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31/05/2023 | FRANCE | N°21/01278

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 31 mai 2023, 21/01278


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01278 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4OK



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 JANVIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE





APPELANTE :

S.A.R.L. ABC DOMICILE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Antoin

e SOLANS de la SELARL ANTOINE SOLANS, avocat au barreau de CARCASSONNE





INTIMEE :

Madame [Z] [G]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GIRARD de la SELARL LYSIS AVOCATS, avocat au barreau de NARBON...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01278 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4OK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 JANVIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

APPELANTE :

S.A.R.L. ABC DOMICILE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Antoine SOLANS de la SELARL ANTOINE SOLANS, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEE :

Madame [Z] [G]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GIRARD de la SELARL LYSIS AVOCATS, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 20214634 du 14/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 13 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseillère, chargé du rapport et Madame Isabelle MARTINEZ Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Caroline CHICLET, Conseillère, faisant fonction de Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET, Conseillère, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[Z] [G] a été engagée le 15 avril 2019 par la Sarl ABC Domicile en qualité d'assistante de vie, niveau 2, dans le cadre d'un contrat de 'mission temporaire' à temps partiel de 82 heures mensuelles régi par la convention collective des entreprises de service à la personne du 20 septembre 2012.

Deux avenants à ce contrat ont été signés le 1er octobre 2019 (135 heures mensuelles et deux nouveaux clients) et le 1er février 2020 (50 heures mensuelles avec suppression d'un client et ajout d'un autre).

Reprochant à son employeur divers manquement à ses obligations, [Z] [G] a pris acte de la rupture aux torts exclusifs de ce dernier par courrier du 3 août 2020.

Le 15 octobre 2020, elle a saisi le conseil des prud'hommes de Narbonne pour voir requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée et à temps complet à compter du 15 avril 2019, voir juger que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.

Par jugement du 20 janvier 2021, ce conseil a :

- requalifié le CDD à temps partiel de [Z] [G] en CDI à temps complet à compter du 15 avril 2019 ;

- dit que la prise d'acte de la rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Sarl ABC Domicile à verser à [Z] [G] les sommes suivante :

$gt; 1.560,68 € à titre d'indemnité de requalification,

$gt; 10.573,45 € bruts à titre de rappel de salaire sur la requalification à temps complet,

$gt; 1.057,34 € bruts au titre des congés payés y afférents,

$gt; 1.560,68 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 507,22 € à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 1.560,68 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 150,06 € bruts au titre des congés payés y afférents,

$gt; 138,52 € bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de travail effectif,

$gt; 13,85 € bruts au titre des congés payés y afférents,

- condamné l'employeur à remettre les documents de fin de contrat sous astreinte de 20€ par jour de retard et par document courant à compter du 15ème jour suivant la 1ère présentation de la notification de la présente décision ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- débouté [Z] [G] du surplus de ses prétentions ;

- condamné la Sarl ABC Domicile aux dépens et à payer à [Z] [G] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 25 février 2021, la Sarl ABC Domicile a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 19 mai 2021;

Vu les conclusions de [Z] [G], appelante à titre incident, remises au greffe le 15 juillet 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 13 mars 2023 ;

MOTIFS :

Sur la demande de requalification du temps partiel en temps complet :

La société ABC Domicile conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le temps partiel en temps complet et l'a condamnée à payer à la salariée la somme de 10.573,45 € bruts à titre de rappel de salaire sur la requalification à temps complet outre les congés payés y afférents et demande à la cour de débouter [Z] [G] de ses prétentions de ce chef.

[Z] [G] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L'article 2.3 de la section 1 du chapitre 1 de la partie 2 de la convention collective dans sa version applicable à la date de signature du contrat prévoit que 'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Le contrat de travail à temps partiel rappelle que le salarié à temps partiel n'est pas tenu par une obligation d'exclusivité.

Outre les mentions visées au point 2.1, il doit comporter des indications sur les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.'

