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31/05/2023 | FRANCE | N°20/05199

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 31 mai 2023, 20/05199


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05199 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYKS

N°23/835

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN N° RG 17/00328









APPELANT :



Monsieur [I] [L]

[Adresse 3]

[

Localité 2]

Représenté par Me Charlène PICARD avocat pour Me Jérôme BRESO de la SELARL LEXIATEAM SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



S.A.S. SUEZ RV MEDITERRANEE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Repré...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05199 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYKS

N°23/835

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN N° RG 17/00328

APPELANT :

Monsieur [I] [L]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Charlène PICARD avocat pour Me Jérôme BRESO de la SELARL LEXIATEAM SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. SUEZ RV MEDITERRANEE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me LOPEZ avocat pour Me Florian GROBON de la SELARL ELECTA JURIS, avocat au barreau de LYON

Ordonnance de clôture du 28 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, chargé du rapport, et Mme Magali VENET, Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, délibéré prorogé au 31/05/2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 juin 1992, M. [I] [L] a été embauché par la société SNCOR CIBAUD en qualité d'attaché d'exploitation selon contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le 8 décembre 2008, le contrat de travail a été transféré à la société SITA SUD devenue SUEZ RV MÉDITERRANÉE, laquelle exploite sur les Régions Provence, Alpes, Côte d'Azur et Languedoc Roussillon une activité de collecte, tri, transport et valorisation de déchets répartie en différentes agences et filiales.

Son activité dépend de la convention collective nationale des activités du déchet (CNAD).

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [L] était placé au coefficient 150 et percevait un salaire de 2610,71€ par mois complétée par une prime de 13ème mois et une part variable de prime d'objectif pour une durée mensuelle de 160,33 heures, soit 37 h par semaine et 12 jours de RTT.

A compter du 26 juillet 2016, M. [L] a été placé en arrêts de travail successifs pour maladie.

Le 09 mai 2017, le médecin du travail a rendu l'avis suivant: 'inapte, emploi préjudiciable à la santé: incompatibilité prévisible du poste et de l'état de santé du salarié , étude de poste, des conditions de travail et entretien avec l'employeur à prévoir , afin d'étudier les éventuels aménagements, adaptations, transformations de poste et ou formation, salarié à revoir le 10 mai 2017"

Le 10 mai 2017, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude rédigé ainsi: 'inapte. Emploi préjudiciable à la santé: après étude de poste, des conditions de travail et entretien avec l'employeur le 9 mai 2017, aucun aménagement ou mutation de poste ou formation n'est proposable pour le salarié. Tout maintien du salarié dans un emploi dans l'entreprise ou le groupe serait gravement préjudiciable à sa santé.'

Le 30 juin 2017, les délégués du personnel, après consultation, ont émis un avis favorable au licenciement de M. [L], tenant compte des préconisations de la médecine du travail.

Par courrier du 25 juillet 2017, l'employeur a notifié à M. [L] son licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude.

Parallèlement , par requête en date du 20 décembre 2016, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ainsi que sa condamnation au paiement de diverses sommes.

Par jugement de départage en date du 04 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration en date du 20 novembre 2020, M. [L] a relevé appel de la décision.

Vu les dernières conclusions de M. [L] en date du 22 février 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de la société Suez Méditerranée en date du 07 mai 2021 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions

L'ordonnance de clôture est en date du 28 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail:

Sur le harcèlement moral:

L'article L 1152-1 du code du travail dispose que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 du code du travail précise qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [L] fait valoir qu'il a été victime d'un harcèlement moral caractérisé par une charge de travail excessive ayant entraîné une dégradation de son état de santé à l'origine de son inaptitude.

A l'appui de ses allégations, il verse aux débats:

- des attestations de chauffeurs (M. [B], M. [P], M. [Y], M. [X]) dont il était le supérieur hiérarchique mentionnant qu'il était joignable et disponible lors de leurs tournées, de 4h00 du matin à 22h00 le soir, ainsi que le samedi.

