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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre de la famille
ARRET DU 21 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/03446 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PPAD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 MAI 2022
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NARBONNE
N° RG 21/01086
APPELANTE :
Madame [K] [H]
Prise en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son enfant mineur,[F] [H] [V]
née le 15 Janvier 1985 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Pauline PEREZ de la SELARL SINSOLLIER-PEREZ, avocat au barreau de NARBONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/007540 du 13/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Montpellier)
INTIME :
Monsieur [P] [M] [V]
né le 20 Mars 1976 à [Localité 4] (CAMEROUN)
de nationalité Camerounaise
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Aude GASTOU, avocat au barreau de CARCASSONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/001833 du 08/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Montpellier)
Ordonnance de clôture du 31 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 FEVRIER 2023, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre
Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère
Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis le 21/11/2022.
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées de cette mise à disposition au 14/04/2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 21/04/2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, greffière.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 juillet 2011, Mme [K] [H] donnait naissance à [F] [H], qu'elle reconnaissait.
La filiation paternelle était établie le 18 février 2016, par suite de la reconnaissance de M. [P] [V].
Le couple donnait naissance à deux autres enfants : [C], né le 19 décembre 2016, et [W], le 5 février 2018.
Mme [H] déposait une première assignation en contestation de paternité le 27 mai 2019 avant de se désister de son instance, désistement constaté par ordonnance du 3 juillet 2019.
Par jugement du 2 août 2019, le juge aux affaires familiales constatait l'exercice conjoint de l'autorité parentale, fixait la résidence des trois enfants chez la mère, accordait au père des droits de visite médiatisés une fois par mois, fixait sa contribution à 100 € par mois et par enfant.
Par jugement du 29 juillet 2021, le juge aux affaires familiales saisi par M. [P] [V] constatait l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur les trois enfants domiciliés chez la mère et organisait le droit de visite et d'hébergement du père dont la contribution était ramenée à 50 € par enfant.
Par acte en date du 24 août 2021, Mme [K] [H], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur, assignait M. [P] [V] aux fins de'contestation de paternité.
Par jugement rendu le'19 mai 2022, le Tribunal judiciaire de'Narbonne :
disait n'y avoir lieu à la mise en 'uvre d'une vérification biologique
déboutait Mme [K] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions
ordonnait la communication au juge des affaires familiales
condamnait Mme [K] [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide'juridictionnelle.
*****
Mme [K] [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du'28 juin 2022 aux fins de réformation des chefs de l'absence de vérification biologique, du rejet de ses demandes, fins et conclusions et de sa condamnation aux entiers dépens.
Les dernières écritures de l'appelante ont été déposées le'30 août 2022 et celles de l'intimé le'23 octobre 2022.
Par avis en date du 21 novembre 2022, le ministère public a fait connaître à la cour qu'il ne s'oppose pas à l'annulation de la reconnaissance sollicitée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à un examen biologique.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le'31 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [K] [H], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du'30 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles'332, 310-3, 311-1 et 311-2 du code civil et de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, d'infirmer le jugement déféré des chefs critiqués par sa déclaration d'appel':
dire et juger que la possession d'état de M. [P] [V] n'a pas été continue, paisible, publique et non équivoque de sorte qu'il n'existe aucun motif légitime de nature à faire obstacle à l'expertise biologique
avant dire droit, ordonner une expertise biologique concernant l'enfant [F] et M. [P] [V] visant à dire si ce dernier est le père de l'enfant
annuler la reconnaissance de paternité de M. [P] [V] à l'égard de l'enfant [F]
condamner M. [P] [V] à lui payer la somme de 2'000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens de première instance et d'appel.
M. [P] [V], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du'23 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles'337 du code civil et de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, et statuant à nouveau':
faire droit à la demande de Mme [H]
prononcer l'annulation de la filiation entre Mme [H] et lui-même
juger que chaque partie sera tenue de ses propres frais et dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
*****
SUR QUOI LA COUR
' Le premier juge a retenu que, s'il n'est pas contesté que la relation entre Mme [K] [H] et M. [P] [V] est postérieure à la naissance de [F], ce dernier a une perception de la cellule familiale qui comprend aussi M. [P] [V] qui s'est toujours comporté vis-à-vis de lui comme son père et qui bénéficie d'une possession d'état incontestable depuis plus de 5 ans. Il a considéré que l'intérêt supérieur de l'enfant commande que ce lien ne soit pas rompu alors même que le jeune enfant aborde la période de l'adolescence et où le seul repère paternel qu'il identifie depuis son plus jeune âge, avec ses frères, est incarné par M. [P] [V].
