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19/04/2023 | FRANCE | N°21/00300

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 avril 2023, 21/00300


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00300 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2UI





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 19/00026





APPELANTE :



Association APAJH AUDE

[Adresse 3]

[Localité

1]

Représentée par Me Virginie GARCIA BARQUEROS de la SCP NOVAE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIME :



Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00300 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2UI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 19/00026

APPELANTE :

Association APAJH AUDE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Virginie GARCIA BARQUEROS de la SCP NOVAE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 01 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport et devant Madame Magali VENET, Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [Y] a été embauché le 06 décembre 2012 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur pôle IME par l'APAJH 11 en contrepartie d'un salaire brut de 4 718€ par mois.

Le 05 mars 2018 M. [Y] a été placé en arrêt de travail.

Le 12 avril 2018, M. [Y] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Le 25 mars 2019 M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne afin de contester son licenciement et voir condamner l'employeur à lui verser diverses sommes.

Par jugement du 16 décembre 2020 le conseil de prud'hommes a :

- constaté que l'APAJH 11 est devenu 'APAJH Aude' en conservation des responsabilités entières de celle-ci.

- constaté que l'APAJH 11 a bien donné à M. [Y] la qualification de cadre dirigeant dès son contrat de travail initial

- Dit que M. [Y] a été victime de harcèlement moral ce qui entraîne la nullité de son licenciement

- constaté que l'APAJH Aude n'a pas l'intention de le réembaucher

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] au prononcé du jugement soit le 16 décembre 2020 ayant les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné 'APAH Aude' en la personne de son représentant légal à verser à M. [Y] [Z] l'intégralité des salaires et indemnités légales de la date effective de son licenciement annulé jusqu'à la cessation effective de son contrat de travail le 16 décembre 2020

- condamné 'APAJH Aude' en la personne de son représentant légal , à verser à M. [Y] [Z] la somme de 40 000€ nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- condamné 'APAJH Aude' en la personne de son représentant légal à verser à M. [Y] [Z] la somme de 21000€ nets de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- condamné 'APAJH Aude' en la personne de son représentant légal à verser à M. [Y] [Z] la somme de40200€ nets de dommages et intérêts pour licenciement nul

- condamné 'APAJH Aude' en la personne de son représentant légal à verser à M. [Y] [Z] la somme de 1500€ nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné la production d'un bulletin de paye rectificatif et de tous les documents légaux rectifiés

- ordonné le remboursement par ' l'APAJH Aude' aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [Y] dans la limite d'un mois de salaire

- condamné 'l'APAJH Aude' aux entiers dépens

- ordonné l'exécution provisoire de droit à hauteur de 59 538,11€

- dit que les sommes portées dans le jugement porteront intérêts à taux légal à compter de la notification du jugement

- dit qu à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la société défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Par déclaration en date du 15 janvier 2021, l'APAJH Aude a relevé appel de l'ensemble des dispositions de la décision

Vu les dernières conclusions de l'APAJH Aude en date du 24 janvier 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de M. [Z] [Y] en date du 23 janvier 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est en date du 01 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral:

L'article L 1152-1 du code du travail dispose que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 du code du travail précise qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [Y] reproche au président et au directeur général de l'association un mode d'organisation inadapté pour les salariés, de l'avoir isolé, surchargé de travail et retenu les moyens humains et organisationnels qui lui aurait permis de faire face à ses missions, ce qui a eu pour conséquence une dégradation de son état de santé matérialisée par une dépression réactionnelle.

Pour justifier de difficultés organisationnelles préjudiciables aux salariés il verse aux débats:

- Le rapport d'expertise sur les orientations stratégiques remis le 06 décembre 2017 par le cabinet Garance à la demande du Comité d'entreprise rédigé en ces termes:

'dès les premiers entretiens avec les personnels (cadres et non cadres) il apparaît clairement que l'APAJH11 est régit par des principes hiérarchiques forts qui font du siège (DG et CA) les véritables décideurs. Cette organisation de type militaire est par nature inapplicable au secteur médico-social, qui requiert une grande marge de man'uvre et de la flexibilité pour prendre correctement en charge les usagers...cette déresponsabilisation institutionnelle ne peut que conduire à l'échec psychologique de l'individu ....il en découle un épuisement (physique et psychique) quantifiable: arrêts maladie, mi-temps thérapeutique, faibles performances professionnelles...'

- ce rapport d'expertise mentionne en outre s'agissant des cadres:

'c'est humilier les cadres que de leur confier des tâches qui ne relèvent pas de leurs compétences . C'est les maltraiter que que de les mettre en situation d'incapacité d'apporter des réponses techniques aux questions qui leur sont adressées par les personnels. C'est le meilleur moyen de fragiliser leur position et d'entamer leur crédibilité auprès des personnes qu'ils encadrent'...'' en d'autres termes, il convient désormais de bien intégrer, en matière de gouvernance globale de l'APAJH11 que la cause principale de mal être professionnel et humain provient en grande partie d'une mauvaise définition des tâches des cadres à quoi s'ajoute une gestion permanente de l'urgence.'

