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11/05/2023 | FRANCE | N°18/03671

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 11 mai 2023, 18/03671


Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 11 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/03671 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NX3Q





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 juillet 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/04194





APPELANTS :



Monsieur

[B] [U]

né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 9]

et

Madame [Y] [W]

née le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Claire GROUSSARD...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 11 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/03671 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NX3Q

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 juillet 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/04194

APPELANTS :

Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 9]

et

Madame [Y] [W]

née le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Claire GROUSSARD, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Me Emilie GUEGNIARD, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Maître [M] [A]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Aurélia PUECH DAUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [P] [V]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 7]

Non représentée - signification remise par procès verbal de recherches infructueuses du 10 octobre 2018

Monsieur [E] [C]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 7]

Non représenté - signification remise par procès verbal de recherches infructueuses du 10 octobre 2018

Ordonnance de clôture du 07 février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

En présence de Mme Stéphanie JEAN-PHILIPPE, avocate stagiaire (PPI)

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- rendu par défaut ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Le 17 mai 2002, Monsieur [B] [U] et son épouse Madame [Y] [W] ont fait l'acquisition d'une parcelle de terrain à bâtir située lotissement "David" cadastrée section AM n°[Cadastre 8], lieu dit la Catonnière sur le territoire de la commune de [Adresse 13], sur laquelle ils ont fait édifier une maison d'habitation.

Le 15 mars 2016, Madame [P] [V] et Monsieur  [E] [C] ont fait une proposition d'achat pour ce bien pour un montant de 920 000 euros, ce prix de vente comprenant le prix de vente de la maison pour un montant de 886 500 euros et celui des meubles à hauteur de 33 500 euros.

Une promesse de vente a été rédigée par Maître [M] [A] en son étude notariale le 12 avril 2016, sous condition suspensive d'obtention d'un certificat de conformité préalablement à la réitération sous la forme authentique de l'acte de vente prévu le 15 juin 2016.

Les acquéreurs s'obligeaient par ailleurs à verser la somme de 46 000 euros à titre de dépôt de garantie au plus tard ' 10 jours après la signature des présentes, à peine de nullité des présentes sans indemnité de part et d'autre ; ce versement sera nécessairement effectué par virement bancaire sur le compte du notaire soussigné, au moyen d'un RIB '.

Monsieur [U] et Madame [W], qui en édifiant leur maison avaient procédé à des modifications relativement au permis initial, n'ont pas pu obtenir de certificat de conformité et ont déposé une demande de permis modificatif le 21 juin 2016.

Le notaire a préparé un projet d'acte de réitération, adressé aux parties par courrier du 29 juin 2016, prévoyant une date de signature le 19 juillet à 14 h.

Par courrier du 30 juin 2016, Monsieur [C] et Madame [V] ont informé le notaire de leur renonciation à l'achat du bien, le certificat de conformité n'ayant pas été obtenu avant le 15 juin 2016.

Les vendeurs en ont été informés par le notaire, par courrier en date du 7 juillet 2016.

Le 19 juillet 2016, Maître [M] [G] a dressé un procès-verbal de carence, faute de comparution des acquéreurs dûment convoqués.

Par acte du 10 août 2017, Monsieur [U] et Madame [W] ont assigné Maître [A] devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir engager sa responsabilité professionnelle.

Par assignation du 12 octobre 2017, Maître [A] a appelé en garantie Monsieur [C] et Madame [V].

Par jugement réputé contradictoire du 3 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- rejeté les demandes de Monsieur [U] et Madame [W] formulées à l'encontre de Maître [A] ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie formé par Maître [A] à l'encontre de Monsieur [C] et Madame [V] ;

- condamné Monsieur [U] et Madame [W] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [U] et Madame [W] aux entiers dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 16 juillet 2018, Monsieur [U] et Madame [W] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de Maître [A], de Monsieur [C] et de Madame [V].

Madame [P] [V] et Monsieur [E] [C] n'ont pas constitué avocat.

Vu les dernières conclusions de Monsieur [B] [U] et Madame [Y] [W] remises au greffe le 31 janvier 2023 ;

Vu les dernières conclusions de Maître [M] [A] remises au greffe le 20 décembre 2018 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Au préalable, il convient de relever que les appelants ne reprennent pas les manquements du notaire à leur égard au titre du délai de rétractation et de l'absence de proposition de prorogation de la promesse de vente, faisant uniquement valoir en cause d'appel que Maître [M] [G] n'a pas accompli les diligences pour garantir la consignation effective du dépôt de garantie dans le délai imparti et qu'elle n'a pas informé les vendeurs de l'absence de versement dudit dépôt.

Comme l'a rappelé le tribunal, le notaire engage sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil (1382 ancien) lorsqu'il manque à ses obligations professionnelles, consistant notamment à assurer l'utilité et l'efficacité de l'acte qu'il rédige mais aussi en un devoir d'information et de conseil.

En l'espèce, il n'est pas contesté par le notaire que le dépôt de garantie n'a pas été versé par les acquéreurs dans le délai de 10 jours prévu au compromis.

Maître [A] ne justifie pas d'une part, s'être assurée du versement de la somme de 46 000 euros sur son compte séquestre dans le délai stipulé, d'autre part avoir informé les vendeurs de l'absence de versement du dépôt de garantie à l'expiration du délai, soit le 22 avril 2016, ni même avoir relancé les acquéreurs sur ce point avant le 20 juin 2016, soit bien postérieurement à l'expiration du délai de 10 jours.

