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10/05/2023 | FRANCE | N°20/05848

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 10 mai 2023, 20/05848


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 10 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05848 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OZR3

N°23/776

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F 20/00104



APPELANT :



Monsieur [F] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représe

nté par Me DEFRANCE avocat pour Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



E.U.R.L. BNF

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 10 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05848 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OZR3

N°23/776

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F 20/00104

APPELANT :

Monsieur [F] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me DEFRANCE avocat pour Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

E.U.R.L. BNF

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTERVENANTE :

S.A.R.L. N ET F venant aux droits de E.U.R.L BNF

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 20 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence FERRANET, Conseiller, faisant fonction de Président en l'absence du Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Florence FERRANET, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [J] a été embauché par la société BNF le 7 juin 2013 en qualité de boulanger tourier polyvalent catégorie 1 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à raison de 186,33 heures par mois moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 897,60 €.

Le 16 mai 2015, la société BNF notifie à M. [J] un avertissement.

A compter du 16 juin 2015, M. [J] est placé en arrêt maladie.

Le 29 juillet 2015, M. [J] conteste par courrier son avertissement, soulève certaines difficultés dans l'exécution de son contrat de travail et sollicite une rupture conventionnelle.

Le 15 septembre 2015, la société BNF confirme l'avertissement et refuse de faire droit à la demande de rupture conventionnelle du salarié au motif que la procédure ne peut être effectuée durant la suspension du contrat de travail.

Le 5 avril 2016, suite à la visite médicale de reprise, la médecine du travail déclare M. [J] inapte à son poste en ces termes : « pour raison médicale, inapte à la reprise du travail au poste de boulanger ou à tout autre poste au sein de l'entreprise. Procédure d'urgence danger immédiat prévue à l'article R.4624-31 du Code du travail. Il n'y a pas lieu de prévoir une deuxième visite. Poste de travail et entreprise connue du médecin du travail. ».

Le 10 mai 2016, la société BNF convoque M. [J] à un entretien préalable au licenciement le 17 mai 2016.

Le 23 mai 2016, la société BNF notifie à M. [J] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

En août 2017, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers contestant son licenciement et sollicitant l'annulation de l'avertissement et le versement de diverses sommes à titre de rappels d'heures supplémentaires, dommages-intérêts et indemnités.

Le 23 mai 2018, le conseil de prud'hommes de Béziers ordonne la radiation de l'affaire.

Le 26 février 2020, à la demande de M. [J], l'affaire est réinscrite au rôle du conseil de prud'hommes de Béziers.

Par jugement rendu le 29 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Béziers a :

Condamné la société BNF à payer à M. [J] les sommes suivantes :

-4 459,80 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 445,98 € au titre des congés payés afférents ;

-100 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des repos journaliers ;

-1915,54 € au titre du non-respect de la procédure de licenciement ;

-1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société BNF à remettre à M. [J] l'attestation Pôle Emploi rectifiée conformément au jugement ainsi que l'ensemble des bulletins de paie de la période concernée, sans qu'il y ait lieu de fixer une quelconque astreinte ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamné la société BNF aux entiers dépens.

*******

M. [J] a interjeté appel de ce jugement le 18 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 20 février 2023, il demande à la cour de :

In limine litis,

Rabattre l'ordonnance de clôture et accueillir ses conclusions en réponse à celles de la société N&F venant aux droits de la société BNF ;

Au fond,

Annuler l'avertissement prononcé le 16 mai 2015 ;

Requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société N&F venant aux droits de la société BNF à lui verser les sommes suivantes :

-3801,21 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013, outre la somme de 380,12 € au titre des congés payés afférents ;

-2821,83 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2014, outre la somme de 282,18 € au titre des congés payés afférents ;

-1451,30 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2015, outre la somme de 145,13 € au titre des congés payés afférents ;

-2000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives aux durées maximales de travail ;

-11 493,24 € à titre d'indemnité de travail dissimulé ;

-2000 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié ;

-9 577,70 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société N&F venant aux droits de la société BNF à lui remettre les documents sociaux rectifiés dans un délai de 8 jours à compter de la notification ou de la signification du jugement (sic) à intervenir ;

Prononcer une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 8 jours courant à compter de la notification ou de la signification du jugement (sic) à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;

Rappeler que les intérêts légaux courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement à intervenir ;

Condamner la société N&F venant aux droits de la société BNF aux entiers dépens.