M. [Y] fait également état d'un manque d'humanité de sa direction , et verse aux débats

- des reproches par mail que lui ont été adressés alors qu'il s'était rendu aux obsèques d'un membre de sa famille en février 2015

- une absence de réponse aux mails adressés au Directeur Général concernant l'état de santé d'une éducatrice spécialisée souffrant d'une tumeur cérébrale incurable et un collègue directeur d'ESAT qui avait état hospitalisé à plusieurs reprises pour de graves difficultés cardiaques et qui était confronté à un sinistre post incendie très important.

-un courrier des cadres du pôle IME/SESSAD du 11 février 2015 alertant sur

'la situation préoccupante relative au mode de management du Directeur adjoint Pôle'

- une analyse de M. [Y] envoyée par mail le 9 mars 2015 relative à la pétition '[6] » dans lequel il fait état du management toxique de M. [J],Directeur adjoint et compagnon de la responsable des ressources humaines, Mme [C].

- un courrier de Mme [N], salariée, du 18 décembre 2014dénonçant le comportement autocratique de M. [J]

- une interpellation CFDT Santé sociaux du 12/12/2016 évoquant les enquêtes et alertes demeurées sans réponses:

'incompétences du directeur adjoint, dysfonctionnement du service des ressources humaines en terme de réactivité, conflits d'intérêts, communication défaillante, paradoxale, voire inexistante , épuisement professionnel, démotivation des salariés, non réponse aux besoins. '

- Concernant la situation d'isolement mise en 'uvre à son encontre par M. [K], Directeur Général, il fait état des éléments suivants:

- Le remplacement en 2017 , au sein du pôle IME/SESSAD, d'une cadre administrative partie à la retraite par une simple assistante administrative qui n'était pas à même d'exercer les mêmes missions.

Sur ce point, il verse aux débats un mail du 12/04/2017 dans lequel il expliquait à M. [K], Directeur Général qu'un tel poste était 'l'une des clefs de voûte de l'organisation fonctionnelle du pôle tant du point de vue interne qu'externe'ainsi qu' un courriel du 15 avril 2017 dans lequel il précisait que la suppression de ce poste et son remplacement par un poste moins qualifié ne pouvait avoir pour le pôle qu'un effet déstructurant tant sur les plans organisationnels que managériaux.

- Une absence d'association au recrutement des proches collaborateurs :

Il reproche à son employeur d'avoir conduit unilatéralement le recrutement de Directeur Adjoint du pôle IME/SESSAD, alors qu'il s'agit de son plus proche collaborateur, il s'en est ouvert dans un courriel du 01 juin 2017 adressé à M. [K] dans lequel il mentionne 'vous avez décidé de ne pas me transmettre la moindre information...je vous demande de prendre acte du caractère particulièrement destructeur et dénigrant que ce management implique sur ma fonction de directeur de pôle' et par un nouveau mail du 26 juin 2017: mentionnant que : « une telle situation 'était très dommageable et très préjudiciable à la qualité du travail que nous développons sur le pôle tant au niveau de l'organisation qu'à celui du management transversal'.

de même pour le recrutement au poste d'éducateur chef : en juin 2017 il n'a pas été attendu lors de la commission de recrutement alors qu'il gérait une adolescente suicidaire.

ainsi que ainsi que pour le recrutement de Mme [S] en qualité de directrice adjointe de 4 IME de l'APAJH Aude qui confirme l'éviction de M. [Y] dans le processus de recrutement en ces termes:

'j'ai pris mes fonctions en qualité de directrice adjointe de 4 IME de l'APAJH Aude le 2 octobre 2017. Afin d'accéder à cette fonction , j'ai eu quatre entretiens, deux avec M. [K] le Directeur Général, un avec des membres du conseil d'administration, un avec Mme [C] responsable RH à son retour de vacances. Je n'ai rencontré M. [Y] , bien qu'il soit mon directeur et hiérarchique direct, que quelques jours avant ma prise de poste. Lors de ces différents entretiens, j'ai rapidement pris conscience qu'il existait un contexte pernicieux de dénigrement très marqué à l'égard de M. [Y], que ce soit du Directeur Général ou de Mme [C]'.

M. [Y] précise qu'au regard de ce mode de recrutement, certaines personnes embauchées ne correspondaient pas aux besoins concrets du pôle , ce qui l'a privé des moyens d'accomplir le travail qui lui était confié.

- Concernant la rétention des moyens humains lui permettant d'accomplir son travail:

il reproche à M. [K] un blocage dans la mise en 'uvre d'une solution permettant de faciliter sans surcoût son travail:

- Il précise avoir confié à titre transitoire certaines missions à une salariée Mme [L] en raison de la vacance de plusieurs postes de cadres, et reproche à l'employeur de n'avoir répondu que trois mois plus tard à sa demande, formée par mails, tendant à la formalisation et la valorisation des nouvelles activités accomplies.

