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19/04/2023 | FRANCE | N°21/00776

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 avril 2023, 21/00776


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 19 AVRIL 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00776 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O3Q2



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00043







APPELANT :



Monsieur [P]

[C]

né le 16 Août 1975 à [Localité 7] (LIBAN)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Linda AOUADI, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Yoann BORREDA, avocat au...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00776 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O3Q2

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00043

APPELANT :

Monsieur [P] [C]

né le 16 Août 1975 à [Localité 7] (LIBAN)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Linda AOUADI, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Yoann BORREDA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. JDC SA

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilien FLEURUS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me FAU-PULLICINO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 24 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, faisant fonction de président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2015, M. [P] [C] a été embauché à temps complet par la SAS JDC en qualité de technicien d'intervention monétique moyennant une rémunération mensuelle brut de 1600€, après un premier contrat datant du 23 mars 2015.

Par courrier du 27 décembre 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement, fixé le 10 janvier 2018.

Par courrier du 15 janvier 2018, il lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête enregistrée le 15 janvier 2019, estimant que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier.

Par jugement du 18 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- admis la licéité du système de géolocalisation,

- dit que le licenciement de [P] [C] s'analysait bien en un licenciement pour faute grave,

- débouté ce-dernier de l'intégralité de ses demandes,

- condamné le salarié à verser la somme de 100 € en dédommagement du préjudice lié à l'obligation de loyauté,

- débouté les parties de leurs prétentions à l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné le salarié aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 5 février 2021, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 14 octobre 2021, M. [P] [C] demande à la Cour, au visa des articles L1221-1, L1232-1 du Code du travail et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger la clause d'exclusivité et la clause de domicile-résidence, nulles et non avenues en ce qu'elles ne sont ni justifiées, ni proportionnées ;

- condamner la société JDC SA à lui payer les sommes de :

* 6589 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 3765.14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 376.5 € de congés payés sur préavis

* 1333,47 € à titre d'indemnité de licenciement ;

- ordonner à la société JDC SA de lui délivrer des bulletins de paie et une attestation pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard, à compter de la notification du « jugement, le Conseil » se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- condamner la société JDC SA à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 15 juillet 2021, la SAS JDC demande à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. [C] à lui verser la somme de 100 € en dédommagement du préjudice lié à l'obligation de loyauté et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [C] à lui verser la somme de 5.000 € en raison de son manquement à son obligation de loyauté ;

- le condamner à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens s'agissant de la première instance ;

- le condamner à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens s'agissant de la présente instance.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la validité du système de géolocalisation.

Le salarié sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit le système de géolocalisation illicite sans présenter, en cause d'appel, d'observations sur ce point.

Selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Il résulte de ces dispositions légales que l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail.

Par ailleurs, pour être valide, un système de géolocalisation devait, avant le 25 mai 2018, faire l'objet d'une déclaration auprès de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) puis d'une information préalable des institutions représentatives du personnel et enfin d'une information individuelle des salariés. Un tel système ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qu'il a déclarées à la CNIL et portées à la connaissance des salariés.

A défaut, la production d'un relevé de géolocalisation constitue un mode de preuve illicite et ne peut donc valablement être retenue pour justifier un motif de licenciement.

En l'espèce, pour démontrer le caractère licite du système de géolocalisation installé sur le véhicule confié au salarié, l'employeur verse aux débats les éléments suivants :

- le contrat de travail, lequel comporte une clause relative à la géolocalisation établissant que le salarié a été informé de la pose d'un système de géolocalisation sur le véhicule confié pour l'exercice de ses missions ayant pour objet de permettre sa localisation en temps réel pour favoriser une réduction des délais d'intervention lors des dépannages de clients, de protéger le véhicule contre les vols, de rationaliser les déplacements, réduire leur coût et de permettre une meilleure gestion des ressources humaines « (temps passé sur la route, sécurié routière, gain de temps, heures supplémentaires réduites...) » ; il est également précisé qu'une déclaration a été effectuée auprès de la CNIL,

- la preuve de la déclaration à la CNIL enregistrée le 18 octobre 2007,

- les procès-verbaux de carence des élections professionnelles de juin 2004 et de juin 2008 et le procès-verbal de la réunion du 27 juin du comité d'entreprise informant ses membres de l'utilisation du système de géolocalisation sur les véhicules, notamment pour le suivi du temps de travail dans la mesure où celui-ci ne peut être réalisé par d'autres moyens et où les employés itinérants interviennent en fonction de plannings établis par les responsables techniques,

- des exemples de l'organisation du travail du salarié par voie de messages électroniques démontrant que le salarié, bien qu'itinérant, n'organisait pas son temps de travail de façon autonome et recevait des instructions au fur et à mesure des demandes d'intervention auprès de la clientèle.