- une attestation de sa compagne, Mme [W] [D], rédigée en ces termes: 'l'état de santé de mon compagnon s'est considérablement dégradé depuis le début de l'année 2016 jusqu'à ce 25 juillet ou dans la nuit il a fait un malaise cardiaque. En effet, il a subi ces derniers mois une surcharge considérable de travail au bureau suite à divers problèmes (vétusté du parc camions, suivi d'autres contrats, saisies...) J'ai bien ressenti son mal être lié à un stress constant au bureau ainsi que des harcèlements téléphoniques après les heures de bureau jusqu'à tard le soir par son supérieur hiérarchique , également le samedi....il était disponible à toutes heures du jour et de la nuit, nous avons été régulièrement réveillés le matin tôt déjà vers 4h00 pour des pannes de camions ou autre....j'ai également été témoin direct le jour de son arrêt de travail où il a été très choqué lors de son appel pour prévenir SITA qu'il était en arrêt maladie car on lui a demandé de suite la clé de son bureau et les codes de son ordinateur afin qu'il ne puisse plus rentrer dans son bureau et on lui a aussi demandé de rendre l'après-midi même (alors qu'à ce moment là il avait un rendez-vous chez le cardiologue) la voiture et son téléphone au péage de l'autoroute en laissant les clés sous une roue , sans se soucier s'il avait quelqu'un pour le rechercher(il se serait retrouvé sans moyen de locomotion au péage).

- son entretien de performance 2015 dans lequel il mentionne que les objectifs de productivité seront difficiles à atteindre.

- un courrier de son avocat adressé à l'employeur le 07 novembre 2016 dans lequel il fait état de la dégradation des relations de travail suite à l'arrivée d'un nouveau responsable d'exploitation le 1er janvier 2016 exerçant une importante pression managériale.

-un compte rendu d'entretien préalable du 26 septembre 2016 à une éventuelle sanction disciplinaire lors de laquelle il fait état de sa surcharge de travail et de la pression qu'il subissait, suivi d'une notification de mise en garde du 21 octobre 2016 relatifs à des manquements qui lui on été reprochés, et de la contestation par M. [L] de cette mise en garde.

-une attestation de M. [M] [R] faisant état de difficultés constatées sur le terrain au sein de l'entreprise ainsi rédigée: '...sur le terrain, il est régulièrement constaté des écarts quant à des fondamentaux comme l'organisation, rémunération de la disponibilité continue au travail, le décompte des heures...tout cela génère des risques psycho-sociaux constats par une majorité des représentants du personnel qui ont voté à l'unanimité une délibération au comité d'entreprise de décembre 2015, saisissant les CHSCT sur les RPS intégrant ces sujets de décomptes ou d'astreinte. Les CHSCT n'ont pas encore rendu leurs avis au CE mais j'atteste que l'absence de décompte d'heures ou d'organisation des astreintes est un sujet largement subi dans l'entreprise et totalement connu depuis plusieurs années par l'employeur. ...'

- divers éléments médicaux, arrêts de travail faisant état d'un burn out professionnel, d'un état dépressif et notamment:

- un courrier du médecin du travail du 26 septembre 2016 mentionnant que M. [L] ne pouvait occuper son poste actuellement et précisant que : 'ce salarié me fait part d'un arrêt maladie depuis deux mois et rapporte une altération de son état psychique qui pourrait être en relation avec des difficultés psycho-sociales dans le cadre professionnel. L'état de santé de M. [L] justifie cet arrêt maladie et nécessite un suivi médical spécialisé'.

- les conclusions du Docteur [E], médecin généraliste en date du 10 novembre 2016 : 'symptomatologie anxio-dépressive de forte intensité malgré un premier traitement par venlafaxine +arrêt de travail. Changement de traitement ce jour; à réévaluer dans quelques semaines' ainsi que son certificat du 03 janvier 2017 dans lequel il certifie suivre M. [L] 'pour des symptômes physique sévères en relation avec une description de situation professionnelle qui semble répondre aux critères de situation de burn out. Aux vues du dossier ouvert en 08/2002, ce patient n'avait jusqu'alors pas eu recours à un traitement anti- dépresseur.

