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11/05/2023 | FRANCE | N°18/04435

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 11 mai 2023, 18/04435


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 11 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/04435 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NZRD





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 juillet 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 17/00085





APPELANTE :


r>Madame [W] [A] épouse [T]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Mathilde SEBA...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 11 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/04435 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NZRD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 juillet 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 17/00085

APPELANTE :

Madame [W] [A] épouse [T]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER,

et assistée à l'instance par la SCPI ALBAREDE ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ALBI

INTIME :

Maître [F] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 1er février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié du 30 novembre 1981, M. [M] [A] et Mme [B] [N] épouse [A] ont consenti à leurs cinq enfants la donation d'une propriété rurale sis commune de [Adresse 7] et ont procédé au partage de leurs biens revenant en totalité à leur fille Mme [W] [A] épouse [T], à charge pour elle de verser à chacun de ses frères et soeurs une soulte de 6 860,21 euros.

Mme [B] [A] est décédée le [Date décès 4] 1996 et M. [M] [A] est décédé le [Date décès 3] 2001.

Suivant acte notarié de Me [F] [Z] du 22 janvier 2005, Mme [W] [T] a vendu une partie des biens attribués aux termes de la donation-partage du 30 novembre 1981, moyennant le prix de 166 744 euros.

Par acte du 28 avril 2005, M. [C] [A] a assigné Mme [W] [T], M. [G] [T], Mme [L] [T], Mme [D] [A] épouse [O], Mme [X] [A] et Mme [E] [A] pour qu'il soit procédé aux opérations de liquidation et partage de la communauté et de la succession de leurs parents, et qu'il soit notamment statué sur une action en réduction des donations faites à Mme [W] [T].

Par jugement du 23 mars 2007, le tribunal de grande instance de Rodez a ordonné la liquidation et le partage des biens indivis dépendants de la succession et a ordonné avant-dire droit une expertise confiée à M. [S].

L'expert a déposé son rapport le 23 mai 2008.

Par jugement du 12 février 2010, le tribunal a fait droit à l'action en réduction de la libéralité consentie par acte du 11 décembre 1981 à Mme [W] [T], lui a appliqué la sanction du recel successoral et dit par conséquent qu'elle ne pourra prétendre à aucune part sur ces fonds.

Par arrêt du 6 décembre 2011, la cour d'appel de Montpellier a confirmé ce jugement et renvoyé les parties devant le notaire liquidateur aux fins de calcul des droits de chacun, en ce compris la détermination des indemnités de réduction dues par Mme [W] [T].

Le 4 juin 2013, Me [I] a adressé aux parties un projet d'état liquidatif.

Par acte du 2 décembre 2013, M. [C] [A] a assigné ses frères et soeurs devant le tribunal de grande instance de Rodez aux fins d'homologation de cet acte de partage, et de la condamnation de Mme [W] [T] au paiements des soultes.

Par jugement du 26 juin 2015, le tribunal a homologué le projet d'acte liquidatif établi par Me [I] et dit que Mme [W] [T] était redevable de :

* 21 994,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2013 au profit de M. [C] [A],

* 59 817,73 euros au profit de Mme [D] [A],

* 20 494,07 euros au profit de Mme [X] [A],

* 20 494,07 euros au profit de Mme [E] [A].

Par acte du 1er juillet 2016, Mme [W] [T] a assigné Me [F] [Z] devant le tribunal de grande instance de Rodez, invoquant un manquement du notaire à son devoir de conseil lors de la rédaction de l'acte de vente du 22 janvier 2005.

L'affaire a été radiée selon ordonnance du 5 janvier 2017, puis réinscrite le 13 janvier 2017.

Par jugement contradictoire du 20 juillet 2018, le tribunal a :

- Déclaré recevable l'action intentée par Mme [W] [A] épouse [T] ;

- Débouté Mme [W] [A] épouse [T] de ses demandes ;

- Débouté Me [F] [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Le 28 août 2018, Mme [W] [T] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de Me [F] [Z].