L'article 2.1, auquel cet article renvoie, oblige l'employeur à préciser dans le contrat, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que le mode d'organisation retenu pour la répartition des horaires de travail sur la semaine ou le mois avec des plages prévisionnelles indicatives et les plages d'indisponibilité pour le personnel intervenant à domicile.

Ces stipulations conventionnelles, qui sont claires et précises contrairement à ce que soutient l'employeur, dérogent aux dispositions de l'article L.3123-6 du code du travail qui excluent, en principe, les entreprises d'aide à domicile de l'obligation de préciser dans le contrat la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Lorsque l'employeur ne justifie pas s'être conformé aux prescriptions conventionnelles précitées ni avoir communiqué au salarié par écrit le planning avant le début de chaque mois, le contrat est présumé être à temps complet et il lui appartient de démontrer la réalité du temps partiel en prouvant d'une part, la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire convenue et sa répartition et, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l'espèce, si le contrat de travail prévoit un horaire mensuel de 82 heures (augmenté à 135 heures mensuelles le 1er octobre 2019 puis ramené à 50 heures mensuelles le 1er février 2020) avec des plages d'indisponibilité (pas de travail le vendredi ni après 18h30 les autres jours selon le tableau figurant en page 2 du contrat) il ne contient, en revanche, aucune modalité d'organisation de la répartition des horaires sur le mois ni de plages prévisionnelles indicatives.

De plus, ainsi que le soutient justement la salariée en page 5 de ses écritures, l'employeur, qui se borne à procéder par affirmation, ne démontre pas lui avoir communiqué chaque mois et par écrit la répartition de ses horaires de travail.

Le contrat de travail est donc présumé à temps complet et il appartient à l'employeur de démontrer la réalité du temps partiel allégué.

Or, outre que les horaires figurant sur les plannings mensuels communiqués par l'employeur ne respectent nullement les plages d'indisponibilité prévues contractuellement (puisque la salariée travaillait, quasiment, tous les vendredis et que ses horaires de fin de journée excédaient régulièrement 18h30), la cour observe qu'ils ne présentaient aucune régularité d'un mois sur l'autre, contrairement à ce qu'affirme la société ABC Domicile.

Ainsi, et à titre d'exemple :

- 10h45-12h15 tous les lundis d'août 2019 et pas de travail les mardis puis des horaires variables chaque lundi du mois de septembre 2019 avec du travail et des horaires variables les mardis;

- horaires variables chaque lundi, mardi, mercredi, jeudi ou vendredi d'octobre 2019 puis changements d'horaires et de jours travaillés (les samedis matins) en novembre 2019 etc.

L'employeur ne démontre donc pas que [Z] [G] n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

C'est donc à bon droit que le conseil a requalifié le temps partiel en temps complet depuis l'origine de la relation contractuelle et condamné la société ABC Domicile à payer à la salariée la somme de 10.573,45€ bruts à titre de rappel de salaires outre celle de 1.057,34 € bruts au titre des congés payés y afférents et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande de requalification du CDD en CDI :

La Sarl ABC Domicile conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le contrat en contrat à durée indéterminée en faisant valoir que, nonobstant la maladresse dans l'intitulé du contrat, il ne s'agissait nullement d'un contrat à durée déterminée et demande à la cour de débouter [Z] [G] de sa demande au titre de l'indemnité de requalification.

[Z] [G] conclut à la confirmation du jugement sur l'indemnité de requalification.

L'article L.1245-1 du code du travail prévoit que 'Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L.1242-6, L.1242-7, L.1242-8-1, L.1242-12, alinéa premier, L.1243-11, alinéa premier, L.1243-13-1, L.1244-3-1 et L.1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L.1242-8, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4.

La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.'

Par ailleurs, l'article 1 de la section 1 du chapitre 1 de la partie 2 de la convention collective, dans sa version applicable à la date de signature du contrat, prévoit que 'la conclusion de contrats à durée déterminée est possible :

- dans les cas prévus par la loi pour le remplacement d'un ou plusieurs salariés,

- dans les cas prévus par la loi pour le motif d'accroissement temporaire d'activité,

- dans les autres cas prévus par les dispositions de la présente convention.'

