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19/05/2023 | FRANCE | N°19/00098

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre de la famille, 19 mai 2023, 19/00098


Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre de la famille



ARRET DU 19 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00098 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N6YZ





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 NOVEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 16/00152





APPELANTE :



Madame [U] [V] épouse [N]

née le 28 Janvie

r 1956 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine AUCHE-HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de B...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 19 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00098 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N6YZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 NOVEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 16/00152

APPELANTE :

Madame [U] [V] épouse [N]

née le 28 Janvier 1956 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine AUCHE-HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

INTIME :

Monsieur [Z] [K]

né le 08 Avril 1947 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représenté par Me Maxime BESSIERE de la SELARL COUTURIER PHILIPPE - BESSIERE MAXIME, avocat au barreau de l'AVEYRON, postulant, et par Me Emmanuel GIL, avocat au barreau d'ALBI, plaidant, non comparants

Ordonnance de clôture du 24 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 FEVRIER 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées de cette mise à disposition au 12/05/2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 19/05/2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, greffière.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

De l'union de M. [O] [V] et de Madame [D] [K] est issue une fille unique, Mme [U] [V].

M. [O] [V] est décédé en 2006 et Mme [D] [K] est décédée à [Localité 8] le 25 octobre 2013, laissant pour lui succéder sa fille unique et en l'état d'un testament olographe daté du 13 août 2013, déposé au rang des minutes de Maître [E], Notaire à Quarante, suivant procès-verbal d'ouverture et de description en date du 7 janvier 2014, par lequel elle a institué son frère, M. [Z] [K], comme son légataire universel.

La plainte pénale que Mme [U] [V] épouse [N] a déposée le 14 avril 2014 à l'encontre de son oncle, M. [Z] [K], sous la prévention d'abus de faiblesse sur personne vulnérable a été classée sans suite par le procureur de Béziers le 23 juillet 2015 pour 'absence d'infraction'.

Par acte d'huissier en date du 30 décembre 2015, Mme [U] [V] épouse [N] a fait assigner M. [Z] [K] devant le tribunal de grande instance de Béziers aux fins de partage judiciaire de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V], d'annulation de son legs universel ainsi que de l'assurance-vie dont il a été désigné tiers bénéficiaire par la défunte, de rapport des donations qu'elle lui avait consenties, en restitution de ses bijoux et en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 26 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- déclaré recevable la demande en partage judiciaire de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V],

- débouté Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande d'annulation du testament de sa mère,

- débouté Mme [U] [V] épouse [N] de son action en responsabilité civile dirigée à l'encontre de M. [Z] [K],

- ordonné le rapport à la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] des donations suivantes effectuées par la défunte au profit de M. [Z] [K] :

- la somme de 120 000€ à la suite du gain au loto,

- la somme de 27 000€ au titre de l'achat du véhicule BMW,

- débouté Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande en réduction des donations,

- débouté la demande de Mme [U] [V] épouse [N] au titre du préjudice moral,

- ouvert les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [D] [V] et désigné Me [H], notaire associé à [Adresse 3], à charge d'établir l'état liquidatif définitif,

- dit que dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire doit dresser un état liquidatif établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

- commis le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers en qualité de juge chargé de veiller au bon déroulement des opérations de partage,

- dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'acte,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les parties aux dépens qui seront compris en frais de partage.

Par déclaration au greffe en date du 7 janvier 2019, Mme [U] [V] épouse [N] a relevé appel de ce jugement, limité aux chefs concernant :

sa demande d'annulation du testament de feue Mme [D] [K] veuve [V],

le rapport à la succession des deux donations consenties par sa défunte mère à M. [Z] [K] d'une somme de 120 000 € à la suite d'un gain au loto et d'une autre somme de 27 000 €,

le rejet de la demande de Mme [U] [V] épouse [N] de réduction des donations,

le rejet des autres demandes.

Les dernières écritures de l'appelante ont été déposées au greffe par communication électronique le 18 février 2021, et celles de l'intimé le 25 novembre 2022.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le dispositif de ses dernières écritures en date du 18 février 2021, Mme [U] [V] épouse [N] demande à la cour de réformer le jugement déféré, et :

A titre principal :

rejeter l'appel incident de M. [Z] [K],

déclarer recevable l'assignation,

'réformer M. [Z] [K] de sa demande de délivrance de legs',

réformer le jugement sur les points suivants :

condamner M. [Z] [K], sur le fondement de 'l'article 1140 du code civil' à lui payer la somme de 15 000€ en réparation du préjudice moral et du retentissement subis par elle du fait de l'atteinte aux cendres de son père et concernant les funérailles de sa mère,

dire nul le legs universel sur le fondement du dol au visa de l'article 1137 du code civil et surabondamment de l'article 955 du code civil, et condamner M. [Z] [K], au remboursement des sommes de 120 000€ + 27 000€ + 220 974 € qu'il a perçues avec intérêts au jour des conclusions, et dire nul le legs universel,

condamner M. [Z] [K] à restituer les bijoux,

A titre subsidiaire, si le legs et le changement de bénéficiaire de l'assurance-vie n'étaient pas annulés pour dol, condamner M. [Z] [K] à titre de dommages et intérêts en réparation de l'abus de faiblesse et du préjudice causé par lui sur le fondement de l'article 1240 du code civil:

' restituer les sommes appréhendées, soit de 220 974€ au titre de l'assurance vie et la valeur de la part de la défunte sur la maison léguée 85 000€, total 306 000€ avec intérêts à compter de l'assignation',

A titre infiniment subsidiaire, en l'absence d'annulation ou de réparation sur le legs et l'assurance-vie :

recevoir Mme [U] [V] épouse [N] en tant qu'héritière réservataire en son action en réduction et ordonner à M. [Z] [K] à rapporter les donations reçues soit le paiement de son crédit voiture 27 000€, le rapport de la donation de 120 000€ après gain au loto, le rapport de la donation de l'assurance vie 220 974€,

dire qu'au moment du legs universel la quotité disponible était épuisée et rejeter la demande d'envoi en possession,

condamner M. [Z] [K] à lui payer les sommes non rapportables en moins prenant, soit 56 397€ avec intérêts à compter de l'assignation,

En tout état de cause :

condamner M. [Z] [K] au paiement de la somme de 5 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

Dans le dispositif de ses dernières écritures en date du 25 novembre 2022, M. [Z] [K], forme appel incident, et demande à la cour, de  :

A titre principal, au visa des articles 56, 1360 du code de procédure civile, et 815 et suivants du code civil :

déclarer irrecevable l'assignation en liquidation partage qui lui a été signifiée par Mme [U] [V] épouse [N],

débouter Mme [U] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire, au visa des articles 720, 901, 414 alinéas 1 et 2, 1240, 957 du code civil, des anciens articles 1315, 1382 et 1116 du code civil, et de l'article 9 du code de procédure civile, :

déclarer irrecevable et au besoin infondée l'action de Mme [U] [V] à son encontre,

débouter Mme [U] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

ordonner la liquidation-partage de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V],

désigner Me [J] [B], notaire, en remplacement de Me [H] afin d'y procéder,

dire et juger qu'au niveau de sa mission, le notaire désigné devra reconstituer l'actif successoral y compris avec rapport des prêts successifs ayant bénéficié à Mme [U] [V],

ordonner l'envoi en sa possession pour le legs lui bénéficiant dressé par testament olographe le 13 août 2013,

condamner Mme [U] [V] épouse [N] à lui verser la somme forfaitaire de 10 000€ en indemnisation de son préjudice moral,

condamner Mme [U] [V] épouse [N] à lui verser la somme de 6 000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.