- Concernant la rétention d'informations:

- Il reproche à son employeur de ne pas l'avoir avisé qu'un dossier complexe qu'il avait instruit à destination de l'ARS pour obtenir de crédits supplémentaires avait été accepté, que cette information , qu'il a finalement obtenue directement auprès de l'ARS, était nécessaire afin d'anticiper les potentiels impacts sur les projets et les équipes pluridisciplinaires.

Concernant le refus de temps de travail communs:

Il reproche à M. [K] de ne pas avoir répondu à ces mails et synthèses d'alerte qu'il lui adressait régulièrement pas plus qu'il ne lui a accordé des temps de travail communs réguliers dans la continuité des dossiers de haut niveau qu'il transmettait régulièrement.

- Concernant la surcharge de travail:

Il reproche à son supérieur M. [K] de lui avoir confié un volume de travail toujours plus important en lui refusant les moyens lui permettant de le réaliser et l'isolant progressivement.

- il fait valoir que suite à son départ , son poste a été supprimé et ses missions ont été réparties entre 4 personnes: M. [K], directeur général, B. [S] qui dirige deux IME, M. [A] qui dirige deux IME, Mme [T], directrice de l'ITEP qui dirige les trois SESSAD

- Il précise avoir été contraint de travailler à la rédaction du projet associatif alors qu'il gérait les suites d'un incendie survenu dans un IME, qu'il a rendu son travail par courriel du 27 mars 2017 à 01h07alors que le Président et le Directeur Général n'ont pas tenu compte de son travail et qu'ils on repris par copier-coller un projet type de la fédération nationale APAJH

- Il reproche à l'employeur de ne l'avoir avisé que le 22 décembre 2017 qu'il devait répondre à un appel à projet publié le 22 novembre 2017 concernant l'ouverture d'une unité d'enseignement maternelle autisme (UEMA) qui devait être rendu le 22/01.2017, le contraignant ainsi à travailler seul et pendant ses vacances.

- Par ailleurs, Mme [S], ancienne directrice adjointe de l'association atteste de la surcharge de M. [Y] en ces termes: 'le périmètre géographique était considérable puisqu'il intervenait sur l'ensemble du territoire de l'Aude(risque routier et fatigabilité très important). Il devait faire face à la fois à l'absence au long cours de cinq cadres intermédiaires et un directeur adjoint sur le terrain et répondre aux multiples injonctions du siège sur différentes demandes qui régulièrement étaient adressées la veille pour le lendemain, et cela sans aucune aide extérieure. Depuis de nombreux mois, Monsieur [Y] travaillait jour et nuit dans des amplitudes mensuelles qui dépassaient le cadre légal de manière extrêmement importante. Il était particulièrement épuisé. Malgré cet état de santé très préoccupant, Monsieur [Y] a élaboré l'appel à projets de l'UEMA en renonçant à ses vacances de Noël. Lorsque les dossiers de haut niveau fut terminé, Monsieur [E] [K] s'est approprié le projet en y apposant sa signature et le licencia.'.

-Il mentionne que le harcèlement managérial dont il a fait l'objet a conduit au développement d'une sévère dépression réactionnelle

Sur ce point, il verse aux débats:

- un courrier du 30 mars 2018 du Docteur [R] adressé à un confrère le Docteur [X] rédigé en ces termes: 'il est venu ce jour à ma consultation pour dépression nerveuse récidivante sous l'effet d'un harcèlement professionnel. J'ai rescrit un arrêt de travail le 05/03/2018.

- un courrier de son psychiatre le Docteur [X] adressé le 12/06/2018 au médecin du travail rédigé en ces termes:

'Je vois en consultation depuis le 30/04/2018 M. [Y] né le 08/01/1960 pour un épisode dépressif sévère lié à des problèmes importants à son travail. Il est en arrêt de travail depuis le 05 mars pour dépression liée avec des facteurs de stress au travail...il décrit un changement important depuis qu'un nouveau directeur général a pris ses fonctions en 2017 avec une surcharge de travail de 250/300H par mois , des critiques et réflexions en continue par le DG , pas de reconnaissance de son implication et la qualité de son travail et le fait qu'il avait des sanctions disciplinaires pour des petites choses . Il décrit du harcèlement permanent, une pression énorme et un épuisement professionnel qui a déclenché un épisode dépressif sévère. En examen clinique il y avait des symptôme dépressifs sévères avec anhédonie, un sommeil perturbé et il avait des idées suicidaires mais sans envie de passer à 'acte'.

Hormis les attestations de Mme [S] ne peuvent suffire par elles mêmes au regard du litige l'ayant opposée à l'employeur dans le cadre d'un licenciement pour faute grave, ces éléments de fait , pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur fait valoir que :

Sur le mode organisationnel de l'association:

- M. [Y] est responsable de la dégradation des conditions de travail au sein des établissements qu'il dirigeait. Il lui reproche notamment de ne pas avoir clairement défini le poste de son directeur adjoint, M. [J] , ce qui a été source de problèmes relationnels avec les salariés sous sa responsabilité.

