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17/05/2023 | FRANCE | N°20/05429

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 17 mai 2023, 20/05429


Grosse + copie

délivrées le

à

















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 17 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05429 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYYI



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 19/00259







APPELANTE :



Associati

on FRANCE HORIZON - EHPAD [6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Assistée par Me Delphine RICARD de l'AARPI VATIER, avocat au bar...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 17 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05429 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYYI

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 19/00259

APPELANTE :

Association FRANCE HORIZON - EHPAD [6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Assistée par Me Delphine RICARD de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Margot LE LUONG, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [H] [U]

née le 10 Juillet 1969 à [Localité 5] (71)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4] ADRESSE A VERIFIER

Représentée par Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2020/014577 du 23/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 01 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 MARS 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Magali VENET, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, en remplacement du président empêché et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [U] a été embauchée par l'Association France Horizon en qualité d'aide soignante selon contrat à durée déterminée du 05 janvier 2017 au 31 juillet 2017 pour remplacer Mme [C] [S] en congé maternité.

Ce contrat s'est poursuivi par une succession de contrats à durée déterminée jusqu'au 30 octobre 2018 à l'issue desquels, plus aucun contrat ne lui a été proposé.

La convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31/10/1951 s'applique aux contrats de travail.

Par requête en date du 11 octobre 2019, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne afin de solliciter la requalification de la relation de travail de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 04 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- requalifié les contrats à durée déterminée de Mme [H] [U] en contrat à durée indéterminée.

- condamné l'association France Horizon à payer à Mme [H] [U] les sommes de :

- 1807,43€ nets au titre de l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée outre intérêts de droit à compter de la notification du jugement

- 1807,43€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre intérêts de droit à compter de la saisine

-180,74€ bruts au titre des congés payés afférents , outre intérêts de droit à compter de la saisine

- 828,41€ nets au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 2700€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- déboutées les parties du surplus de leurs demandes

- condamné l'association France Horizon à la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 02 décembre 2020, l'Association France Horizon a relevé appel de l'ensemble des dispositions de la décision.

Vu les dernières conclusions de l'association France Horizon en date du 14 mars 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de Mme [H] [U] en date du 24 mai 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est en date du 01 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification de la relation de travail :

L'article L.1242-1 du code du travail dispose que : ' un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.'

Selon l'article L.1242-2 du code du travail : 'sous réserve des dispositions de l'article 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants dont notamment :

1° Remplacement d'un salarié en cas :

a) d'absence

b) de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur

c) de suspension du contrat de travail

d) de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du 'comité social et économique, s'il existe'

e) d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère 'saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois'.

L'association France Horizon fait valoir que l'ensemble des CDD conclus avec Mme [U] répondent aux critères posés par l'article L.1242-2 du code du travail, soit le remplacement de salariés temporairement absents.

- Mme [U] fait valoir qu'elle a été embauchée par 28 CDD successifs entre le 05 janvier 2017 et le 30 octobre 2018 pour occuper un emploi permanent lié à l'activité normale de l'entreprise, son activité visant à pallier le sous effectif structurel de l'association.

Il apparaît cependant qu'en l'espèce, le recours à de multiples CDD, tous conclus pour assurer le remplacement d'absences temporaires dûment justifiée par le nom de la personne remplacée et le motif du remplacement effectué par Mme [U] ne constitue pas un usage abusif du CDD.

- Mme [U] ajoute que les contrats à durée déterminée conclus au motif du changement de roulement ne correspondent pas à une absence du titulaire du poste.

L'analyse de ces contrats conclus au motif du 'changement de roulement', laisse cependant apparaître qu'ils concernent également le remplacement de salariés dûment identifiés et occupés sur d'autres postes, sachant qu' il peut être recouru à un CDD pour remplacer un salarié présent dans l'entreprise, mais momentanément absent de son poste à la suite d'une affectation temporaire sur un autre poste, sans que ce recours au CDD ne soit considéré comme abusif.

- Mme [U] précise enfin que le contrat à durée déterminée du 03 septembre 2018 au 28 septembre 2018 a été conclu en remplacement d'une absence définitive suite à l'avis d'inaptitude de Mme [R] [V] prononcé par le médecin du travail du 14 août 2018, et qu'il doit en conséquence être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Sur ce dernier point, pour recourir valablement à un CDD dans l'attente de l'entrée effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée, il est nécessaire qu'à la date ou le contrat à durée déterminé est conclu, l'employeur ait arrêté son choix sur un candidat déterminé.