*******

Le 1er novembre 2021, a eu lieu une transmission universelle de patrimoine de l'associé unique de la société BNF vers la société N&F.

Le 10 mars 2022, la société BNF est radiée du registre du commerce et des sociétés.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 8 juin 2021, la société N&F venant aux droits de la société BNF demande à la cour de :

Déclarer prescrite la contestation de l'avertissement du 16 mai 2015 qui en toute hypothèse est bien fondé ;

Débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire, limiter le montant des heures supplémentaires à celui retenu par le conseil de prud'hommes et le montant du préjudice pour non-respect des repos hebdomadaires et journaliers à la somme de 100 € ;

Condamner M. [J] au paiement de la somme de 2 985 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner M. [J] aux entiers dépens.

*******

Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 20 février 2023 fixant la date d'audience au 13 mars 2023.

*******

MOTIFS :

Sur les heures supplémentaires :

Il ressort des termes de l'article L.3171-4 du Code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectué, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties. Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [J] soutient qu'il réalisait en moyenne entre 205 et 214 heures de travail par mois alors que son contrat de travail ne prévoyait une rémunération qu'à hauteur de 186,33 heures de travail par mois. Le salarié sollicite le versement de la somme de 3 801,21 € à titre de rappels d'heures supplémentaires sur l'année 2013, 2 821,83 € sur l'année 2014 et 1 451,30 € sur l'année 2015, outre les congés payés afférents.

Au soutien de sa prétention, il produit aux débats un décompte journalier des heures de travail effectuées sur la période du 7 mai 2013 au 15 juin 2015 précisant les horaires de début et de fin de journée ainsi que le temps de travail associé ainsi que ses propres courriers des 29 juillet et 28 septembre 2015 dans lesquels il en sollicite le paiement.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société N&F soutient que les plannings produits ont été réalisés a posteriori et comportent des erreurs.

Au soutien de son affirmation, elle produit aux débats les relevés d'horaire individuel hebdomadaire remplis par M. [J] sur la période du 1er juillet 2013 au 28 février 2015.

Le salarié conteste le nombre d'heures indiqué sur les relevés, en soutenant qu'il a été contraint par l'employeur de les remplir conformément à l'horaire contractuellement convenu, mais il ne produit aucun élément au soutien de cette contestation.

Il résulte de l'examen de ces relevés et des bulletins de salaire sur cette période que l'ensemble des heures supplémentaires réalisées ont été rémunérées par l'employeur.

L'employeur ne produit pas d'élément permettant de démontrer le nombre d'heures de travail effectuées par le salarié avant le mois de juillet 2013 et après le mois de février 2015.

En revanche, le contrat de travail mentionne une embauche au 7 juin 2013. Le salarié soutient qu'il a commencé à travailler le 7 mai 2013, sans que la relation de travail ne soit formalisée.

Au soutien de son affirmation, il produit aux débats deux attestations, l'une de son père, l'autre de sa belle-mère. Tous deux attestent de ce que le salarié a commencé à travailler le 7 mai 2013.

Toutefois, ceux-ci n'ont pas pu personnellement constater que M. [J] travaillait bien sur la période du 7 mai au 7 juin 2013.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que M. [J] est fondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires sur la période du vendredi 7 au dimanche 30 juin 2013 et du dimanche 1er mars au mardi 16 juin 2015.

Selon le relevé produit aux débats par le salarié, les heures réalisées peuvent être réparties de la manière suivante :

Il en résulte que pour le mois de juin 2013, M. [J] aurait dû être rémunéré à hauteur de 24 heures majorées à 25% (11,90 €/h) et 14 heures majorées à 50% (14,28 €/h). Les bulletins de paie indiquent qu'il a été rémunéré à hauteur de 14,40 heures majorées à 25%, soit une différence de 9,6 heures, et à hauteur de 14,40 heures majorées à 50%. M. [J] est fondé à solliciter la somme de (11,90x9,6), soit 114,24 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour le mois de juin 2013.