Sur ce point, il verse aux débats :

-des échanges entre le directeur Général M. [K] et M. [Y] évoquant ces difficultés,

-une longue attestation de M. [J] dans laquelle ce dernier critique les actions entreprises par M. [Y] ainsi que des directives non cohérentes et le discrédit jeté sur son action.

- une attestation de Mme [P] ,adjointe de direction, mentionnant que M. [Y] nommé directeur du pôle enfance en 2012 a voulu modifier l'organisation en place à son arrivée, notamment en recrutant un directeur adjoint, et précisant cependant que dès sa prise de fonction une confusion entre les missions du directeur et de son adjoint s'est installée. Elle précise : 'M. [Y] a maintenu un 'flou' évident dans les missions et rôles de chacun et a systématiquement reporté ses manquements sur le Directeur Adjoint'. Elle lui reproche également d'avoir initié des projets qui n'ont pas abouti.

- le PV de la réunion du CHSCT du 11 septembre 2015 faisant suite à une première enquête réalisée matière de risques psychosociaux au sein d'un des IME dont M. [Y] à la responsabilité , l'IME [6] qui ont 'mis en évidence un sentiment de dysfonctionnement important dans le directives organisationnelles avec des incohérences et une dichotomie entre la direction et les équipes de terrain.'

Il ressort cependant des éléments suivants que le comportement inadapté de M. [J],directeur adjoint, et non celui de M. [Y], était mis en cause par les salariés

- dans un courrier adressé le 09 février 2015 au président d l'APAJH, les salariés de l'IME [6] font en effet état des difficultés suivantes:

'des attitudes particulièrement discutables, voire répréhensibles de la part du directeur adjoint, (soit M. [J]) et visent notamment 'des menaces verbales, propos diffamatoires, orduriers et sexistes, des atteintes portés à l'encontre de personnes en réunion d'équipe pluridisciplinaire, des pressions exercées auprès de subordonnées, manipulation de la parole contre vérité' 'De façon générale l'incapacité du directeur adjoint à communiquer de façon constructive est habituelle. Il monopolise la parole , interrompt sans cesse ses interlocuteurs et impose ses vue de manière autoritaire'.

-De même la direction a été alertée sur le comportement du directeur adjoint par un compte rendu d'alerte des cadres du pôle IME SESSAD du 11 février 2015 indiquant que : 'les cadres intermédiaires du pôle IME ont tenu à alerter M. [Y] sur la situation préoccupante relative au mode de gestion du directeur adjoint du pôle qui a pour effet de créer un climat d'insécurité et de stress permanent qui rend la posture des cadres intermédiaires intenable. ..;de plus l'équipe verbalise sa difficulté à relater les faits en raison des liens qui unissent le directeur adjoint du pôle au service des ressources humaines.'

- Dans le même sens, par courrier du 18 décembre 2014, Mme [N] cadre intermédiaire et représentante du personnel avait déjà alerté sa direction sur le comportement de M. [J], directeur adjoint, en ces termes: ' à aucun moment dans ma vie professionnelle je n'ai connu une telle situation de traitement arbitraire. Mes collègues cadres intermédiaires font un diagnostic similaire et sont inquiets de la posture professionnelle sécurisante de M. [J]. De plus les professionnels de l'IME [6] ont fait état à plusieurs reprises d'attitudes inappropriées à l'égard des salariés et des jeunes(familiarité déplacées, maltraitante verbales, injonctions arbitraires). Selon les délégués du personnel on peut qualifier les agissements de M. [J] comme du 'harcèlement'.

- L'employeur soutient en outre qu'un rapport syndex du 02 juin 2016 remet en cause les changements opéré par M. [Y] notamment en ce qui concerne le remplacement de la fonction d'adjoint de direction par celle d'éducateur chef qui a opéré une forme de déqualification de la fonction.

L'analyse du rapport précise cependant que la modification de l'organisation antérieure paraissait nécessaire en ce qu'une trop grande charge de travail reposait sur une seule personne , mais que les anciens directeurs adjoints ont regretté de ne pas avoir été associés au projet , et ont constaté que la fonction de directeur adjoint, peinait à trouver sa légitimité auprès des professionnels.

Par ailleurs, ce rapport vise un mode de management pathogène et précise que le directeur de l'IME , en l'absence de soutien de sa propre hiérarchie ne disposait pas de la marge de man'uvre pour agir en local et réguler les difficultés constatées.

Enfin, le rapport retient que le silence de la direction générale face à l'ensemble des dysfonctionnements organisationnels identifiés au cours de l'expertise permet de constater le dysfonctionnement de l'instance hiérarchique qui peine à prendre les mesures nécessaires pour préserver les conditions de travail et protéger la santé des salariés.

Le rapport se conclut en ces termes:

' nous attirons l'attention du CHSTC et plus particulièrement de la direction de l'APAJH 11 sur l'urgence de restaurer les mécanismes de régulation qui doivent s'imposer dans l'organisation du travail pour appliquer les fonctionnements organisationnels pathogènes et protéger par la même la santé de l'ensemble des personnels dont l'association a la responsabilité.'