SUR QUOI LA COUR

Sur l'effet dévolutif et l'objet de l'appel

L'étendue de l'appel est déterminée par la déclaration d'appel et peut être élargie par l'appel incident ou provoqué (articles 562 et 901 4° du code de procédure civile) alors que l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties (article 910-4 du code de procédure civile). L'objet du litige ne peut s'inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l'appel.

L'objet du présent litige qui est relatif à une action en matière de succession revêt un caractère indivisible de sorte que les chefs du jugement déférés sont tous dévolus même s'ils ne sont pas précisément et explicitement visés dans la déclaration d'appel.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent toutefois expressément formuler les prétentions des parties, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

De par les appels, principal et incident, la cour est saisie des chefs dévolus et critiqués par chacune des parties dans leurs dernières conclusions, qui sont relatifs :

à la recevabilité de la demande de partage judiciaire de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V],

à demande d'annulation des donations, du legs universel et de la clause de désignation du tiers bénéficiaire de l'assurance-vie établie au profit de son frère par feue Mme [D] [K] veuve [V],

à la demande subsidiaire de révocation des libéralités et du legs pour ingratitude,

à l'action en responsabilité exercée pour abus de faiblesse par Mme [U] [V] épouse [N],

à la demande de rapport à la succession des donations consenties par la défunte à M. [Z] [K],

à la demande de restitution des bijoux de la défunte,

à la demande de paiement par M. [Z] [K] d'une indemnité de réduction de son legs de 56 397€ avec intérêts à compter de l'assignation,

à la demande d'envoi en possession de son legs universel,

à la demande de M. [Z] [K] de désignation de Maître [B], notaire, pour procéder à la liquidation partage de la succession avec mission de reconstituer l'actif successoral en intégrant les prêts consentis par la défunte à sa fille,

aux demandes respectives et réciproques des parties de réparation d'un préjudice moral,

aux dépens et frais irrépétibles.

**********

Sur la demande d'annulation des libéralités consenties par feue Mme [D] [K] veuve [V] et de la clause de désignation du bénéficiaire de son assurance-vie

' Le premier juge a estimé que Mme [U] [V] épouse [N] échoue à prouver un état d'insanité d'esprit de sa défunte mère à l'époque de l'établissement de son testament gratifiant son frère d'un legs et le désignant comme tiers bénéficiaire de son assurance-vie, en retenant que le médecin traitant de la défunte avait établi un certificat médical le 29 juillet 2013, trois semaines avant qu'elle ne teste, constatant qu'elle était alors en possession de toutes ses facultés mentales, et que l'amie de la défunte, [L] [X], a témoigné le 16 mars 2016 de ce que cette dernière avait été lucide jusqu'à son décès.

Il a également estimé qu'il n'est pas démontré l'existence de manoeuvres dolosives de nature à vicier le consentement de la testatrice en la déterminant à instituer son frère légataire de la moitié des biens composant sa succession et qu'il est avéré au vu des courriers qu'elle avait adressés en 2007 à sa fille qu'elle était très en colère à son encontre et regrettait d'avoir été très généreuse notamment en partageant son gain au loto, à tel point qu'elle avait émis comme dernière volonté à l'aube de sa mort qu'elle ne puisse assister à ses funérailles.

Il a ainsi rejeté la demande de nullité du testament tant pour cause de dol, que pour abus de faiblesse, tels qu'allégués par Mme [U] [V] épouse [N], ainsi que ses demandes de restitution des sommes dont M. [Z] [K] a été gratifié par la défunte par libéralités ainsi qu'en vertu de sa désignation comme bénéficiaire de son assurance vie.

' Mme [U] [V] épouse [N] conclut à la réformation du jugement qu'elle critique en ce qu'elle expose que le premier juge a rejeté le vice de dol en se fondant sur l'absence d'insanité d'esprit de la défunte.

Elle soutient que le certificat médical dont se prévaut M. [Z] [K] n'est pas incompatible avec un état de vulnérabilité et de faiblesse de sa mère au moment des libéralités, du don de ses bijoux, comme de la désignation de ce dernier comme tiers bénéficiaire de contrat d'assurance-vie et encore lors de la rédaction du legs testamentaire.

Elle conclut que l'état de fin de vie de sa mère dû à un cancer à son dernier stade ayant justifié son hospitalisation en soins palliatifs à l'époque du testament suffit à caractériser l'état de faiblesse défini par l' article L 223-15-2 du code pénal.

Elle fait valoir que la preuve est rapportée d'une part de l'état de faiblesse avérée de Mme [D] [K] veuve [V] à l'époque à laquelle elle s'est dépouillée en gratifiant son frère de son vivant puis en l'instituant légataire par son testament, et d'autre part des manoeuvres de ce dernier pour l'isoler de son entourage habituel en s'installant chez elle, en procédant à un licenciement de l'assistante de vie qui était à ses côtés depuis 4 ans et en la coupant de sa fille, de sa petite fille tout son entourage familial proche.

Elle conclut à l'absence de caractère probant du témoignage de Madame [L] [X] aux motifs, que ce témoin ne fait que rapporter des paroles tenues par Mme [D] [K] veuve [V] alors qu'elle était déjà en fin de vie en soins palliatifs et que son frère avait commencé à la manipuler en profitant de son angoisse de la mort et de l'hospitalisation pour abuser sa confiance.

Elle fait valoir que depuis les courriers anciens datant de 2007 par lesquels sa mère la fustigeait comme elle pouvait le faire lors d'excès de colères coutumiers, leur réconciliation était intervenue, ce dont elle prétend rapporter la preuve par les photos, les échanges de mails postérieurs, et l'attestation de [A] [N] petite fille de la défunte.

Exposant que le premier juge a procédé à une confusion entre deux états distincts qui ne sont pas incompatibles, Mme [U] [V] épouse [N] demande à la cour, au titre des manoeuvres dolosives d'abus de faiblesse qui caractérisent un vice du consentement, de prononcer l'annulation, sur le fondement de l'article 1137 du code civil, des libéralités et du legs testamentaire consentis par sa défunte mère à son frère, ainsi que de la clause de désignation par la défunte de ce dernier comme bénéficiaire de son assurance vie, et de lui ordonner la restitution des sommes de 120 000 € dont il a été gratifié suite à un gain au loto de Mme [D] [K] veuve [V] et de celle de 27 000 euros au titre du remboursement d'un crédit d'achat d'une BMW remboursé avec des deniers donnés par la défunte, outre le capital du contrat d'assurance -vie de 220 794 euros qu'il a perçu le 27 mai 2014 en tant que tiers bénéficiaire, et surabondamment d'ordonner ces mêmes restitutions en prononçant la révocation des libéralités pour ingratitude, au titre de l'article 955 du code civil.

' M. [Z] [K] conclut en cause d'appel, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'action en nullité du legs testamentaire et de sa désignation comme bénéficiaire de son assurance-vie que feue Mme [D] [K] veuve [V] a consenti à son profit, au motif qu'aucun des cas limitativement énoncés par l'article 414-2 du code civil pour permettre une action en nullité après la mort du disposant n'est vérifié.

Sur le fond, M. [Z] [K] fait valoir la défaillance de Mme [U] [V] épouse [N] dans la preuve qui lui incombe d'un état d'insanité d'esprit de sa défunte mère qui s'avère démenti par le certificat médical établi moins d'un mois avant qu'elle ne teste, et encore par le témoignage de Mme [L] [X].

Il expose qu'elle ne fait pas plus la démonstration des manoeuvres dolosives qu'elle lui impute et qui auraient influencé sa soeur en sa faveur, ce que contredisent formellement les éléments de preuve précités qu'il verse au débat, comme les lettres que la défunte avait adressées en 2007 à sa fille témoignant des vifs griefs qu'elle ressentait à son égard pour avoir profité de sa situation financière au point de ne plus l'autoriser à rentrer chez elle et à lui demander restitution de ses clefs.

