m'avez porté, se traduisant par une augmentation de mes responsabilités et une baisse corrélative de ma rémunération.

Je vous informe par la présente prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs (.../...).

Par requête du 2 décembre 2016, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier, lequel, par jugement de départage du 16 février 2021, condamnait l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes:

-1 911,63 € à titre de rappel de salaire pour les mois de juillet et août 2014 outre 191,16 € pour les congés payés y afférents,

-12 416 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

-1 000 € pour exécution déloyale du contrat de travail,

-4 138 € d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 413,80 € pour les congés payés y afférents,

-930 € à titre d'indemnité de licenciement,

-6 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 000 € au titre de ses frais de procédure.

Par déclaration au greffe en date du 25 février 2021, l'employeur relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021 la société demande l'infirmation du jugement , le rejet de toutes les demandes de la salariée et l'octroi d'une somme de 3 000 € au titre de ses frais de procédure.

Elle fait valoir essentiellement que la salariée n'a pas travaillé au mois de juillet et août 2014, les commissions qui lui ont été rétrocédées l'ayant été du fait de l'apport de clients provenant de son ancienne activité. Elle conteste avoir fait établir aux salariés de fausse notes de frais pour éviter le paiement des charges sociales. Elle conteste toute exécution déloyale du contrat de travail, rappelant que la salariée a bénéficié d'une évolution constante dans son secteur d'activité

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 19 octobre 2021,madame [H] demande la confirmation du jugement en son principe sauf à voir porter la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

-2 500 € au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

-12 416 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 € au titre de ses frais de procédure

Elle soutient en substance qu'elle a commencé à travailler en juillet 2014 alors que son employeur ne l'a déclaré qu'en septembre 2014, qu'il l'obligeait à établir de fausses notes de frais pour arriver au montant du salaire contractuellement prévu, qu'il s'est ainsi rendu coupable de travail dissimulé et que son salaire de base doit être réévalué, en tenant des fausses indemnités kilométriques, à la somme de 1 754,50 €.

Elle ajoute que sa dernière évolution professionnelle a entraîné une baisse de sa rémunération compte tenu de la perte de prime afférente aux ventes .

Elle expose que l'ensemble de ces éléments justifie sa prise d'acte aux torts de l'employeur.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le travail dissimulé

Madame [H] affirme qu'elle a commencé à travailler en juillet 2014 et n'a été déclarée que le 1er septembre 2014.

Elle produit son bulletin de salaire du mois de septembre 2014 qui fait apparaître des commissions pour des ventes réalisées en juillet et août 2014. L'argument de l'employeur selon lequel il s'agirait d'anciens clients de madame [H], ce qui explique la rétrocession des commissions, est inopérant dès lors qu'une salariée atteste avoir vu madame [H] travailler dans l'entreprise en juillet et août 2014. En outre l'extraction commerciale du 14 décembre 2015 des affaires de madame [H] au sein de la société Espace Designfait apparaître la création de ventes les 21,28 et 31 juillet et les 11,19,22 et 28 août 2014. Enfin des frais kilométriques ont été remboursés à la salariée sur cette même période.

Il est donc établi qu'elle a commencé à travailler le 21 juillet 2014.

La salariée affirme également que l'employeur lui aurait fait établir de fausses notes de frais pour arriver au salaire contractuellement prévu et éviter de payer les charges sociales. Elle affirme qu'il s'agissait d'une pratique répandue dans la société.

Il apparaît effectivement que son salaire net de 1 000 € tel que repris sur ses fiches de paie était inférieur au minimum conventionnel et que seuls le remboursement des frais kilométriques lui permettait d'atteindre son salaire contractuel.

Elle produit également l'attestation de madame [X] qui affirme que 'une partie de mes primes m'étaient payées en indemnités kilométriques pour éviter à l'entreprise le paiement de mes charges. Ce type de versement concernait tous les salariés de l'entreprise.'

Madame [J] atteste dans les mêmes termes de même que madame [E] [U], toutes deux salariées de l'entreprise à la même époque que l'intimée.

Ces attestations sont confortées par des éléments factuels.

Ainsi concernant, madame [J], il apparaît que lui a été crédité un déplacement chez un client pour effectuer un pré-métré alors que ce dernier avait commandé une poubelle. De même a été établie une note de frais pour une visite de fin de chantier alors que la cuisine a été commandée postérieurement..

Or c'est à la demande de monsieur [L], responsable, que de telles notes de frais étaient établies comme en témoigne le courriel qu'il a lui même envoyé avec en pièce jointe une note de frais fictive faisant apparaître une note de frais pour un pré-métré alors que, deux semaines après, la pose de la cuisine était finie.

Il est donc établi que c'est à l'initiative de l'employeur que de fausses notes de frais étaient établies.

Les faits de travail dissimulé sont donc établis et l'employeur doit être condamné à payer la somme de six mois de salaire soit la somme de 12 416 €.

Il doit également être condamné à payer un rappel de salaire pour la période du 21 juillet au 30 août 2014 soit la somme de 1 911,63 € outre 191,16 € pour les congés payés y afférents.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

A compter du 1er septembre 2015, madame [H] évolue au poste de concepteur/responsable contrôleur technique

Sa rémunération se décompose selon les éléments suivants:

-une partie fixe d'un montant de 1 467 €

-une prime qualité gestion et technique de 500 €

-une prime de gestion des SAV

-une prime de qualité satisfaction des clients.

Elle ne réalise plus de vente ce qui a un impact sur sa rémunération qui passe de 2 446,27 à 2 120,93 €.

En l'affectant, sous couvert de promotion à un poste moins rémunéré, l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

De même, le travail dissimulé constitue une exécution déloyale du contrat de travail.

Il doit lui être alloué de ce chef la somme de 2 500 € infirmant ainsi le jugement

Sur la rupture du contrat de travail

Sur l'imputabilité de la rupture

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d'une démission.

Les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.

C'est au salarié qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de la prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission.

En l'espèce, la salariée reproche à son employeur d'avoir commis l'infraction de travail dissimulé notamment en l'obligeant à établir des notes de frais fictives. Cette manière de procéder , outre son caractère illicite, avait un impact direct sur la salariée qui ne cotisait pas pour une partie de sa rémunération à l'assurance retraite et à l'assurance chômage.

Ces manquements ont rendu impossible la poursuite de la relation de travail.

En conséquence, c'est à bon droit que la prise d'acte a été analysée par le premier juge comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité de préavis

Compte tenu de son ancienneté de plus de deux ans, la salariée a droit à une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire soit la somme de 4 138 € outre la somme de 413,80 € pour les congés payés y afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

En application des articles R 1234-1 et 2 du code du travail, la salariée a droit à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplies au delà des années pleines.

La salariée qui comptait 24 mois d'ancienneté peut prétendre de ce chef à la somme de 930 €.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Madame [H], âgée de 28 ans, ne fournit aucun élément sur sa situation actuelle. Elle avait au moment de son licenciement une ancienneté de deux ans et trois mois. La Cour est en mesure d'évaluer son préjudice, comme l'a justement fait le premier juge, à la somme de 6 000 €.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à l'intimée une somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 16 février 2021 sauf en ce qu'il a condamné la sarl Espace Design à payer à madame [B] [H] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la sarl Espace Design à payer à madame [B] [H] la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Y ajoutant

Condamne la sarl Espace Design à payer à madame [B] [H] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la sarl Espace Design aux dépens d'appel.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01282
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;21.01282 ?
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