- une attestation de Mme [N], psychologue clinicienne du 06 janvier 2017 en charge du suivi psychologique de M. [L] pour burn out psychologique faisant état de la nécessité de poursuivre un traitement.'

Ces éléments de faits, pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral lié à une surcharge de travail.

Pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur conteste que M. [L] assumait une charge de travail excessive , et fait t état des manquements et insuffisances de ce dernier dans l'accomplissement de ses missions.

Il verse aux débats le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 18 mai 2017 qui a débouté M. [R] de son action intentée contre la société, justifiant ainsi que l'attestation de ce salarié ne soit prise en considération qu'avec réserve dans la mesure où lui même était en litige avec l'entreprise.

L'employeur vise également la mise en garde dont M. [L] a fait l'objet en raison de son absence de réaction suite deux incidents en juillet 2016 relatifs à un accrochage du système de climatisation d'un magasin par un chauffeur et une avarie constatée sur un camion ayant entraîné une panne, mise en garde cependant contestée par M. [L] précisant qu'il ne disposait pas des informations suffisantes sur la survenance de ces événements pour les traiter avec diligence.

Il verse également aux débats le témoignage de M. [C], chef d'équipe, qui atteste avoir planifié les collectes après avoir constaté une désorganisation de l'exploitation lorsqu'il a remplacé M. [L], mais sans qu'il ne soit établi que ce dernier exerçait l'intégralité des tâches confiées à M. [L] et notamment le contrat de déchetterie ainsi que celui des ordures ménagères.

De même, l'employeur évoque l'utilisation d'un nouveau logiciel censé faciliter le choix des tournées à effectuer , sans répondre à l'argumentation de M. [L] selon laquelle ce logiciel n'était pas fonctionnel au début de l'année 2016 et entraînait au contraire un alourdissement de sa charge de travail .

Par ailleurs, M. [K] atteste qu'il exerçait sur [Localité 1] , les même fonctions que celles exercées par M. [L] sur [Localité 4] et qu'il lui était possible d'organiser son temps de travail sur 37h00. Il n'est cependant pas répondu à l'argumentation de M. [L] selon laquelle l'activité de M. [K]'était pas exercée dans les mêmes conditions que lui, ce dernier disposant d'un chef d'équipe s'occupant des chauffeurs le matin et ne commençant qu'à 9h00. M. [L] précise en outre que des attachés d'exploitation étaient en poste à [Localité 1] alors qu'il était seul à [Localité 4] et qu'il devait également faire face à des contraintes plus importantes lors des tournées.

L'employeur produit également l'attestation de Mme [F], responsable de centre de services, qui énonce s'être s'être investie auprès de M. [L] pour l'aider dans sa mission en réalisant des réunions pour préparer au mieux la saison estivale , tout en critiquant les choix de recrutement de M. [L] auquel elle reproche d'avoir négligé la formation des intérimaires , sans toutefois que l'employeur ne réponde aux écritures de M. [L] selon lesquelles Mme [F] a refusé de renouveler la mission d'intérim d'un chauffeur expérimenté au mois de juin 2016, soit au début de la saison estivale.

L'attestation de M. [Z], unique chauffeur, qui conteste la réalité de la disponibilité de M. [L] paraît peu probante dans la mesure où elle s'oppose aux nombreuses attestations d'autres chauffeurs faisant état de la grande disponibilité de M. [L], pour répondre téléphoniquement et solutionner les difficultés rencontré par les salariés placés sous sa responsabilité, à des horaires matinaux et tardifs, alors même n'était pas physiquement présent sur son lieu de travail. Sur ce point, les relevés d'autoroutes relatifs aux trajets effectués par M. [L] n'établissent pas qu'ils correspondaient à ses horaires de prise et fin de postes, sachant qu'il pouvait effectuer des trajets dépourvus de péage, et qu'il pouvait poursuivre ses missions pour l'entreprise téléphoniquement, depuis son domicile.