Concernant l'abus de faiblesse que Mme [U] [V] épouse [N] invoque à titre subsidiaire, M. [Z] [K] fait valoir que sa plainte à son encontre sur le fondement de ce délit pénal qui n'a pas lieu de trouver application dans le cadre du présent litige civil, a été classée sans suite, et qu'aucun comportement fautif n'est démontré à son encontre, ce dont atteste Mme [X] qui confirme qu'il a agi dans le strict respect des dernières volontés de sa soeur avant, comme après son décès, en lui apportant son aide matérielle et tout son soutien moral jusqu'à la fin.

Il conclut enfin que les dispositions de l'article 955, qui supposent des causes de révocation précises et non vérifiées en l'espèce, ne trouvent pas plus application à son égard.

' Réponse de la cour

Sur la fin de non recevoir invoquée par M. [Z] [K]

L'article 414-2 du code civil dispose que l'action en nullité pour cause d'insanité d'esprit n'appartient qu'à l'intéressé de son vivant, et qu'après sa mort les actes faits par lui, autres que le testament et les donations entre vifs ne peuvent être attaqués par ses héritiers pour insanité d'esprit que dans trois cas spécifiés :

- si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental,

- s'il a été fait alors que l'intéressé était sous sauvegarde de justice,

- ou si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une tutelle ou curatelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si un effet a été donné au mandat de protection future.

En l'espèce, les actes litigieux dont Mme [U] [V] épouse [N] prétend qu'ils ont été consentis alors que sa mère ne disposait plus de ses facultés, sont des donations de sommes d'argent, un legs testamentaire et une désignation d'un tiers bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie.

S'agissant de la modification par sa défunte mère de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie dont Mme [U] [V] épouse [N] conteste la validité il est avéré que son action a été engagée après le dècès de la souscriptrice qui ne faisait alors l'objet d'aucun régime de protection, ni même d'une action engagée à cette fin et aucun élément versé au débat par l'appelante ne permet d'apprécier le contenu de la clause dont il n'est même pas allégué qu'il ait recélé la moindre preuve d'un vice, Mme [U] [V] épouse [N] se contentant de produire à son dossier le courrier de l'assureur l'informant qu'elle n'était pas tiers bénéficiaire et que le capital avait été versé à la personne désignée comme tel.

Les conditions préalables qui sont spécifiquement requises pour que puisse être engagée, après le décès de la souscriptrice, l'action en nullité, pour insanité d'esprit, de la clause de désignation du tiers bénéficiaire de l'assurance vie, n'étant pas vérifiées, il y a lieu de déclarer Mme [U] [V] épouse [N] irrecevable en sa demande de ce chef.

S'agissant du legs testamentaire et des donations consenties par Mme [D] [K] veuve [V] de son vivant, ces actes s'avèrent expressément exclus du champ d'application du texte précité restreignant l'exercice d'une action en nullité pour insanité d'esprit après le décès du disposant et donataire, de sorte que la fin de non recevoir alléguée par M. [Z] [K] est infondée et sera rejetée.

Sur les demandes d'annulation du legs testamentaire et des donations entre vifs consenties par feue Mme [D] [K] veuve [V] à son frère

L'article 901 du code civil dispose que pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.

En application de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres et mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

L'absence d'insanité d'esprit de Mme [D] [K] veuve [V] à l'époque de son testament daté du 13 en août 2013 est attestée médicalement par le certificat médical qu'a établi son médecin traitant, le Docteur [M], le 29 juillet 2013, 15 jours avant qu'elle ne rédige son testament.

Le dossier médical de la défunte tel que l'a communiqué l'hôpital où elle a séjourné par la suite en août 2013 puis en septembre 2013 jusqu'au 11 octobre 2013, et que Mme [U] [V] épouse [N] verse elle-même au débat, témoigne en outre qu'à la date du 3 octobre 2013, la patiente tenait 'des propos cohérents et manifestait une vigilance normale même si elle se trouvait alors en état d'asthénie lié à la phase terminale de son cancer'.

Le courrier de compte-rendu d'hospitalisation qui a été adressé le 21 octobre 2013, soit 4 jours avant le décès de Mme [D] [K] veuve [V], par le praticien hospitalier à son médecin traitant décrivait 'un état d'asthénie, une somnolence , une angoisse' mais également 'un état de conscience adapté et une patiente orientée' qui ne souffrait 'd'aucune désorientation spatio-temporelle', ce qui est totalement conforme à la description faite par le témoin [L] [X], son amie intime qui l'a accompagnée jusqu'à son dernier jour, et qui affirme qu'elle est restée lucide jusqu'à la fin et qu'elle était très claire quant à sa volonté déterminée de ne plus voir sa fille même à ses obsèques, n'ayant réclamé que la présence de son frère M. [Z] [K] jusqu'à son dernier souffle.

L'ensemble de ces éléments, notamment médicaux, s'avèrent précis et concordants et ne laissent aucun doute quant à la totale lucidité dont a joui feue Mme [D] [K] veuve [V] jusqu'à sa mort malgré sa grave maladie, et également deux mois auparavant, lorsqu'elle a rédigé le 13 août 2013 son testament olographe en faveur de son frère, M. [Z] [K], qu'elle a alors institué comme son légataire universel devant recueillir la moitié des biens composant sa succession, en manifestant sa volonté de priver sa fille de tout droit dans sa succession autres que sa réserve légale et en ajoutant même que les frais, charges et droits de succession seront à sa charge.

S'il est juridiquement exact, comme le premier juge l'a d'ailleurs parfaitement exposé, que l'absence d'insanité d'esprit de Mme [D] [K] veuve [V] lors de l'établissement de son testament et du legs qu'il contient, n'induit pas nécessairement que ne puissent être caractérisées et retenues des manoeuvres dolosives fautives imputables au légataire qui aurait profité de la particulière vulnérabilité de cette dernière, il n'en demeure pas moins vrai que la charge de la preuve du dol que Mme [U] [V] épouse [N] prétend imputer à son oncle lui incombe.

Or, en l'état du classement sans suite de sa plainte pour abus de faiblesse contre M. [Z] [K] qui est intervenu le 23 juillet 2015 pour 'absence d'infraction', la cour relève, à l'instar du premier juge, que divers éléments concordants démontrent que les dernières volontés émises par Mme [D] [K] veuve [V] dans son testament, dans le but de priver sa fille du minimum légal que la loi lui réserve dans sa succession, ne sont que l'illustration de la rancoeur qu'elle nourrissait à l'égard de cette dernière avec laquelle elle était irrémédiablement fâchée comme elle le lui avait exprimé en octobre 2007 dans trois courriers par lesquels elle lui reprochait ainsi qu'à son époux, en des termes particulièrement tranchants, leur intérêt pour l'argent qu'ils lui avaient demandé sans la rembourser de ces prêts, en leur réitérant sa volonté de ne plus les voir au point de demander à sa fille la restitution des clefs de sa maison.

Il est donc suffisamment établi que Mme [U] [V] épouse [N] et sa mère étaient en très mauvais termes au point que leurs rapports étaient rompus depuis 2007, sans que cet état de fait avéré ne soit remis en cause ni par les photographies non datées et dépourvues de toute caractère probant que l'appelante verse au débat en les ayant datées de sa main, ni par l'attestation rédigée par sa fille [A], petite-fille de la défunte, dont les affirmations ne sont aucunement concordantes avec la version des faits qu'a décrite l'épouse de M. [Z] [K] lors de son audition par les services de police, le 3 juillet 2014, et qui confirme en tous points les déclarations de ce dernier, notamment quant à l'absence de rapport d'affection entre Mme [U] [V] épouse [N] et sa mère et le fait que son frère l'ait accompagnée et entourée de son affection jusqu'à son décès, en ne faisant que respecter sa volonté de n'en informer sa fille qu'après les obsèques, ce que le témoin [L] [X] confirme en exposant qu'il s'agissait d'un voeu particulier et express de sa défunte amie.