L'article 2.5 de la même section, dans sa version alors applicable, prévoit des dispositions particulières à certains contrats de travail à durée déterminée dits de « mission ponctuelle ou occasionnelle» (art. L. 1242-2, 3°, du code du travail) et dispose que 'Le contrat dit « de mission ponctuelle ou occasionnelle » est un contrat à durée déterminée dont l'usage est réservé à des activités non permanentes et d'une durée déterminée non prévisible dans un secteur qui est affecté par les aléas du donneur d'ordre et/ou des interventions limitées dans le temps. Le recours à ce contrat est limité aux activités de garde ou d'accompagnement auprès des personnes fragiles et/ou dépendantes et auprès des enfants. Le contrat doit mentionner la personne ou les personnes auprès de laquelle ou desquelles intervient le salarié. Le salarié doit satisfaire aux qualifications minimales requises.

Durant la période d'exécution du contrat de mission ponctuelle, la durée du travail effectif pourra être portée à 42 heures par semaine civile, dans la limite de 3 semaines consécutives. Les heures supplémentaires seront majorées conformément aux dispositions du code du travail au-delà de la durée légale du travail.

En contrepartie des contraintes ci-dessus définies et sous réserve de l'évolution des dispositions légales sur le sujet, l'employeur devra verser au salarié une prime de mission d'un montant égal à 10 % du montant de sa rémunération totale brute. Cette compensation ne sera pas due dans le cas de transformation du contrat de mission ponctuelle en contrat à durée indéterminée pour un poste et une durée équivalents, sans incidence sur l'ancienneté acquise par le salarié dans le cadre de ce type de contrat.

Une entreprise ne pourra conclure plus de trois fois ce type de contrat avec un même salarié dans une année civile.

La règle relative à la date de paiement de l'indemnité de congés payés est fixée par les parties dans le contrat de travail. A défaut d'accord, l'indemnité de congés payés est versée mensuellement par une majoration de 10 % de la rémunération brute mensuelle.

Les parties signataires de la présente convention s'engagent à un réexamen des dispositions relatives au contrat dit de mission ponctuelle ou occasionnelle dans les 18 mois suivant leur adoption.'

L'article 2.2 de la même section, dans sa version alors applicable, précise que 'le contrat de travail à durée déterminée est également établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.

Outre les mentions indiquées ci-dessus (2.1), le contrat de travail à durée déterminée comporte également :

- le motif du recours (avec l'indication du nom du ou des salariés remplacés dans tous les cas de remplacement) ;

- la date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu'il comporte un terme précis ;

- la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis.'

En l'espèce, le contrat signé le 15 avril 2019, outre qu'il est intitulé par l'employeur 'contrat de mission temporaire' prévoit, en son préambule, qu'il est 'conclu à durée déterminée sans terme fixe à temps partiel conformément aux dispositions de la convention collective des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.'

L'article 1 du contrat, relatif à l'engagement, rappelle que la salariée est engagée 'à durée déterminée sans terme fixe'.

Selon l'article 3, consacré à l'objet du contrat : 'le présent contrat est conclu pour une durée temporaire afin d'assurer une prestation de service pour le bénéfice de la ou des personnes suivantes:

- Mme [H] (30h)

- Mme [N] (30h)

- Mme [K] (22h).'

L'article 5 relatif à la durée du contrat prévoit qu'il est 'conclu pour une durée déterminée du 15 avril 2019 jusqu'au terme des contrats clients.'

Ainsi, et contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, il résulte de l'ensemble des clauses claires et précises du contrat de travail passé avec [Z] [G] que celui-ci était un contrat à durée déterminée dit de 'mission ponctuelle' (ou de 'mission temporaire' comme l'a qualifié lui-même l'employeur) sans terme fixe puisque celui-ci devait intervenir 'au terme des contrats clients' sans autre précision.

Le fait que la salariée ait pris acte de la rupture du contrat ne vaut nullement reconnaissance de sa part que celui-ci était à durée indéterminée, contrairement à ce que soutient à tort l'employeur.