Vu les dernières conclusions de Mme [W] [A] épouse [T] remises au greffe le 13 mai 2019 aux fins de confirmer le jugement sur la recevabilité de l'action, le réformer sur le rejet de ses demandes en faisant droit à la responsabilité du notaire pour manquement à son devoir de conseil.

Vu les dernières conclusions de Me [F] [Z] remises au greffe le 14 février 2019 aux fins d'infirmer le jugement et de constater l'irrecevabilité de l'action de Mme [T] pour cause de prescription et défaut de qualité à agir ; sur le fond, il est sollcité l'infirmation du jugement qui a retenu un manquement du notaire à son devoir de conseil et le confirmer en ce qu'il a retenu l'absence de préjudice indemnisable.

La clôture de la procédure a été prononcée au 1er février 2023.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir au titre de la prescription de l'action de Mme [A] épouse [T]

Me [Z] estime nécessaire d'infirmer le jugement sur ce point, l'action de Mme [T] est irrecevable car prescrite : l'assignation du 28 avril 2005 emporterait connaissance par Mme [T] des faits nécessaires à son action en responsabilité et de l'apparition du dommage ; le délai de prescription a expiré en 2013, or l'assignation a été délivrée au notaire en 2016.

Qu'il s'avère que M. [C] [A] a introduit une action en liquidation et partage de la communauté et de succession le 28 avril 2005 mais que seul le jugement du 26 juin 2015 a statué et dit que Mme [W] [T] était redevable de :

* 21 994,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2013 au profit de M. [C] [A],

* 59 817,73 euros au profit de Mme [D] [A],

* 20 494,07 euros au profit de Mme [X] [A],

* 20 494,07 euros au profit de Mme [E] [A],

Cette étape judiciaire constitue une décision finale de condamnation de Mme [W] [T] qui débute le délai quinquennal de l'article 2224 du code civil, elle disposait donc jusqu'au 26 juin 2022 pour exercer cette action, son action en responsabilité notariale en date du 1er juillet 2016 est donc recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Mme [A] épouse [T]

Me [Z] conclut à l'infirmation du jugement sur ce point, Mme [T] maintient en cause d'appel l'article 924-4 du code civil comme fondement de ses demandes, or elle n'aurait pas qualité à invoquer un manquement du notaire sur ce fondement, n'ayant pas la qualité de tiers détenteur visé par ce texte.

Que le raisonnement du tribunal de première instance sera retenue en effet Mme [T] en sa qualité de vendresse n'a pas qualité à invoquer un manquement du notaire sur le fondement de l'article 924-4 du code civil (ancien) qui ne concerne que le préjudice de l'acquéreur ; en revanche, Mme [T] a qualité à invoquer un manquement au devoir de conseil du notaire lors de la rédaction

de l'acte au visa de l'article 1382 du code civil si elle démontre en avoir subi un préjudice.

Sur la responsabilité du notaire

Le jugement du 20 juillet 2018 statue sur la responsabilité du notaire en estimant que le notaire a bien commis une faute dans l'exercice de sa fonction lors de la vente du 22 janvier 2005, en n'attirant pas suffisamment l'attention de Mme [T] sur la portée, les effets et les risques attachés aux conséquences de l'acte, cependant, si cette faute a privé Mme [T] de la possibilité de renoncer à la vente, rien ne prouve qu'elle y aurait renoncé en étant correctement conseillée (d'autant plus qu'elle a fait une plus-value en vendant ces biens), ou qu'elle n'aurait pas été l'objet d'une action des autres héritiers ; en tout état de cause, la restitution à laquelle elle a été condamnée ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable.

Mme [T], appelante, souligne que Me [Z] a engagé sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil, elle demande 123 873,38 euros au itre des condamnations prononcées à son encontre.

Elle fait valoir qu'elle subit, de par sa condamnation, un préjudice réel et en lien direct avec les manquements du notaire car il est bien certain qu'alertée des risques pris, Mme [T] n'aurait pas poursuivi la vente du 22 janvier 2005.