Les donations entre vifs, comme le legs testamentaire et la désignation du tiers bénéficiaire de l'assurance-vie ont ainsi été consentis par Mme [D] [K] veuve [V] au bénéfice de son frère avec lequel elle entretenait des relations fraternelles et affectives profondes réciproques, dans un contexte de rupture ancienne et irrévocable des liens d'affection et de proximité avec sa fille unique, sans que ne soit aucunement rapportée par Mme [U] [V] épouse [N] la preuve d'une réconciliation, la cour relevant à cet égard que cette dernière ne justifie pas avoir rendu visite à sa mère lorsqu'elle était en soins palliatifs alors qu'elle n'ignorait pas la gravité de son état.

Dans ce contexte, force est de constater que Mme [U] [V] épouse [N] ne justifie pas de manoeuvre qui puisse être imputée à M. [Z] [K] à l'époque de sa maladie comme de sa fin de vie dans le but d'isoler, de tromper ou simplement d'influencer et qui l'aurait déterminée à déshériter sa fille en la privant de la quotité disponible.

La cour observe à cet égard qu'il s'évince de l'attestation de l'aide ménagère de feue Mme [D] [K] veuve [V] que la rupture de son contrat de travail a été décidée d'un commun accord avec M. [K] avec effet au 31 août 2013, date à laquelle Mme [D] [K] veuve [V] était encore hospitalisée et que son frère s'était installé à son domicile pour être à ses côtés, ce qui ne justifiait plus la présence ni les services payants d'une tierce personne.

Mme [U] [V] épouse [N] dont la plainte a été classée pour motif d'absence d'infraction, ne rapporte pas plus la preuve d'un quelconque acte d'abus de faiblesse civilement fautif de la part de M. [Z] [K], alors qu'il est acquis, qu'il a accompagné sa soeur dans sa douloureuse et dernière maladie, en étant le seul membre de la famille présent à ses côtés pendant ses séjours hospitaliers, comme cela résulte des compte-rendus médicaux, puis à son retour à domicile, ce dont a attesté tant l'épouse de ce dernier devant les services de police lorsqu'ils l'ont entendues alors qu'ils étaient en cours de divorce, que Mme [X] qui a insisté sur le soutien physique et moral attentionné que M. [Z] [K] a toujours apporté à sa soeur malade puis mourante, exposant avoir organisé elle-même l'incinération comme les obsèques de feue Mme [D] [K] veuve [V] dans le respect de ses dernière volontés lesquelles elle avait voulu que son frère soit soulagé de ce poids.

Considérant ainsi l'absence de dol susceptible d'avoir vicié le consentement de Mme [D] [K] veuve [V], comme de tout abus fautif de sa faiblesse qui l'aurait amenée à consentir aux actes litigieux au bénéfice de son frère contre son gré, et tenant la démonstration qui est faite au contraire par ce dernier que les libéralités, le legs que sa soeur lui a consentis ainsi que sa désignation comme seul bénéficiaire de son assurance vie, ont été dictés par une volonté consciente, libre et déterminée de le gratifier au détriment de sa propre fille avec laquelle elle avait rompu les liens, la demande d'annulation de ces actes s'avère dépourvue de justification et a été à bon droit rejeté par le premier juge, qui a débouté tout autant à bon droit Mme [U] [V] épouse [N] de ces demandes de restitution par M. [Z] [K] des sommes reçues au titre des libéralités et clause de désignation en cause.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ces chefs.

Sur la demande subsidiaire de révocation des donations pour ingratitude et de restitution des sommes dont M. [Z] [K] a été gratifié

L'article 955 du code civil prévoit la révocation judiciaire d'une donation entre vifs pour cause d'ingratitude mais dans trois hypothèses limitativement énumérées que sont la tentative par le donataire de porter atteinte à la vie du donateur, la culpabilité reconnue du donataire des chefs de sévices, de délits ou d'injures graves envers le donateur ou de refus d'aliment à ce dernier par le donataire.

Mme [U] [V] épouse [N], qui se prévaut subsidiairement de ces dispositions légales au soutien de ses prétentions, ne satisfait aucunement à l'exigence probatoire qui lui incombe quant à la démonstration que M. [Z] [K] se serait rendu auteur de tels faits envers la défunte.

Aucune des conditions requises pour qu'il soit fait application de l'article 955 n'est vérifiée à l'égard de M. [Z] [K], dont le comportement à l'égard de sa soeur est décrit, au contraire, de façon concordante, comme ayant été objectivement bienfaisant et exempt d'ingratitude.

Mme [U] [V] épouse [N] doit donc être déboutée de ses demandes de restitutions infondées au titre des dispositions de l'article 955 du code civil.

Sur la demande plus subsidiaire de dommage et intérêts en la forme d'une restitution des sommes dont M. [Z] [K] a été gratifié par la défunte

' Le premier juge, ayant constaté l'absence de faute délictuelle au titre d'un abus de faiblesse de la part de M. [Z] [K] envers sa soeur comme pour l'organisation de ses obsèques et la réunion de ses cendres avec celles de son défunt époux, a débouté Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande de dommages et intérêts.

' En cas de rejet de sa demande d'annulation sur le fondement du dol, Mme [U] [V] épouse [N] demande à la cour sur le fondement de l'abus de faiblesse et du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de M. [Z] [K], de le condamner à lui restituer, à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1240 du code civil, les sommes qu'il a selon elle appréhendées pour un total 306 000 euros avec intérêts à compter de l'assignation.

' M. [Z] [K] conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts formée à son encontre par Mme [U] [V] épouse [N] comme étant infondée.

' Réponse de la cour

L'article 1240 du code civil selon lequel tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, n'a pas lieu d'être appliqué en l'espèce, alors que la cour a confirmé la décision déférée en ce qu'aucun abus de faiblesse imputable à M. [Z] [K] n'est établi, de sorte qu'en l'absence de faute commise par ce dernier, les conditions requises pour que sa responsabilité civile soit engagée envers sa nièce, Mme [U] [V] épouse [N], ne sont aucunement vérifiées comme le premier juge l'a retenu à bon droit.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef également.

Sur l'action en responsabilité et la demande de réparation d'un préjudice moral au titre des funérailles et de l'atteinte aux cendres

' Le premier juge a rejeté la demande de Mme [U] [V] épouse [N] en considérant que l'attestation [X] rapportait la preuve que la défunte avait expressément souhaité être incinérée et que ses cendres soient répandues avec celles de son défunt époux au jardin du souvenir, sans que sa fille ne soit prévenue de son décès comme de ses funérailles afin qu'elle ne puisse y assister, de sorte qu'en respectant la volonté de la défunte, M. [Z] [K] n'a pas commis de faute.

' Mme [U] [V] épouse [N] conclut à l'infirmation et demande à la cour de condamner M. [Z] [K] à lui verser 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle expose avoir subi, certificat médical à l'appui, de par les fautes qu'elle impute à M. [Z] [K], auquel elle reproche d'avoir porté atteinte aux cendres de son père et de l'avoir écartée des funérailles de sa mère.