Sur la période de mars 2015 à juin 2015, M. [J] aurait dû être rémunéré à hauteur de 120 heures majorées à 25% (12,013 €/h) et 91 heures majorées à 50% (14,415 €/h). Les bulletins de paie indiquent qu'il a été rémunéré sur cette période à hauteur de 69,32 heures majorées à 25%, soit une différence de 50,68 heures, et à hauteur 69,32 heures majorées à 50%, soit une différence de 21,68 heures. M. [J] est fondé à solliciter la somme de (50,68x12,013), soit 608,82 € au titre des heures supplémentaires majorées à 25%, et la somme de 312,52 € au titre des heures supplémentaires majorées à 50%.

Par conséquent, la société N&F sera condamnée à lui verser, au titre de l'année 2013, la somme de 114,24 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 11,42 € au titre des congés payés afférents, et au titre de l'année 2015, la somme de 921,34 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 92,13 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos:

L'article L.3121-34 du Code du travail dispose que « la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret. ».

L'article L.3121-35 du Code du travail précise que « au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures ».

En l'espèce, M. [J] sollicite le versement de la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires et journaliers.

Il résulte du relevé produit par le salarié, résumé précédemment sous forme de tableau, qu'à douze reprises M. [J] a dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures sur la période de juin 2013 à juin 2015.

Si la notion de préjudice nécessaire a été abandonnée par la jurisprudence, elle persiste dans certains domaines. Effectivement, le seul fait de constater le dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation, c'est-à-dire au versement de dommages-intérêts, sans que le salarié ait besoin de rapporter la preuve d'un préjudice.

Dès lors que la durée maximale de travail n'a été dépassée le plus souvent que d'une heure, le préjudice de M. [J] sera justement évalué à la somme de 500 €. La société N&F devra verser cette somme au salarié à ce titre. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de travail dissimulé :

L'article L 8221-5 du Code du travail dispose que « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

« 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

« 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

L'article L 8223-1 du Code du travail dispose que « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

En l'espèce, M. [J] sollicite le versement de l'indemnité de travail dissimulé aux motifs qu'il a travaillé pendant un mois sans contrat de travail au début de la relation, et qu'une partie de ses heures supplémentaires ne figurent pas sur les bulletins de salaire.

Il a précédemment été démontré que la relation de travail a bien débuté à la date mentionnée sur le contrat de travail, soit le 7 juin 2013, de sorte que le fait relatif à l'absence de contrat de travail durant le premier mois de travail n'est pas établi.

S'agissant de la mention sur les bulletins de salaire d'un nombre d'heures supplémentaires inférieur à celui réellement accompli, il a précédemment été démontré que le salarié a réalisé plus d'heures supplémentaires que celles pour lesquelles il avait été rémunéré, de sorte que ce fait est établi.

Dès lors, l'élément matériel du délit de travail dissimulé est caractérisé.

En ce qui concerne l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé, M. [J] soutient qu'il est caractérisé dans la mesure où le nombre d'heures de travail mentionné sur les bulletins de paie ne correspond pas au nombre d'heures de travail mentionné sur les relevés d'heures signés.

Toutefois, les relevés d'heures signés font apparaître chaque semaine 6,30 heures supplémentaires alors que les bulletins de paie font apparaître une moyenne de 8 heures supplémentaires par semaine, pour un total de 17,33 heures à 25% et 17,33 heures à 50% par mois, de sorte que cet argument est inopérant.

Par ailleurs, il est ressorti de l'examen de la demande de rappel d'heures supplémentaires qu'en moyenne 4 heures supplémentaires par semaine n'étaient pas rémunérées par l'employeur. Eu égard au faible nombre d'heures supplémentaires non rémunérées, le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé n'est pas caractérisé.

Par conséquent, M. [J] sera débouté de sa demande d'indemnité de travail dissimulé. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour avertissement injustifié :

L'article L 1331-1 du Code du travail prévoit que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

L'article L 1333-1 du même Code précise qu' « en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. ».