En application de l'article 2.2 précité de la convention collective et des dispositions de l'article L.1242-7 du code du travail, ce contrat conclu sans terme fixe devait prévoir une durée minimale, ainsi que le soutient justement [Z] [G].

Or, aucune durée minimale n'a été prévue dans le contrat ainsi que le reconnaît d'ailleurs l'employeur.

La requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée doit donc être prononcée à compter du 15 avril 2019 sur le fondement de l'article L.1245-1 précité, ainsi que l'a justement décidé le conseil des prud'hommes.

[Z] [G] ayant droit à l'indemnité de requalification prévue par l'article L.1245-2 du code du travail sur la base d'un temps complet, la société ABC Domicile sera condamnée à lui payer la somme de 1.560,68 € et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) Sur la demande de rappel de salaire sur contrat :

[Z] [G], formant appel incident, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de la somme de 3.602,72 € bruts outre les congés payés y afférents à titre de rappel de salaire pour violation de la durée mensuelle minimale contractuelle garantie. Elle soutient que l'avenant du 1er février 2020 ayant ramené la durée contractuelle garantie de 135h à 50h lui est inopposable puisqu'elle ne l'a pas signé et qu'il s'agit d'une modification unilatérale du contrat de travail prohibée et demande à la cour de lui allouer les heures que l'employeur aurait omis de lui faire accomplir entre février et juillet 2020 pour atteindre la durée contractuelle garantie de 135 heures mensuelles.

La société ABC Domicile conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Tenant la requalification du temps partiel en temps complet et la condamnation de l'employeur à payer à [Z] [G] un rappel de salaires sur la base d'un temps plein depuis le début de la relation contractuelle, le manquement éventuel de la société ABC Domicile à son obligation de se conformer à la durée contractuelle minimale garantie, rendue obligatoire par le point a) de la section 3 du chapitre 2 de la partie 2 de la convention collective applicable, ne peut ouvrir droit qu'à une action en réparation du préjudice allégué et non à une demande de rappel de salaire.

En outre, ainsi que le conclut justement l'employeur, l'exemplaire de l'avenant du 1er février 2020 qu'il produit en pièce 1ter est revêtu de la signature de la salariée et celle-ci ne dénie pas sa signature ni ne conteste explicitement l'authenticité de ce document. Il s'agit donc d'un avenant contractuel qui lui est opposable et aucune modification unilatérale du contrat de travail ne peut être reprochée à l'employeur, contrairement à ce que soutient [Z] [G].

La demande de rappel de salaires formée par [Z] [G] ne peut donc qu'être rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

2) Sur les demandes au titre des frais de déplacements et du temps de travail effectif:

[Z] [G], formant appel incident, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de la somme de 859,88 € correspondant, selon elle, aux indemnités kilométriques impayées entre avril 2019 et août 2020 et demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer ladite somme. Elle conclut en revanche à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 138,52 € bruts outre les congés payés y afférents au titre du temps de travail effectif accompli durant ses déplacements professionnels.

La société ABC Domicile conclut à la confirmation du jugement sur l'indemnité kilométrique et demande à la cour de constater qu'elle a procédé au règlement du temps de travail effectif durant les déplacements professionnels en novembre 2020.

Le point e) de la section 2 du chapitre 2 de la partie 2 de la convention applicable, dont l'alinéa 2 a été modifié par avenant du 31 janvier 2019 étendu par arrêté du 4 novembre 2019 et entré en vigueur le 1er décembre 2019 (article 2 de l'avenant) prévoit que : 'Le temps de déplacement professionnel pour se rendre d'un lieu d'intervention à un autre lieu d'intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie.

En cas d'utilisation de son véhicule personnel pour réaliser des déplacements professionnels, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 22 centimes d'euros par kilomètre.'

Antérieurement au 1er décembre 2019, l'indemnité était calculée sur la base de 35 cm d'euros par kilomètre parcouru.

Il s'évince de ces dispositions que le salarié ne peut prétendre au paiement de son temps de déplacement et à une indemnité kilométrique en cas d'utilisation de son véhicule personnel que pour ses déplacements d'un lieu d'intervention à un autre et non pour ses trajets domicile/travail.