' M. [Z] [K] conclut à la confirmation exposant que la preuve est rapportée qu'il a parfaitement respecté les dernières volontés de sa soeur en veillant à n'informer sa fille de son décès qu'après ses funérailles qui ont été organisées par son amie, sans qu'aucune faute ne puisse lui être imputée de ce fait.

' Réponse de la cour

Comme déjà exposé, Mme [X] reconnaît avoir elle- même mis en oeuvre les funérailles de Mme [D] [K] veuve [V] conformément au voeu express de la défunte qui souhaitait que son frère en soit déchargé, en organisant une crémation, puis la réunion de ses cendres avec celles de son époux pré-décédé et enfin, une cérémonie de jet de leurs cendres mêlées au jardin du souvenir, le tout en l'absence de Mme [U] [V] épouse [N] qui ne devait être prévenue qu'après les obsèques.

Mme [U] [V] épouse [N], qui ne démontre pas avoir rendu visite à sa mère dont elle connaissait la maladie grave et fatale, ni pendant son hospitalisation en soins palliatifs, ni ensuite dans les derniers jours de sa vie, ce qui lui aurait permis d'être informée de son décès, ne rapporte pas la preuve contre les déclarations circonstanciées de Mme [X] qui était la confidente de la défunte et qui sont en concordance avec celles de l'épouse de M. [Z] [K] faites devant les services de police alors qu'ils étaient en instance de divorce, que ce dernier aurait organisé les funérailles de sa soeur en trahissant sa volonté de façon fautive.

Considérant, à l'instar de ce que le premier juge a exactement retenu, qu'aucune faute ne peut également être imputée à M. [Z] [K] au titre de l'organisation des funérailles de sa soeur dont Mme [X] s'est chargée, l'action en responsabilité exercée sur le fondement de l'article 1240 du code civil par Mme [U] [V] épouse [N] à son encontre doit être rejetée comme étant infondée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de M. [Z] [K] d'envoi en possession de son legs

' Le premier juge qui a été saisi par les dernières conclusions de M. [Z] [K] en date du 14 décembre 2017 d'une demande d'envoi en possession, ayant omis de statuer de ce chef, il incombe à la cour de statuer sur son appel incident et sur la demande dont elle est saisie de ce chef.

' Mme [U] [V] épouse [N] conclut au rejet de l'appel incident de M. [Z] [K], sans développer de moyen concernant sa demande d'envoi en possession.

' Réponse de la cour

L'article 720 du code civil dispose que la succession s'ouvre par la mort au dernier domicile du défunt.

La succession de Mme [D] [K] veuve [V] s'est ouverte le 25 octobre 2013, à [Localité 8], à son domicile où elle est décédée.

En vertu des dispositions de l'article 1007 du code civil qui sont applicables en leur version antérieure à la loi du 18 novembre 2016 dès lors que la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] s'est ouverte avant le 1er novembre 2017, date d'entrée en vigueur de ce texte ayant opéré une déjudiciarisation partielle des titres du légataire, le légataire universel institué par testament olographe doit demander au juge d' être envoyé en possession de son legs.

Il n'est pas contesté qu'en léguant à M. [Z] [K] la moitié des biens composant sa succession, ce qui équivaut au legs de la quotité disponible en présence d'un seul héritier réservataire, feue Mme [D] [K] veuve [V] a consenti à son frère, un legs universel tel que défini par l'article 1003 du code civil comme étant la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès.

La demande formée par M. [Z] [K] d'envoi en possession de son legs universel testamentaire dont la cour se trouve saisie n'a pour objet que de procéder à la vérification de la validité apparente des dispositions testamentaires.

En l'espèce, ni l'écriture, ni la signature de la testatrice ne sont arguées de faux par Mme [U] [V] épouse [N] qui ne conteste pas la régularité formelle du testament écrit, signé et daté par sa défunte mère.

La validité de cet acte a également été confirmée par la cour qui a débouté Mme [U] [V] épouse [N] de toutes ses demandes de nullité comme de ses demandes mettant en cause l'ingratitude ou la responsabilité pour faute de M. [Z] [K] afin de le déchoir de ses droits sur les actifs successoraux, objets du legs testamentaire.

Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner l'envoi en possession du legs universel que la défunte a valablement consenti à son frère, M. [Z] [K], par son testament olographe daté du 13 août 2013.

Le jugement déféré sera donc complété en ce sens.

Sur la demande de partage judiciaire

' Rejetant la fin de non recevoir opposée par M. [Z] [K] sur le fondement de l'article 1360 du code de procédure civile, le premier juge a déclaré recevable la demande de partage judiciaire de Mme [U] [V] épouse [N], après avoir considéré, d'une part que ses conclusions récapitulatives contenaient un descriptif sommaire du patrimoine à partager, et d'autre part, que la demande en partage est associée à des demandes de nullité de donations et de testament qui échappent au domaine d'application de l'article 1360 du code de procédure civile.

' Mme [U] [V] épouse [N] conclut à la confirmation de ce chef en se fondant sur le même motif que celui retenu par le premier juge mais en soutenant en même temps que faute pour M. [Z] [K] d'avoir demandé la délivrance de son legs, il n'est pas à ce jour indivisaire et qu'il n'y a pas d'indivision.

' M. [Z] [K] conclut à l'infirmation de ce chef, en faisant valoir que l'assignation en partage judiciaire de Mme [U] [V] épouse [N] est irrecevable comme n'ayant été précédée d'aucune diligence amiable pour parvenir à la résolution du litige au mépris des articles 1360 et 56 du code de procédure civile.

' Réponse de la cour

L'article 815 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.

L'article 840 dispose ensuite que le partage est fait en justice lorsque l'un des co-indivisaires refuse de consentir au partage amiable, ou s'il s'élève des contestations entre eux sur la manière d'y procéder ou de le terminer.

L'action en partage judiciaire ne peut ainsi se justifier que pour faire cesser une indivision existant entre les parties à l'instance.

L'article 924 du code civil dispose par ailleurs que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou pas, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité.

Il en résulte que le legs est par principe réductible en valeur, de sorte qu'en présence d'un legs universel, le légataire recueille la succession à charge seulement d'indemniser l'héritier réservataire s'il exerce l'action en réduction, ce dont il s'évince qu'aucune indivision n'existe entre eux.

En l'absence d'indivision existant entre Mme [U] [V] épouse [N], héritière réservataire de feue Mme [D] [K] veuve [V], et M. [Z] [K], légataire universel testamentaire de la quotité disponible de ladite succession, la demande de partage judiciaire formée par Mme [U] [V] épouse [N] est donc irrecevable.

Mme [U] [V] épouse [N] qui conclut au demeurant en même temps et de façon contradictoire à l'absence d'indivision, doit donc être déclarée irrecevable en sa demande de partage judiciaire de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] ainsi qu'en ses demandes de désignation d'un notaire avec mission d'y procéder et d'un juge commis pour en assurer la surveillance.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes de rapports

' Après avoir souligné que le legs universel testamentaire reçu par M. [Z] [K] n'est pas rapportable à la succession en application de l'article 843 du code civil, sans contestation émise sur ce point par Mme [U] [V] épouse [N], le premier juge a condamné M. [Z] [K] à rapporter à la succession les sommes de 120 000 euros dont la défunte l'avait gratifié après avoir gagné au loto en 2006 ainsi que celle de 27 000 euros qu'il a considérée comme représentant une autre donation d'argent.

Concernant le capital d'assurance-vie perçu par M. [Z] [K] en tant que tiers bénéficiaire désigné par sa défunte soeur, le premier juge a retenu que les primes payées n'ayant pas été exagérées au regard du gain reçu au loto par la souscriptrice, il n'y a pas lieu de faire application de l'alinéa 2 de l'article L132.13 du code des assurances prévoyant, par exception, le rapport de la partie excessive des sommes versées par le défunt au titre d'un contrat d'assurance-vie.