Il résulte de ces éléments que d'une part, l'employeur a respecté la procédure d'information du comité d'entreprise et du salarié ainsi que la procédure de déclaration auprès de la CNIL, que d'autre part, le salarié ne disposait pas d'une liberté dans l'organisation de son travail et que le système de géolocalisation mis en oeuvre par l'employeur était le seul moyen permettant d'assurer le contrôle de la durée du travail du salarié, qu'enfin, l'employeur a utilisé ce système de géolocalisation pour les finalités déclarées à la CNIL et portées à la connaissance du salarié.

Il s'ensuit que le système de géolocalisation installé sur le véhicule confié au salarié était licite.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a dit licite.

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur articule six griefs à l'encontre du salarié :

- la violation de la clause de domicile-résidence,

- son absence du 23 décembre 2017 non justifiée jusqu'au 9 janvier 2018,

- le fait qu'il ne lui a pas indiqué au jour de l'embauche qu'il était le gérant d'une autre société depuis le 3 décembre 2011 alors qu'il était tenu par la clause d'exclusivité,

- l'utilisation du véhicule de service à des fins personnelles en violation de la clause contractuelle relative au véhicule,

- le fait d'avoir été rémunéré alors qu'il était stationné à proximité du magasin exploité par sa propre société et qu'il ne travaillait pas pour l'entreprise,

- des départs tardifs de son domicile le matin.

La violation de la clause de domicile-résidence.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée sur ce point :

« Votre changement d'adresse à 92 kms de votre dépôt de rattachement sur la commune de [Localité 10] que vous avez déclaré « provisoire » le 07.08.2017 et qui est encore effectif au 10.01.2018 (5 mois après) alors que vous avez été embauché pour intervenir sur le secteur de [Localité 8] en étant domicilié sur [Localité 8] et que votre contrat de travail comporte une clause de domicile-résidence ».

Suit la reproduction de ladite clause.

« Sur ce premier point, vous nous avez indiqué être à la recherche d'un logement sur [Localité 8] ».

La « clause de domicile-résidence » contenue dans le contrat de travail est la suivante :

«(...) Monsieur [P] [C] fait élection d'un domicile résidence dans un rayon qui n'excédera pas géographiquement 80 kms de son lieu d'habitation au moment de son embauche. Cette clause trouve sa justification dans l'emploi qu'exerce Monsieur [P] [C].

En effet, Monsieur [P] [C] a pour missions d'effectuer des interventions en clientèle sur un secteur géographique précis pour optimiser le fonctionnement de l'entreprise et pour le mieux de l'intérêt économique de celle-ci".

En application des dispositions de l'article L. 1121-1 susvisées, si l'usage fait par le salarié de son domicile relève de sa vie privée, des restrictions sont susceptibles de lui être apportées par l'employeur à condition qu'elles soient justifiées par la nature du travail à accomplir et qu'elles soient proportionnées au but recherché.

Contrairement à ce que soutient le salarié ' qui sollicite à titre principal la nulllité de la clause - les termes de cette clause sont claires et précis en ce qu'il lui est fait interdiction de résider au-delà d'un périmètre de 80 kilomètres autour de son lieu de domicile au jour de la signature, soit à [Localité 8]. Cette restriction au libre choix de son domicile n'apparaît pas contraire à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme au regard des missions confiées et listées à l'article 2 du contrat de travail et notamment de l'installation et la mise en service des matériels monétiques, caisses enregistreuses, systèmes de gestion au sein de l'entreprise et « chez les clients » ainsi que du dépannage à l'extérieur et en atelier.

Pour autant, la faute ' simple ou grave ' du salarié n'est pas démontrée : il est constant qu'au jour du licenciement, le salarié résidait sur la commune de [Localité 10]. Or, au vu des itinéraires Mappy produits de part et d'autre, la distance

est soit de 70 kilomètres, soit de 83 kilomètres. Même si le second itinéraire versé aux débats par l'employeur était retenu, la différence minime de trois kilomètres ne permettrait pas de constituer une faute.