En l'espèce, l'employeur a notifié le 16 mai 2015 un avertissement à M. [J]. Le salarié sollicite l'annulation de cet avertissement ainsi que le versement de la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié.

La société N&F soulève la prescription de cette demande dans la mesure où il faut y appliquer la prescription biennale et où le salarié a saisi le conseil de prud'hommes en août 2017.

M. [J] ne s'explique pas sur la question de la prescription de sa demande.

Il ne conteste pas avoir introduit son action en août 2017 de sorte que la demande d'annulation de l'avertissement notifié le 16 mai 2015 est prescrite. M. [J] sera débouté de sa demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement :

L'article L.1226-2 du Code civil dispose que « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ».

En l'espèce, M. [J] conteste son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié le 23 mai 2016 au motif que la société N&F ne démontre pas que l'employeur a rempli son obligation de reclassement.

La société N&F justifie qu'en l'absence de poste disponible au sein de la société BNF, plusieurs entreprises des environs ont été contactées afin de rechercher un poste disponible à proposer à M. [J]. Elle justifie également de ce que le médecin du travail a été sollicité au sujet d'un poste disponible au sein de la société PROD, ce à quoi le médecin du travail a répondu qu'il ne pensait pas que le poste puisse correspondre à l'état de santé de M. [J].

Toutefois, la société N&F ne produit pas le registre du personnel, de sorte qu'il est impossible de vérifier qu'au jour du licenciement aucun poste n'était disponible au sein de la société.

Par conséquent, il n'est pas démontré que l'employeur a correctement respecté son obligation de recherche de reclassement, de sorte que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement sera requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Au jour du licenciement, M. [J] était âgé de 28 ans et avait une ancienneté de 2 ans, 11 mois et 16 jours au sein d'une entreprise de moins de 11 salariés. Il n'est pas contesté que son salaire mensuel brut de référence s'élève à la somme de 1 915,54 €.

En vertu de l'article L.1235-5 du Code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement, M. [J] sollicite le versement de la somme de 9 577,70 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 5 mois de salaire. Il soutient que son licenciement lui a nécessairement causé un préjudice tant financier que moral dans la mesure où il est père de deux enfants et dans une situation précaire difficile. Le salarié ne produit aucune pièce justifiant de sa situation professionnelle et financière postérieure au licenciement. Son préjudice sera souverainement évalué à la somme de 4 000 €. La société N&F sera condamnée à lui verser cette somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Au titre de son appel incident, la société N&F sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué à M. [J] une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière.

Il n'est pas contesté que le courrier de convocation à l'entretien préalable a été reçu par M. [J] le mercredi 11 mai 2016, pour un entretien fixé au mardi 17 mai 2016, de sorte que le délai de 5 jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée et l'entretien a bien été respecté.

Par conséquent, M. [J] sera débouté de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux :

M. [J] sollicite la remise par la société N&F sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la notification ou de la signification du jugement à intervenir, des documents sociaux rectifiés.

Il est de droit que le salarié puisse disposer de ces documents, de sorte que la société N&F devra remettre à M. [J], sans qu'il soit fait droit à sa demande d'astreinte, les documents sociaux susvisés. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées.

La société N&F qui succombe principalement, sera tenue aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Confirme le jugement rendu le 29 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Béziers en ce qu'il a reconnu l'existence d'heures supplémentaires et le non respect par l'employeur du droit au repos, en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande au titre du travail dissimulé et de l'annulation de l'avertissement, en ce qu'il a condamné l'employeur à remettre au salarié les documents sociaux rectifiés sans prononcer d'astreinte et en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de l'employeur et accordé 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Dit le licenciement de M. [J] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société N&F à verser à M. [J] les sommes suivantes :

-114,24 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2013, outre la somme de 11,42 € au titre des congés payés afférents;

-921,34 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2015, outre la somme de 92,13 € au titre des congés payés afférents;

-500 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos ;

-4 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que la procédure de licenciement a été respectée ;

Déboute M. [J] de sa demande au titre de l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière ;

Y ajoutant ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées.

Condamne la société N&F à verser à M. [J] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société N&F aux dépens d'appel.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/05848
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.05848 ?
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