-les PV de CHSTC des dernières années, les différends courriers d'alerte adressés à la direction depuis plusieurs années , les enquêtes d'ores et déjà réalisées sur les conditions de travail des salariés des établissements concernés depuis 2011 témoignent d'une dégradation des conditions de travail et de santé des salariés . Les problèmes identifiés ainsi que les actions qui ont pu être préconisées n'ont pas été suivies d'effets.

- le malaise institutionnel qui fragilise les salariés s' exprime avec une telle force qu il fait écran au travail

malgré les diverses enquêtes qui pointent la mise à mal des conditions de travail , les alertes des IRP relatant des modes de management pathogènes, les signalements des différents acteurs de la santé au travail , aucune action adaptée aptes à réguler les tensions et apaiser le climat social ne semble avoir été engagée parla direction générale

un tel constat nous force à conclure que le système de régulation institutionnel dysfonctionne et nous invite à insister , au regard des obligations légales de l'employeur en matière de santé, sur le devoir de la Direction Générale d'agir au pus vite pour enrayer le malaise qui insiste.

Préconisation:

- redéfinition des rôles et missions des différentes fonctions afin de clarifier les périmètres d'intervention et de sécuriser par la même les professionnels dans leurs actions

- clarification es missions et délégations de l'encadrement de direction au sein des différents établissements

- nécessité pour la direction de l'APAJH 11 à reposer la question de l'étendue de périmètres d'intervention des directions d'établissements.

- au regard de la charge de travail importantes des direction d'établissement qui gèrent plusieurs structures en même temps et des effets bien repérés dans le présent travail de cette charge sur les conditions de travail des salariés , nécessite de réviser ce périmètre d'intervention

- lenteurs administratives et complexité de circuits décisionnaires frein à l'action de l'encadrement de proximité et à la réactivité de certains décisions qui doivent être prises au quotidien

- Le rapport du cabinet Garance, rédigé en juin 2017 fait également état des éléments suivants:

'La mauvaise situation dans laquelle se trouve l'APAJH 11 est en grande partie inhérente au type d'organisation choisie arbitrairement sans le moindre diagnostic interne préalable et sans aucune concertation avec les personnels, notamment avec les chefs de service et les responsables d'établissement'

- Enfin, le rapport Garance de décembre 2017: pointe les difficultés suivantes:

'le regroupement des établissements en pôle a atteint ses limites , la politique consistant à faire des économies d'encadrements de direction a produit des effets pervers: non seulement les cadres sont amenés à se déplacer sur plusieurs établissements mais la fatigue et la démultiplication des tâches les a fragilisés sur les plans professionnels et humains. L'élargissement du champ d'intervention
des cadres a eu des conséquences néfastes sur leurs relations avec les personnels auxquels ils sont censés apporter conseil et fournir des réponses pratiques et rapides.

- constat: le directeur de pôle ne peut se démultiplier et remplir convenablement des tâches difficiles et chronophages

-la mauvaise définition des tâches brime les cadres et plombe leur capacité d'initiative

il faut

- redéfinir les missions des cadres en partant de leurs compétences et non des besoins des services

- délimiter leur périmètre d'action

- leur confier des missions qu'ils sont capables de réaliser

Il apparaît ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, que les différents rapports rédigés afin d'analyser les difficultés de fonctionnement de l'association constatent la réalité d'un management inadapté relevant des compétences de la direction générale et non de celles du directeur de pôle.

L'employeur précise que suite au départ de M. [J], les difficultés ont persisté dans les établissements dirigés par M. [Y]. il verse aux débats une note de synthèse du CREAI ORS relative à une mission de réflexion sur l'organisation des IME du pôle IME-SESSAD de l'association, rédigée en février 2018 .

Cependant , l'analyse de cette synthèse pointe la encore l'existence d'un organigramme compliqué et peu lisible ainsi une absence de clarté sur le rôle de chacun, notamment des cadres intermédiaires, sans qu'il n'apparaisse que la responsabilité en incombe à M. [Y].

Sur les moyens humains:

L'employeur qui se contente d'affirmer que le remplacement d'une cadre administrative partie à la retraite par une simple assistante administrative, qui ne bénéficiait pas de la même formation, a été sans impact sur le fonctionnement de la structure sans répondre à l'argumentation de M. [Y] qui a soulevé le caractère sensible d'un tel poste, n'apporte pas de réponse pertinente sur ce point 

De même, l'employeur énonce n'avoir été informé que le 27 juin 2017, soit deux mois après sa mise en 'uvre, des nouvelles fonctions exercées par Mme [L] en raison de la carence de cadres. Il ressort cependant des pièces produite que dès le 26 avril, M. [Y] avait adressé un courriel à la responsable des ressources humaines, Mme [C] dans lequel il définissait ainsi les missions confiées à Mme [L] : «  elle organise et valide les plannings, suit les situations des jeunes aux problématiques le plus complexes (TSA) » et prépare les évaluations nécessaires y compris en supervisant les comptes-rendus préparatoires aux dossiers MDPH en lien avec les partenaires'.

