Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 16 MAI 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/00119 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2JE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 NOVEMBRE 2020
Tribunal Judiciaire de BEZIERS
N° RG 18/02281
APPELANT :
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Anne SEILLIER, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S.U. LES JARDINS D'EULALIE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Simon LAMBERT de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Jérémie OUSTRIC, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Simon LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 06 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre en remplacement du Président empêché, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
En 2012, [M] [J], née en 1923, a été admise au sein de l'EHPAD « Résidence [7] », située à [Localité 5] (34), désormais dénommée la société Les Jardins d'Eulalie.
L'incapacité de [M] [J] à se déplacer seule a rendu nécessaire le recours quotidien à un verticalisateur.
Le 31 juillet 2017, [M] [J] a été victime d'une chute lors d'un de ses déplacements, alors même qu'elle utilisait le verticalisateur, assistée d'un personnel soignant.
Au motif que celui-ci aurait commis une faute à l'origine de la chute, [B] [P] a, par acte d'huissier du 12 septembre 2018, fait assigner la société Les Jardins d'Eulalie devant le tribunal de grande instance de Béziers, en responsabilité et en réparation des préjudices subis tant par [M] [J] que par lui-même.
Le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers énonce dans son dispositif :
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de [B] [P], présentée par la société Les Jardins d'Eulalie ;
Déboute [B] [P] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne [B] [P] à payer à la société Les Jardins d'Eulalie une somme qu'il est équitable de fixer à 1 200 euros ;
Condamne [B] [P] aux entiers dépens.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de [B] [P], le premier juge a relevé qu'il rapportait la preuve de sa qualité d'héritier de [M] [J], au même titre que trois autres membres de sa famille.
Sur la responsabilité de la société Les Jardins d'Eulalie, [B] [P] faisant valoir, au visa de l'article L.311-3 du code de l'action sociale et des familles, qu'elle était tenue d'une obligation de moyens et qu'elle avait commis une faute dans l'exécution de ses obligations au motif qu'un de ses personnels, à l'occasion du transfert de [M] [J] avec l'usage d'un verticalisateur, avait causé sa chute après avoir insuffisamment apprécié ses aptitudes physiques, celle-ci ne tenant plus sur ses jambes depuis plusieurs années, ce que ne pouvait ignorer le personnel soignant, outre un défaut de vigilance, le premier juge a dit qu'il ne suffisait pas d'alléguer pour prouver une faute.
Sur les moyens de preuve versés au débat par [B] [P], le premier juge a retenu que celui-ci, absent le jour de la chute, produisait, pour établir les circonstances de la chute et la faute alléguée, des déclarations de la directrice de l'EHPAD, retranscrites par procès-verbal de constat d'huissier de justice, à partir d'un enregistrement audio obtenu sans le consentement de l'intéressée, à son insu, que si ce procédé aux fins de recueillir une preuve était déloyal, comme le soutenait justement la société Les Jardins d'Eulalie, que pour autant, il n'était pas demandé qu'il soit écarté des débats, de sorte que, soumis à la libre discussion des parties, il a été retenu comme élément de preuve.
Il en a été relevé que le déplacement de [M] [J], le jour de la chute, avait été effectué avec l'usage d'un verticalisateur et en présence d'un personnel soignant chargé de l'assister, qu'il apparaissait qu'elle avait glissé en se relevant des toilettes, à l'occasion d'un changement de position, et que si le personnel soignant avait pu protéger sa tête, son genou avait toutefois tapé.
En considération de ces circonstances, le tribunal a retenu que le personnel soignant de la société Les Jardins d'Eulalie avait bien pris en compte l'état de santé de [M] [J], soit à ce moment une résidente âgée et dans l'incapacité de se déplacer seule, et avait mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour sécuriser son déplacement.
[B] [P], sur lequel reposait la charge de la preuve d'une faute, ne démontrant pas en quoi le comportement professionnel du personnel soignant aurait provoqué la chute de sa grand-mère, pas plus qu'il ne rapportait la preuve d'une défaillance du matériel médical mis à la disposition de cette dernière, a en conséquence été débouté de l'intégralité de ses demandes.
[B] [P] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 7 janvier 2021.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 mars 2023.
Les dernières écritures pour [B] [P] ont été déposées le 7 avril 2021.
Les dernières écritures pour la société Les Jardins d'Eulalie ont été déposées le 11 juin 2021.
Le dispositif des écritures pour [B] [P] énonce :
Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la qualité à agir de [B] [P] ;
Réformer le jugement dont appel pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Condamner la société Les jardins d'Eulalie à verser à l'appelant, en qualité d'hériter, la somme de 9 999 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice physique et moral subi par [M] [J] ;
A titre subsidiaire,
Condamner la société Les jardins d'Eulalie à verser à l'appelant, en qualité d'héritier, la somme symbolique de 1 euro de dommages et intérêts, en réparation du préjudice physique et moral subi par [M] [J] ;
En toutes hypothèses,
Rejeter l'ensemble des prétentions de la société Les jardins d'Eulalie ;
Condamner la société Les jardins d'Eulalie à verser à l'appelant, à titre personnel, la somme de 1 euro de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral ;
Condamner la société Les jardins d'Eulalie à verser à l'appelant la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Les jardins d'Eulalie aux entiers dépens, dont le coût de l'assignation et du procès-verbal de constat d'huissier du 16 novembre 2017.