Ce grief doit être écarté.

L'absence du 23 décembre 2017 non justifiée jusqu'au 9 janvier 2018.

Ce grief n'est étayé par aucun document, l'employeur ne l'explicite pas dans ses conclusions.

Il sera également écarté.

La clause d'exclusivité, l'utilisation du véhicule à des fins personnelles, la rémunération indue et l'obligation de loyauté.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée sur ces points :

« Enfin, nous vous avons exposé les faits que nous avons découverts le 22 décembre 2017.

Vous êtes gérant d'une société Label Technologies située [Adresse 1] depuis le 03 .12.2011 et vous ne nous l'avez jamais signalé. Lors de l'entretien, vous avez confirmé en être le co-gérant avec votre frère. (...)

Il s'agit donc, à nouveau, d'une transgression aux termes de votre contrat de travail.

En outre, et ces faits sont extrêmement graves, les données de géolocalisation du véhicule professionnel qui vous est affecté pour l'exercice de vos fonctions font apparaître après recherches des arrêts réguliers à proximité de l'[Adresse 5] à [Localité 8], pendant vos heures de travail ou sur des périodes ayant fait l'objet d'un paiement en heures supplémentaires.

Sur les 2 derniers mois, nous avons identifié sur vos plannings :

*Jeudi 23.11.2017 : entre 16h06 et 20h10 (...)

*Vendredi 24.11.2017 : entre 9h21 et 10h58 puis entre 19H08 et 22H03 (...)

*Lundi 27.11.2017 : entre 14h55 et 16h34 puis entre 17h33 et 20h42 (...)

*Lundi 18.12.2017 : entre 16h43 et 20h48 (...)

Dans les faits, vous avez donc utilisé le véhicule de service à des fins personnelles alors que cela est formellement intedit et clairement stipulé à votre contrat de travail ».

La clause contractuelle intitulé « Obligations professionnelles » est ainsi rédigée :

« Monsieur [P] [C] s'engage à :

-Consacrer toute son énergie et tous ses soins à l'entreprise et à renoncer à l'exercice de toute activité professionnelle directe ou indirecte, autre que celle définie supra, soit pour son propre compte, soit pour le compte de tiers (...)».

En application des dispositions de l'article L. 1121-1 susvisées, pour être valable, une clause d'exclusivité doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Elle doit par conséquent être précise quant aux activités auxquelles renonce le salarié.

L'employeur fait valoir le caractère impromptu de certaines interventions confiées au salarié qui se devait d'être disponible, le caractère sensible des informations auxquelles il avait accès, telles que le fichier clientèle ou la politique tarifaire de l'entreprise, et précise qu'elle était légitime à se préserver des potentielles activités concurrentielles du salarié.

Toutefois, alors que celui-ci conteste le bienfondé de la clause d'exclusivité au regard de la nature de ses fonctions et l'estime nulle, l'employeur ne fait pas la démonstration de ce que le salarié occupant le poste de technicien monétique, aurait eu accès à des informations stratégiques ou sensibles rendant indispensable la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, notamment de ses intérêts économiques.

Dès lors, la clause est nulle.

Le grief lié au non-respect de la clause d'exclusivité doit être écarté.

*

Le contrat de travail stipule que « Dans le cadre de l'affectation des véhicules à une agence pour les besoins du service, l'un de ces véhicules pourra être utilisé par Monsieur [P] [C] de manière non exclusive et seulement à usage strictement professionnel. (...) ».

L'employeur fait valoir que le salarié s'est rendu, au temps du travail, au moyen du véhicule confié, à l'adresse de la société dont il était le gérant, [Adresse 6] à [Localité 8] et qu'il a violé cette clause.

Toutefois, l'analyse combinée des tableaux récapitulatifs relatifs aux heures supplémentaires et des relevés issus du système de géolocalisation de la semaine 47 (semaine du 20 novembre) à la

semaine 51 (semaine du 18 décembre) de l'année 2017 relatifs aux

stationnements du véhicule confié ne permettent pas d'établir que le salarié aurait utilisé celui-ci à des fins personnelles au temps du travail, faute de production par l'employeur de l'emploi du temps du salarié sur cette période :

Alors que le salarié conteste avoir vaqué à ses occupations personnelles durant son temps de travail, l'employeur n'établit pas que les stationnements enregistrés auraient été liés à l'accomplissement de tâches personnelles sans lien avec le travail. Le fait qu'il ait pu se stationner « à proximité » de l'adresse du magasin exploité par la société dont il était le gérant ne suffit pas à retenir qu'il aurait vaqué à des occupations personnelles.