- sur l'équipe de cadre 2017:

l'employeur énonce que M. [Y] disposait d'une équipe d'encadrement suffisante, tout en reconnaissant cependant que trois cadre sortie le 30 avril 2017, le 31 mai 2017 n'ont été remplacé que fin août, et un cadre parti le 15 mars 2017 , M. [J], remplacé seulement le 2 octobre 2017

- Sur le recrutement des collaborateurs de M. [Y] et du directeur adjoint:

L'employeur, pour justifier que M. [Y] ne soit pas impliqué dans le recrutement de son directeur adjoint explique avoir respecté les procédures de recrutement mises en place au sein de l'association, sans cependant s'interroger sur leur pertinence, qui ne permettait pas au directeur de la structure de s'impliquer sur le choix de son plus proche collaborateur.

De même concernant le recrutement d'une éducatrice chef, l'employeur ne justifie pas qu'il était impossible d'attendre M. [Y], retardé par une mission délicate et urgente.

Enfin,concernant le manque de concertation régulières et sérieuses entre M. [Y] et la direction générale, l'employeur se contente de répondre qu'une communication était mise en place dans le cadre de CODIR et de réunions de travail et indique que M. [Y] a bénéficié d'un appui extérieur mis en place en tant qu'aide à la décision par le CREAI ORS et que cet accompagnement a été réalisé en présence et avec l'appui du directeur général.

Il s'agit en fait d'une note de synthèse de février 2018 qui émet différentes préconisations pour permettre une meilleure organisation sans qu'il ne soit fait état des mesures effectivement mises en place après ces préconisations.

Concernant la rétention d'information relative à la dotation accordée par l'ARS

L'employeur ne répond pas au cas spécifique évoqué par M. [Y] concernant l'octroi dune dotation dont ce dernier n'a pas été informé par sa direction, mais directement par l'ARS.

- Sur le projet associatif:

L'employeur fait valoir que le travail réalisé par M. [Y] concernant les parties 4 et 5 du projet associatif est peu important en ce qu'il ne comporte que quatre pages dont trois rappelant les valeurs associatives, que d'autres directeurs y ont contribué et que le projet finalisé n'est pas le fruit du travail de M. [Y] mais celui des autres directeurs qu'il s'est contenté de relire.

La démarche de travail de M. [Y], plus complexe est cependant exposée dans un mail en date du 27mars 2017 à 01/ 07:

'Je n'ai eu que le week-end pour travailler à l'écriture ce qui fût bien trop court pour développer la finalisation synthétique requise, notamment pour les parties 4 et 5 . Mes collègue et moi même nous sommes rencontré lundi dernier , ce temps de réflexion et d'analyse partagée s'est avéré aussi indispensable qu'intéressant . Cependant nos charges de travail respectives n'ont pas permis que je sois destinataire des textes à la fin de journée de vendredi. J'ai relu plusieurs fois l'ensemble de ce qui constitue une phase rédactionnelle du projet Associatif...'

- sur l'appel de projet UEM

M. [Y] soutient que suite à son courriel du 26 novembre 2017 M. [K] ne lui a confirmé qu'un mois plus tard qu'il fallait préparer le dossier en vue de cet appel à projet.

L'employeur fait valoir que M. [Y] a été informé dès le 14 décembre 2017 de la nécessité de répondre à l'appel à projet mais qu''il a été également accompagné dans cette tâche en ayant tous les outils à sa disposition lui permettant de faciliter son travail

Il ne produit cependant aux débats qu'un mail du 14 décembre 2017 adressé à M. [Y] accompagné d'un dossier, qui faisait état de l'existence d'un appel à projet, mais sans que la direction ne fasse état d'une volonté de répondre à cet appel à projet.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que l'employeur, qui a mis en place une organisation du personnelle inadaptée et préjudiciable au travail des salariés, qui a confié à M. [Y] une charge de travail importante tout en le privant des moyens d'y faire face ne démontre pas que ses agissements étaient étrangers à tout harcèlement de sorte que le harcèlement est établi.

Il ressort des éléments médicaux produits que M. [Y] a subi un préjudice lié au harcèlement dont il a été victime.

La décision du conseil de prud'homme qui lui a accordé des dommages et intérêts sera confirmée en son principe, mais réduite en son quantum, qu'après analyse des pièces soumises à la contradiction des parties, il conviendra de fixer à la somme de 10000€.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Il ressort des éléments précédemment développés et notamment des rapports Garance de février et décembre 2017, que le danger dans lequel évoluaient les salariés, et donc M. [Y] en raison d'une mauvaise organisation de l'association était clairement identifié, que des solutions pour y remédier ont été préconisées, que l' obligation de sécurité de l'employeur a été rappelée au sein même des rapports mais que des difficultés ont persisté, sachant qu'elles à l'origine de la dégradation des conditions de travail du salarié dont le préjudice est avéré.