' Au soutien de son appel, Mme [K] [H] indique que M. [P] [V] n'est pas le géniteur de [F] puisque ce dernier est né le 26 juillet 2011, alors qu'elle ne le fréquentait pas et qu'il a d'ailleurs reconnu l'enfant le 18 février 2016. Elle ajoute que l'enfant ne bénéficie pas d'une possession d'état continue, paisible, publique et non équivoque en ce qu'elle avait déjà saisi une première fois le tribunal de grande instance de Narbonne afin d'annuler la reconnaissance de paternité. Elle affirme que M. [P] [V] n'a vu [F] que 5 fois pendant 1h30 au CIDFF de 2019 à 2021 et que le CIDFF a noté une différence de comportement de M. [P] [V] à l'égard de [F] par rapport à ses frères.
' En réplique, M. [P] [V] indique qu'il accepte que son lien de filiation à l'égard de [F] soit annulé, prenant acte du souhait de celui-ci de mettre de la distance entre eux afin de pouvoir renouer des liens avec son père biologique.
' Réponse de la cour
La filiation s'établit selon les règles légales, elle n'est pas biologique.
L'article 310-1 du Code civil énumère les modes d'établissement de la filiation': par l'effet de la loi, ou par une reconnaissance volontaire, ou encore par la possession d'état à condition qu'elle ait été constatée dans un acte de notoriété délivré par le juge d'instance à la demande de l'un ou des deux parents ou de l'enfant, par la reconnaissance conjointe, par un jugement rendu à l'issue d'une action ou par adoption.
Le droit des personnes est indisponible et la filiation établie selon les modes précités ne peut être contestée que par voie judiciaire. En d'autres termes, les parties ne peuvent décider de la filiation d'un enfant.
En application de l'article 332 du Code civil, la filiation établie par reconnaissance peut être contestée par action réservée en demande à l'enfant, à l'un de ses père ou mère dans le délai de cinq ans à partir du jour où la possession d'état a cessé.
L'article 333 du code civil dispose lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable.
La seule instance en contestation de paternité introduite en mai 2019 par Mme [H] qui s'en est désistée est insuffisante à combattre la possession d'état d'enfant de [F] à l'égard de M. [P] [V], dont il dispose depuis la reconnaissance de ce dernier, ce d'autant que deux jugements postérieurs sont intervenus confirmant l'exercice conjoint de l'autorité parentale, accordant un droit de visite et d'hébergement au père et fixant sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
En l'espèce, le titre, à savoir la reconnaissance, est donc conforme à la possession d'état.
En application de l'article 2241 al 1 du code civil, l'action en contestation de la filiation doit, à peine d'irrecevabilité, être dirigée contre le parent dont la filiation est contestée et contre l'enfant.
Autrement dit, si le père ou la mère conteste la filiation de l'enfant à l'égard de l'autre, il doit exercer l'action contre l'enfant et contre celui dont il conteste le lien de parenté.
En application de cette règle, toute contestation de filiation exige que soit appelé à l'instance un administrateur ad'hoc désigné pour représenter le mineur, conformément à l'article 389-3 alinéa 2 du code civil.
En l'espèce, Mme [H] a agi en son nom personnel et en qualité de représentante de son fils, sans diriger l'action contre ce dernier, auquel aucun administrateur ad'hoc n'a été désigné.
En conséquence de quoi, l'action en contestation de paternité est irrecevable.
* frais et dépens
L'équité commande de rejeter la demande de Mme [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [K] [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle dont elle bénéficie.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions.
Déclare irrecevable l'action en contestation de paternité intentée par Mme [K] [H] le 24 août 2021.
Y AJOUTANT
Déboute Mme [K] [H] de la demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Mme [K] [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle dont elle bénéficie.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
SR/CK