Sur la responsabilité de la société Les Jardins d'Eulalie et pour l'essentiel, [B] [P] soutient que contrairement à ce qu'a retenu le juge de première instance, il incombait à la société Les jardins d'Eulalie de rapporter la preuve, d'une part que le matériel utilisé, soit le verticalisateur, était en bon état de fonctionnement et, d'autre part, qu'il avait été correctement employé.
Il estime au surplus que l'établissement était soumis à des obligations permanentes de sécurité et, qu'au cas d'espèce, il aurait fallu au moins deux personnes et non une seule pour effectuer le transfert de [M] [J].
Il demande en conséquence de retenir la responsabilité de la société Les Jardins d'Eulalie et qu'elle soit condamnée à réparation.
Le dispositif des écritures pour la société Les Jardins d'Eulalie énonce :
Confirmer en ses entières dispositions le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers ;
Débouter [B] [P] de ses entières demandes, fins et conclusions ;
Condamner en cause d'appel [B] [P] à payer à la société Les Jardins d'Eulalie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner [B] [P] aux entiers dépens, de première instance et d'appel ;
Rejeter toutes demandes plus amples ou contraires.
Sur sa responsabilité, la société Les Jardins d'Eulalie entend rappeler au visa des articles L.1142-1 du code de la santé publique et L.311-3-1° du code de l'action sociale et des familles, que les établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sont tenus que d'une obligation de moyen et non de résultat, ce qui se comprend compte tenu des difficultés et des risques inhérents aux personnes prises en charge qui sont pour certaines extrêmement dépendantes, atteintes de troubles du discernement ou dans l'incapacité de se mouvoir.
Elle entend également rappeler qu'il s'ensuit que la seule survenance d'un dommage ne saurait faire présumer l'existence d'une faute, laquelle doit être démontrée par le demandeur à l'action en responsabilité.
En l'espèce, elle met en avant les déclarations des personnels, encore en poste à ce jour, selon lesquelles [M] [J] était assistée d'une aide-soignante lorsqu'elle s'est rendue aux toilettes à l'aide du verticalisateur et que celle-ci a rapporté, tant à l'animatrice qu'à l'infirmière, que par manque d'appui sur ses jambes, [M] [J] avait lâché prise puis chuté, qu'ainsi, il n'y a pas eu de chute provoquée par le personnel de l'EHPAD, comme l'affirme [B] [P].
Sur le verticalisateur, la société Les Jardins d'Eulalie souligne qu'il n'est pas contesté que l'établissement était suffisamment équipé en matériel pour permettre aux résidents grabataires de se mouvoir et qu'il n'est nullement démontré que le verticalisateur en litige aurait été défectueux.
Estimant enfin qu'il ressort de l'ensemble des transmissions versées aux débats par [B] [P] que les soins ont été adaptés, réguliers et constants, la société Les Jardins d'Eulalie demande la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté sa responsabilité et débouté [B] [P] de l'ensemble de ses prétentions.
MOTIFS
1. Sur la responsabilité de la société Les Jardins d'Eulalie
Il résulte de l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles que les établissements sociaux et médico-sociaux se doivent notamment d'assurer la sécurité des personnes en leur sein.
Sur ce fondement, il n'est pas contesté qu'il pèse sur la société Les Jardins d'Eulalie une obligation de sécurité de moyens et non de résultat, ce qui se comprend compte tenu des difficultés et des risques inhérents aux personnes prises en charge qui sont pour certaines extrêmement dépendantes, atteintes de troubles du discernement ou dans l'incapacité de se mouvoir.
La seule survenance d'un dommage ne pouvant présumer l'existence d'une faute, il appartient donc à [B] [P] de rapporter la preuve de son exécution défectueuse, ce qui s'entend en l'espèce de la démonstration d'une conduite fautive dans la prise en charge de [M] [J].
Devant la cour, [B] [P] reprend pour l'essentiel l'argumentation soumise au premier juge selon laquelle la faute consisterait en un défaut d'appréciation de ses aptitudes physiques. Il précise qu'elle ne tenait plus sur ses jambes depuis plusieurs années, ce que ne pouvait ignorer le personnel soignant. Il vise au surplus un défaut de vigilance et met en doute la fiabilité du verticalisateur utilisé.
Or, en considération des faits de l'espèce, si [B] [P] émet des hypothèses, il ne démontre pas en quoi l'aide-soignante aurait commis une faute lors du transfert de [M] [J] au moyen du verticalisateur, dont il n'est pas démontré qu'il aurait été inadapté ou défectueux, d'autant que la société Les Jardins d'Eulalie n'était pas soumise à une obligation de vigilance particulière la concernant.
En conséquence et en l'absence de toute démonstration d'une faute de la société Les Jardins d'Eulalie, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté [B] [P] de l'ensemble de ses demandes.
2. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
[B] [P] sera condamné aux dépens de l'appel.
[B] [P] sera au surplus condamné à payer à la société Les Jardins d'Eulalie la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers, en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE [B] [P] à payer à la société Les Jardins d'Eulalie la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;
CONDAMNE [B] [P] aux dépens de l'appel.
Le greffier Le Président