La décision du conseil de prud'hommes qui lui a accordé des dommages et intérêts sera confirmée en son principe, mais réduite en son quantum, qu'il convient de ramener à la somme de 5000€.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la régularité du licenciement

Nonobstant la rédaction peu lisible de l'article 16 du document unique de délégation, il ressort de l'article 13 des statuts et de l'article 5-1 du règlement intérieur de l'association que le Directeur de l'association a compétence pour licencier un salarié .

Il en découle que le président de l'APAJH avait bien compétence pour procéder au licenciement de M. [Y] et que le licenciement est régulier en la forme.

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, concernant les motifs du licenciement, il est ici renvoyé à la lecture de lettre de licenciement adressée par l'APAJH à M. [Z] [Y] le 12 avril 2018 laquelle est trop longue pour être reprise intégralement dans l'arrêt. Elle mentionne que le licenciement pour cause réelle et sérieuse est justifié en raison des griefs suivants:

1)Absence de rigueur dans la gestion du dossier électrique IME de [Localité 5] et plus globalement son inaction dans ce dossier

2)Manquement grave au fonctionnement régulier de l'instance des délégués du personnel instance dont il a la responsabilité, constatés à l'issue du contrôle interne diligenté par l'association

3)Non respect des échéances fixées pour le retour du diagnostic CPOM et non respect des subdélégations consenties à sa directrice adjointe.

4)Non respect des consignes sur l'utilisation des véhicules de l'association.

1 ) sur l'absence de rigueur dans la gestion du dossier électrique sur l'IME de [Localité 5] et plus globalement son inaction dans ce dossier

L'employeur fait valoir que l'inaction de M. [Y] face aux problèmes de non conformité électrique du site de l'IME du site de Cenne Monestié dont il était pourtant informé par un rapport qui lui a été remis le 09 mars 2017,ainsi que par des salariés, a entraîné d'importantes conséquences en termes de coupures électriques, et de mise en danger du personnel et du public accueilli.

Il verse notamment sur ce point une attestation de M. [U] responsable qualité sécurité de l'association témoignant avoir alerté M. [Y] sur ce sujet de la non conformité électrique et qui précise : « M. [Y] ne pouvait être qu'au courant de tous ces risques critiques et il a fait preuve de la plus grande négligence et de la plus grande irresponsabilité vis à vis des salariés et des personnes accompagnée. »

Il produit en outre un courrier des salariés de l'IME du 9 février 2018 soulignant l'implication de Mme [H], adjointe de direction de l'IME, pour faire face aux problèmes électriques constatés et mettre en 'uvre des solutions adaptées, et de l'absence de réponse de M. [Y] aux informations transmises qui ne permettait pas de résoudre les difficultés constatées.

Par ailleurs, il justifie en outre que des jeunes accueillis ont été renvoyés à leur domicile en raison d'une panne de chauffage le 02 février 2018, et de la mise en danger des salariés non habilités pour faire face à la situation.

En réponse, M. [Y] , qui au regard des pièce produites, n'est pas personnellement intervenu sur le dossier de façon efficace avant le mois de février 2018, fait valoir qu'il avait délégué ce dossier à son adjointe de direction qui n'a pas été en mesure de retenir des professionnels compétents pour effectuer les travaux qui s'avéraient nécessaires.

Il ressort cependant de la lettre de Mme [H], adjointe de direction sur cet IME, adressée à la direction générale le 8 février 2018, ainsi que des nombreux mails et alertes adressés par elle à M. [Y] sur la dégradation de l'installation électrique de la structure, que ce dernier bien qu'informé de la gravité de la situation, et auquel les divers devis et propositions de travaux avaient été transmis, ne s'est pas impliqué efficacement dans le dossier, et n'a pas mis en 'uvre les mesures urgentes et adéquates à la mise en conformité du site.

Il en découle que le grief lié aux manquements de M. [Y] sur le suivi des installations électriques est établi.

2)Sur les manquements graves au fonctionnement régulier de l'instance des délégués du personnel dont M. [Y] avait la responsabilité, constatés à l'issue du contrôle interne diligenté par l'association :

Le Directeur Général, régulièrement interpellé par les élus du pôle IME SESSAD , a diligenté en février 2018 un contrôle interne sur la tenue des registres des délégués du personnel de l'association.

Les résultats de ce contrôle remis à la direction générale le le 14 mars 2018 ont fait apparaître les éléments suivants :

défaut d'organisation des réunions mensuelles DP et inexistence de convocation formelle : seulement 4 réunions sur 12 au maximum ont été organisées.

Inexistence mauvaise tenue du registre spécial DP : aucun registre n'est tenu pour l'IME de [6] et l'IME de Cenne Monestiés . Sur les autres établissements la tenue n'était pas conforme

Défaut total et/ou non respect du délai de réponse aux questions des délégués du personnel et/ou lorsque les réponses sont données, elles sont incomplètes et/ou partielles et/ou peu claires : il apparaît à de nombreuses reprises des mentions du délégué du personnel pointant le défaut de réponse ou les réponses tardives de M. [Y].