De plus, si M. [H] [S] atteste qu'il a été nécessaire dès le 26 juillet 2016, lorsque M. [L] a été placé en arrêt maladie, de récupérer le téléphone professionnel ainsi que le véhicule de fonction de ce dernier pour que son remplaçant puisse exercer ses missions, les conditions critiquables telles que décrites par M. [L] concernant la récupération du véhicule de fonction sur une aire d'autoroute, sans qu'un moyen de transport ne soit prévu pour qu'il regagne son domicile, ne sont pas remises en cause.

Enfin, l'employeur, évoque le mécontentement des clients liées aux carences de M. [L] dans l'exécution de ses missions , sans toutefois produire le moindre témoignage de la clientèle sur ce point, et alors même que M. [L], auquel aucun reproche n'a été adressé pendant près de 23 ans quant à la qualité de son travail verse aux débats l'attestation de M. [A] président du SYDETOM 66 précisant au contraire en ces termes que:

'les services SYDETOM 66 ont été en relation professionnelle avec M. [L] [I] pour la réalisation d'une prestation de vidage des points d'apports volontaires sur e département (hors PMM) confiée à son employeur la société SITA SUD (groupe suez de 2009 à 2016).M. [L] avait une excellente connaissance de l'activité, des contraintes et des obligations du contrat qui nous liaient à son employeur et a toujours bien collaboré avec nos servies compétents.'

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que l'employeur dénigre la qualité du travail du travail de M. [L] mais sans démontrer qu'il ne lui confiait pas une charge de travail excessive qui a contribué à la dégradation de son état de santé à l'origine de son inaptitude, et ainsi ne prouve pas que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, de sorte que les faits de harcèlement sont établis.

Au regard du préjudice subi par M. [L] qui a développé un syndrome anxio- dépressif réactionnel nécessitant un suivi à long terme ainsi que la prise d'un traitement médicamenteux, il convient de condamner l'employeur à lui verser

10 0000€ de dommages et intérêts.

Sur le manquement à l'obligation de prévention:

M. [L] fait état d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention en se fondant essentiellement sur l'attestation de M. [R] qui ne peut cependant être prise en considération au regard du litige précédemment évoqué qui l'a également opposé au même employeur.

Par ailleurs, la société verse aux débats de nombreux documents relatifs à la prévention des risques psychosociaux au sein de l'entreprise dont notamment l'extrait du document unique concernant les risques psychosociaux du 11mars 2016, la gestion des fragilités dans l'entreprise(extrait concernant les risques psychosociaux), le compte rendu de la réunion CE du 22 mars 2010 portant information sur l'accord Groupe France Prévention des risques psychosociaux par l'amélioration de la qualité de vie au travail, la page de garde et sommaire de l'Accord de Groupe France sur la prévention des risques psychosociaux par l'amélioration de la qualité de vie au travail, le document de présence conseil(cellule d'écoute à disposition des salariés, le document bien vivre au travail.

Il en découle que M. [L] n'établit pas l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention; il sera débouté des demandes formées à ce titre.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires:

Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail , qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur , qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l'espèce M. [L] énonce avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées par l'employeur, sachant qu'il était soumis à une durée du travail de 37H par semaine, outre jours d'ARTT.

Il présente le détail des heures supplémentaires réalisées en sus de ces 37 heures, dans la limites des trois dernières années précédant la rupture du contrat de travail, ainsi que les tableaux détaillant le calcul de rappel d'heures supplémentaires année par année depuis 2013, laissant apparaître un total de 17 986,81€ outre les congés payés et le repos compensateur afférents, faisant ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis.

Pour sa part, sa part l'employeur ne produit aucun élément propre à justifier des heures de travail effectivement réalisées par le salarié.

Ainsi, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la cour est en mesure d'évaluer à 17 986,81€ la somme due par l'employeur au titre des heures supplémentaires non rémunérées ainsi que 1798,68€ au titre des des congés payés afférents.