Par conséquent, Maître [M] [A], qui était tenue à l'égard des vendeurs d'un devoir d'information et de conseil, et qui ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité en affirmant qu'il appartenait à Monsieur [U] et Madame [W] de s'informer auprès d'elle sur ce point, a commis une faute en n'informant pas ces derniers de l'absence de versement du dépôt de garantie dès l'expiration du délai afin de leur permettre de mettre fin éventuellement aux effets du compromis.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les conséquences de ce manquement du notaire à son devoir d'information et de conseil s'analysent en une éventuelle perte de chance des vendeurs de récupérer leur bien à partir du 22 avril 2016 et de pouvoir vendre ce dernier à d'autres acquéreurs.

En l'espèce, Monsieur [U] et Madame [W] font valoir qu'ils ont réellement perdu une chance de vendre leur bien entre la date de caducité de la promesse, le 22 avril 2016, et le mois de juillet 2016, ayant été informé par le notaire le 7 juillet 2016 que les acquéreurs renoncaient à la vente, faute d'obtention du certificat de conformité.

Ils sollicitent à ce titre la condamnation du notaire à leur verser une somme de 46 000 euros.

Il résulte des pièces versées aux débats que dans la période de deux mois et demi entre le 22 avril et le 7 juillet 2016, Monsieur [U] a refusé plusieurs visites proposées par les agences Orpi, Propriétés privées.com et Safti en raison de la signature du compromis de vente, Monsieur [L] [R], agent immobilier Safti attestant qu'après une visite le 18 mai 2016, Monsieur et Madame [X] avaient eu un vrai ' coup de coeur ' et avaient souhaité faire une offre qui n'avait pu aboutir en raison du compromis déjà signé, ces personnes ayant acheté la maison voisine le 19 août 2016 au même prix de 920 000 euros.

Par conséquent, il est démontré que Monsieur [U] et Madame [W] ont au minimum perdu une chance de vendre leur maison au prix souhaité, cette perte de chance devant cependant être modérée par l'absence pendant la période considérée du certificat de conformité.

Si, comme le soutiennent les appelants, l'absence de ce dernier n'est pas un obstacle en soi à la vente, l'absence d'un certificat de conformité était cependant de nature à dissuader certains acquéreurs susceptibles d'être sanctionnés sur le fondement de l'article L 480-4 du code de l'urbanisme.

Dans ces conditions, la perte de chance sera évalué à 60 %, le notaire étant condamné à payer à ce titre à Monsieur [U] et à Madame [W] une somme de 27 600 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

S'agissant du préjudice locatif et des frais de déménagement, il résulte d'un contrat de bail en date du 14 septembre 2016 avec prise d'effet le 14 mai 2016 que Monsieur [U] et Madame [W] ont déménagé et pris possession du bien loué le 14 mai 2016, ce qui est confirmé par l'état des lieux contradictoire en date du 15 mai 2016 et par la production de quittances de loyers à compter du mois de mai 2016.

Si le notaire fait valoir que les appelants ont décidé de quitter leur maison avant la levée de la condition suspensive tenant à l'obtention du certificat de conformité et doivent assumer les conséquences de leur choix, il convient cependant de relever que si Maître [A] les avait informé dès le 22 avril 2016 de l'absence de versement du dépôt de garantie, les vendeurs n'auraient certainement pas déménagé dès le mois de mai 2016, la faute du notaire étant bien en lien direct avec leur déménagement.

Le notaire sera donc condamné à leur payer une somme de 4 800 euros au titre de leur préjudice locatif, outre une somme de 1 500 euros au titre de leurs deux déménagements.

Monsieur [U] justifie également par un contrat de bail et des quittances de loyers avoir loué pour un an un local professionnel situé auparavant dans une dépendance de sa maison pour un montant de 1 100 euros mensuels, soit une somme de 13 200 euros que le notaire sera condamné à lui payer.

Il résulte également des factures versées aux débats que le bien ayant été vendu meublé, les vendeurs ont dû racheter du mobilier pour un montant de 6 500 euros que Maître [A] sera condamnée à leur payer.

En revanche, les vendeurs, déjà indemnisés de leur préjudice locatif, ne sont pas fondés à se prévaloir en plus du préjudice subi du fait de la privation de la jouissance de leur maison et seront déboutés de cette demande.

Enfin, Monsieur [U] et Madame [W], qui n'ont pu vendre leur bien et qui ont en outre été contraint de déménager à deux reprises, justifient d'un préjudice moral qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

S'agissant de l'appel en garantie du notaire à l'encontre des consorts [K], Maître [A] ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'absence de versement du dépôt de garantie par les acquéreurs alors même que c'est à elle que revenait l'obligation, d'une part de solliciter ces derniers aux fins de paiement du dépôt de garantie, d'autre part d'informer les vendeurs à l'expiration du délai prévu de l'absence de versement par les acquéreurs, ces manquements du notaire à ses obligations d'information et de conseil étant directement à l'origine du préjudice subi par Monsieur [U] et Madame [W].

Maître [G] [H] sera donc déboutée de sa demande d'appel en garantie à l'encontre de Monsieur [E] [C] et de Madame [P] [V].

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a retenu la faute du notaire ;

Statuant à nouveau,

Condamne Maître [M] [A] à payer à Monsieur [B] [U] et Madame [Y] [W] les sommes suivantes :

- 27 600 euros au titre de la perte de chance de vendre leur maison en 2016,

- 4 800 euros au titre de leur préjudice locatif,

- 1 500 euros au titre des frais générés par leur deux déménagements,

- 13 200 euros au titre de la location d'un local professionnel,

- 6 500 euros au titre du rachat de mobilier,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

Rejette la demande présentée au titre du préjudice de jouissance ;

Déboute Maître [M] [A] de sa demande d'appel en garantie à l'encontre de Monsieur [E] [C] et de Madame [P] [V] ;

Condamne Maître [M] [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne Maître [M] [A] à payer à Monsieur [B] [U] et Madame [Y] [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en première instance et en appel.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/03671
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;18.03671 ?
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