' Mme [U] [V] épouse [N] demande à la cour de confirmer la décision déférée s'agissant du rapport à la succession de feue sa mère, par M. [Z] [K], de la somme de 120 000 €, et de celle de 27 000 €.

Elle demande par contre à la cour de dire que M. [Z] [K] devra rapporter à la succession également la somme de 220 794 euros qu'il a perçue en tant que bénéficiaire du capital d'un contrat qu'elle qualifie de capitalisation et rapportable, en soutenant subsidiairement que même s'il est qualifié de contrat d'assurance vie souscrit, la prime unique de 240 000 euros est rapportable comme ayant été excessive au regard des revenus annuels de la défunte.

' M. [Z] [K] conclut à la confirmation en ce que le premier juge dit n'y avoir lieu à rapport du capital qui lui a été versé au titre du contrat d'assurance-vie, faisant valoir sur le fondement de l'article L132-13 du code des assurances, que Mme [U] [V] épouse [N] ne verse au débat aucun élément utile permettant de prouver que la prime de 240 000 euros aurait été excessive au regard de sa situation financière et du gain de 2 133 153 euros qu'elle avait perçu au loto.

Il conclut à une réformation de la décision déférée du chef du rapport de la somme de 27 000 euros, contestant l'avoir reçue de la défunte en sus de la somme de 120 000 euros dont il reconnaît avoir été gratifié par sa soeur après qu'elle ait reçu un gain important du loto.

' Réponse de la cour

Le rapport qui a pour fonction de reconstituer la masse à partager est une opération de partage.

Une demande de rapport ne peut donc être formée qu'à l'occasion d'une action en partage judiciaire.

Il résulte de l'article 843 du code civil que tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement (..)

L'article 857 dispose que le rapport n'est dû que par le co-héritier à son cohéritier: il n'est pas dû aux légataires ni aux créanciers.

Il s'évince de l'ensemble de ces dispositions légales, d'une part, que ne doivent pas être rapportés les dons faits à des personnes qui ne sont pas héritières, de sorte que le légataire qui n'est pas héritier n'est pas tenu à rapport, et d'autre part, que l'héritier ne doit pas le rapport au légataire universel qui n'est pas également héritier.

Il n'est pas contesté que M. [Z] [K] qui a été institué légataire universel par sa soeur dans son testament du 13 août 2013 n'est aucunement héritier de cette dernière, dont sa fille, Mme [U] [V] épouse [N], est l'unique héritière.

C'est donc par une interprétation et une application erronées des dispositions légales que le premier juge a ordonné le rapport à la succession par M. [Z] [K] du don d'argent de 120 000 euros que ce dernier ne conteste pas avoir reçu de sa soeur le 10 octobre 2006 après qu'elle ait perçu un important gain au loto, comme de la somme de 27 000 euros dont il a considéré qu'il l'avait reçue, la cour ajoutant surabondamment, ne pas trouver dans les pièces de l'appelante la preuve d'une remise de 27 000 euros qui aurait été faite à son frère par Mme [D] [K] veuve [V] permettant de caractériser une libéralité supplémentaire.

Le capital de 220 974 euros perçu après prélèvement de l'impôt par M. [Z] [K] le 27 mai 2014, en tant que bénéficiaire du contrat d'assurance-vie tel qu'avait souscrit Mme [D] [K] veuve [V] auprès de la compagnie AG2R La Mondiale dont tous les courriers le qualifie comme tel, n'est pas plus sujet à rapport en application des dispositions précitées du code civil, sans même qu'il y ait lieu à s'interroger sur l'application de l'article L132-13 du code des assurances, dont les dispositions excluent par principe les contrats d'assurance vie des successions sauf prime excessive, rapportable, ce qui n'est manifestement pas le cas de la prime unique de 240 000 euros versée en 2006, par la souscriptrice, alors qu'elle venait de gagner au loto une somme de 2 133 153 euros venue accroître dans un proportion très élevée son patrimoine et son revenu annuel de 22 000 euros, ce que confirment ses rachats et les soldes de ses relevés de compte jusqu'à son décès.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé, la cour jugeant qu'aucun rapport n'est dû par M. [Z] [K] à la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V], que ce soit au titre de dons de sommes d'argent ou encore du chef de la perception du capital provenant du contrat d'assurance-vie conclu avec la compagnie AG2R La Mondiale dont la défunte l'avait désigné tiers bénéficiaire, ce dernier chef ayant été omis dans le dispositif du jugement dont appel.

Sur la demande de condamnation de M. [Z] [K] à payer 56 397 euros au titre de la réduction en valeur du legs testamentaire consenti par la défunte

' Le premier juge a rejeté les demandes de paiement d'indemnité de réduction formées par Mme [U] [V] épouse [N] à l'encontre de M. [Z] [K], en exposant que l'absence d'état liquidatif comme de tout élément relatif à la masse partageable ne permet aucun calcul de la quotité disponible, ni d'une indemnité de réduction à supposer qu'elle soit justifiée.

' Mme [U] [V] épouse [N] conclut à l'infirmation de ce chef, et très subsidiairement, en l'absence d'annulation du legs et de l'assurance vie, elle demande à la cour de dire que la quotité disponible de moitié, qu'elle évalue à 226 397 € compte tenu des donations reçues par M. [Z] [K] à concurrence, selon elle, de 367 794 €, incluant 120 000 euros donnés suite au gain au loto, 27 000 € pour achat d'une BMW, et 220 974 € de capital assurance vie, outre les bijoux 'mémoire', était épuisée au moment du legs testamentaire, et de le condamner à lui payer 56 697 € avec intérêts à la date de l'assignation, faisant valoir que le seul bien disponible étant la maison de la défunte évaluée à 170 000 euros, sa valeur est insuffisante pour que le rapport dû à hauteur de 141 397 € puisse s'effectuer en moins prenant.

' M. [Z] [K] conclut à la confirmation de la décision déférée en ce que Mme [U] [V] épouse [N] a été déboutée de ses demandes en réduction des libéralités au motif qu'aucune atteinte à sa réserve ne peut être établie à défaut de disposer d'un état hypothécaire et d'un état liquidatif permettant de fixer la masse partageable et d'évaluer la quotité disponible, autant de préalables nécessaires avant d'envisager de faire des comptes entre les parties.

Il conclut également à la réformation partielle de la décision déférée en ce qui concerne la désignation du notaire chargé d'établir l'état liquidatif définitif, faisant valoir que Maître [H] que le tribunal a désignée n'exerce plus de sorte qu'il convient de désigner en remplacement son successeur, Maître [J] [B] avec mission de reconstituer l'actif successoral avec rapport des prêts successifs ayant bénéficié à Mme [U] [V] épouse [N].

' Réponse de la cour

L'article 913 du code civil dispose notamment que les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse qu'un enfant à son décès (..)

L'article 920 dispose que les libéralités directes ou indirectes qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession.

Selon l'article 921 la réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants-cause, les donataires, légataires, comme les créanciers du défunt, ne pourront demander cette réduction ni en profiter (...)

En application de l'article 922 la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.

Les biens dont il a disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes et charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à la date de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession d'après leur état à l'époque de l'acquisition.

Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était à raison de leur nature, inéluctable au jour de l'acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas d'exercice de l'action en réduction par un héritier réservataire, il convient de déterminer au préalable dans quelle mesure les libéralités excèdent la quotité disponible, ce qui suppose la réalisation de trois opérations successives différentes :

- la reconstitution fictive du patrimoine héréditaire tel qu'il aurait été si le défunt n'avait pas disposé à titre gratuit ce qui correspond à l'établissement de la masse de calcul, selon ls termes de l'article 922 du code civil,

- l'imputation des libéralités consenties, en comparant leur montant total à celui de la quotité disponible, afin de vérifier s'il y a dépassement, les libéralités faite à un gratifié non réservataire s'imputant exclusivement sur la quotité disponible, et l'ordre d'imputation étant inverse à celui de la réduction puisque les donations s'imputent avant les legs,

- le calcul de l'indemnité de réduction éventuellement due à l'héritier réservataire selon le principe de la réduction en valeur posé par les articles 924 et les modalités de calcul imposées par l'article 924 -2.

L'opération d'établissement de la masse partageable et le calcul du montant de la quotité disponible, qui sont des préalables indispensables afin qu'il puisse être statué sur la demande d'indemnité de réduction de Mme [U] [V] épouse [N], suppose, en application des dispositions précitées de l'article 922, que soit fixée la valeur des biens, tant mobiliers et qu'immobiliers existant dans le patrimoine de la défunte, ainsi que le montant des dettes laissées à son décès, dont font partie les frais funéraires, et l'éventuel solde du compte de récompenses suite au dècès de son époux prédécédé avec lequel elle était mariée sous le régime communautaire, avant que puisse être réunie fictivement, au solde obtenu, la valeur des biens qu'elle a donnés de son vivant.

Force est de constater que seuls sont produits au débat :

- par Mme [U] [V] épouse [N] la copie de l'acte d'acquisition par ses parents, qui s'étaient mariés en 1955 sans contrat, de la maison existant au décès de la défunte, et l'attestation de dévolution successorale du 1er octobre 2014, ainsi qu'une évaluation de ce bien à la date du 1er octobre 2014 à une valeur comprise entre 160 000 € et 170 000 €,

- par M. [Z] [K] une ébauche d'élaboration d'un état de l'actif successoral par Maître [J] [B], notaire à [Localité 4], détaillant d'ailleurs les documents et actes manquants devant être régularisés notamment l'attestation de propriété immobilière suite au décès de M. [O] [V] ou de Mme [D] [K] veuve [V], la déclaration de succession, la délivrance du legs au profit de M. [Z] [K].

En dépit des motifs pertinents du jugement déféré sur ce point, l'appelante n'a pas cru devoir produire en cause d'appel les pièces requises permettant la détermination de la masse de calcul de sa réserve, s'agissant notamment de l'état liquidatif du régime matrimonial ayant existé entre ses parents et de la succession de son défunt père, de même que la déclaration de succession qui a dû être établie dans le délai de 6 mois après le décès de sa mère, permettant ainsi de connaître la valeur de l'actif mobilier notamment les bijoux de la défunte, ni le montant du passif successoral, le tout à la date du décès, et qui doit être déduit de la valeur des biens existants au décès de Mme [D] [K] veuve [V] avant qu'y soient réuniés fictivement en valeur les biens par elle donnés.

En l'état des éléments très incomplets soumis à son appréciation, la cour ne peut déterminer la masse de calcul telle que définie par l'article 922 précité, ni calculer la réserve de moitié de Mme [U] [V] épouse [N], autant de préalables indispensables pour dire s'il y a lieu à réduction des libéralités consenties par la défunte à M. [Z] [K] et fixer, le cas échéant, la valeur de l'indemnité de réduction.

La cour déboutera en conséquence Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande de condamnation de M. [Z] [K] à lui payer en moins prenant la somme de 56 397 euros à titre d'indemnité de réduction avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

La liquidation de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] avec établissement des comptes pour détermination de la masse de calcul de la réserve de moitié de Mme [U] [V] épouse [N], sera ordonnée afin de permettre de vérifier si les libéralités consenties par la défunte à M. [Z] [K], légataire non héritier, ont porté atteinte aux droits de l'héritière réservataire, et d'évaluer, le cas échéant, le montant de la réduction en valeur du legs testamentaire consenti à M. [Z] [K] s'il excède la quotité disponible.

Maître [J] [B], notaire à [Localité 4], ayant déjà commencé à instrumenter sans pouvoir achever la liquidation faute d'élément suffisant nécessaire, sera désignée en tant que successeur du notaire nommé par le premier juge qui a cessé ses fonctions, pour procéder à ces opérations de liquidation et comptes après que les éléments requis lui aient été communiqués.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

A cet égard, si les biens donnés par le défunt qui doivent être fictivement comptabilisés incluent toutes les libéralités qu'elles soient ou non rapportables en ce compris les dons manuels, et les donations indirectes ou déguisées, encore faut-il que soit rapportée la preuve de l'existence de la libéralité invoquée par celui qui s'en prévaut.

En l'espèce, les prêts que feue Mme [D] [K] veuve [V] avait consentis à Mme [U] [V] épouse [N], tels qu'elle les détaille dans ses courriers d'octobre 2007 produits au débat par M. [Z] [K], rapportent la preuve que la défunte n'a aucunement été inspirée de la moindre intention libérale envers sa fille à laquelle elle reprochait l'absence de remboursement de ces sommes qu'elle lui avait empruntées, ce qui exclut que les remises des fonds ainsi prêtés puissent être qualifiées de donations déguisées.

En conséquence, aucune mission du notaire liquidateur en vue d'une réunion fictive des sommes prêtées aux biens existant au décès après déduction du passif successoral ne peut être valablement sollicitée par M. [Z] [K] dont la demande de ce chef sera rejetée, la cour ajoutant ainsi au jugement qui n'a pas statué sur cette demande dans son dispositif.

Sur la demande de Mme [U] [V] épouse [N] de restitution des bijoux qui appartenaient à la défunte

' Le premier juge a considéré, dans les motifs de sa décision, que Mme [U] [V] épouse [N] ne démontre pas le caractère rapportable du don de bijoux à son frère à défaut de justifier de leur valeur, sans toutefois statuer dans le dispositif sur la demande de restitution de ces bijoux dont il était saisi.

' Mme [U] [V] épouse [N] demande à la cour d'infirmer le jugement de ce chef et d'ordonner à M. [Z] [K] de restituer les bijoux de sa défunte mère qu'il a appréhendés sans droit.

' M. [Z] [K] conclut que l'audition de son ex-épouse suite à la plainte de l'appelante démontre que sa soeur avait souhaité qu'il soit le donataire de ses modestes bijoux qu'il a reconnus détenir en toute bonne foi et soutient que la lecture du testament lui permet d'en demeurer attributaire.

' Réponse de la cour

L'article 1002 du code civil dispose que les dispositions testamentaires sont universelles, ou à titre universel ou à titre particulier.

L'article 1014 dispose que tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause.

Néanmoins, le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre aux fruits ou intérêts, qu'à compter du jour de sa demande de délivrance, formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, ou du jour auquel elle lui aurait été volontairement consentie.

M. [Z] [K] reconnaît avoir emporté les bijoux de Mme [D] [K] veuve [V] en quittant le domicile de cette dernière après ses obsèques et les détenir.

En l'absence de tout legs particulier consenti dans son testament par la défunte, ses bijoux sur lesquels M. [Z] [K] n'a aucun droit de propriété et dont il ne peut également pas renvendiquer la possession légitime, font partie de l'actif mobilier de la succession.

M. [Z] [K] sera donc condamné à restituer à Mme [U] [V] épouse [N], en sa qualité de seul héritière réservataire saisie de plein droit, tous les bijoux de feue sa mère dont la valeur à la date du décès doit être prise en compte dans la masse permettant le calcul de la quotité disponible.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef par la cour ajoutant de ce chef au jugement dont le dispositif comporte une omission.