Les dispositions du code du travail imposent la tenue d'une réunion mensuelle avec les délégués du personnel lesquels doivent être convoqués à cette réunion, l'obligation de répondre aux questions posées sur le registre dans les 6 jours , et l'obligation de tenir un registre à cet effet.

M.[Y], qui ne fait qu'évoquer sa surcharge de travail, n'apporte aucune justification aux manquements constatés, de sorte que le grief est établi.

3)Sur le non respect des échéances fixées pour le retour diagnostic CPOM et le non respect des subdélégations consenties à sa directrice adjointe :

Il appartient annuellement aux directeurs de définir les budgets propres à leur établissements et les objectifs sur les prochaines années.

Dans la perspective de la signature d'un contrat pluriannuel d'objectif et de moyens(CPOM) M.[Y] a été sollicité par son employeur plusieurs années à l'avance afin d'établir un diagnostic et identifier ses besoins en terme de projets d'investissement, de travaux, modification d'organisation afin d'améliorer le fonctionnement des établissements et services...

En ce sens, l'employeur justifie que

la direction générale a sollicité M. [Y] par courrier du 26 octobre 2016 lui demandant d'anticiper et relever ses besoins visant à résoudre les questions relatives à l'évolution des métiers, des emplois, compétences....

dans un mail du 4 avril 2017 adressé au directeur général, M. [Y] une réunion préparatoire relatives aux nouveaux objectifs du CPOM

un mail de M. [V] Directeur Général adjoint en date du 2 novembre 2017 dans lequel est évoqué la nécessité de transmettre des diagnostics et évolutions envisagées pour chaque établissements- un PV de la réunion CODIR du 13 décembre 2017 au cours de laquelle est rappelé la réunion de l'ARS du 8 janvier 2018.

un mail de rappel de M. [K] du 21 décembre 2017 .

Or, M. [Y] n'a transmis aucun élément à la direction générale lors de la réunion du 8 janvier 2018.

M.[Y] énonce avoir adressé à M. [K] un diagnostic préparatoire très complet par mail du 07 janvier 2018. Or, ce mail fait état de documents établis dans les établissements et services qui seraient à la disposition du siège, sachant qu'il précise : « les diagnostics différenciés de chacun des établissements et services qui constituent le pôle IME/SESSAD sont tous préétablis dans de nombreux documents de travail... ». Il apparaît cependant que ces « diagnostics différenciés » n'ont pas été transmis à la direction générale et que M. [Y] n'établit pas même la réalité de leur existence.

Par ailleurs, M. [Y] n'établit pas que c'est grâce à la transmission de documents de synthèse à sa directrice adjointe que cette dernière a finalement été en mesure de transmettre le diagnostic sollicité le 05 avril 2018.

Il en découle que le grief est établi.

4)Sur le non-respect des consignes sur l'utilisation des véhicules de l'association

l'employeur reproche à M. [Y] d'avoir utilisé les véhicules de l'association pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail alors qu'il lui a clairement été rappelé le 21 novembre 2017 que les véhicules ne devaient être utilisés que dans le cadre des déplacements professionnels en précisant expressément que les déplacements domicile-lieu de travail n'étaient pas des déplacements professionnels.

M. [Y] ne conteste pas la réalité des faits, et précise que la direction lui a toujours permis de rentrer chez lui avec le véhicule de service, sans toutefois en justifier.

Il en découle que le grief est établi.

Il ressort de ces éléments objectifs que le défaut de diligence de M. [Y] dans la gestion de la défaillance du système électrique d'un établissement dont il était responsable, ses manquements graves liés au fonctionnement régulier de l'instance des délégués du personnel , le non respect des échéances fixées pour la transmission de diagnostics ainsi que le refus de se plier aux consignes de la direction quant à l'utilisation des véhicules de l'association justifient que le licenciement soit prononcé pour cause réelle et sérieuse.

La décision sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a constaté la nullité du licenciement et prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail qui n'était sollicité par aucune des parties.

Il convient en outre de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de débouter M. [Y] de toutes ses demandes indemnitaires consécutives à la rupture du contrat de travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il convient de condamner l'APAJH Aude à verser à M. [Z] [Y] la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Carcassonne le 16 décembre 2020, sauf en ce qu'il a reconnu l'existence d'un harcèlement moral et d'un manquement à l'obligation de sécurité;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés;

Dit que le licenciement de M. [Z] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse;

Rejette les demandes indemnitaires de M. [Z] [Y] subséquentes à une rupture abusive ou irrégulière du contrat de travail;

Condamne l'APAJH Aude à verser à M. [Z] [Y] une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

Condamne l'APAJH Aude à verser à M. [Z] [Y] une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité;

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires;

Condamne l'APAJH Aude à verser à M. [Z] [Y] une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne l'APAJH Aude aux dépens.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00300
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.00300 ?
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