Elle expose :

- que Me [Z] ne l'a pas alertée sur le risque d'une action en réduction de la part de ses frères et soeurs, et ajoute que l'action en réduction étant soumise à une prescription de 5 ans à compter du décès du disposant (art. 1077-2 du code civil), il lui suffisait dès lors de retarder la vente d'un an pour éviter une telle action ;

- que Me [Z] n'a pas convoqué les héritiers pour avoir leur accord sur la vente intervenue en 2005 ;

- que Me [Z], qui était le notaire de famille, avait consigné des fonds (3 811 euros) devant revenir au frère de Mme [T] à titre de soulte suite à l'acte de 1981 ; qu'il n'a pas estimé nécessaire d'alerter Mme [T] sur la nécessité de régler directement cette somme à M. [A] au lieu de la consigner entre ses mains ;

- qu'il y a un lien de causalité entre la consignation chez Me [Z] et la condamnation subie par Mme [T] au titre du paiement de la soulte à son frère : si Me [Z] avait indiqué à Mme [T] qu'il ne pouvait pas consigner les sommes compte tenu de la teneur de l'acte de 1981, elle ne l'aurait pas fait et aurait adressé les fonds directement à M. [A], évitant ainsi la condamnation ;

- qu'il est par ailleurs certain que la vente du 22 janvier 2005 a eu une incidence directe sur le montant à la hausse de l'indemnité de réduction réclamée à Mme [T] par ses frères et soeurs ; sans cette vente, l'indemnité aurait été inférieure et la succession aurait pu être réglée sans passer par une phase contentieuse qui a duré 10 ans ;

- s'agissant du préjudice subi : Mme [T] a été condamnée à régler de lourdes sommes à ses frères et soeurs ce qui l'a placée dans une situation financière catastrophique car elle est exploitante agricole, disposant d'une petite retraite.

Qu'en réalité dès le 1er juin 2004, Mme [T] ne pouvait ignorer le litige qui l'opposait notamment à M. [C] [A] et par courrier en date du 1er juin 2004 celui-ci lui demandait en paiement la somme de 13 265,71 euros, mais aussi par courrier du 31 août 2004, dès lors Mme [T] a bien été informée du droit des autres héritiers d'obtenir une partie de la plus-value sur la vente, et avait bien conscience de leur volonté de faire valoir leurs droits,

Qu'elle était destinataire d'un courrier du notaire en date du 5 août 2000 qui lui conseillait de différer la vente en l'absence d'accord des autres membres de la famille et l'informait du risque fiscal.

Dès lors le notaire a bien respecté son obligation de conseil alors que le notaire ne peut pas se substituer à l'accord des parties et comme le signale le premier juge : il a attiré l'attention de la demanderesse sur le fait que la loi donne aux autres héritiers réservataire le droit de participer à la plus value financière des opérations.

Il a été déjà envisagé l'absence de faute du notaire pour défaut d'information concernant une éventuelle action en révendication, Mme [T] n'étant pasconcernée titre de l'action 924-4 du code civil,

Par ailleurs, la possibilité pour les héritiers d'agir en réduction n'étant pas limitée dans le temps, à la réalisation du partage, Mme [T] ne pouvait simplement différer la vente du bien pour éviter une action en réduction, le rôle du notaire dans ce conflit familliale n'ayant aucune incidence.

Enfin les sommes que Mme [T] doit verser à M. [C] [A] depuis 1981 ne sont pas consignées entre les mains de Me [Z] mais en l'étude de Me [U], aucune faute à ce titre ne peut être imputable à Me [Z].

En conséquence, l'infirmation du premier jugement sera prononcée en l'absence de toute faute démontrée à l'encontre de Me [Z], Mme [T] déboutée de ces autres moyens et prétentions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civil

Mme [T], succombante en cause d'appel sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du 20 juillet 2018 sur l'absence de prescription de l'action de Mme [W] [A] épouse [T] et la qualité pour agir de celle-ci ;

Infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Constate l'absence de faute imputable à Me [F] [Z], notaire ;

Déboute Mme [W] [A] épouse [T] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Mme [W] [A] épouse [T] à payer à Me [F] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] [A] épouse [T] aux entiers dépens.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/04435
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;18.04435 ?
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