Sur le repos compensateur :

L'article 18 IV de la loi du 20 août 2008 prévoit que la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent d'heures supplémentaires est fixée à 50% pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de vingt salariés.

L'article D.3121-14 du code du travail dispose que 'le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

La convention collective du déchet prévoit en son article 2-12 que le contingent d'heures supplémentaires à compter de l'année 2003 est de 130 heures.

Au regard des éléments fournis par M. [L] concernant le dépassement du contingent d'heures supplémentaires au titre des années 2013 à 2016, il convient de fixer l'indemnité compensatrice de repos compensateur à la somme de 6077,01€ outre 607,70€ de congé payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour défaut d'information relative au repos compensateur:

En application de l'article D 3171-11 du code du travail et à défaut de provisions conventionnelles contraires, les salariés sont informés du nombre d'heures de contrepartie obligatoire en repos et repos compensateur en remplacement porté à leur crédit par un document annexé au bulletin de paye.

Dès que ce nombre atteint 7 heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.

Lorsque le salarié n'a pas demandé à prendre son repos parce que l'employeur de l'a pas informé de l'ouverture d son droit à la contrepartie en repos, le salarié peut demander l'indemnisation du préjudice subi.

En l'espèce, il n'est justifié d'aucune information par l'employeur relative au repos compensateur qu'il convient en conséquence de le condamner à verser à M. [L] 500€ en raison du préjudice subi.

Sur les demandes au titre des astreintes:

La convention collective du déchet dispose en son article 2-11-1 que l'astreinte consiste pour le salarié à pouvoir être contacté à tout moment pendant la période d'astreinte, tout en restant libre de vaquer à ses occupations personnelles, mais en veillant à pouvoir se rendre rapidement sur les lieux où sa présence est nécessaire pour toutes interventions d'urgence....'

L'article 2-11-2 de la même convention prévoir que la participation d'un salarié aux modalités d'astreinte devra être indiquée dans le contrat de travail ou par un avenant qui précisera la limitation des durées et périodes d'astreintes....la rémunération du temps d'intervention , les moyen de transport et de communication-temps de trajet....'.

La demande formée au titre des heures d'astreinte, qui s'analyse en une demande de rappels de salaire, ne constitue pas en l'espèce une demande nouvelle, M. [L] ayant formulé en première instance des demandes qui tendent à la même fin, soit des rappels de salaires.

En revanche, ni le contrat de travail, ni un avenant au contrat de M. [L] ne prévoient que ce dernier ne soit soumis à des astreintes, et ce dernier ne justifie pas de la nécessité de se déplacer sur un lieu d'intervention dans le cadre d'astreintes permanentes, de sorte que la demande formée à ce titre sera rejetée, sachant que le salarié a déjà été indemnisé au titre des heures supplémentaires liées à sa grande disponibilité au sein de l'entreprise, et qu'il ne justifie pas d'un préjudice distinct.

Sur le travail dissimulé:

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l'administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de délivrance d'un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l'embauche. De même est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L' article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l'octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

En l'espèce, le salarié ne rapporte pas la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur qui ne peut se déduite de la seule attestation de M. [R], lui même en litige avec le même employeur, ni des heures supplémentaires effectuées.

M. [L] sera débouté de la demande formée à ce titre.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail:

M. [L] qui fonde sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail sur les mêmes manquements que ceux précédemment évoqués pour lesquels il a déjà été indemnisé et ne justifie d'aucun préjudice distinct de sorte que sa demande sera rejetée de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail:

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur lorsque celui-ci n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles par des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat était justifiée, puis se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur dans le cas ou la demande de résiliation n'est pas justifiée.

La résiliation prononcée pour des faits de harcèlement moral produit les effets d'un licenciement nul .

En l'espèce, il ressort des éléments précédemment détaillés que le harcèlement moral dont M. [L] a été victime est établi. Par ailleurs, le salarié a été placé en arrêt maladie régulièrement renouvelé pour burn out à compter du 26 juillet 2016. L es avis médicaux afférents aux arrêts de travail précédemment listés ainsi que l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 10 mai 2017, laissent apparaître que la dégradation de l'état de santé du salarié ayant conduit à son inaptitude et son impossibilité de reclassement est la conséquence des agissements de harcèlement moral.