Il résulte des tableaux renseignés par la salariée qu'elle a parcouru 931 km entre ses lieux d'intervention au cours de la période comprise entre avril 2019 et août 2020 dont 802 kilomètres avant le 1er décembre 2019.

Les 3.971,5 kilomètres supplémentaires dont se prévaut [Z] [G] sont afférents à ses temps de trajet entre son domicile et son premier ou dernier lieu d'intervention et ne peuvent être pris en compte, contrairement à ce qu'elle soutient à tort.

[Z] [G] aurait dû percevoir la somme de 309,08€ [(802 km x 0,35 €) + (129 km x 0,22 €)] au titre des indemnités kilométriques pour les 931 km parcourus.

Or, elle n'a perçu que 218,67 €.

L'employeur reste donc lui devoir la somme de 90,41 € au titre des indemnités kilométriques impayées et le jugement sera infirmé de ce chef.

Par ailleurs, l'employeur ne discute pas qu'il devait régler le temps de travail effectif accompli durant ces temps de déplacements entre deux interventions.

Il justifie y avoir procédé à hauteur de 154,86 € bruts par virement bancaire du 17 décembre 2020 (cf relevé bancaire de décembre 2020 en pièce 14).

Il sera par conséquent condamné à payer à [Z] [G] la somme réclamée de 138,52 € outre 13,85 € au titre des congés payés y afférents en deniers ou quittance et le jugement sera complété sur ce point.

3) Sur la demande au titre de l'indemnité de précarité :

[Z] [G], formant appel incident, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de l'indemnité de précarité et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1.087,90 € bruts de ce chef.

La société ABC Domicile conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Si l'article 17 du contrat prévoit le versement au bénéfice du salarié, au terme du contrat et lors de la cessation de ses fonctions dans la société, d'une indemnité de fin de contrat dans les conditions définies par la convention collective, force est de constater que cette dernière ne contient aucune stipulation relative à l'indemnité de fin de contrat.

Dans le silence du contrat et de la convention à laquelle il renvoie, les dispositions des articles L.1243-8 et L.1243-10 du code du travail doivent donc s'appliquer.

Il résulte du dernier de ces textes que l'indemnité de précarité n'est pas due lorsque le contrat est conclu en application des dispositions de l'article L.1242-2, 3° du code du travail.

Le contrat à durée déterminée dit 'de mission ponctuelle' (ou de mission temporaire) ayant été conclu en application de cet article, ainsi que cela a été vu précédemment, aucune indemnité de précarité n'est due à la salariée qui sera déboutée de sa prétention de ce chef, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur la prise d'acte:

La société ABC Domicile conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a qualifié la prise d'acte de licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à payer diverses sommes à la salariée de ce chef et demande à la cour de dire que cette prise d'acte produit les effets d'une démission et de débouter [Z] [G] de toutes ses prétentions.

[Z] [G] conclut à la confirmation du jugement.

Au soutien de sa demande de prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur (le CDD ayant été requalifié en CDI depuis l'origine), [Z] [G] invoque :

- le non paiement des primes (1),

- le non paiement des indemnités kilométriques (2),

- la modification unilatérale de son contrat de travail (3),

- les mauvaises conditions de travail, plannings et avenants de plannings tardifs (4),

- le paiement tardif du salaire (5),

- sa précarisation artificielle avec un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel irrégulier justifiant les requalifications sollicitées (6).

(1) En l'absence de tout développement en fait et en droit ou de demande en paiement concernant les prétendues primes impayées, la preuve de ce grief n'est pas apportée et ce manquement n'est pas établi.

(2) Le défaut de paiement des indemnités kilométriques a été caractérisé dans les motifs qui précèdent.

(3) Aucune modification unilatérale du contrat de travail n'est démontrée tenant la communication par l'employeur (pièce 1ter) d'un avenant du 1er février 2020 signé par la salariée et dont cette dernière ne conteste pas explicitement l'authenticité.