Si le salarié s'est stationné [Adresse 5] à [Localité 8] le 21 novembre 2017 de 18h44 à 20h21 et admet dans ses conclusions qu'il avait terminé son travail et s'était rendu dans le magasin exploité par sa propre société, aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il aurait été payé à tort pour ce temps de repos.

Ces griefs doivent être écartés.

*

A titre subsidiaire, l'employeur estime que si la Cour déclarait nulle la clause d'exclusivité, il y aurait lieu de retenir le manquement du salarié à son obligation légale de loyauté envers la société, du fait de l'activité concurrente de sa propre société ; et ce, à son insu.

Il ressort de l'extrait du bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) du 14 décembre 2011 produit par l'employeur que SARL Label Technologies (LATEC) exerçant sous le nom commercial de Profitech dont le gérant statutaire est M. [P] [C], que cette société a été créée le 1er décembre 2011 et que son activité est définie comme suit :

« vente et maintenance de matériel et logiciels informatiques formation création sites web abonnement téléphonique vente et réparation de téléphone mobile vente installation et réparation antenne parabole alarme vidéo surveillance ».

En l'absence de tout extrait Kbis de la SAS JDC, le seul justificatif de l'activité exercée par cette société est contenu dans le contrat de travail litigieux, lequel énumère les missions du salarié et dont il résulte que l'entreprise installe et met en service des matériels monétiques, des caisses enregistreuses, des systèmes de gestion, forme le personnel au sein des entreprises clientes, fait des dépannages et vend des consommables : ces activités apparaissent complètement différentes de celles exercées par l'entreprise créée par le salarié.

Le seul fait que le salarié soit resté silencieux sur ses fonctions de gérant de sa société au moment de la signature du contrat de travail ne suffit pas, la clause d'exclusivité étant déclarée nulle.

Dès lors que l'employeur échoue à prouver toute concurrence déloyale, le manquement à l'obligation de loyauté doit être écarté

et la demande d'indemnisation du préjudice de l'employeur doit être rejetée.

Les départs tardifs de son domicile le matin.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée sur ce dernier point :

« Pour finir, nous avons également constaté des départs très tardifs de votre domicile certains matins. Sans compter les matins où vous ne quittez votre lieu de domicilation que vers 9h30-9h45, certains jours, vous ne décollez pas avant 11h00, par exemple le lundi 27.11.2017 à 11h31, le lundi 11.12.2017 à 11h09.

Sur ce motif votre argument a été d''invoquer le repos en roulement du lundi matin mais sur ces lundis précisément vous n'étiez pas de repos et vous deviez travailler une jourée complète ».

Toutefois, l'employeur ne produit aucun élément de planning remis au salarié concernant les jours ci-dessus visés, en sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si celui-ci a effectivement manqué à son obligation de respecter les instructions données.

Ce dernier grief doit également être écarté.

Il résulte de cette analyse que la faute du salarié n'est pas démontrée et que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit le système de géolocalisation licite.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L'article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au cas d'espèce, prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant 2 années d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le 16/08/1975), de son ancienneté à la date du licenciement (plus de deux ans), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (1 882,57€) et de l'absence de tout justificatif relatif à sa situation actuelle (excepté le fait qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale), il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 6 589 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 765,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 376,51 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 1 333,47 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur devra rembourser à Pôle emploi les acllocations chômage versées au salarié à hauteur de 2 mois.

Il sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En revanche, il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 18 novembre 2020 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a dit le système de géolocalisation licite ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

DIT que le licenciement de M. [P] [C] est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS JDC à payer à M. [P] [C] les sommes suivantes :

- 6 589 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 765,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 376,51 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 1 333,47 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

DÉBOUTE la SAS JDC de sa demande d'indemnisation au titre du manquement à l'obligation de loyauté ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la SAS JDC à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [P] [C] dans la limite de deux mois ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS JDC aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

V. DUCHARNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00776
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.00776 ?
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