Sur la demande incidente de dommages et intérêts

' M. [Z] [K] forme en cause d'appel une action en responsabilité à l'encontre de Mme [U] [V] épouse [N] dont il sollicite la condamnation à lui verser 10 000€ de dommages et intérêts, lui reprochant ses accusations d'abus de faiblesse qu'il estime inacceptables dans un contexte douloureux et qu'il qualifie d'outrageantes, d'injurieuses et de diffamatoires, en estimant avoir subi un préjudice moral.

' Mme [U] [V] épouse [N] conclut au rejet de la demande de M. [Z] [K].

' Réponse de la cour

L'article 1240 nouveau du code civil, tel qu'il résulte de l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 dispose que 'tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Le succès d'une action en responsabilité sur le fondement de ces dispositions légales suppose que celui qui s'en prévaut démontre l'existence d'une faute commise par celui à l'encontre duquel il agit ainsi que d'un préjudice et d'un lien direct de causalité.

Par ailleurs, l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à une dette de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1240 nouveau du code civil, que dans le cas de preuve d'une résistance manifestée par cette partie avec malice, de mauvaise foi, en étant mue par une volonté de nuire équivalente au dol.

La cour constate que M. [Z] [K] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral spécifique que lui a causé Mme [U] [V] épouse [N] du fait du dépôt d'une plainte pénale qui a permis la collecte d'informations pour partie utiles à la solution du litige, avant d'être rapidement classée sans suite.

Aussi pénible que puisse être une action en matière successorale en ce qu'elle oppose les membres d'une même famille en conflit qui se fondent sur des moyens et des faits parfois douloureusement vécus, dont chacun a une vision contraire, la cour ne trouve pas dans ceux invoqués par Mme [U] [V] épouse [N] à l'égard de M. [Z] [K], sur la base de dispositions légales, la démonstration d'une faute, ni d'un abus du droit d'agir en justice dans l'exercice de son action successorale, qui tend, entre autres, à la préservation de sa réserve héréditaire en l'état des libéralités et du legs universel testamentaire dont sa mère a gratifié ce dernier en l'ayant en outre désigné tiers bénéficiaire de son assurance-vie.

Enfin, force est de constater que M. [Z] [K] a lui-même formé des demandes incidentes dont il est en partie débouté par la cour en étant condamné à restituer les bijoux de la défunte à l'appelante, sa fille unique.

Les conditions requises pour qu'il soit fait droit à l'action en responsabilité délictuelle exercée en cause d'appel par M. [Z] [K], sans en préciser le fondement légal, ne sont pas vérifiées.

Il en sera donc débouté et sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le premier juge a condamné les parties aux dépens et dit qu'ils seront compris en frais de partage.

Le jugement ayant été infirmé en ce que la demande de partage judiciaire est jugée irrecevable faute d'indivision à partager, l'infirmation s'impose également quant à l'assimilation des dépens en frais de partage.

Les dépens de première instance seront supportés par Mme [U] [V] épouse [N] qui a succombé principalement.

Le jugement sera confirmé en ce que les parties ont été déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant que chaque partie succombe, en partie, en cause d'appel, elles doivent supporter chacune la moitié des dépens de l'instance devant la cour.

De part la nature du litige et la succombance partielle de chaque partie en cause d'appel, l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront ainsi déboutées de leur demande respective d'indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

DÉCLARE Mme [U] [V] épouse [N] recevable en son action en nullité du legs testamentaire et des donations consenties par sa défunte mère, pour insanité d'esprit,

DÉCLARE Mme [U] [V] épouse [N] irrecevable en son action en nullité de la clause de désignation du tiers bénéficiaire de l'assurance-vie de sa défunte mère, pour insanité d'esprit,

INFIRME le jugement rendu le 26 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Béziers en toutes ses dispositions déférées et critiquées, à l'exception de celles relatives à la demande d'annulation pour insanité d'esprit, et subsidiairement pour dol, du legs testamentaire, des libéralités entre vifs consenties par feue Mme [D] [K] veuve [V] à M. [Z] [K], ainsi que de sa désignation par la défunte comme tiers bénéficiaire de son assurance-vie, au rejet des demandes de restitution des sommes dont la défunte l'a gratifié, au rejet de l'action en responsabilité et indemnisation de Mme [U] [V] épouse [N] pour abus de vulnérabilité de la défunte, au rejet de l'action de Mme [U] [V] épouse [N] en responsabilité pour faute et indemnisation d'un préjudice moral, au rejet de l'action reconventionnelle en responsabilité, et aux frais irrépétibles,

STATUANT A NOUVEAU des chefs dévolus, critiqués, non définitifs, et infirmés,

DÉCLARE Mme [U] [V] épouse [N] irrecevable en sa demande de partage judiciaire de la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] ainsi que de désignation d'un notaire pour y procéder et d'un juge commis pour le surveiller,

DIT qu'aucun rapport n'est dû par M. [Z] [K] désigné légataire universel testamentaire, à la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] au titre des donations entre vifs dont il a été gratifié par sa soeur,

DÉBOUTE Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande de rapport à la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] des libéralités par elle consenties de son vivant à M. [Z] [K],

DÉBOUTE Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande de condamnation de M. [Z] [K] à lui payer à titre d'indemnité de réduction la somme de 56 397 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

ORDONNE la liquidation de la succession de Mme [D] [K] veuve de M. [O] [V], décédée le 25 octobre 2013 à [Localité 8], en l'état d'un testament olographe en date du 13 août 2013, désignant son frère, M. [Z] [K], comme légataire universel de la moitié des biens composant sa succession et laissant comme unique héritière sa fille, Mme [U] [V] épouse [N],

DÉSIGNE Maître [J] [B], notaire à [Localité 4], pour procéder à ces opérations de liquidation et comptes avec établissement de la masse de calcul de la réserve conformément à l'article 922 du code civil, détermination de la quotité disponible, et imputation des libéralités avant réduction en valeur, le cas échéant, du legs testamentaire consenti à M. [Z] [K],

RENVOIE les parties devant ce notaire à cette fin,

DIT que les dépens de première instance seront supportés par Mme [U] [V] épouse [N] qui a succombé principalement,

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande de restitution, pour cause d'ingratitude, des sommes dont Mme [D] [K] veuve [V] a gratifié M. [Z] [K], sur le fondement de l'article 955 du code civil,

ORDONNE l'envoi en possession du legs universel consenti à M. [Z] [K] par feue Mme [D] [K] veuve [V] par son testament olographe du 13 août 2013,

DÉBOUTE Mme [U] [V] épouse [N] de sa demande de réintégration à la succession de feue Mme [D] [K] veuve [V] de la somme de 220 974 euros qui a été versée à M. [Z] [K] en tant que tiers bénéficiaire de l'assurance-vie qu'avait souscrite la défunte auprès de la compagnie AG2R La Mondiale,

DÉBOUTE M. [Z] [K] de sa demande de rapport des sommes prêtées par feue Mme [D] [K] veuve [V] à sa fille, Mme [U] [V] épouse [N], au titre de la reconstitution par le notaire de l'actif existant dans le patrimoine de la défunte à son décès,

CONDAMNE M. [Z] [K] à restituer à Mme [U] [V] épouse [N] les bijoux de feue Mme [D] [K] veuve [V] dont la valeur à la date du décès sera prise en compte dans la masse définie par l'article 922 du code civil,

DÉBOUTE M. [Z] [K] de sa demande incidente de dommages et intérêts pour préjudice moral,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile entre les parties en cause d'appel,

CONDAMNE chaque partie à supporter la moitié des dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

SR/NLP


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 19/00098
Date de la décision : 19/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-19;19.00098 ?
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