(4) Il a été vu dans les motifs qui précèdent que l'employeur ne démontre pas avoir communiqué à [Z] [G] ses plannings mensuels avant le début de chaque mois ainsi que cette dernière le soutient justement.

(5) L'employeur ayant pour seule obligation de payer le salaire aux mêmes quantièmes du mois, [Z] [G] ne peut lui reprocher d'avoir procédé au règlement de son salaire tous les 10 du mois et ce grief tiré d'une prétendue tardiveté du paiement du salaire sera rejeté.

(6) Il a été vu précédemment que la société ABC Domicile a soumis à la signature de [Z] [G] un contrat à durée déterminée dit de mission ponctuelle et à temps partiel qui ne respectait ni les prescriptions légales ni les stipulations conventionnelles en l'absence de durée minimale convenue, de mode de répartition des heures sur le mois et de preuve d'une communication des plannings prévisionnels avant le début de chaque mois.

Au total, si les manquements de l'employeur concernant les indemnités kilométriques sont à relativiser dès lors qu'il s'agit de manquements partiels et ne portant que sur une somme modique de 90 €, le fait pour la société ABC Domicile d'avoir embauché [Z] [G] au moyen d'un contrat précaire irrégulier l'ayant privée de la possibilité de connaître la durée minimale de travail et son rythme de travail et l'ayant contrainte à se tenir à sa disposition permanente malgré le temps partiel convenu constitue un manquement rendant impossible la poursuite de la relation de travail.

La prise d'acte du 3 août 2020 doit donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l'a justement décidé le conseil des prud'hommes dont le jugement sera confirmé sur ce point.

[Z] [G] ayant une ancienneté de 1 ans, 3 mois et 18 jours, elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un mois en application du point 1.1 de la section 1 du chapitre IV de la partie 2 de la convention collective et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer, sur la base d'un temps complet, la somme de 1.560,68 € bruts outre celle de 156,06 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Elle a également droit à une indemnité de licenciement d'un montant non discuté de 507,22 € (1/4 de mois de salaire par an)en application des articles L.1234-9 et R.1234-1 et suivants du code du travail, l'indemnité conventionnelle étant moins favorable (1/5ème de mois de salaire) et le jugement sera confirmé de ce chef.

S'agissant du préjudice résultant de la perte de l'emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (1.560,68 € bruts), de l'âge de l'intéressée (54 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (1 ans, 4 mois et 18 jours en incluant le préavis) et de l'absence d'information sur sa situation professionnelle actuelle, la Sarl ABC Domicile sera condamnée à lui verser la somme de 1.560,68 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail et le jugement sera confirmé sur ce point.

Lorsque le licenciement est indemnisé en application de l'article L.1235-3 du code du travail, comme c'est le cas en l'espèce, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-4 du même code, le remboursement par l'employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence de 3 mois.

Le jugement rendu sera complété en ce sens.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement.

La capitalisation des intérêts sollicitée est de droit conformément à l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil), pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dûs au moins pour une année entière.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de remise des documents sociaux mais infirmé en ce qu'il a assorti cette obligation d'une astreinte.

La Sarl ABC Domicile qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'appel et à payer à [Z] [G] la somme de 2.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté [Z] [G] de sa demande au titre de l'indemnité kilométrique et en ce qu'il a assorti la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs infirmés et y ajoutant ;

Condamne la Sarl ABC Domicile à payer à [Z] [G] la somme de 90,41 € au titre de l'indemnité kilométrique impayée ;

Dit que la condamnation au titre du temps de travail effectif accompli pendant les temps de déplacement doit être prononcée en deniers ou quittances compte tenu du règlement intervenu le17 décembre 2020 ;

Déboute [Z] [G] de sa demande d'astreinte ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article L.1343-2 du code civil ;

Ordonne le remboursement par la Sarl ABC Domicile au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à [Z] [G] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 3 mois ;

Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l'arrêt, en application de l'article R.1235-2 du code du travail;

Condamne la Sarl ABC Domicile aux dépens d'appel et à payer à [Z] [G] la somme de 2.200 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01278
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;21.01278 ?
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