Ces faits de harcèlement caractérisent un manquement grave de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que la résiliation judiciaire sera prononcée aux torts exclusifs de l'employeur et produira les effets d'un licenciement nul.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité pour licenciement nul:

Il convient préalablement de rappeler que si le salarié a été licencié avant la date du prononcé de la résiliation judiciaire, c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire, soit en l'espèce le 25 juillet 2017.

A cette date, le salaire brut mensuel moyen de M. [L], tenant compte des heures supplémentaires et du repos compensateur y afférent s'élevait à 3946,82€ . Il disposait d'une ancienneté de 25 ans dans l'entreprise et était âgé de 55 ans.

Suite à la rupture du contrat de travail, il n'a pas retrouvé d'emploi et a perçu des indemnités chômage à hauteur de 1550€ par mois.

Les éléments médicaux produits justifient de la persistance de ses problèmes de santé et de la nécessité de la poursuite d'un suivi psychologique lié au syndrome anxio dépressif développé suite au harcèlement dont il a été victime et qui a causé son inaptitude.

Au regard de l'importance du préjudice subi, il convient en conséquence de condamner l'employeur à lui verser la somme de 71042,76€ correspondant à 18 mois de salaire.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement:

Vu les articles L.1234-9 et R.1234-4 du code du travail, et l'article 2-22 de la convention collective du déchet, et le salaire brut reconstitué de M. [L] d'un montant de 3946,82€ par mois, son indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à 30 258,95€. L'employeur qui lui a déjà réglé la somme de 22 334,02€ de ce chef sera en conséquence condamné à lui verser la somme de 7924,93€ à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis:

En application de l'article L.1234-1 al 3 du code du travail, l'employeur est redevable envers M. [L] d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire, soit la somme de 7893,64€ bruts, outre 789,36€ de congés payés afférents.

Sur la délivrance des documents sociaux:

Il convient d'ordonner la délivrance des bulletins de salaires rectifiés ainsi que des documents de fin contrat portant mention de ces sommes sans qu'il n'y ai lieu à astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Il convient de condamner la SAS Suez RV Méditerranée à verser à M. [L] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, par décision contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'homme de Narbonne le 04 novembre 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [L] de ses demandes au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de l'exécution déloyale du contrat de travail, de manquement à l'obligation de prévention ;

Statuant à nouveau:

- condamne la SAS Suez RV Méditerranée à verser à M. [I] [L] les sommes suivantes:

- 10 000€ au titre du harcèlement moral

- 17 986,81€ au titre des heures supplémentaires

- 1798,68€ au titre des congés payés afférents

- 6077,01€ au titre du repos compensateur

- 607,70€ au titre des congés payés afférents

- 500€ au titre du défaut d'information relatif au repos compensateur ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS Suez RV Méditerranée ;

Condamne la SAS Suez RV Méditerranée à verser à M. [I] [L] les sommes suivantes:

- 71 041,76€ pour licenciement nul

- 7924,03€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 7893,64€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 789,36€ au titre des congés payés afférents

Ordonne la délivrance par la SAS Suez RV Méditerranée des bulletins de salaires rectifiés ainsi que des documents de fin contrat portant mention de ces sommes conformément au présent arrêt sans qu'il n'y ai lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Y ajoutant:

Déclare recevable mais rejette les demandes de M. [I] [L] relatives aux rappel d'indemnité des heures d'astreinte et à la violation du repos obligatoire de 24h suivant les périodes de 8 jours consécutifs d'astreinte.

Dit que les sommes à caractère salarial et l'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractères indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

Condamne la SAS Suez RV Méditerranée à verser à M. [I] [L] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS Suez RV Méditerranée aux dépens de la procédure.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/05199
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;20.05199 ?
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