Lorsque le futur salarié sous contrat à durée indéterminé n'est ni recruté, ni même pressenti à la date d'embauche du salarié sous contrat à durée déterminée, ce contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Or en l'espèce, le contrat à durée déterminée relatif à la période du 03 septembre au 28 septembre 2018, a été conclu 'pour un remplacement à un terme précis' suite à l'avis d'inaptitude de Mme [V], soit une absence définitive de la salariée, sans aucune mention au contrat du nom d'un salarié définitivement recruté sur le poste, sachant que l'employeur n'établit pas pas qu'à cette date une autre salariée était pressentie pour l' occuper.

Par ailleurs, Mme [U] justifie avoir, dès le 04 avril 2018 manifesté par mail son souhait d'être engagée en CDI par l'Association France Horizon, demande qu'elle a renouvelé par mail du 7 août 2018, et il est indifférent qu'elle ait également envisagé d'entreprendre une formation professionnelle dans l'absence de certitude concernant la poursuite de son emploi auprès de l'association France Horizon.

Il en découle que le contrat à durée déterminée concernant la période du 03 au 28 septembre 2018 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Sur les conséquences de la requalification :

L'indemnité de requalification :

En application de l'article L.1245-2 du code du travail Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En l'espèce, le salaire brut de référence de Mme [U] s'élève à 1422,61€. Cette dernière a travaillé entre le 05 janvier 2017 et le 30 octobre 2018 dans le cadre de nombreux CDD et sans que son employeur ne lui propose à l'issue de la relation de travail un CDI auquel elle aspirait.

Dès lors, au regard du préjudice subi, c'est à juste titre que le conseil de prud'homme lui a accordé une indemnité d'un montant de 1807,43€ nets au titre de l'indemnité de requalification, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur les conséquence de la rupture du contrat de travail :

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles réagissant le licenciement. En l'espèce, il y a lieu de considérer que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée qui a été rompu par l'employeur sans qu'il n'invoque une cause réelle et sérieuse, ce qui en conséquence ouvre droit au salarié aux indemnités suivantes :

L'indemnité compensatrice de préavis :

En application de l'article 15.02.2.1. de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soin, de cures et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, le préavis est de un mois.

Il convient en conséquence d'accorder à Mme [U] une indemnité d'un montant de 1422,61€ outre 142, 26€ au titre des congés payés afférents. La décision critiquée sera infirmée en son quantum.

L'indemnité conventionnelle de licenciement :

En application de l'article 15.02.03 de la convention collective applicable, Mme [U] a droit à une indemnité d'un montant de 869,37€ sur ce fondement

Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Lors de la rupture du contrat de travail, Mme [U] a subi un préjudice lié à l'absence de poursuite de la relation de travail qu'elle souhaitait, alors qu'une autre salariée a été embauchée de façon pérenne pour occuper son dernier poste en contrat à durée déterminée.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, il convient en conséquence de condamner l'employeur à verser à Mme [U] une indemnité d'un montant de 2845,22€, la décision sera infirmée en son quantum, en précisant qu'elle sera fixée en brut.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [U] n'établit pas, au regard du planning prévisionnel des jours de travail produit aux débats, avoir initialement signé son dernier CDD avec un terme fixé au 26 octobre 2018, qui aurait été remplacé par un nouveau CDD avec pour terme le 24 octobre 2018.

Dès lors, Mme [U] ne justifiant pas d'une exécution déloyale du contrat de travail, la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande à ce titre.

Sur la mutuelle prévoyance :

L'employeur justifie avoir proposé à Mme [U] son adhésion au contrat collectif de prévoyance France Adhésion auquel cette dernière ne s'est pas opposée dans la mesure ou les prélèvements des cotisations prévoyance figurent sur les bulletins de salaire de l'intéressée qui ne démontre nullement ne pas avoir bénéficié des garanties souscrites lors de ses soins dentaires.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il convient de condamner l'Association France Horizon à verser à Mme [U] la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par décision contradictoire et en dernier ressort,

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne en date du 04 novembre 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le quantum des sommes auxquelles l'employeur a été condamné au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sauf en ce cette denière indemnité doit être fixée en brut ;

Le réformant de ces seuls chefs :

- Condamne l'Association France Horizon à payer à Mme [H] [U] les sommes suivantes :

-1422,61€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 142, 26€ au titre des congés payés y afférents

- 869,37€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 2845,22€ bruts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamne l'Association France Horizon à payer à Mme [H] [U] la somme de 1200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l'Association France Horizon aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

J. FOURNIE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/05429
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.05429 ?
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